Déclarations de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le projet de budget du ministère pour 1999 et sur les enjeux de la politique de coopération, à l'Assemblée nationale le 2 novembre 1998 et au Sénat le 2 décembre 1998.

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Circonstance : Présentation du projet de budget du ministère de la Coopération pour 1999, à l'Assemblée nationale le 2 novembre 1998 et au Sénat le 2 décembre

Texte intégral

PROJET DE BUDGET POUR 1999 , Paris - 02.11.1998
Voici donc le premier budget traduisant la réforme de notre dispositif de Coopération, à laquelle Hubert Védrine et moi-même avons consacré beaucoup de soins, beaucoup de temps aussi. Désormais, tous les crédits destinés à la coopération internationale sont inscrits au budget des Affaires étrangères. Ce changement rendait l'analyse difficile, et je veux souligner la qualité du travail accompli par les rapporteurs. Pour l'avenir, il faudra que l'Assemblée réfléchisse à la meilleure manière d'organiser la discussion car il m'est arrivé cet après-midi de me sentir peu concerné.
L'an dernier, j'avais affiché nos ambitions, que le ministre des Affaires étrangères a rappelées cet après-midi. Je viens aujourd'hui vous rendre compte de nos réalisations et vous demander les moyens de poursuivre notre action.
Depuis longtemps, on reprochait à notre coopération son opacité et son enfermement dans le pré carré francophone ; on affirmait qu'elle devait mieux servir la démocratie et l'ouverture au monde de nos partenaires, contribuer plus efficacement à la lutte contre la pauvreté, en associant davantage les intéressés au choix des moyens. Depuis longtemps donc, chacun convenait qu'il fallait moderniser notre appareil administratif pour améliorer son efficacité, accroître la lisibilité de notre action et développer les synergies entre les pôles diplomatique et économique. En 1997, Lionel Jospin nous a demandé de réaliser la reconfiguration du dispositif.
Encore fallait-il respecter la sensibilité des différents personnels concernés - d'un côté aux thématiques du développement, de l'autre, aux impératifs de diffusion de notre culture. Nous sommes au début d'une nouvelle étape. Nous la franchirons en concertation étroite avec les intéressés ; je regrette que certains d'entre vous aient laissé entendre le contraire. Dans leur grande majorité, les personnels ont compris le sens de la réforme et en attendent un surcroît d'efficacité.
On l'a dit, le budget des Affaires étrangères progressent peu en 1999 : c'est un choix qui résulte de priorités nationales fortes et qui nous a conduits à pratiquer des arbitrages. Nombreux sont ceux, qui, parmi vous, souhaitent un effort de maîtrise des dépenses publiques. Mais si certains postes budgétaires sont tenus d'augmenter, il est normal que d'autres consentent un effort plus important. Je pense que nous pourrions consentir l'effort qui nous a été demandé.
Vos rapporteurs ont bien noté que la stabilité globale du budget des Affaires étrangères masque une progression relative des crédits des Affaires étrangères et une diminution de ceux de la Coopération. Nous perdons les marges dont nous disposions en matière de crédits d'ajustement structurel et d'assistance technique mais la réforme n'affecte pas les capacités de fonctionnement de notre appareil administratif.
Ce n'est pas une administration sans ambition ni moyens qui vient enrichir notre ensemble diplomatique. C'est une structure porteuse d'un projet, dotée des moyens humains et financiers pour coopérer au développement, bien au-delà du seul continent africain. Mais je dois dire à M. Goldberg que l'idée d'un ministère de la Coopération distinct de celui des affaires étrangères ne me paraît pas bonne.
Il a rappelé son espoir d'un grand ministère de la Coopération et du Développement.
Inscrire le développement au coeur de la politique extérieure de la France est une contribution essentielle à la stabilité du monde, et le rêve serait que chaque diplomate se sente agent du développement - je sais qu'Hubert Védrine y consacre beaucoup d'efforts.
Nous avons délimité les compétences respectives, rapproché les procédures de leur mise en oeuvre et confirmé les modalités d'exercice des tutelles sur l'Agence française de développement, à laquelle nous confions d'ailleurs de nouvelles responsabilités. Le nouveau schéma d'organisation du ministère, arrêté à l'issue d'une vaste concertation avec les personnels, entrera en vigueur intégralement en janvier. Les moyens budgétaires et humains seront regroupés, assistance technique comprise. La mission militaire de coopération et la sous-direction de l'aide militaire, érigées en direction de la coopération militaire et de défense, seront placées sous l'autorité du directeur général des Affaires politiques. Le service des Affaires francophones, rattaché directement au Secrétaire général, gagnera en autonomie et en efficacité.
Surtout, la DGRCST, la direction du développement et le service de la coordination géographique de la coopération seront fondus en une direction générale de la Coopération internationale et du Développement - DGCID -, sans que l'organisation géographique vienne interférer, comme le craignait M. Myard cet après-midi, avec l'organisation sectorielle.
Le Premier ministre ayant décidé en février dernier que les crédits de la Coopération, identifiés au sein du budget des Affaires étrangères, seraient présentés par le ministre délégué, il me revient de vous présenter les crédits d'intervention du Quai d'Orsay affectés à l'ensemble des actions de coopération internationale, soit 8,2 milliards sur un budget global de 20,7 milliards, plus 2,3 milliards pour les subventions de fonctionnement aux institutions sous tutelle de la nouvelle DGCID, dont l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et l'AFAA.
La nomenclature budgétaire a été révisée pour tenir compte de la nouvelle architecture, ce qui rend difficiles les comparaisons avec l'exercice précédent, mais éclaircira, à l'avenir, la destination des crédits. Des chapitres spécifiques sont consacrés à la coopération technique et au développement, à la coopération culturelle et scientifique, à l'action audiovisuelle extérieure - dotée, pour la première fois, de plus d'un milliard de francs -, à la coopération militaire et de défense, au soutien des initiatives décentralisées ou privées.
S'agissant des choix budgétaires proprement dits, nous avons décidé de maintenir le montant de notre aide aux projets. Les autorisations de programme au titre du FAC restent à 2,3 milliards, dont 1,3 mis en oeuvre par la CGCID et 1 par l'AFD, mais les économies réalisées n'ont pu être affectées à des actions supplémentaires. Comme les années précédentes, l'amélioration de la situation budgétaire de nos partenaires a entraîné la sous-consommation de nos crédits d'ajustement structurel, et les perspectives restent semblables pour l'an prochain, sous réserve de l'évolution de la conjoncture internationale : l'effondrement de certains marchés asiatiques, la baisse des prix du pétrole, du bois et d'autres matières premières, celle du dollar pourraient contribuer à ralentir la demande mondiale. Nous serions néanmoins en mesure, si la situation de certains pays se dégradait trop, de porter nos concours financiers au niveau adéquat. Reste que la naissance de l'euro et la sécurisation des échanges qui en résultera bénéficieront à nos partenaires de la zone franc et à l'ensemble des pays ACP.
Les effectifs de l'assistance technique civile et militaire baisseront de 194 l'an prochain, au lieu de 305 cette année. Ce ralentissement laisse espérer une prochaine stabilisation, mais je sais que ni nos partenaires, ni les personnels, ni les rapporteurs n'ont été convaincus par la logique de "renforcement de l'expertise nationale". J'ai donc confié à un haut fonctionnaire, fin connaisseur de notre dispositif de coopération, une mission de réflexion en vue de la redéfinition des missions, des statuts et des conditions d'exercice de l'assistance technique. Il me rendra ses conclusions au début de l'an prochain, après concertation avec les intéressés. C'est sans attendre, toutefois, que nous consacrerons une part des sommes économisées à améliorer la situation indemnitaire des coopérants.
D'aucuns ont cru devoir opposer la diminution des moyens à l'extension du champ géographique de la coopération. Mais nous ne serions pas forcément en mesure, s'il y avait des crédits supplémentaires, de les affecter à bon escient, s'agissant de nouveaux partenariats avec de nouveaux pays. Les choses se présenteront toutefois autrement pour l'exercice suivant.
Il reste à donner son assise définitive à cette réforme. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement définira, sans doute début décembre, les choix politiques de fond, et la création du Haut Conseil - par un décret dont la signature est imminente - associera la société civile à cet effort national. Je proposerai au comité de définir une zone de solidarité prioritaire et, partant, le contenu politique de la réforme : avec qui coopérer, dans quels secteurs, avec quelle intensité, quels outils, quels objectifs politiques - en termes de démocratie et de Droits de l'Homme - et en fonction de quels intérêts stratégiques - nationaux, européens ou francophones ?
Nous pouvons constater avec quelque fierté, huit mois après l'annonce d'une grande réforme à laquelle tous ne croyaient pas, que bien des choses ont déjà changé. Cette réforme, vous avez bien voulu l'enrichir de vos observations, et nous avons souhaité en augmenter la portée et le sens en consultant les institutions, les collectivités, les entreprises, les milieux professionnels concernés, dont l'approche, nous nous sommes réjouis de le vérifier, rejoint largement notre ambition.
Une politique ambitieuse, ce sont avant tout des priorités affichées, dotées de moyens humains et financiers importants : développer notre capacité d'influence extérieure, identifier et fidéliser les élites chez nos partenaires, confirmer notre position sur la coopération au développement, associer la société civile.
Développer notre influence suppose d'abord d'améliorer notre présence médiatique, ce qui nous a conduits à renforcer l'action en faveur de l'audiovisuel extérieur : crédits en hausse, hommes nouveaux, un projet correspondant à l'état des techniques et de la concurrence, voilà qui devrait relancer les choses. Notre budget apporte l'essentiel de la contribution française à la Francophonie, TV5 à hauteur de 273 millions, le service des Affaires francophones et la future DGCID pour 286 millions. Mais notre rôle ne se limite pas à payer toujours plus. L'action des principaux opérateurs de la Francophonie va aussi être évaluée.
Développer notre influence suppose ensuite d'être plus présents dans les institutions multilatérales. C'est pourquoi nous augmentons de 50 millions nos contributions volontaires aux organisations internationales et nous apprêtons à y intervenir de façon plus marquée, qu'il s'agisse de l'ONU, de Bretton Woods, des divers organismes multilatéraux dédiés au développement ou des institutions de la Francophonie. Dans ce dernier domaine, 43 millions de francs de mesures nouvelles ont été adoptés pour financer deux programmes majeurs : la promotion du français dans les organisations internationales, le développement des nouvelles technologies de l'information dans l'espace francophone.
Développer notre influence suppose enfin une meilleure présence géographique, donc une réorientation progressive d'une partie de nos moyens vers de nouveaux partenaires. Soutenir le renforcement de l'Etat de droit aux marches de l'Europe ou dans les républiques de la CEI, c'est sécuriser une région encore potentiellement instable. M. Myard pense qu'il faudrait une direction spéciale pour l'Afrique, mais je puis l'assurer que certains pays d'Europe de l'Est ont autant besoin qu'elle de bases étatiques plus sûres, d'une justice ou d'une fiscalité plus efficaces. Je suis heureux que nous puissions leur offrir notre coopération technique. Soutenir leur démarche, c'est aussi ouvrir de nouveaux marchés à nos industriels pour qui la paix est une condition préalable à l'investissement et au commerce. Mme Aubert m'a presque reproché de défendre les intérêts de groupes industriels français. De fait, il m'arrive d'être porteur de projets industriels intéressant nos entreprises - et pas seulement les grandes, loin de là -, mais je ne crois pas devoir m'en excuser.
Deuxième priorité : identifier et fidéliser les élites futures chez nos partenaires. Il s'agissait déjà cette année d'une priorité pour la Coopération comme pour les Affaires étrangères, quoique d'une façon différente. Ce sera demain un thème transversal essentiel pour l'ensemble des services. Notre politique de bourses, en particulier d'études, verra ainsi ses moyens renforcés. Notre politique des visas participera également de ce meilleur accueil des étudiants étrangers. Cette priorité se traduira aussi par la recherche de partenariats plus riches entre institutions de formation françaises et étrangères. Nos universités, nos écoles de commerce, nos chambres de commerce et d'industrie, nos chambres des métiers, nos entreprises, nos écoles militaires sont de possibles coopérants. La coopération militaire nous en fournit de bons exemples comme l'ouverture en 1999 d'un centre régional de formation au maintien de la paix à Abidjan.
Autre grande priorité : confirmer la place de la France dans l'aide publique au développement. La réussite des économies asiatiques a pu, un temps, faire douter certains de l'utilité de cette dernière. L'investissement privé suffisait, pensait-on. Mais la crise récente et les fragilités constatées dans ces pays, en matière notamment d'infrastructures ou de formation ont fait justice de cette croyance. Lors des dernières assemblées annuelles du FMI ou de la Banque mondiale, j'ai ainsi constaté une évolution significative du discours sur l'aide publique au développement. Le développement humain, la lutte contre la pauvreté, l'enseignement de base et la formation en général, la restauration de l'Etat de droit y ont été clairement reconnus comme conditions du développement durable des pays sous ajustement.
La France a fait sienne cette analyse depuis fort longtemps et, contrairement à d'autres, s'y est tenue. Même si nous devons regretter l'érosion enregistrée ces dernières années, en 1997, le niveau de notre aide - 37 milliards de francs, soit 0,45 % du PIB - nous maintient au premier rang des pays du G8 en termes de taux d'effort, et au deuxième, derrière le Japon, en termes de volume. Nous ne donnerons de leçons à personne, Monsieur Godfrain, mais nous continuerons à mettre chaque pays en face de ses responsabilités.
L'année 1999 sera celle de la renégociation des accords de Lomé. Nous avons défendu âprement la préservation de ce lien privilégié entre l'Europe et les pays en développement, notamment africains. La future convention devra tenir compte de deux nouveautés : désormais, l'OMC existe, l'Europe politique et monétaire aussi. Pour ce qui est de l'OMC, nous avons rappelé l'objectif d'intégration des PVD dans l'économie mondiale mais aussi le besoin d'un calendrier et de modalités appropriées selon les régions. Quant à l'euro, il consolidera le lien économique et commercial avec les PVD, et pas seulement avec les pays de la zone franc.
1999 sera aussi l'occasion de réfléchir à une meilleure utilisation des canaux de l'aide multilatérale, en particulier lorsque nous ne disposons pas du personnel français nécessaire sur le terrain. J'attends d'ailleurs beaucoup des conclusions que votre collègue Yves Tavernier transmettra au Premier ministre sur l'articulation de nos actions bilatérales et multilatérales.
D'une manière générale, la France a besoin de mobiliser mieux ses forces. La mondialisation rend en effet les pays du Sud plus sensibles à la concurrence et à la multiplicité des initiatives ; elle les rend d'autant plus attentifs à toutes les formes de partenariat susceptibles d'augmenter leurs chances de réussite. Associer plus activement la société civile à notre politique de coopération internationale devient ainsi un impératif.
La coopération que l'on qualifie de "hors l'Etat" est au coeur des nouvelles dynamiques. Les moyens que nous y consacrons, en augmentation sensible, sont appelés à soutenir des initiatives très diverses.
Coopération décentralisée
La coopération décentralisée s'affirme chaque jour davantage comme répondant à une attente de nos partenaires. Nous encourageons l'élargissement de son champ d'action et la diversité de ses intervenants. Des rencontres nationales de la coopération décentralisée consolideront, au printemps prochain, ces outils de la présence française.
Aux côtés des collectivités publiques, c'est le tissu associatif, bien sûr, mais aussi les entreprises et les organisations professionnelles qui s'engagent. Des actions comme la journée de promotion de l'investissement en zone franc témoignent d'une heureuse synergie entre l'Etat et le secteur privé.
Les organisations de solidarité internationale ont quant à elles une tradition établie de coopération dans les secteurs les plus divers. Notre souci est de les voir se renforcer, d'encourager une réunion des moyens et une professionnalisation qui les rendront aussi efficaces que leurs homologues étrangères.
Enfin, les confédérations syndicales, salariées ou patronales, constituent un terrain de coopération particulièrement fertile. Aussi y consacrerai-je, avec votre appui, de l'énergie et des moyens supplémentaires en 1999.
Permettez-moi, en conclusion, de vous dire combien la préparation de la réforme a été passionnante. Je compte que l'année de sa mise en oeuvre le soit encore davantage. Comme le Premier ministre m'en a donné mandat, j'aurai à revenir vers votre assemblée pour présenter un bilan de l'aide publique française au développement.
Ce sera l'occasion de faire le point sur les questions traitées par le CICID, la zone de solidarité prioritaire en particulier, et d'évoquer le rôle du Haut Conseil de la coopération internationale.
Fixons-nous pour objectif de proposer à la société française, dans les six prochains mois, un débat de fond pour qu'à la réforme de la Coopération dont vous connaissez l'architecture réponde la mobilisation dont elle porte l'esprit. Dans quelques mois, je proposerai aux instances de concertation que nous avons prévues le document de référence autour duquel le débat pourrait s'engager.
Je ne doute pas que nous saurons alors rencontrer les aspirations de nos concitoyens à une plus grande ouverture sur le monde et révéler ainsi le gisement de générosité que la société française recèle.
J'en viens aux questions qui m'ont été posées. J'ai déjà répondu à M. Adevah-Poeuf au sujet de la zone de solidarité prioritaire. Concernant la relation entre le pôle économique et le pôle diplomatique, je rappelle tout d'abord que les grandes actions extérieures de la France sont décodées par le Premier ministre, dans le cadre des structures interministérielles. Mais, pour ce qui est de la dette et du Club de Paris, la question la plus importante est de savoir si la dette continuera d'absorber une part croissante de l'aide au développement, ou si, grâce au désendettement, l'APD pourra servir à financer de nouveaux projets. La fongibilité de l'assistance technique a fait l'objet d'une question dont je ne suis pas sûr d'avoir saisi la pertinence. Il n'y a pas de quotas par régions ou par pays : on peut donc considérer qu'il y a fongibilité. C'est en fonction des besoins et des accords de partenariat avec les différents pays que nous répartissons géographiquement nos experts.
Volontariat civil
Plusieurs orateurs ont posé la question du volontariat civil qui viendrait compenser la réforme du service national. Le projet de loi qui crée ce volontariat civil devrait être déposé à l'Assemblée début 1999, pour qu'il puisse être adopté au printemps.
République démocratique du Congo
Vous avez souligné le rôle que pourra jouer l'euro dans la consolidation des économies africaines ; je n'y insiste pas. Un mot sur la République démocratique du Congo. Notre position : ni ingérence, ni indifférence. Nous connaissons les responsabilités que nous confèrent l'histoire et la géographie. Nous sommes attentifs à l'évolution de la situation. Nous poursuivons d'ailleurs une opération avec ce pays pour environ 20 millions, par l'intermédiaire des organisations civiles. Nous avons organisé récemment une action humanitaire en faveur de la population de Kinshasa. Nous attendons impatiemment des signes positifs, notamment dans le domaine de la démocratie et des Droits de l'Homme. Le président Kabila a pris des engagements à cet égard. Nous espérons que sur le terrain des progrès seront rapidement constatés, qui nous permettront de reprendre avec ce pays un dialogue plus soutenu.
M. Hoarau a évoqué le rapport d'initiative du Parlement européen. Nous examinerons attentivement ce qu'il nous proposera. Nous sommes sensibles à la préoccupation des élus réunionnais de participer davantage à la vie régionale. J'ai rencontré à l'île Maurice, lors de la conférence de l'océan Indien, le président de votre région. Nous le savons bien, c'est grâce à la Réunion que la France est présente dans cet océan. Mais les instances internationales sont organisées par des protocoles qui rendent difficile la participation directe d'une région française. S'il s'agit en revanche de vous associer aux travaux préparatoires et d'échanger davantage, nous pouvons le faire.
Je vous remercie, Monsieur Godfrain, de votre plaidoyer pour l'APD : nous sommes bien d'accord. Vous avez souligné le rôle des investissements privés. Mais ceux-ci ont une condition préalable : la sécurité juridique et fiscale. Quand nous faisons de l'appui institutionnel avec nos experts, fiscalistes et magistrats, nous contribuons donc à aider l'investissement privé. L'OHADA continue à progresser. J'espère que les instances multilatérales y contribueront.
Vous avez évoqué la relation entre l'aide au développement et l'immigration, et chacun est attentif à votre message sur ce point. Vous avez beaucoup insisté sur le mal de vivre des fonctionnaires de la Coopération ; je me suis déjà exprimé à ce sujet. Nous avons su les associer à la réflexion. Parler d'un "plan social" est inadéquat : il n'y a pas ici de licenciement, ni parmi les agents de l'administration, ni dans les associations-relais, qui ne sont pas non plus menacées. Le libre choix des responsabilités qui seront confiées aux agents dans le cadre de la future politique sera la règle ; il n'y aura pas d'affectation forcée, et nous prendrons en compte les voeux de chacun. Il y aura en principe fusion dans un même corps des agents qui exerçaient des responsabilités comparables ; mais nous nous efforcerons de préserver les droits acquis, notamment en matière de primes. L'idée d'un plan social est donc sans objet.
Vous avez formulé des propositions sur les centres culturels. Vous avez raison de vouloir mieux associer les créateurs et les intellectuels des pays d'accueil, et c'est dans cette direction que nous allons déjà. Les directeurs de nos instituts ont instruction d'assurer cette symbiose avec les élites locales.
Je dois décevoir votre espoir, Monsieur Goldberg, d'un grand ministère du Développement : nous avons fait un autre choix. Mais cette préoccupation du développement est au coeur de notre politique extérieure. C'est le message que nous voulons faire peser, non seulement dans nos relations bilatérales, mais dans les institutions multilatérales comme le FMI ou la Banque mondiale : nous essayons de les rendre plus attentives à la réalité économique, mais aussi sociale, des pays sous ajustement. Et ce message y est mieux reçu aujourd'hui qu'hier ; mais l'effort doit continuer.
Sur la régulation publique, vos propos rejoignent ceux de M. Védrine aux Nations unies et de M. Strauss-Kahn au FMI. Vous avez regretté le recul de la coopération technique : j'ai formulé notre analyse à ce sujet. Mais je suis bien d'accord pour ne pas confondre mondialisation et tyrannie des marchés.
La présence française en Méditerranée est en effet très attendue, Monsieur Dauge ; M. Myard - que je connais depuis l'époque où je présidais la délégation pour l'Union européenne, comme vestale de la souveraineté nationale - y a également insisté. Mais il y a là un argument de plus en faveur de la réforme de la Coopération : elle nous aidera à mobiliser de nouveaux moyens dans cette région. Dans le domaine de la Francophonie, enfin, je suis d'accord avec M. Dauge sur la nécessité de l'évaluation ; les nouvelles commissions mixtes y travaillent.
M. Lequiller approuve la réforme, et aurait voulu aller plus loin en intégrant aussi l'action économique extérieure : ce sera pour la prochaine fois... Quant au décret, il a été examiné le 20 octobre par le Conseil d'Etat, et devrait être publié dans les semaines qui viennent. Il faut en effet une validation législative des actes juridiques pris à la suite de l'élection en 1994 de représentants du personnel au CTP du Quai d'Orsay. Elle devrait intervenir dans les semaines qui viennent. Cet obstacle levé, nous pourrons respecter le calendrier prévu, notamment pour la mise en oeuvre de la DGCID dès janvier.
Vous avez beaucoup insisté, tout comme M. Loncle, porte-parole de Mme Roudy, sur la Francophonie. Vous regrettez que ses structures n'aient pas été rationalisées. Mais la mise en place du secrétariat général répond à ce besoin de pilotage. M. Boutros Boutros-Ghali travaille à donner une dimension politique à la Francophonie. En même temps, l'Agence de la Francophonie est réformée, ce qui répond à votre voeu. Vous avez souhaité l'implantation de nouveaux établissements d'enseignement. Il est certain qu'il nous faut continuer à améliorer nos établissements, mais je ne suis pas sûr que nous ayons besoin d'établissements nouveaux. En outre, nous avons appliqué nombre des recommandations de notre rapport de 1996 en redéployant nos moyens vers les zones prioritaires et en modernisant notre enseignement par exemple.
M. Loncle a fait part des préoccupations de Mme Roudy. Je refuse toutefois la comparaison qu'il a faite entre la Grande-Bretagne et la France pour le nombre d'enseignants. Les établissements britanniques sont en effet payants alors que les nôtres, en principe gratuits, sont contraints d'être sélectifs. Le sommes-nous trop ? La question n'est pas tranchée, car il est vrai que les élites étrangères ont tendance à fréquenter en payant d'autres établissements que les nôtres qui, gratuits, ont une capacité d'accueil faible. En ce qui concerne l'affaire Borrel, à laquelle Mme Roudy est très attentive, l'instruction est suivie attentivement par des professionnels compétents. Elle devrait s'achever durant les semaines qui viennent et Mme Borrel, qui est elle-même magistrat, aura accès au dossier. Nous souhaitons que la vérité soit établie afin de pouvoir relancer une coopération judiciaire éminemment nécessaire. Bien entendu, le projet qu'animait le juge Borrel garde toute son utilité.
J'en viens au réquisitoire extrêmement sincère de M. Voisin, dont le propos n'a été plus mesuré que lorsque, cessant de lire, il a improvisé.
Nous ne refusons pas l'héritage du père ! Nous pensons simplement qu'il y a un temps pour tout et que l'accompagnement d'une décolonisation terminée depuis longtemps doit désormais céder la place à une relation moderne avec les PVD, y compris avec nos anciennes colonies.
En ce qui concerne les gains de productivité, nous nous efforçons d'utiliser le personnel le mieux possible.
Contrairement à ce que vous disiez, les crédits de coopération militaire ne reculent pas, mais se maintiennent à 700 millions pour le budget de la Coopération. Un Conseil de défense a décidé d'un redéploiement à un rythme modéré vers certains pays de l'Est. Il nous semble, en tout cas, que l'importance de certaines missions de coopération militaire ne se justifie plus et qu'il importe de ne pas confondre coopération militaire et maintien de l'ordre.
Nous n'abandonnons pas les pays africains, Monsieur Voisin, ils le savent d'ailleurs bien et la plupart des chefs d'Etat de la région viendront assister dans quelques jours au Sommet franco-africain de Paris.
Quant au prétendu recul des crédits consacrés aux écoles françaises, j'essaie en vain de comprendre un argument que contredisent tous les chiffres puisque le budget de l'AEFE augmente de 5,6 % et que le nombre de bourses et de résidents croît également.
En conclusion, si nous faisons souvent de l'"afro-pessimisme", nous avons souvent aussi une vision trop pessimiste de l'image de la France dans les pays en développement qui ont, au contraire, une grande appétence de France et de Français. Il faut donc mobiliser l'opinion pour mieux faire valoir notre action car tout se passe comme si nous nous sentions encore coupables. Il est temps d'abandonner la culpabilité comme la nostalgie.
PROJET DE BUDGET POUR 1999 INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN,
AU SENAT , 02.12.1998
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Nous voici au premier rendez-vous budgétaire qui prend en compte les conséquences de la réforme de notre dispositif de coopération. Au début du mois de février dernier, le Premier ministre a rendu public le schéma qu'Hubert Védrine et moi même pour le pôle diplomatique, et Dominique Strauss-Kahn pour le pôle économique, sommes chargés de mettre en oeuvre à partir du 1er janvier prochain.
Depuis lors, nous avons construit le nouveau dispositif, formalisé nos procédures et établi notre premier budget, désormais partie intégrante de celui des Affaires étrangères. Je sais que ce changement rendait l'analyse de nos crédits difficile et je veux souligner la qualité du travail accompli par vos rapporteurs.
Vous m'avez donné l'occasion de détailler devant vos commissions les transformations substantielles de structures administratives que nous avons conduites, notamment la création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement - la DGCID. Je n'y reviendrai donc qu'en incidente, mais bien entendu, je reste à votre disposition, pour répondre à vos questions.
1999 sera l'année "I" de la réforme, celle ou les projets prennent corps, où l'esprit d'une maison se construit. L'exercice est délicat, tant les sensibilités étaient prononcées - thématiques du développement d'un côté, de la diffusion de notre culture de l'autre. Ce n'est pas une administration sans ambition ni moyens qui vient enrichir notre ensemble diplomatique C'est une structure porteuse d'un projet, dotée des moyens humains et financiers pour coopérer, bien au-delà du seul continent africain, avec l'ensemble des pays du monde. C'est pourquoi chaque étape a été définie en concertation avec l'ensemble des personnels intéressés. C'est aussi pourquoi nous avons été très attentifs à ce que nos moyens de fonctionnement et d'intervention soient suffisants à un moment aussi important de la vie de nos services.
On l'a dit, le budget des Affaires étrangères progresse peu en 1999 : c'est un choix qui résulte de priorités nationales fortes et qui nous a conduits à pratiquer des arbitrages. Vos rapporteurs ont d'ailleurs bien noté que la stabilité globale de ce budget recouvre une progression relative des crédits des Affaires étrangères et une diminution de ceux de la coopération.
Le projet de budget pour 1999 donne des moyens de fonctionnement adaptés aux nouveaux services de la coopération internationale et sauvegarde leur capacité globale d'intervention.
Une appréciation du niveau global s'impose tout d'abord.
Les crédits de coopération internationale ont été individualisés en chapitres spécifiques au sein du budget des Affaires étrangères. Ainsi, l'effort de notre pays dans ce secteur est-il plus visible, plus lisible même, par vous mêmes et par nos partenaires, bénéficiaires des projets. Ces crédits correspondent, au delà des évolutions spécifiques à chaque type d'opérations, à la somme des crédits mis en oeuvre jusque là par les services de la coopération et de la DGRSCT, diminuée des crédits de fonctionnement des services de coopération.
Globalement, cette sommation permet d'identifier une masse de 8,2 milliards de francs dédiés à la coopération internationale et au développement, soit environ 40 % des crédits des Affaires étrangères. Si on y ajoute certains crédits de titre III relevant du champ de compétence de la nouvelle DGCID, je pense à l'AEFE, le total avoisine les l0,5 milliards de francs.
La réforme de la Coopération participe, comme vous pouvez l'imaginer, de l'effort général d'augmentation de l'efficacité des services de l'Etat. Pour autant, elle ne se traduit pas par des économies immédiates. Ni les emplois des services de la Coopération, ni les moyens de fonctionnement des services n'ont été sacrifiés sur l'autel de la réforme. Le budget de l'année 1999 doit nous permettre sa mise en oeuvre dans les meilleures conditions. J'en veux pour preuve que les crédits de fonctionnement des services de la coopération (titre III) qui sont agrégés au Titre III des Affaires étrangères, sont en augmentation de 4,7 %.
S'agissant des choix budgétaires proprement dits, nous avons décidé de maintenir le montant de notre aide aux projets.
Les autorisations de programme au titre du FAC sont stabilisées à 2,3 milliards de francs, dont 1,3 mis en oeuvre par la DGCID et par l'AFD, après une longue période - vous vous en souvenez - de réductions annuelles que nous avons stoppées en 1998. Les crédits de coopération militaire sont au niveau de 1998 et les crédits de coopération civile, hors assistance technique, sont à peu près maintenus Les économies réalisées par ailleurs portent essentiellement sur les crédits d'ajustement structurel (300 MF), sur le financement de l'assistance technique (85 MF) et sur les crédits de paiement du FAC (Etat et AFD).
Comme les années précédentes, l'amélioration de la situation budgétaire de nos partenaires a entraîné la sous-consommation de nos crédits d'ajustement structurel.
Les perspectives restent semblables pour l'an prochain, sous réserve de l'évolution de la conjoncture internationale ; je pense à l'effondrement de certains marchés asiatiques, la baisse des prix du pétrole, du bois et d'autres matières premières, celle du dollar, et au ralentissement général de la demande mondiale. Reste, en sens inverse, que la naissance de l'euro et la sécurisation des échanges qui en résultera bénéficieront à nos partenaires de la zone franc et à l'ensemble des pays ACP.
En tout état de cause, nous serions néanmoins en mesure, si la situation de certains pays se dégradait par trop, de porter nos concours financiers au niveau adéquat.
Les effectifs de l'assistance technique civile et militaire ne baisseront que de 194 unités l'an prochain, au lieu de 305 cette année.
Au demeurant, cette évolution s'inscrit dans la logique de transformation de notre assistance technique, entamée depuis une dizaine d'années déjà, comme vous avez pu le noter lors de débats budgétaires antérieurs. Je souligne simplement le ralentissement de cette baisse des effectifs.
Il reste que, parfois, ni nos partenaires, ni les personnels, ni les rapporteurs ne sont entièrement convaincus par la logique de "renforcement de l'expertise nationale". Je souhaite que les enjeux de cette évolution soient clairement explicités J'ai donc confié à un haut fonctionnaire, bon connaisseur de notre dispositif de coopération, une mission de réflexion en vue de la redéfinition des missions, des statuts et des conditions d'exercice de l'assistance technique. Il me rendra ses conclusions au début de l'an prochain, après concertation avec les intéressés.
Cependant, nous avons obtenu dès cette année, qu'une partie de l'économie réalisée en 1999 du fait de la baisse des effectifs, soit recyclée pour améliorer la situation indemnitaire des coopérants en poste.
Le niveau des crédits de paiement du FAC sur l'exercice 1999 correspond à nos besoins réels.
J'ai déjà eu l'occasion de vous signaler l'allongement progressif de la durée d'exécution de nos projets - tant sur les projets exécutés par mes services que par l'AFD - et les conditions difficiles propres à certains pays qui nous ont conduit à interrompre ou annuler des programmes. Les échéanciers de crédits de paiement couvrant nos autorisations de programmes sont donc modifiés en conséquence, sans que cela interfère dans la réalisation effective des projets.
Au total, je considère donc que ce budget de 8,5 milliards de francs, le premier du genre, nous permettra de servir les ambitions, réaffirmées, de notre politique de coopération internationale.
Une politique ambitieuse, c'est avant tout des priorités affichées, dotées de moyens humains et financiers importants.
J'en évoquerai quatre : développer notre capacité d'influence extérieure, identifier et fidéliser les élites chez nos partenaires, confirmer notre position sur 1a coopération au développement, associer la société civile.
Développer notre influence suppose d'abord de conforter notre langue, notre culture et nos images dans le monde. Ceci nous a conduit à renforcer notre pôle audiovisuel extérieur crédits en hausse, hommes nouveaux, un projet correspondant à l'état des techniques et de la concurrence, voilà qui devrait relancer les choses.
L'audiovisuel extérieur bénéficiera, pour la première fois, de crédits dépassant le milliard de francs.
Notre budget apporte l'essentiel de la contribution française à la Francophonie, 273 millions pour TV5, 286 millions pour le service des Affaires francophones et 1a future DGCID. Notre langue, notre image, nos vecteurs de culture française et francophone ont enfin des moyens suffisants - le sont-ils jamais tout à fait. Mais notre rôle ne se limite pas à payer toujours plus. L'action des principaux opérateurs de la Francophonie va aussi être évaluée.
Développer notre influence suppose aussi d'être plus présents dans les institutions multilatérales.
C'est pourquoi nous augmentons de 50 millions nos contributions volontaires aux organisations internationales et nous apprêtons à y intervenir de façon plus marquée, qu'il s'agisse de l'ONU, de Bretton Woods, des divers organismes multilatéraux dédiés au développement ou des institutions de la Francophonie. A Hanoï, à l'automne dernier, nous avions décidé d'affecter 43 millions de francs de mesures nouvelles au financement de deux programmes majeurs : la promotion du français dans les organisations internationales, le développement des nouvelles technologies de l'information dans l'espace francophone. Ces programmes sont effectivement lancés. Et, au total, ce sont près de 700 millions de francs que nous dédions à la Francophonie sur ce budget. Ils sont mis en oeuvre par les opérateurs que vous connaissez : l'Agence de la Francophonie, l'Agence universitaire de la Francophonie (ex AUPELF-UREF), l'AIMF, l'AIPLE, TV5.
Développer notre influence, c'est enfin une meilleure présence géographique de notre coopération, c'est une réorientation progressive d'une partie de nos moyens vers de nouveaux partenaires. Soutenir le renforcement de l'Etat de droit aux marches de l'Europe ou dans les Républiques de la CEI, c'est sécuriser une région encore potentiellement instable. C'est aussi ouvrir de nouveaux marchés à nos industriels pour qui la paix est une condition préalable à l'investissement et au commerce.
Deuxième priorité : identifier et fidéliser les élites futures chez nos partenaires.
Il s'agissait déjà cette année d'une priorité pour la Coopération comme pour les Affaires étrangères, quoique d'une façon différente. Ce sera demain un thème transversal essentiel pour l'ensemble des services.
Notre politique de bourses, en particulier de bourses d'études, verra ainsi ses moyens renforcés. Notre politique des visas participera également de ce meilleur accueil des étudiants étrangers.
Cette priorité se traduira également par la recherche de partenariats plus riches entre institutions de formation françaises et étrangères. A ce propos, je vous invite à considérer la création d'Edufrance comme répondant à cette ambition. Ce GIP, regroupant les services de l'Etat - Affaires étrangères, Coopération, Education, Recherche et Technologie - avec les établissements d'enseignements supérieurs qui le souhaitent, doit promouvoir le potentiel de formation et d'expertise française à l'étranger. Sa démarche sera commerciale, sa réussite se mesurera en termes de parts du marché international de la formation supérieure, qu'on évalue aujourd'hui à 130 milliards de francs par an. Un bien bel enjeu, lorsqu'on mesure à quel point la fidélisation des élites étrangères passe par leur formation initiale.
Nos universités, nos écoles de commerce, nos chambres de commerce et d'industrie, nos chambres des métiers, nos entreprises, nos écoles militaires sont des coopérants en puissance. Il nous faut y recourir plus systématiquement. La coopération militaire nous en fournit de bons exemples comme l'ouverture en 1999 d'un centre régional de formation au maintien de la paix à Abidjan.
Troisième grande priorité : confirmer la place de la France dans l'aide publique au développement.
C'est tout d'abord confirmer le niveau de notre effort.
La réussite des économies asiatiques a pu, un temps, faire douter certains de la pertinence de l'aide publique au développement. L'investissement privé suffisait, pensait-on. Mais la crise récente et les fragilités constatées dans ces pays, en matière notamment d'infrastructures, de formation ou de gestion des affaires publiques, ont fait justice de cette illusion. Lors des dernières assemblées annuelles du FMI ou de la Banque mondiale, j'ai ainsi constaté une évolution significative du discours sur l'aide publique au développement. Le développement humain, la lutte contre la pauvreté, l'enseignement de base et la formation en général, la restauration de l'Etat de droit y ont été clairement réaffirmés comme conditions du développement durable des pays sous ajustement.
La France a fait sienne cette analyse depuis fort longtemps et, contrairement à d'autres, s'y est tenue. Même si nous devons regretter l'érosion enregistrée ces dernières années, en 1997, le niveau de notre aide - 37 milliards de francs, soit 0,45 % du PIB - nous maintient au premier rang des pays du G8 en termes de taux d'effort, et au deuxième, derrière le Japon, en termes de volume. Ne faisons la leçon à personne, mais permettez moi de comparer cette situation au taux de 0,08 % du PIB consacré par les Etats-Unis à l'APD.
L'année 1999 sera celle de la renégociation des Accords de Lomé.
Nous avons défendu âprement la préservation de ce lien privilégié entre l'Europe et les pays en développement, notamment africains. La future Convention devra tenir compte de deux nouveautés : désormais, l'OMC existe, l'Europe politique et monétaire aussi. Pour ce qui est de l'OMC, nous avons rappelé l'objectif d'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale mais aussi le besoin d'un calendrier et de modalités appropriées selon les régions. Quant à l'euro, il consolidera le lien économique et commercial avec les pays ACP, et pas seulement avec les pays de la zone franc.
Il faudra aussi, en 1999, réfléchir concrètement à une meilleure utilisation des canaux de l'aide multilatérale.
En particulier, lorsque nous ne disposons pas du personnel français nécessaire sur le terrain. J'attends d'ailleurs beaucoup du rapport que le député Yves Tavernier transmettra au Premier ministre sur l'articulation de nos actions bilatérales et multilatérales.
D'une manière générale, la France a besoin de mieux mobiliser ses forces. La mondialisation rend les pays du Sud plus sensibles à la concurrence et à la multiplicité des initiatives ; elle les rend aussi d'autant plus attentifs à toutes les formes de partenariat susceptibles d'augmenter leurs chances de réussite.
Associer plus activement la société civile à notre politique de coopération internationale reste, bien sûr, un impératif ; c'est notre quatrième priorité d'action.
La Coopération que l'on qualifie de "hors l'Etat" est au coeur des nouvelles dynamiques. Les moyens que nous y consacrons, en augmentation sensible, sont appelés à soutenir des initiatives très diverses. Une structure spécifique à été créée au sein de la DGCID, pour rendre plus visible et aisément identifiable cette volonté politique forte dans notre dispositif de coopération.
La coopération décentralisée s'affirme chaque jour davantage comme répondant à une attente de nos partenaires. Elle apporte au développement la relation humaine, j'oserai dire charnelle, qui permet des partenariats durables et proches des populations.
Nous encourageons l'élargissement de son champ d'action et la diversité de ses intervenants. Dans le même temps, nous sommes particulièrement désireux d'une coordination plus grande entre les actions des collectivités territoriales, des acteurs de la solidarité internationale et de l'Etat.
Des Rencontres nationales de la Coopération décentralisée consolideront, en avril prochain, ces outils de la présence française.
Aux côtés des collectivités publiques, c'est le tissu associatif, bien sûr, mais aussi les entreprises et les organisations professionnelles qui s'engagent.
Des actions comme la Journée de promotion de l'investissement en zone franc - 450 entreprises présentes, la création du site Internet le plus riche sur l'entreprise en zone Franc, consulté 50 fois par jour depuis la mi-octobre - témoignent d'une heureuse synergie entre l'Etat et le secteur privé. J'attends aussi que la négociation des contrats de plan Etat/régions comporte une dimension de promotion du tissu économique - la projection des PME/PMI -dans sa composante internationale.
Les organisations de solidarité internationale ont quant à elles une tradition établie de coopération dans les secteurs les plus divers. Notre souci est de les voir se renforcer, d'encourager une réunion des moyens et une professionnalisation qui les rendront aussi efficaces que leurs homologues étrangères.
Enfin, les confédérations syndicales, salariées ou patronales, constituent un terrain de coopération particulièrement fertile. Aussi y consacrerai-je de l'énergie et des moyens supplémentaires en 1999.
Je voudrais, pour conclure, vous rendre attentifs aux échéances pour l'année à venir, qui vont jalonner la concrétisation de nos ambitions.
Début janvier, le Premier ministre réunira le premier Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, et arrêtera le texte portant création du Haut conseil de la coopération internationale. Je serai, bien entendu, à la disposition de votre assemblée pour faire le point sur ces sujets et vous préciser la nature et le contenu de notre zone de solidarité prioritaire.
Fidélité et ouverture en seront les maîtres mots. La fidélité à notre histoire, à la géographie, à nos liens culturels, à nos frères et à nos amis, qui nous conduit au renforcement de nos partenariats traditionnels. L'ouverture à l'autre Afrique, aussi, à l'ensemble des pays en développement, aux autres cultures, parce que c'est elle qui accompagnera le mieux l'ouverture au monde de nos partenaires traditionnels.
Au delà, fixons-nous pour objectif de proposer à la société française, dans les six prochains mois, un débat de fond pour qu'à la réforme de la Coopération dont vous connaissez l'architecture, réponde la mobilisation dont elle porte l'esprit. Dans quelques mois, je proposerai au Haut conseil le document de référence autour duquel le débat pourrait s'engager.
Je ne doute pas que nous saurons alors rencontrer les aspirations de nos concitoyens à une plus grande ouverture sur le monde et mobiliser ainsi le gisement de générosité que la société française recèle. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)