Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
En m'adressant à vous, j'ai conscience de participer à une évolution marquante de la vie de l'Europe, puisque je crois que c'est la première fois qu'un ministre de la défense s'adresse à votre Parlement. Le 24 octobre, j'ai fait le point sur l'avancement de l'Europe de la défense devant votre commission des Affaires étrangères, des Droits de l'Homme, de la sécurité commune et de la politique de défense. Je suis heureux de poursuivre cette démarche en vous exposant aujourd'hui les résultats de notre conférence d'engagement de capacités du 20 novembre dernier.
Je voudrais, en commençant, partager la formulation de votre résolution du 21 novembre relative à la politique européenne de sécurité et de défense. Cette politique, dites-vous, n'a pas pour ambition de concurrencer l'Alliance atlantique, qui reste aujourd'hui le fondement de la défense collective de ses membres, ou de mettre sur pied une armée européenne permanente. La Présidence et, je crois, l'ensemble des gouvernements, partagent cette appréciation.
Notre objectif est d'acquérir d'ici 2003 la capacité de faire agir nos armées ensemble pour accomplir les missions de Petersberg, lorsque le Conseil européen décide de lancer une opération militaire sous la responsabilité de l'Union. Dans le domaine important des capacités militaires, nos Etats s'étaient fixé à Helsinki l'objectif global d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer en 60 jours et de soutenir pour au moins un an des forces pouvant atteindre le niveau d'un corps d'armée, c'est-à-dire 60.000 soldats. Ces forces devaient être militairement autosuffisantes et dotées des capacités nécessaires de commandement, de contrôle, de renseignement et d'autres unités d'appui, ainsi que de leur accompagnement aérien et naval. Nos Etats membres avaient également décidé, toujours au Conseil d'Helsinki, il y a un an, de déterminer rapidement des objectifs collectifs de capacités en matière stratégique.
Les Quinze ont mené à bien le difficile travail de traduction, en termes militaires et techniques, de ces objectifs. Je veux souligner la qualité du travail entièrement nouveau effectué par les experts militaires de nos Etats, sous l'autorité de l'organisme militaire intérimaire, mis en place au mois de mars seulement. Je veux aussi souligner la réalité et l'efficacité de la coopération avec l'Alliance atlantique, qui nous a permis un échange fructueux sur le développement de ces nouvelles capacités. Nous avons donc maintenant des documents de planification militaire détaillés qui viennent d'être adoptés par le Conseil Affaires générales.
D'une part, le catalogue de capacités, c'est-à-dire un document de 300 pages qui identifie de manière rigoureuse les capacités militaires reconnues nécessaires par notre Union en vue d'assurer l'ensemble des missions de Petersberg. Je vous en rappelle la variété : aide humanitaire, évacuation de ressortissants, prévention de conflits, mais aussi séparation par la force de parties belligérantes. Nous avons ce catalogue des capacités. Il est approuvé par l'ensemble de l'Union. Nous avons aussi maintenant un catalogue de forces qui prend acte des offres de contributions volontaires de chacun des Etats membres. Ces contributions, confirmées par les Quinze lors de la conférence du 20 novembre, constituent un réservoir de plus de 100.000 hommes, d'environ 400 avions de combat et 100 bâtiments navals. Ces contributions permettent donc, sur un plan quantitatif, de répondre pleinement à l'objectif global défini par le Conseil.
Je voudrais donner deux précisions sur ces chiffres, qui pourraient bien sûr être poursuivis de bien d'autres chiffres, mais je souhaite être concis. Ces chiffres concernent un dispositif destiné à être maintenu pour une opération de l'Union européenne pendant au moins un an, ce qui signifie que chaque nation dispose, par rapport à sa contribution annoncée, d'une réserve permettant les relèves nécessaires. D'autre part, si j'ai mentionné le chiffre de 100.000 militaires, cela ne signifie pas que nous ambitionnons de dépasser l'objectif fixé à Helsinki, mais que nous avons une réserve en qualifications et en spécialités différentes qui permet de garantir que les 60.000 hommes de l'objectif du Conseil seraient atteints quelles que soient les conditions opérationnelles de leur emploi.
Je voudrais, d'un mot, commenter ces chiffres pour souligner que, si l'Union européenne a pris la décision de se doter de capacités, elle ne peut pas le faire dans la fiction. Ces capacités doivent être solides, doivent être crédibles, parce que chacun, ici, peut imaginer, j'en porte témoignage par expérience personnelle, que lorsqu'une autorité politique démocratique, face à une situation de violence qu'elle ne peut pas laisser sans réaction, lorsqu'une autorité politique démocratique décide de mettre en oeuvre la force, elle ne peut pas se payer le luxe de faire un pari. Elle doit être sûre de la crédibilité de ses forces.
Le résultat de cette conférence d'engagement va plus loin que le catalogue que je viens d'évoquer. Nous avons en effet pris un accord pour poursuivre un travail d'amélioration qualitative de ces forces. Les Etats membres se sont engagés sur des efforts portant sur le moyen et le long terme pour renforcer leurs capacités aussi bien opérationnelles que stratégiques.
Nous nous sommes engagés en particulier, dans le cadre des réformes en cours de nos forces armées auxquelles faisait référence Mme Lalumière à l'instant, à poursuivre le renforcement de nos capacités propres et coordonner les projets existants mettant en oeuvre des solutions nationales ou multinationales pour renforcer les performances de nos forces. Il s'agit en particulier d'améliorer la rapidité de déploiement, la capacité de durée et la capacité de coordination, ce que nous appelons l'interopérabilité des forces européennes. Il s'agit de renforcer nos capacités stratégiques, en particulier la mobilité stratégique, pour acheminer rapidement les forces nécessaires sur un terrain d'intervention, les états-majors pour commander et contrôler les forces, les moyens pour les renseigner.
Enfin, nous souhaitons renforcer certaines capacités d'actions opérationnelles des forces des Européens. Ont été identifiés en particulier la recherche et le sauvetage de combat, les instruments de défense contre les missiles sol-sol, les armes de précision, le soutien logistique. Vous retrouverez là une grande partie des suggestions avancées dans votre résolution du 21 novembre.
Je voudrais faire un autre commentaire sur ce projet global d'amélioration des capacités européennes. Certains le commentent comme illustrant des déficiences et des faiblesses des Européens. Mais j'observerai que ces déficiences et ces faiblesses existent de longue date, que jusqu'à présent personne, politiquement, ne s'en préoccupait, en tout cas au niveau européen. Le mouvement que nous avons engagé a permis aux Européens d'assumer leurs responsabilités, de regarder vers l'avenir, l'utilisation possible de leurs forces au service d'objectifs politiques démocratiques, et de prendre des résolutions sur des sujets qui étaient restés dans l'ombre pendant bien des années.
C'est donc une nouvelle dynamique qui est lancée sur la base d'une démarche de volonté politique de nos Etats membres.
Elle sera crédible si elle s'inscrit dans la durée. C'est pour cela que nous avons adopté un mécanisme de suivi et d'évaluation qui sera approuvé par le Conseil de Nice. Ce mécanisme nous permettra de mesurer nos progrès. Il se fonde bien sûr sur l'autonomie de décision de l'Union européenne et sur la reconnaissance du caractère volontaire et politique des engagements pris. Il permettra donc de comparer les engagements des Etats membres avec leurs décisions ultérieures et je pense qu'il encouragera ou incitera les gouvernements à prendre les décisions appropriées.
Comme vous pouvez le constater, les Européens sont décidés à poursuivre un effort durable pour donner sa crédibilité à l'Europe de la défense. Cela passe par une mise en oeuvre rapide des décisions prises. Nos quinze nations se sont fixé comme objectif de rendre la Force opérationnelle, je le rappelle, dès 2003. Notre souhait est que les organes permanents soient mis en place le plus rapidement possible après le Conseil de Nice. Il faudra, en 2001, et ce sera le travail de nos amis de la présidence suédoise, rendre le système opérationnel, en particulier l'état-major de l'Union européenne. Il lui faudra disposer rapidement de ses installations propres et de procédures valides. D'ici à 2003, lorsque les organes institués seront en mesure d'assumer leurs fonctions, l'Union européenne sera graduellement capable d'accomplir certaines des missions de Petersberg. Voici, en quelques remarques nécessairement concises et donc incomplètes, pour suivre les règles de votre Assemblée, le point que l'on peut faire aujourd'hui sur les réalisations concrètes dans le domaine des capacités, qui sont soit déjà approuvées, soit vont l'être, par le Conseil européen de Nice.
Permettez-moi, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, d'évoquer en quelques mots le sens politique profond, approuvé par une grande partie de nos opinions publiques, de cette tâche nouvelle par laquelle l'Europe acquiert un outil d'influence politique qui lui manquait. Cette réalisation s'appuie sur une volonté lucide des gouvernements, qui fait contraste avec les nombreuses déceptions enregistrées sur ce domaine depuis le début de la construction européenne.
Je voudrais en remercier mes collègues, ministres des Affaires étrangères et ministres de la Défense, qui ont permis cette avancée substantielle, et je remercie bien sûr le Parlement européen de son intérêt pour ce projet nouveau et majeur
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2000)
Mesdames et Messieurs les Députés,
En m'adressant à vous, j'ai conscience de participer à une évolution marquante de la vie de l'Europe, puisque je crois que c'est la première fois qu'un ministre de la défense s'adresse à votre Parlement. Le 24 octobre, j'ai fait le point sur l'avancement de l'Europe de la défense devant votre commission des Affaires étrangères, des Droits de l'Homme, de la sécurité commune et de la politique de défense. Je suis heureux de poursuivre cette démarche en vous exposant aujourd'hui les résultats de notre conférence d'engagement de capacités du 20 novembre dernier.
Je voudrais, en commençant, partager la formulation de votre résolution du 21 novembre relative à la politique européenne de sécurité et de défense. Cette politique, dites-vous, n'a pas pour ambition de concurrencer l'Alliance atlantique, qui reste aujourd'hui le fondement de la défense collective de ses membres, ou de mettre sur pied une armée européenne permanente. La Présidence et, je crois, l'ensemble des gouvernements, partagent cette appréciation.
Notre objectif est d'acquérir d'ici 2003 la capacité de faire agir nos armées ensemble pour accomplir les missions de Petersberg, lorsque le Conseil européen décide de lancer une opération militaire sous la responsabilité de l'Union. Dans le domaine important des capacités militaires, nos Etats s'étaient fixé à Helsinki l'objectif global d'être en mesure, d'ici 2003, de déployer en 60 jours et de soutenir pour au moins un an des forces pouvant atteindre le niveau d'un corps d'armée, c'est-à-dire 60.000 soldats. Ces forces devaient être militairement autosuffisantes et dotées des capacités nécessaires de commandement, de contrôle, de renseignement et d'autres unités d'appui, ainsi que de leur accompagnement aérien et naval. Nos Etats membres avaient également décidé, toujours au Conseil d'Helsinki, il y a un an, de déterminer rapidement des objectifs collectifs de capacités en matière stratégique.
Les Quinze ont mené à bien le difficile travail de traduction, en termes militaires et techniques, de ces objectifs. Je veux souligner la qualité du travail entièrement nouveau effectué par les experts militaires de nos Etats, sous l'autorité de l'organisme militaire intérimaire, mis en place au mois de mars seulement. Je veux aussi souligner la réalité et l'efficacité de la coopération avec l'Alliance atlantique, qui nous a permis un échange fructueux sur le développement de ces nouvelles capacités. Nous avons donc maintenant des documents de planification militaire détaillés qui viennent d'être adoptés par le Conseil Affaires générales.
D'une part, le catalogue de capacités, c'est-à-dire un document de 300 pages qui identifie de manière rigoureuse les capacités militaires reconnues nécessaires par notre Union en vue d'assurer l'ensemble des missions de Petersberg. Je vous en rappelle la variété : aide humanitaire, évacuation de ressortissants, prévention de conflits, mais aussi séparation par la force de parties belligérantes. Nous avons ce catalogue des capacités. Il est approuvé par l'ensemble de l'Union. Nous avons aussi maintenant un catalogue de forces qui prend acte des offres de contributions volontaires de chacun des Etats membres. Ces contributions, confirmées par les Quinze lors de la conférence du 20 novembre, constituent un réservoir de plus de 100.000 hommes, d'environ 400 avions de combat et 100 bâtiments navals. Ces contributions permettent donc, sur un plan quantitatif, de répondre pleinement à l'objectif global défini par le Conseil.
Je voudrais donner deux précisions sur ces chiffres, qui pourraient bien sûr être poursuivis de bien d'autres chiffres, mais je souhaite être concis. Ces chiffres concernent un dispositif destiné à être maintenu pour une opération de l'Union européenne pendant au moins un an, ce qui signifie que chaque nation dispose, par rapport à sa contribution annoncée, d'une réserve permettant les relèves nécessaires. D'autre part, si j'ai mentionné le chiffre de 100.000 militaires, cela ne signifie pas que nous ambitionnons de dépasser l'objectif fixé à Helsinki, mais que nous avons une réserve en qualifications et en spécialités différentes qui permet de garantir que les 60.000 hommes de l'objectif du Conseil seraient atteints quelles que soient les conditions opérationnelles de leur emploi.
Je voudrais, d'un mot, commenter ces chiffres pour souligner que, si l'Union européenne a pris la décision de se doter de capacités, elle ne peut pas le faire dans la fiction. Ces capacités doivent être solides, doivent être crédibles, parce que chacun, ici, peut imaginer, j'en porte témoignage par expérience personnelle, que lorsqu'une autorité politique démocratique, face à une situation de violence qu'elle ne peut pas laisser sans réaction, lorsqu'une autorité politique démocratique décide de mettre en oeuvre la force, elle ne peut pas se payer le luxe de faire un pari. Elle doit être sûre de la crédibilité de ses forces.
Le résultat de cette conférence d'engagement va plus loin que le catalogue que je viens d'évoquer. Nous avons en effet pris un accord pour poursuivre un travail d'amélioration qualitative de ces forces. Les Etats membres se sont engagés sur des efforts portant sur le moyen et le long terme pour renforcer leurs capacités aussi bien opérationnelles que stratégiques.
Nous nous sommes engagés en particulier, dans le cadre des réformes en cours de nos forces armées auxquelles faisait référence Mme Lalumière à l'instant, à poursuivre le renforcement de nos capacités propres et coordonner les projets existants mettant en oeuvre des solutions nationales ou multinationales pour renforcer les performances de nos forces. Il s'agit en particulier d'améliorer la rapidité de déploiement, la capacité de durée et la capacité de coordination, ce que nous appelons l'interopérabilité des forces européennes. Il s'agit de renforcer nos capacités stratégiques, en particulier la mobilité stratégique, pour acheminer rapidement les forces nécessaires sur un terrain d'intervention, les états-majors pour commander et contrôler les forces, les moyens pour les renseigner.
Enfin, nous souhaitons renforcer certaines capacités d'actions opérationnelles des forces des Européens. Ont été identifiés en particulier la recherche et le sauvetage de combat, les instruments de défense contre les missiles sol-sol, les armes de précision, le soutien logistique. Vous retrouverez là une grande partie des suggestions avancées dans votre résolution du 21 novembre.
Je voudrais faire un autre commentaire sur ce projet global d'amélioration des capacités européennes. Certains le commentent comme illustrant des déficiences et des faiblesses des Européens. Mais j'observerai que ces déficiences et ces faiblesses existent de longue date, que jusqu'à présent personne, politiquement, ne s'en préoccupait, en tout cas au niveau européen. Le mouvement que nous avons engagé a permis aux Européens d'assumer leurs responsabilités, de regarder vers l'avenir, l'utilisation possible de leurs forces au service d'objectifs politiques démocratiques, et de prendre des résolutions sur des sujets qui étaient restés dans l'ombre pendant bien des années.
C'est donc une nouvelle dynamique qui est lancée sur la base d'une démarche de volonté politique de nos Etats membres.
Elle sera crédible si elle s'inscrit dans la durée. C'est pour cela que nous avons adopté un mécanisme de suivi et d'évaluation qui sera approuvé par le Conseil de Nice. Ce mécanisme nous permettra de mesurer nos progrès. Il se fonde bien sûr sur l'autonomie de décision de l'Union européenne et sur la reconnaissance du caractère volontaire et politique des engagements pris. Il permettra donc de comparer les engagements des Etats membres avec leurs décisions ultérieures et je pense qu'il encouragera ou incitera les gouvernements à prendre les décisions appropriées.
Comme vous pouvez le constater, les Européens sont décidés à poursuivre un effort durable pour donner sa crédibilité à l'Europe de la défense. Cela passe par une mise en oeuvre rapide des décisions prises. Nos quinze nations se sont fixé comme objectif de rendre la Force opérationnelle, je le rappelle, dès 2003. Notre souhait est que les organes permanents soient mis en place le plus rapidement possible après le Conseil de Nice. Il faudra, en 2001, et ce sera le travail de nos amis de la présidence suédoise, rendre le système opérationnel, en particulier l'état-major de l'Union européenne. Il lui faudra disposer rapidement de ses installations propres et de procédures valides. D'ici à 2003, lorsque les organes institués seront en mesure d'assumer leurs fonctions, l'Union européenne sera graduellement capable d'accomplir certaines des missions de Petersberg. Voici, en quelques remarques nécessairement concises et donc incomplètes, pour suivre les règles de votre Assemblée, le point que l'on peut faire aujourd'hui sur les réalisations concrètes dans le domaine des capacités, qui sont soit déjà approuvées, soit vont l'être, par le Conseil européen de Nice.
Permettez-moi, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, d'évoquer en quelques mots le sens politique profond, approuvé par une grande partie de nos opinions publiques, de cette tâche nouvelle par laquelle l'Europe acquiert un outil d'influence politique qui lui manquait. Cette réalisation s'appuie sur une volonté lucide des gouvernements, qui fait contraste avec les nombreuses déceptions enregistrées sur ce domaine depuis le début de la construction européenne.
Je voudrais en remercier mes collègues, ministres des Affaires étrangères et ministres de la Défense, qui ont permis cette avancée substantielle, et je remercie bien sûr le Parlement européen de son intérêt pour ce projet nouveau et majeur
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2000)