Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invité à ce Forum mondial auquel je participe avec plaisir et intérêt chaque année et cela depuis sa première édition.
Le thème de la table ronde de ce soir est non seulement d'actualité - avec cette semaine, par exemple, la tenue de la conférence de Montréal sur le climat ou les débats récents autour du rapport REACH- mais c'est aussi un sujet de préoccupation grandissante pour le syndicalisme en France, en Europe (au sein de la CES par exemple) et dans le monde.
Une préoccupation un peu paradoxale puisque, d'une part, l'on sent bien que le développement durable porte des enjeux politiques, économiques et sociaux considérables ? des enjeux véritablement de société à l'échelle des territoires et de la planète - mais que, d'autre part, ses contours et ses contenus restent largement à préciser.
Il y a encore beaucoup d'ignorance sur le sujet ; je me souviens par exemple avoir cité, lors de mon intervention ici même l'an dernier, les résultats d'un sondage réalisé pour notre journal La Nouvelle Vie Ouvrière et qui faisait apparaître que 53 % des salariés déclaraient n'avoir jamais entendu parler de « développement durable », et 34 % en avoir entendu parler mais sans pouvoir en préciser les contenus.
J'ai le sentiment que cela a évolué. Sans doute par la force des choses ! La succession récente de catastrophes environnementales (le tsunami, le cyclone Katerina?) mais aussi les catastrophes sociales, économiques, parfois financières ont largement contribué à mobiliser les différents acteurs sociaux sur l'idée « qu'il n'est pas possible de continuer comme cela », et que le confortable « il est urgent d'attendre » n'est plus de mise.
Lorsque l'on évoque le développement durable on pense à son environnement proche mais aussi à la mondialisation et donc, naturellement, aux relations internationales.
Nous tenons beaucoup, en tant qu'organisation syndicale, à ce que celles-ci traitent des trois dimensions du développement durable ? des trois « piliers » selon l'expression consacrée - et de leurs interactions pour s'inscrire dans de vraies dynamiques de changement : l'environnement, le social et le modèle économique.
L'environnement, le changement climatique : une préoccupation universelle
Concernant l'environnement et le changement climatique, le mouvement syndical a soutenu la ratification du protocole de Kyoto en soulignant qu'il était un instrument tout à fait novateur mais aussi très insuffisant. Nous disposons maintenant d'une expertise scientifique suffisamment solide et consensuelle sur la menace réelle de réchauffement climatique (à tel point que même les Etats-Unis au sommet du G8 à Glenneagles en ont reconnu la réalité) pour être exigeants en matière de règles multilatérales susceptibles d'en contrer les effets.
C'est dès maintenant qu'il faut agir en faisant respecter les règles de Kyoto, en faisant pression sur les Etats-Unis pour qu'ils s'y conforment et en décidant des suites du Protocole en 2012.
La forte délégation de syndicats présente à la conférence de Montréal vient de rappeler que : « respecter Kyoto est une question de solidarité avec les populations des pays du Sud les plus exposés aux effets du changement climatique ». La proposition de la CES que le prochain accord ait pour but de limiter les émissions et de réduire l'intensité énergétique de la croissance des pays en développement, en respectant le principe des « responsabilités communes mais différenciées », doit être retenue. Pour atteindre ces objectifs ambitieux il faut évidemment de la solidarité et de la mise en commun d'efforts entre les pays du Nord et du Sud en matière d'innovation, de recherche, de formation, de transferts technologiques mais il faut aussi de la négociation internationale et de la négociation entre employeurs et organisations syndicales.
Ce dernier élément est essentiel. Or nous constatons que c'est là où le bât blesse. J'en veux pour preuve les débats en cours sur le rapport REACH. La CGT a fait beaucoup d'efforts, en commun avec des associations et ONG, notamment Greenpeace, sur cette question du contrôle des matières chimiques. S'il y a des avancées, nous constatons cependant que le patronat de la chimie se bat becs et ongles contre l'adoption de ce rapport dont l'application est pourtant indispensable tout simplement pour la santé et le bien-être de tous.
Renforcer la dimension sociale du développement durable
Au-delà de l'environnement, je constate que c'est surtout sur la dimension sociale du développement durable que les relations internationales sont les plus minimales. Or il s'agit là d'une question essentielle si l'on veut développer des coopérations et des solidarités actives et aussi une condition de l'acceptabilité de mesures qui peuvent avoir des implications positives ou négatives sur les salariés. Je pense en particulier aux questions d'emplois et de conditions de travail et de sécurité. Le développement durable nous engage implicitement vers une harmonisation vers le haut des conditions sociales et salariales, des protections, de la démocratie sociale comme des droits d'intervention des salariés dans la gestion des entreprises.
De même, le contrôle de l'activité des multinationales, dont certaines ont un pouvoir démesuré sur les sociétés, devrait être un objet de négociations entre les Etats et entre les représentants patronaux et les organisations syndicales. Qu' y a t il de choquant à exiger que ces multinationales assument leur responsabilité sociale et environnementale, leur responsabilité vis-à-vis des pays les moins développés, dont elles exploitent souvent les richesses, et vis-à-vis de leurs réseaux de sous-traitants et fournisseurs ? C'est notamment dans cet objectif que les organisations syndicales dans le monde travaillent à la création d'une Confédération syndicale internationale unique qui pourrait voir le jour en 2006.
Revoir notre modèle économique
Enfin, le développement durable suggère la redéfinition du modèle économique actuel, la reconstruction de régulations au niveau international. La pression du libéralisme sur les Etats et les populations va à l'encontre des objectifs mêmes d'un développement harmonieux, économe en ressources et respectueux de la nature et des populations.
Le développement durable questionne aussi le modèle productif. Les salariés ont tout à gagner d'une nouvelle croissance moins intensive en carbone et moins consommatrice de ressources rares. Ils ont tout à gagner à la mise en ?uvre de protections contre les risques industriels, les nouvelles flexibilités et les risques liés aux aléas de la vie économique. En revendiquant une sécurité sociale professionnelle, nous avons comme organisation syndicale le sentiment de répondre à l'insécurité sociale grandissante actuelle et de créer les conditions d'une vie en société, moderne et durable.
L'aggravation des inégalités à l'intérieur des Etats et entre les Etats, notamment ceux du Nord et ceux du Sud, mine la cohésion sociale, renforce les logiques violentes, les risques pour la paix.
Puisque nous nous penchons ce soir sur le développement durable et les relations internationales, je ne peux que regretter l'échec, hélas maintenant prévisible, des engagements du millénaire qui visaient à réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015. Il faut le plus rapidement possible réengager la négociation dans un cadre multilatéral pour se fixer des objectifs, une feuille de route ambitieuse pour les tenir.
L'Europe, et notre pays en son sein, ont un rôle majeur à jouer dans la mise en place d'un développement durable, condition d'une mondialisation à visage humain.(Source http://www.cgt.fr, le 6 décembre 2005)
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invité à ce Forum mondial auquel je participe avec plaisir et intérêt chaque année et cela depuis sa première édition.
Le thème de la table ronde de ce soir est non seulement d'actualité - avec cette semaine, par exemple, la tenue de la conférence de Montréal sur le climat ou les débats récents autour du rapport REACH- mais c'est aussi un sujet de préoccupation grandissante pour le syndicalisme en France, en Europe (au sein de la CES par exemple) et dans le monde.
Une préoccupation un peu paradoxale puisque, d'une part, l'on sent bien que le développement durable porte des enjeux politiques, économiques et sociaux considérables ? des enjeux véritablement de société à l'échelle des territoires et de la planète - mais que, d'autre part, ses contours et ses contenus restent largement à préciser.
Il y a encore beaucoup d'ignorance sur le sujet ; je me souviens par exemple avoir cité, lors de mon intervention ici même l'an dernier, les résultats d'un sondage réalisé pour notre journal La Nouvelle Vie Ouvrière et qui faisait apparaître que 53 % des salariés déclaraient n'avoir jamais entendu parler de « développement durable », et 34 % en avoir entendu parler mais sans pouvoir en préciser les contenus.
J'ai le sentiment que cela a évolué. Sans doute par la force des choses ! La succession récente de catastrophes environnementales (le tsunami, le cyclone Katerina?) mais aussi les catastrophes sociales, économiques, parfois financières ont largement contribué à mobiliser les différents acteurs sociaux sur l'idée « qu'il n'est pas possible de continuer comme cela », et que le confortable « il est urgent d'attendre » n'est plus de mise.
Lorsque l'on évoque le développement durable on pense à son environnement proche mais aussi à la mondialisation et donc, naturellement, aux relations internationales.
Nous tenons beaucoup, en tant qu'organisation syndicale, à ce que celles-ci traitent des trois dimensions du développement durable ? des trois « piliers » selon l'expression consacrée - et de leurs interactions pour s'inscrire dans de vraies dynamiques de changement : l'environnement, le social et le modèle économique.
L'environnement, le changement climatique : une préoccupation universelle
Concernant l'environnement et le changement climatique, le mouvement syndical a soutenu la ratification du protocole de Kyoto en soulignant qu'il était un instrument tout à fait novateur mais aussi très insuffisant. Nous disposons maintenant d'une expertise scientifique suffisamment solide et consensuelle sur la menace réelle de réchauffement climatique (à tel point que même les Etats-Unis au sommet du G8 à Glenneagles en ont reconnu la réalité) pour être exigeants en matière de règles multilatérales susceptibles d'en contrer les effets.
C'est dès maintenant qu'il faut agir en faisant respecter les règles de Kyoto, en faisant pression sur les Etats-Unis pour qu'ils s'y conforment et en décidant des suites du Protocole en 2012.
La forte délégation de syndicats présente à la conférence de Montréal vient de rappeler que : « respecter Kyoto est une question de solidarité avec les populations des pays du Sud les plus exposés aux effets du changement climatique ». La proposition de la CES que le prochain accord ait pour but de limiter les émissions et de réduire l'intensité énergétique de la croissance des pays en développement, en respectant le principe des « responsabilités communes mais différenciées », doit être retenue. Pour atteindre ces objectifs ambitieux il faut évidemment de la solidarité et de la mise en commun d'efforts entre les pays du Nord et du Sud en matière d'innovation, de recherche, de formation, de transferts technologiques mais il faut aussi de la négociation internationale et de la négociation entre employeurs et organisations syndicales.
Ce dernier élément est essentiel. Or nous constatons que c'est là où le bât blesse. J'en veux pour preuve les débats en cours sur le rapport REACH. La CGT a fait beaucoup d'efforts, en commun avec des associations et ONG, notamment Greenpeace, sur cette question du contrôle des matières chimiques. S'il y a des avancées, nous constatons cependant que le patronat de la chimie se bat becs et ongles contre l'adoption de ce rapport dont l'application est pourtant indispensable tout simplement pour la santé et le bien-être de tous.
Renforcer la dimension sociale du développement durable
Au-delà de l'environnement, je constate que c'est surtout sur la dimension sociale du développement durable que les relations internationales sont les plus minimales. Or il s'agit là d'une question essentielle si l'on veut développer des coopérations et des solidarités actives et aussi une condition de l'acceptabilité de mesures qui peuvent avoir des implications positives ou négatives sur les salariés. Je pense en particulier aux questions d'emplois et de conditions de travail et de sécurité. Le développement durable nous engage implicitement vers une harmonisation vers le haut des conditions sociales et salariales, des protections, de la démocratie sociale comme des droits d'intervention des salariés dans la gestion des entreprises.
De même, le contrôle de l'activité des multinationales, dont certaines ont un pouvoir démesuré sur les sociétés, devrait être un objet de négociations entre les Etats et entre les représentants patronaux et les organisations syndicales. Qu' y a t il de choquant à exiger que ces multinationales assument leur responsabilité sociale et environnementale, leur responsabilité vis-à-vis des pays les moins développés, dont elles exploitent souvent les richesses, et vis-à-vis de leurs réseaux de sous-traitants et fournisseurs ? C'est notamment dans cet objectif que les organisations syndicales dans le monde travaillent à la création d'une Confédération syndicale internationale unique qui pourrait voir le jour en 2006.
Revoir notre modèle économique
Enfin, le développement durable suggère la redéfinition du modèle économique actuel, la reconstruction de régulations au niveau international. La pression du libéralisme sur les Etats et les populations va à l'encontre des objectifs mêmes d'un développement harmonieux, économe en ressources et respectueux de la nature et des populations.
Le développement durable questionne aussi le modèle productif. Les salariés ont tout à gagner d'une nouvelle croissance moins intensive en carbone et moins consommatrice de ressources rares. Ils ont tout à gagner à la mise en ?uvre de protections contre les risques industriels, les nouvelles flexibilités et les risques liés aux aléas de la vie économique. En revendiquant une sécurité sociale professionnelle, nous avons comme organisation syndicale le sentiment de répondre à l'insécurité sociale grandissante actuelle et de créer les conditions d'une vie en société, moderne et durable.
L'aggravation des inégalités à l'intérieur des Etats et entre les Etats, notamment ceux du Nord et ceux du Sud, mine la cohésion sociale, renforce les logiques violentes, les risques pour la paix.
Puisque nous nous penchons ce soir sur le développement durable et les relations internationales, je ne peux que regretter l'échec, hélas maintenant prévisible, des engagements du millénaire qui visaient à réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015. Il faut le plus rapidement possible réengager la négociation dans un cadre multilatéral pour se fixer des objectifs, une feuille de route ambitieuse pour les tenir.
L'Europe, et notre pays en son sein, ont un rôle majeur à jouer dans la mise en place d'un développement durable, condition d'une mondialisation à visage humain.(Source http://www.cgt.fr, le 6 décembre 2005)