Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux dêtre parmi vous ce soir, pour ce 43ème congrès de la LICRA. Je suis là parce quil est normal quun chef de gouvernement vienne, un jour ou lautre, à un congrès de la LICRA, même si jaurais pu venir comme un simple militant. Je suis aussi parmi vous pour saluer le départ de mon ami Pierre AIDEMBAUM, votre Président . Cest un plaisir de plus pour moi que cette soirée honore quelquun que nous aimons tous et que je connais bien, Pierre PERRET, que jai plaisir à saluer. En répondant à votre invitation, -dont je vous remercie, Monsieur le Président, cher ami-, jai tenu à exprimer limportance particulière que le Gouvernement attache à votre action. Elle contribue en effet à préserver les idéaux qui ont présidé à la naissance de la République, tout en les inscrivant dans le monde daujourdhui.
Lutter contre le racisme et la xénophobie, cest placer au sommet de léchelle des valeurs légale dignité de lhomme. Ce principe est la source même de tous les autres droits de lhomme. Il est inscrit au premier rang des grandes déclarations des droits, depuis la déclaration dindépendance américaine jusquà la déclaration universelle de 1948, en passant, bien sûr, par celle de 1789. Cest sur cette égale dignité que se fonde linterdiction des discriminations en raison de la couleur de la peau, de la langue, de la religion, des opinions philosophiques. Reconnaître en lautre avant tout un homme, son égal, empêche de prendre prétexte des différences -en elles-mêmes naturelles et fécondes- pour en faire des motifs dexclusion.
Cest pourquoi la lutte contre le racisme contribue à consolider le pacte républicain. Nier, en paroles ou en actes, légalité de chaque homme, quelle que soit son origine, cest en effet porter atteinte aux valeurs qui fondent la République elle-même. Celle-ci reconnaît légale dignité de chaque citoyen à participer à la chose publique, et à rechercher, dans le respect des lois, son bonheur et son épanouissement. Lun des actes les plus conformes aux idéaux de la Révolution fut la loi dite d" émancipation " qui, le 27 septembre 1791, fit des membres des communautés juives de France des citoyens. Ceux qui professent l" inégalité des races " sattaquent donc aux principes mêmes qui sont le ciment de notre volonté dêtre et de vivre ensemble, pour ne former, au-delà de nos origines mêlées et de nos confessions, quun seul peuple ; ils sattaquent aux fondements du contrat social.
Réciproquement, cest dans le respect de la règle de droit que légalité trouve sa traduction concrète. Parce quils sont tous égaux en droit, les citoyens sont tous égaux devant la loi. La loi, adoptée selon les règles de la démocratie, détermine en particulier les conditions dans lesquelles on devient français, selon lesquelles on peut résider sur notre territoire, suivant lesquelles enfin il est permis de sy établir de façon durable, voire définitive.
Pour donner force à ces principes, nous nous sommes dotés dun important arsenal juridique. Mais dans ce combat toujours recommencé, les associations ont un rôle primordial.
II. Au-delà du renforcement dun arsenal juridique solide, lengagement des militants et de la société civile reste en effet indispensable.
Nous disposons aujourdhui dun éventail assez complet de textes de droit pour faire respecter linterdiction de comportements racistes et xénophobes.
Vous souhaitez, avec dautres, le renforcement de cet arsenal juridique. Cest une entreprise délicate : il convient en effet de garder intact le principe dégalité devant la loi pénale, et déviter tout glissement vers la définition de ce qui pourrait alors apparaître comme des " délits dopinion ".
Cest pourquoi, plus que sur des règles nouvelles, la lutte contre le racisme doit sappuyer certes sur la vigilance des pouvoirs publics, mais aussi sur laction de la société civile.
Lengagement des militants et de la société civile dans ce combat toujours recommencé est vital. Cest en effet contre les résurgences persistantes du mal que luttent ces militants. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, nous pensions que lhorreur de la Shoah suffirait à créer une digue infranchissable. Il nen a rien été. Elie WIESEL avait raison : " Après AUSCHWITZ, bien que toujours nécessaire, lespérance elle-même est remplie dangoisse ". Porter un regard lucide sur notre histoire, cest reconnaître et suivre en France même, dans lombre des idéaux de nos philosophes, ce " fil noir " des idéologies racistes, qui court de GOBINEAU à ses héritiers actuels, en passant par DAUDET, DRUMONT et MAURRAS.
Pour veiller au respect du droit, porter assistance aux victimes du racisme, et pour éveiller les consciences de chaque génération nouvelle, nous avons besoin de la vigilance et de lénergie de ces femmes et de ces hommes qui se mobilisent pour servir leurs convictions, " nos " convictions.
III. Parce quelle compte depuis sa création parmi les plus déterminés de ces militants, la LICRA est aujourdhui un acteur irremplaçable de la lutte contre le racisme.
La Ligue fut dès sa création, et avec son fondateur Bernard LECACHE, une formation combative. De grands procès ont souvent été, dans lhistoire de notre pays, les moments fondateurs de grands mouvements didées et de luttes sociales, du procès CALAS à laffaire DREYFUS. Laffaire SCHWARZ-BART fut en 1926 un de ces temps forts. Cet ancien combattant volontaire de larmée française voulut protester contre les pogroms organisés en Ukraine sous le régime tsariste. La " Ligue contre les pogroms ", formée pour le soutenir, reçut rapidement ladhésion de Léon BLUM, dAlbert EINSTEIN, de Paul LANGEVIN. Des intellectuels -Romain ROLLAND, André MALRAUX, Sigmund FREUD, Bernard SHAW, Tristan BERNARD- aidèrent à son rayonnement. Dès 1931, devenue Ligue internationale contre lAntisémitisme, elle compte 10 000 militants répartis en section, organisés en groupes dautodéfense, prêts à intervenir pour protéger les biens et les personnes menacés par les mouvements dextrême droite. Joseph KESSEL, parmi eux, nhésitait dailleurs pas à faire le coup de poing.
Mesdames,
Messieurs,
Lénergie des pères fondateurs est intacte, même si les formes de votre action ont, heureusement, évolué.
Cest à cette action daujourdhui que je souhaite rendre hommage : elle reste indispensable à notre temps. Luniversalité du crime appelle une définition universelle et une réponse universelle. Vous vous y confrontez quotidiennement depuis la création de la LICA - devenue officiellement LICRA depuis bientôt vingt ans. Vous le faites en organisant des permanences juridiques, en engageant des actions judiciaires, et par la formation de jeunes avocats à lapplication de la législation antiraciste. Cest indispensable. Le discours raciste, nous avons tous pu le constater, est devenu, si lon ose dire, plus subtil. Ses porte-parole savent parfois jouer fort habilement de lambiguïté des silences et du non-dit. En outre, il peut être malaisé de rapporter devant les tribunaux la preuve de la motivation de comportements discriminatoires. Il faut donc être plus attentif.
Vous cherchez par ailleurs à communiquer votre enthousiasme et à éveiller les consciences des plus jeunes. Conférences-débats dans les écoles, colloques dans les lycées de certaines banlieues, concours scolaires, expositions : toutes ces initiatives doivent être encouragées, pour développer une véritable pédagogie de la tolérance.
Je ne voudrais pas conclure, Monsieur le Président, sans joindre à lévocation de laction collective des membre de la LICRA, un hommage personnel à votre engagement de militant. Un engagement de longue date, dont jai pu apprécier la solidité et la vigueur. Vous vous préparez à quitter la présidence de cette Ligue, et je tiens à vous exprimer mon admiration pour le travail remarquable que vous avez accompli à sa tête. Je salue par avance votre successeur, qui je le crois sera choisi demain, et à qui, quel quil soit, je souhaite bon travail.
Dans lexistence de cette longue chaîne de ces militants qui se succèdent, depuis sa fondation, à la LICRA, je trouve, malgré la permanence des violations de légale dignité des personnes, des raisons despérer. Vous en apportez la preuve : chaque génération compte dans ses rangs, porte en elle, les avocats des victimes du racisme et de lantisémitisme et les procureurs de ces crimes.
A la LICRA tout entière, je souhaite apporter ce soir le témoignage de mon estime et de celle du gouvernement et mes encouragements à poursuivre avec toujours autant de courage et dardeur, son juste, son nécessaire combat.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux dêtre parmi vous ce soir, pour ce 43ème congrès de la LICRA. Je suis là parce quil est normal quun chef de gouvernement vienne, un jour ou lautre, à un congrès de la LICRA, même si jaurais pu venir comme un simple militant. Je suis aussi parmi vous pour saluer le départ de mon ami Pierre AIDEMBAUM, votre Président . Cest un plaisir de plus pour moi que cette soirée honore quelquun que nous aimons tous et que je connais bien, Pierre PERRET, que jai plaisir à saluer. En répondant à votre invitation, -dont je vous remercie, Monsieur le Président, cher ami-, jai tenu à exprimer limportance particulière que le Gouvernement attache à votre action. Elle contribue en effet à préserver les idéaux qui ont présidé à la naissance de la République, tout en les inscrivant dans le monde daujourdhui.
Lutter contre le racisme et la xénophobie, cest placer au sommet de léchelle des valeurs légale dignité de lhomme. Ce principe est la source même de tous les autres droits de lhomme. Il est inscrit au premier rang des grandes déclarations des droits, depuis la déclaration dindépendance américaine jusquà la déclaration universelle de 1948, en passant, bien sûr, par celle de 1789. Cest sur cette égale dignité que se fonde linterdiction des discriminations en raison de la couleur de la peau, de la langue, de la religion, des opinions philosophiques. Reconnaître en lautre avant tout un homme, son égal, empêche de prendre prétexte des différences -en elles-mêmes naturelles et fécondes- pour en faire des motifs dexclusion.
Cest pourquoi la lutte contre le racisme contribue à consolider le pacte républicain. Nier, en paroles ou en actes, légalité de chaque homme, quelle que soit son origine, cest en effet porter atteinte aux valeurs qui fondent la République elle-même. Celle-ci reconnaît légale dignité de chaque citoyen à participer à la chose publique, et à rechercher, dans le respect des lois, son bonheur et son épanouissement. Lun des actes les plus conformes aux idéaux de la Révolution fut la loi dite d" émancipation " qui, le 27 septembre 1791, fit des membres des communautés juives de France des citoyens. Ceux qui professent l" inégalité des races " sattaquent donc aux principes mêmes qui sont le ciment de notre volonté dêtre et de vivre ensemble, pour ne former, au-delà de nos origines mêlées et de nos confessions, quun seul peuple ; ils sattaquent aux fondements du contrat social.
Réciproquement, cest dans le respect de la règle de droit que légalité trouve sa traduction concrète. Parce quils sont tous égaux en droit, les citoyens sont tous égaux devant la loi. La loi, adoptée selon les règles de la démocratie, détermine en particulier les conditions dans lesquelles on devient français, selon lesquelles on peut résider sur notre territoire, suivant lesquelles enfin il est permis de sy établir de façon durable, voire définitive.
Pour donner force à ces principes, nous nous sommes dotés dun important arsenal juridique. Mais dans ce combat toujours recommencé, les associations ont un rôle primordial.
II. Au-delà du renforcement dun arsenal juridique solide, lengagement des militants et de la société civile reste en effet indispensable.
Nous disposons aujourdhui dun éventail assez complet de textes de droit pour faire respecter linterdiction de comportements racistes et xénophobes.
Vous souhaitez, avec dautres, le renforcement de cet arsenal juridique. Cest une entreprise délicate : il convient en effet de garder intact le principe dégalité devant la loi pénale, et déviter tout glissement vers la définition de ce qui pourrait alors apparaître comme des " délits dopinion ".
Cest pourquoi, plus que sur des règles nouvelles, la lutte contre le racisme doit sappuyer certes sur la vigilance des pouvoirs publics, mais aussi sur laction de la société civile.
Lengagement des militants et de la société civile dans ce combat toujours recommencé est vital. Cest en effet contre les résurgences persistantes du mal que luttent ces militants. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, nous pensions que lhorreur de la Shoah suffirait à créer une digue infranchissable. Il nen a rien été. Elie WIESEL avait raison : " Après AUSCHWITZ, bien que toujours nécessaire, lespérance elle-même est remplie dangoisse ". Porter un regard lucide sur notre histoire, cest reconnaître et suivre en France même, dans lombre des idéaux de nos philosophes, ce " fil noir " des idéologies racistes, qui court de GOBINEAU à ses héritiers actuels, en passant par DAUDET, DRUMONT et MAURRAS.
Pour veiller au respect du droit, porter assistance aux victimes du racisme, et pour éveiller les consciences de chaque génération nouvelle, nous avons besoin de la vigilance et de lénergie de ces femmes et de ces hommes qui se mobilisent pour servir leurs convictions, " nos " convictions.
III. Parce quelle compte depuis sa création parmi les plus déterminés de ces militants, la LICRA est aujourdhui un acteur irremplaçable de la lutte contre le racisme.
La Ligue fut dès sa création, et avec son fondateur Bernard LECACHE, une formation combative. De grands procès ont souvent été, dans lhistoire de notre pays, les moments fondateurs de grands mouvements didées et de luttes sociales, du procès CALAS à laffaire DREYFUS. Laffaire SCHWARZ-BART fut en 1926 un de ces temps forts. Cet ancien combattant volontaire de larmée française voulut protester contre les pogroms organisés en Ukraine sous le régime tsariste. La " Ligue contre les pogroms ", formée pour le soutenir, reçut rapidement ladhésion de Léon BLUM, dAlbert EINSTEIN, de Paul LANGEVIN. Des intellectuels -Romain ROLLAND, André MALRAUX, Sigmund FREUD, Bernard SHAW, Tristan BERNARD- aidèrent à son rayonnement. Dès 1931, devenue Ligue internationale contre lAntisémitisme, elle compte 10 000 militants répartis en section, organisés en groupes dautodéfense, prêts à intervenir pour protéger les biens et les personnes menacés par les mouvements dextrême droite. Joseph KESSEL, parmi eux, nhésitait dailleurs pas à faire le coup de poing.
Mesdames,
Messieurs,
Lénergie des pères fondateurs est intacte, même si les formes de votre action ont, heureusement, évolué.
Cest à cette action daujourdhui que je souhaite rendre hommage : elle reste indispensable à notre temps. Luniversalité du crime appelle une définition universelle et une réponse universelle. Vous vous y confrontez quotidiennement depuis la création de la LICA - devenue officiellement LICRA depuis bientôt vingt ans. Vous le faites en organisant des permanences juridiques, en engageant des actions judiciaires, et par la formation de jeunes avocats à lapplication de la législation antiraciste. Cest indispensable. Le discours raciste, nous avons tous pu le constater, est devenu, si lon ose dire, plus subtil. Ses porte-parole savent parfois jouer fort habilement de lambiguïté des silences et du non-dit. En outre, il peut être malaisé de rapporter devant les tribunaux la preuve de la motivation de comportements discriminatoires. Il faut donc être plus attentif.
Vous cherchez par ailleurs à communiquer votre enthousiasme et à éveiller les consciences des plus jeunes. Conférences-débats dans les écoles, colloques dans les lycées de certaines banlieues, concours scolaires, expositions : toutes ces initiatives doivent être encouragées, pour développer une véritable pédagogie de la tolérance.
Je ne voudrais pas conclure, Monsieur le Président, sans joindre à lévocation de laction collective des membre de la LICRA, un hommage personnel à votre engagement de militant. Un engagement de longue date, dont jai pu apprécier la solidité et la vigueur. Vous vous préparez à quitter la présidence de cette Ligue, et je tiens à vous exprimer mon admiration pour le travail remarquable que vous avez accompli à sa tête. Je salue par avance votre successeur, qui je le crois sera choisi demain, et à qui, quel quil soit, je souhaite bon travail.
Dans lexistence de cette longue chaîne de ces militants qui se succèdent, depuis sa fondation, à la LICRA, je trouve, malgré la permanence des violations de légale dignité des personnes, des raisons despérer. Vous en apportez la preuve : chaque génération compte dans ses rangs, porte en elle, les avocats des victimes du racisme et de lantisémitisme et les procureurs de ces crimes.
A la LICRA tout entière, je souhaite apporter ce soir le témoignage de mon estime et de celle du gouvernement et mes encouragements à poursuivre avec toujours autant de courage et dardeur, son juste, son nécessaire combat.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)