Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur France 2 le 29 novembre 2000, sur les intérêts divergeants du PS d'une part et du PCF et des Verts d'autre part, sur son opposition au travail de nuit des femmes et à l'inversion du calendrier électoral en 2002.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. David Ce matin, Le Parisien annonce que vous allez quitter le Gouvernement pour mener campagne pour les municipales à Béziers ?
- "Cela aurait pu être une blague de 1er avril, mais il n'en est pas question - mais évidemment, tout ne dépend pas de moi -, il faut aller jusqu'au bout, continuer le travail qui a été engagé avec cette majorité plurielle, et je suis plus que jamais déterminé à participer à ce travail."
Vous tordez donc le cou à ce petit papier, à cette rumeur ?
- "Je ne sais pas d'où cela vient, c'est une blague sûrement. Peut-être est-ce pour dire que je vais aussi me consacrer à l'élection à Béziers, ce qui est vrai. Mais je sens en capacité de faire les deux."
Même après ce qui s'est passé cette nuit ? On discutait de l'autorisation du travail de nuit des femmes et cela a été adopté avec les seules voix socialistes ; le Parti communiste, les Verts, le MDC ayant voté contre. Cela n'arrive que peu fréquemment. Autre débat en ce moment dont on parle beaucoup, celui du calendrier électoral : L. Jospin voudrait que la présidentielle intervienne avant les législatives ; et le PC, là encore, est contre. On se dit qu'à force d'être contre, jusqu'où allez-vous aller avec les socialistes ?
- "Le travail de nuit des femmes est une vraie question, il ne faut pas s'y tromper. Nous étions dans une situation différente avec l'Europe qui nous accusait pratiquement de discrimination, parce que la protection sociale, pour les femmes, était plus importante dans notre pays. L'opposition qui s'est manifestée à cette mise en conformité avec la politique européenne, est une opposition pour dire qu'il ne faut surtout pas que les avantages obtenus en ce qui concerne les femmes et le travail de nuit soient remis en cause."
Vous votez contre mais ce n'est pas grave ?
- "Il ne faut pas dire que ce n'est pas grave. Mais nous sommes dans une majorité plurielle, il faudra s'y faire : tout le monde ne pense pas la même chose !"
Cette nuit, la majorité n'était pas plurielle, elle était simplement socialiste ! Sur le calendrier électoral, elle sera probablement uniquement socialiste - on parle même d'une alliance avec l'UDF.
- "Sur le calendrier électoral, les communistes ont dit au moment du référendum, qu'il fallait faire attention car avec le quinquennat sec, il y a le risque de présidentialisation. Comment ne voulez-vous pas qu'une modification du calendrier électoral soit interprétée justement comme une aggravation de ce risque de présidentialisation ? C'est pour cela que le groupe communiste s'est exprimé en disant son opposition à cette modification. Mais nous allons débattre de cela, et puis il y a un parlement ! Mais ne vous y trompez pas : l'idée que la gauche doit travailler ensemble - y compris dans sa diversité, comme c'est le cas aujourd'hui- à la solution des problèmes du pays, demeure plus vivace que jamais, et il faut s'y tenir fermement."
Vous êtes toujours pour l'instant un ministre heureux ?
- "Je suis un ministre décidé."
Vous venez de publier un ouvrage - "Sur ma route" - où vous retracez votre apprentissage en tant que ministre. Quand on vous lit, on a l'impression que vous avez beaucoup appris, que vous avez encore envie de continuer longtemps. Qu'est-ce que cela vous apporte personnellement d'être ministre ? Avez-vous l'impression de travailler pour vous, de travailler pour les autres, pour votre parti,
pour la majorité ?
- "Quand on travaille pour les autres, on travaille pour soi. J'utilise souvent cette formule et je l'ai reprise dans mon livre : quelqu'un qui n'apprend plus rien des autres commence à mourir. Il y en a qui commence à mourir jeune, on le voit tous les jours autour de soi. On travaille pour les autres et on travaille pour soi en même temps : on s'enrichit, on connaît les problèmes, on travaille à les résoudre ; il y a le problème de la sécurité maritime, le problème des conflits dont je parle dans mon livre - y compris avec des anecdotes particulières... Mais il y a surtout tout ce travail pour changer la donne dans notre pays. Je pars de l'idée que la politique doit servir à quelque chose. Nous ne sommes pas impuissants, ce ne sont pas des technocrates qui décident - comme on le dit à Bruxelles ou ailleurs -, ce sont des politiques qui décident. Tout ce qui se fait est dû à des décisions politiques. On n'est pas impuissant, il suffit qu'il y ait la volonté politique. Et si l'on veut réconcilier la politique, les hommes et les femmes politiques avec les citoyens, il faut être près des problèmes, s'efforcer de les résoudre, écouter les gens et les faire participer."
Avez-vous l'impression que vous avez encore suffisamment de marge de manoeuvre, et que cela durera jusqu'aux législatives qui seront probablement plus tardives que prévu ?
"Rien n'est fait, rien n'est décidé ! Le Premier ministre, le Parti socialiste, avancent une opinion ; c'est leur affaire, c'est normal. Mais après, il y a le débat qui va intervenir. En dans tous les cas, législatives et présidentielle, je n'ai qu'une envie : c'est que les idées de progrès, la gauche plurielle, l'emportent dans les deux cas, pour que nous puissions poursuivre le travail. Parce qu'il reste beaucoup à faire pour la justice sociale, pour le plein emploi, contre les inégalités et pour des droits nouveaux pour les travailleurs et pour les citoyens."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2000)