Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les progrès de l'Europe de la défense, les restructurations dans l'industrie européenne de défense, la coopération européenne en matière de choix d'armement, l'OCCAR et la préparation de la loi de programmation militaire, Paris le 23 janvier 2001.

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Circonstance : 8èmes rencontres parlementaires "Paix et défense", "Une programmation militaire pour l'Europe", Paris le 23 janvier 2000.

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
C'est une satisfaction pour moi d'ouvrir les discussions que vous allez avoir autour d'un thème qui me semble aujourd'hui essentiel, celui de la programmation militaire européenne. Après les progrès spectaculaires réalisés dans la constitution d'une Europe de la défense depuis trois ans, et notamment après les succès de la présidence française, il est plus que jamais nécessaire de donner de nouvelles impulsions pour continuer d'aller de l'avant. Comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises à la représentation nationale, je suis heureux qu'elle s'investisse dans cette tâche essentielle, et cette journée en est un signe parmi d'autres.
Centrées autour de l'objectif à long terme que constitue une programmation militaire européenne, vos discussions traiteront d'une question qui me paraît essentielle pour le développement et la crédibilité d'une Politique européenne de sécurité et de défense. La coordination des choix d'armement des pays européens est pour nous un objectif central, parce que c'est elle qui fait le lien entre les deux dynamiques à l'uvre aujourd'hui en Europe, la dynamique politique et la dynamique industrielle.
- Les progrès de l'Europe de la défense
La dynamique politique, c'est celle qui nous a conduit depuis trois ans à des progrès considérables dans l'organisation de l'Europe de la défense .
A Cologne, puis à Helsinki, les Européens ont pris l'engagement politique de se donner les moyens de jouer pleinement leur rôle sur la scène internationale, et d'assumer leurs responsabilités face aux crises, y compris militairement, de manière pleinement autonome. Grâce au travail accompli cette année, ces objectifs politiques ont désormais une traduction concrète, à tous les niveaux nécessaires à leur mise en uvre.
Depuis mars 2000, les instances de décisions fonctionnent de manière très satisfaisante, et le Sommet de Nice a adopté les textes définissant les structures définitives du comité politique et de sécurité, du comité militaire et de l'Etat major européens.
En ce qui concerne les capacités, élément central de la dynamique européenne en matière de défense, la conférence d'engagement de forces tenue à Bruxelles le 20 novembre dernier a été une étape décisive. Nous avons pris les moyens de traduire en termes techniques et militaires les objectifs de capacités fixés au niveau politique à Helsinki. Chaque pays a déterminé la contribution précise qu'il apportait à la force européenne de réaction rapide. Enfin, nous avons identifié les efforts qui demeurent nécessaires pour atteindre tous les objectifs fixés pour 2003 et au delà, pour mettre l'Union en mesure d'intervenir dans la gestion des crises sur l'ensemble du spectre de Petersberg.
- Les restructurations de l'industrie européenne de défense
Parallèlement à cette dynamique politique, une dynamique industrielle a bouleversé en trois ans le paysage de l'industrie de défense en Europe. En décembre 1997, les chefs d'Etat et de gouvernement français, britannique et allemand demandaient, dans une déclaration commune, une consolidation de l'industrie aéronautique et de défense en Europe. Le bilan est aujourd'hui très largement positif : l'industrie européenne de défense est déjà une réalité. Elle a su se structurer autour de trois grands groupes (EADS, Thalès et BAe Systems), qui développent des liens importants entre eux et avec des industriels d'autres pays européens.
Nos groupes européens ont désormais la taille suffisante pour rivaliser avec les meilleurs mondiaux, en particulier les groupes américains, et pour financer de nouveaux projets technologiques ambitieux.
- La nécessaire coordination des choix d'armement
Dans ce contexte, la coopération en matière d'armement revêt une importance cruciale.
Elle est d'abord un facteur essentiel de la crédibilité des Européens en matière de défense. Pour pouvoir opérer ensemble, avec la plus grande efficacité, les armées européennes devront être équipées de matériels conçus et produits en communs, faute de quoi subsisteront à la fois des doublons superflus et des lacunes capacitaires dans certains domaines. En matière de préparation de l'avenir, en particulier, nous ne pouvons plus nous permettre de fournir des efforts faibles et séparés, faute de quoi nous risquons de graves atteintes à notre autonomie stratégique.
Cette coordination est également rendu nécessaire par les restructurations intervenues dans l'industrie européenne de défense. Elle est indispensable pour permettre la consolidation des grands groupes qui viennent de se constituer. Il importe en même temps que les Etats s'unissent face à des sociétés transnationales qui seront de plus en plus puissantes, pour rationaliser leurs besoins et obtenir un abaissement des coûts des équipements.
- Les succès des programmes en coopération et la montée en puissance de l'OCCAR
Depuis trois ans, les Etats européens ont déjà atteint des résultats importants en matière de coopération et de coordination des choix d'armement.
En 2000, les nombreux succès en matière de programme en coopération ont témoigné de la volonté des Etats européens de progresser dans cette voie. Sept d'entre eux ont choisi l'avion de transport militaire A 400 M, proposé par Airbus. Ce programme, très structurant pour l'industrie européenne, crée les conditions d'une flotte européenne de transport commune et cohérente, et renforce ainsi la crédibilité de la Politique européenne de sécurité et de défense. Il en va de même de la commande de quatre frégates franco-italiennes Horizon, de la commande de deux systèmes PAAMS, de celle des hélicoptères NH 90, et de la confirmation de la participation au programme METEOR.
L'année 2000 a également été celle de la ratification du traité sur l'OCCAR. Appelée à devenir une véritable agence européenne de l'armement, l'OCCAR opère aujourd'hui sa montée en puissance. Il s'apprête à accueillir de nouveaux membres et à intégrer de nouveaux programmes. C'est lui qui passera le contrat de l'avion de transport du futur.
- Le catalogue de capacités
Mais cette étape indispensable n'est pas suffisante : l'OCCAR est un outil de gestion des programmes, et c'est d'une harmonisation des besoins et d'une coordination des décisions dont nous avons maintenant besoin.
Nous disposons aujourd'hui de l'outil qu'il nous fallait pour aller plus loin : c'est le catalogue de capacités, élaboré pendant la présidence française, et approuvé par le sommet de Nice. Ce document de plus de 300 pages identifie de façon très rigoureuse les capacités militaires nécessaires pour assumer l'ensemble des missions de Petersberg. Comparé avec le catalogue de forces, qui prend acte des contributions de chacun des Etats membres, il fait apparaître les lacunes que les Européens doivent aujourd'hui combler pour remplir leurs engagements.
Il s'agit là d'un outil de premier ordre pour opérer le rapprochement des politiques européennes d'armement. Les Européens ont maintenant déterminé le programme de leur travail en commun, et leurs priorités. C'est maintenant une question de volonté politique : volonté de faire l'effort nécessaire pour honorer ses engagements, et volonté de le faire ensemble, en coopération.
- La préparation de la loi de programmation militaire
C'est dans cette perspective que se déroulent les travaux de préparation de la future loi de programmation militaire.
Ils sont menés avec les mêmes outils que nous avons adoptés au niveau européen, c'est-à-dire avec une approche capacitaire, par systèmes de forces : dissuasion, capacités C3R, projection, action dans la profondeur, préparation des forces, maîtrise des milieux aéroterrestre, aéromaritime et aérospatial, et enfin maîtrise des technologies.
La France, qui a déjà apporté une contribution très significative au réservoir des forces, entend poursuivre son effort, et exercer un effet d'entraînement pour combler les lacunes européennes. Elle entend donc porter son effort sur les priorités européennes, et développer des projets nationaux et multinationaux ambitieux, à la mesure du rôle qu'elle entend jouer au sein de l'Europe de la défense. Ce sera le cas en particulier dans les domaines cruciaux que sont le commandement - conduite - communication - renseignement, ainsi que le transport stratégique.
- Conclusion
J'ai voulu que la préparation de la future loi de programmation militaire soit une étape vers la fondation d'une véritable programmation militaire européenne. Bien entendu, nous sommes encore loin de cette programmation européenne. Mais je crois que la démarche à la fois volontaire et pragmatique qui est la nôtre a fait ses preuves, non seulement depuis trois ans, mais depuis cinquante ans, depuis les débuts de la construction européenne.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 janvier 2001)