Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les relations entre la Turquie et l'Union européenne et sur le développement des échanges économiques et culturels entre la France et la Turquie, Paris le 29 novembre 2005.

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Circonstance : Ouverture du colloque Sénat-Ubifrance "Turquie 2005 : vrais et nouveaux visages" au Sénat le 29 novembre 2005

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Messieurs les Ambassadeurs,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat est très fier et heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque sur les vrais et les nouveaux visages de la Turquie, dans le cadre de son partenariat toujours fructueux avec nos amis d'Ubifrance. C'est le premier que nous consacrons à ce pays.
Cette manifestation se déroule sous l'égide du groupe interparlementaire France-Turquie, dont le Président, mon collègue et ami le sénateur Jacques BLANC, rentre d'une mission en Turquie. Il vous en dira un mot tout à l'heure, pendant le déjeuner.
La Turquie se trouve à la croisée des religions et des continents. Depuis toujours, elle a constitué un carrefour stratégique compte tenu de sa situation géographique exceptionnelle qui en fait un point de passage entre l'Europe, l'Asie centrale et le Proche-Orient.
Marquée au travers de l'histoire par de multiples influences, la Turquie conserve aujourd'hui plusieurs visages. Istanbul en est l'un des meilleurs symboles : du quartier occidental aux banlieues dortoirs où se pressent les émigrés d'Anatolie, la ville offre mille portes d'entrées différentes.
Cette diversité est importante à rappeler, à un moment où des enjeux essentiels se dessinent pour l'avenir de la Turquie et de l'Union européenne, et dans un contexte où les fantasmes sont nourris par les craintes de la mondialisation de l'économie et la menace de la montée d'un islamisme intolérant.
Il faut avoir à l'esprit l'ancrage occidental et laïc de la Turquie. La substitution de l'alphabet latin à l'alphabet arabe sous Mustapha Kemal en est une bonne illustration. Souvenons-nous aussi que l'accord d'association avec la Turquie date de 1963, ce qui en fait le plus ancien pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Dès 1995, la Turquie a par ailleurs signé un accord douanier avec l'Union européenne.
Aujourd'hui forte de 71 millions d'habitants, la population turque pourrait rapidement dépasser celle de l'Allemagne. Il convient de souligner les perspectives importantes que ce marché jeune et dynamique représente pour les entreprises françaises.
D'autant que la Turquie a connu depuis le printemps 2003 un remarquable redressement économique. La croissance est repartie depuis le deuxième semestre 2002, pour atteindre près de 10 % en 2004. Elle devrait avoisiner 7 % cette année.
L'inflation a quant à elle été ramenée de 68 % fin 2001 à 18 % fin 2003 et devrait être inférieure à 8 % en 2005.
Par ailleurs, le gouvernement poursuit une politique de réformes structurelles ambitieuse : de nombreux secteurs ont été libéralisés et des autorités indépendantes de régulation ont été créées. Ces réformes ont amorcé un processus de modernisation en profondeur de l'économie.
L'autonomie a été accordée à la banque centrale, la restructuration du secteur bancaire et financier est en cours tandis que la plupart des secteurs -transports, électricité, télécoms- ont été, ou sont sur le point, d'être libéralisés.
Comment expliquer, dans ces conditions, le faible volume des investissements directs étrangers -et notamment français- en Turquie ?
Certes, dans plusieurs domaines, la situation de l'économie turque reste encore fragile. Je pense, en particulier, à un endettement extérieur encore élevé et au déficit persistant de la balance des paiements. En outre, la stagnation des investissements publics depuis de longs mois conduit à un vieillissement des infrastructures, qui risque à terme d'entraver la marche optimale de l'économie.
Mais pourquoi se priver de toutes ces opportunités d'affaires, alors que dans beaucoup d'autres pays, notamment européens, l'environnement économique est nettement plus terne et, parfois, plus risqué ?
Beaucoup d'entreprises françaises l'ont déjà bien compris !
Renault, Peugeot, Arcelor, Schneider, Saint-Gobain, Areva, Lafarge, Total, Carrefour... au total, ce sont près de 200 entreprises françaises qui sont présentes sur le marché turc. Mais aussi nombreuses soient-elles, la France n'occupe que le 7ème rang des capitaux étrangers investis en Turquie. Dans le sillage des multinationales, j'encourage maintenant les petites et moyennes industries à aller séduire les 71 millions de Turcs !
Je me réjouis de constater qu'après la crise de 2001 -consécutive au vote par le Parlement français de la loi portant reconnaissance du génocide arménien-, les échanges entre la France et la Turquie ont retrouvé un niveau satisfaisant. Ces échanges ont même augmenté de 23 % en 2004, pour atteindre le niveau record de 7,5 milliards d'euros. La France est aujourd'hui le 4ème fournisseur de la Turquie, derrière l'Allemagne, l'Italie et la Russie.
Mais nous pouvons faire mieux !
D'autant que nos amis turcs sont largement francophiles et souvent francophones. Notre réseau d'enseignement en Turquie est un des plus efficients au monde, avec le lycée Pierre Loti d'Istanbul et le lycée Charles de Gaulle d'Ankara. Nous apportons aussi notre appui à l'université francophone de Galatasaraye, à l'Université de Marmara et aux six établissements congréganistes, éléments anciens et influents de notre présence, qui scolarisent plus de 4.500 élèves.
Par ailleurs, l'absence d'élections nationales jusqu'en novembre 2007 devrait permettre à la Turquie de continuer à connaître une période inédite de stabilité économique pendant les prochaines années.
Mesdames et Messieurs,
Au-delà des statistiques et des données économiques, je voudrais souligner deux points, à mes yeux capitaux.
o Le premier point concerne l'image de la Turquie dans l'opinion publique française.
Les débats qui ont précédé et suivi le référendum sur le traité constitutionnel européen en France ont révélé la grande méconnaissance de la Turquie par l'opinion publique française. Dans le climat général de suspicion à l'égard du monde musulman qui s'est installé depuis le 11 septembre 2001, la perspective d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne suscite des appréhensions parfois irrationnelles.
Pour consolider le climat de confiance qui doit désormais prévaloir de part et d'autre, dans la perspective des discussions qui se sont récemment ouvertes sur l'adhésion de la Turquie à l'Union, il est important que notre présence économique se renforce en Turquie. C'est par l'approfondissement de nos échanges et de nos liens économiques que nous ferons progressivement tomber les préjugés.
o Ma seconde remarque s'adresse moins aux entrepreneurs qu'à tous ceux qui rêvent de le devenir. Je pense en particulier à tous ces jeunes Français qui, malgré le pessimisme ambiant, croient encore à la réussite et sont prêts à s'engager.
Je me garderai bien des comparaisons faciles, et n'affirmerai pas, comme certains, que la Turquie est un eldorado.
En revanche, je suis convaincu que la Turquie est un vrai pays d'avenir où presque tout est encore à faire, un de ces Etats jeunes où les mots « réussite », « promotion » et « succès » peuvent trouver tout leur sens.
Je suis persuadé qu'avec les conseils éclairés d'Ubifrance, tous les participants à ce colloque partageront, à l'issue de vos travaux, l'amitié et l'attachement sincères que le Sénat porte à nos amis turcs. J'espère que vous sortirez cet après-midi du Sénat convaincus de l'opportunité et de l'urgence d'investir ou de renforcer vos investissements en Turquie.
A tous, je souhaite de fructueux travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir, qui vous incitera à y revenir.(Source http://www.senat.fr, le 1 décembre 2005)