Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, sur les propositions du RPR sur les retraites, la politique de l'emploi et la nécessité d'inventer de nouveaux rapports entre l'Etat et les partenaires sociaux, Paris le 16 décembre 2000.

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Circonstance : Convention du monde du travail au siège du RPR à Paris, le 16 décembre 2000

Texte intégral

Mes chers Compagnons,
Je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui dans ces nouveaux locaux qui constituent désormais votre maison et plus particulièrement dans cette salle dont l'équipement témoigne de la volonté de modernisation de notre Mouvement.
Je tiens tout particulièrement à remercier Marie-Michèle BATAILLE et son équipe mais également les différents présidents de sections professionnelles et d'entreprises qui, depuis plus d'un an, travaillent comme toujours en véritables laboratoires d'idées pour l'ensemble du RPR.
Il m'arrive fréquemment, lorsque je quitte mon bureau le soir de constater que telle ou telle section est en réunion et même si je n'ai pas toujours la possibilité de pousser la porte et de vous saluer, sachez que j'ai conscience du travail qui est réalisé.
Je sais que vous avez à cur cette dignité de l'homme qui pour nous passe par une interrogation permanente sur les rapports sociaux au sein de l'entreprise. C'est dans cet esprit que le Rassemblement Pour la République, fidèle à cette vision gaulliste de la société, souhaite développer ses sections professionnelles ou d'entreprises, véritable cellule de réflexions et de propositions. Cette réalité se traduit par le poids des adhérents des sections professionnelles, qui représentent 1 militant RPR sur 5, je tenais à le rappeler.
Avec vous, il nous appartient de faire entendre notre voix. Cette voix, ce n'est pas celle du libéralisme pour le libéralisme, celle du social pour le social, celle de l'Europe pour l'Europe qui serait une panacée ; c'est celle qui a le soucis de l'homme, de son épanouissement dans son environnement, à commencer par son environnement de travail.
Le retour de la croissance a changé les termes du débat social.
Les salariés attendent de voir reconnu leur rôle dans l'entreprise à travers de nouveaux types de contrat de travail intégrant intéressement et participation. Il faut reconnaître et favoriser, en la récompensant, la responsabilisation des salariés. Il faut rendre à chacun le goût de l'initiative en récompensant les efforts, l'imagination et la réussite, j'ai bien dit réussite ce n'est pas une honte.
Les Français attendent de leur entreprise qu'elle soit un lieu d'épanouissement et non un lieu d'aliénation. Jusqu'à présent, toutes les avancées en ce domaine ont été acquises par le Mouvement gaulliste, on l'oublie trop souvent. Les conceptions socialistes de Lionel JOSPIN sur la participation, on l'a vu lors du débat sur l'épargne salariale, réintroduisent une forme larvée de lutte des classes par une confrontation au sein de l'entreprise.
Nous avons un devoir : proposer une vision alternative à cette vision archaïque.
Je souhaiterais, à travers trois exemples, qui touchent directement les Français, témoigner de notre capacité de réaliser. Ces trois sujets sont les retraites, l'emploi et les rapports sociaux.
I) Retraites : Liberté individuelle mais garanties collectives
Le 20 ème siècle a été celui de l'émergence, puis de la consolidation, de l'enrichissement des garanties collectives, avec, notamment, des systèmes de protection sociale incarnant une solidarité face aux risques sociaux. C'est un progrès formidable dont il faut conserver les acquis, dans l'intérêt des Français, dans l'intérêt de la cohésion sociale, mais dans l'intérêt aussi de l'économie française. Ces systèmes sont menacés parce qu'ils sont onéreux et également parce qu'ils n'ont pas su se réformer.
Ils sont également menacés parce qu'ils n'ont pas assez su prendre en compte les individus et en sont resté à une approche collective et, par là, uniformisatrice. C'est le cas de nos régimes de retraite, trop rigides au regard de la diversité des aspirations individuelles. Une fois de plus, ce dossier fait l'objet, de la part de la gauche, d'a priori idéologiques d'un autre temps. Comment expliquer autrement son refus de favoriser le développement de fonds de retraites indispensables, à la fois pour garantir à ceux qui le souhaitent un complément de retraites et pour mieux asseoir la santé économique de nos entreprises ?
Comment justifier leur refus d'instituer, au profit des salariés, un avantage fiscal sur l'épargne retraite ?
Comment expliquer ce que le gouvernement juge bon pour les fonctionnaires - la PREFON - il en refuse l'accès aux salariés du privés ?
Oui, nous croyons que la répartition, expression de la solidarité et de la cohésion sociale, est indispensable. Mais nous sommes aussi convaincus que l'on doit laisser les Français qui veulent se doter individuellement d'un complément de retraite.
Je suis également attachée à la proposition d'instituer beaucoup plus de souplesse dans notre système, en développant toutes les formes de progressivité dans les départs, mais aussi en facilitant la vie de ceux qui ont choisi d'alterner activité et inactivité. Dans bien des cas, le système de retraite, mais également l'Etat, n'ont fait que cautionner, voire encourager, des comportements des entreprises souhaitant se séparer de leurs salariés expérimentés avant même qu'ils aient atteints l'âge de la retraite. Cela arrange l'Etat qui croyait y puiser un surcroît d'emplois disponibles. L'Etat dépense des milliards de francs pour financer des pré-retraites, certes parfois choisies, mais parfois également entièrement subies par les salariés.
II) Le deuxième exemple de nos propositions alternatives concerne la Politique de l'emploi : une inefficacité camouflée par une conjoncture favorable
" Une réduction du temps de travail bien conduite peut créer des centaines de milliers d'emplois ". Tel était l'exposé des motifs lorsque le gouvernement a fait adopter les 35 heures. Martine AUBRY nous avait annoncé 450 000 emplois créés.
Quel est la réalité aujourd'hui de toutes ces belles promesses ?
Le taux de chômage est revenu à 9,4 % de la population active, c'est-à-dire 430 000 demandeurs d'emplois en moins. Mais ces créations d'emplois correspondent, en réalité, aux effets de la reprise de la croissance économique ou de la création d'emplois précaires dans la fonction publique, que sont les emplois jeunes.
Le gel des salaires, la réduction du pouvoir d'achat des français qui en découle, paradoxale et injuste en période de croissance, les difficultés rencontrées dans sa mise en application, les récents mouvements de grève dans tous les secteurs d'activités, témoignent de l'erreur de fond commise par le Gouvernement dans cette affaire.
Comment comprendre que notre pays compte, d'un côté 2,2 millions de chômeurs et que, de l'autre, des milliers d'entreprises rencontrent des difficultés à embaucher. En octobre dernier 52 % des chefs d'entreprises étaient confrontés à des difficultés de recrutements, (ils étaient 29 % dans ce cas en 99 et 15 % en 97).
Tous les secteurs d'activités sont concernés, bâtiments comme informatique, travaux public comme mécanique. Les difficultés de recrutements de personnels qualifiés empêchent pour certains d'entre eux, près de la moitié des entreprises de ce secteur d'accroître leur activité. L'ANPE estime à 400 000 le nombre d'offres d'emplois qui ne sont pas satisfaites.
L'atelier de l'alternance que nous avons organisé avec nos partenaires de l'UDF et de Démocratie Libérale, consacré aux freins à l'emploi, a permis d'explorer différentes propositions. Je citerai trois pistes qui me semblent intéressantes à étudier :
La priorité du salaire direct, la baisse du coût du travail par un allégement des cotisations sociales, l'incitation à la reprise de l'emploi.
Aujourd'hui, aucune étude n'a pu démontrer que le partage de l'activité, qu'il s'agisse de pré-retraites ou de réduction du temps de travail, était générateur d'emplois. Il semblerait, au contraire, qu'au mieux, ces mesures n'aient aucun effet et, qu'au pire, elles soient responsables de la destruction de l'emploi. De manière générale, nous devons mettre fin à un Etat souffrant d'un interventionnisme. Nous devons pousser à une décentralisation des modes d'interventions des politiques sociales ; Les politiques de proximité sont souvent moins chères et plus efficaces et plus respectueuses des hommes.
III)Troisième et dernier exemple de nos propositions : il nous faut inventer des nouveaux rapports entre l'Etat et les partenaires sociaux.
Nouvelle économie, nouvelles technologies de l'information et de la communication, nouveaux rapports du salarié avec l'entreprise, et de l'entreprise avec le salarié, nouveau dialogue social : même si l'on ne veut pas céder à l'appel inflationniste du nouveau à tout prix, il reste qu'aujourd'hui, tout le monde a le net sentiment que nous sommes au début d'un processus qui, à terme, bouleversera la société tout entière.
En France, cette effervescence prend une forme particulière, et notre société, prise par ses turbulences, manifeste en même temps deux désirs qui ne sont peut-être contradictoires qu'en apparence : le désir de liberté, y compris dans le monde du travail, et concomitamment l'espérance de protection contre les injustices par l'Etat.
Cette attente sociale, ce frémissement du monde du travail, le moins que l'on puisse dire est que le gouvernement n'y répond pas, occupé qu'il est, apparemment, à parasiter les rapports sociaux pour y mettre son empreinte, guidé par deux muses obscures, Idéologie et Technocratie.
Tout se passe comme si, en réalité, pris entre une gauche prétendument moderniste (et qu'il vaudrait mieux appeler, sans doute, opportuniste) et la vraie gauche, la gauche conservatrice et rétrograde, le gouvernement n'avait pas saisi réellement à quel point la société a évolué, et à quel point, s'il veut redevenir efficace. L'Etat doit encore se réformer. L'Etat providence, dans notre pays, a longtemps été le seul modèle politiquement correct. Il se caractérisait, entre autres, par un renforcement de la relation entre l'Etat et l'individu au détriment du développement des médiations sociales, toujours considérées avec suspicion.
Aujourd'hui, un Etat moderne et modeste doit fixer le cadre général de la loi, se donner les moyens de prévoir les grandes évolutions sociales, et évaluer précisément, en termes qualitatifs, les politiques menées sur l'ensemble du territoire.
Dans ce domaine, en effet, l'Etat devrait accepter de se concentrer sur la nécessité de fixer les grands cadres généraux du droit, en laissant plus de champ aux partenaires sociaux - qui l'ont si bien compris, d'ailleurs, qu'ils ont décidé d'eux-mêmes d'engager les débuts de la refondation sociale.
Aux partenaires de travailler ensemble sur le terrain. Le triangle d'or Etat / organisations patronales / syndicats est amené à se transformer. Ceci passe très certainement par une relégitimation en profondeur de l'action des syndicats. Nous travaillons en ce sens à l'élaboration d'une proposition de loi concrète en liaison avec le groupe animé par notre ami le Sénateur Gérard LARCHER ;
Ainsi, notre conception de l'Etat est volontariste, encore et toujours : mais c'est un volontarisme de la modestie. Cette modestie d'un Etat recentré sur ses missions n'est pas un libéralisme camouflé ; elle est un vecteur d'efficacité, elle contient en germe le projet d'un nouvel Etat.
Elle favorisera aussi l'émergence de relations sociales contractuelles retrouvées.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Chers Compagnons, les quelques thèmes que j'avais à cur de développer devant vous afin d'apporter ma pierre à votre journée de travail.
Je vous en remercie.
(source http://www.rpr.org, le 8 janvier 2001)