Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur les relations entre la France et la République démocratique du Congo, à Kinshasa le 21 novembre 2005.

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Intervenant(s) : 
  • Brigitte Girardin - Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Circonstance : Déplacement en République démocratique du Congo, les 20 et 21-réception de la communauté française, à Kinshasa le 21 novembre 2005

Texte intégral


Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Député,
Mesdames les Représentantes à l'Assemblée des Français à l'étranger,
Mesdames, Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,
Je suis très heureuse d'être parmi vous ce soir à Kinshasa, pour ce premier déplacement en République démocratique du Congo.
Je sais combien ce pays, et la communauté française qui y réside, ont souffert et connu de nombreuses vicissitudes pendant les quinze dernières années. Votre présence ici ce soir, et votre diversité socio-professionnelle, témoignent donc de manière vivante du maintien, malgré cette histoire agitée, de liens étroits entre nos deux pays.
L'un des premiers liens est la langue : la République démocratique du Congo est, en effet, le plus important pays francophone d'Afrique et, peut-être demain, du monde. Cette Francophonie, nous la voulons active, vivante et solidaire. C'est pourquoi ce pays représente à lui seul un enjeu important pour le maintien de l'influence française et pour notre rayonnement culturel. C'est aussi la raison pour laquelle je m'y arrête à la veille de rejoindre la Conférence ministérielle de la Francophonie qui doit s'ouvrir à Tananarive. Cette importante rencontre explique également la présence à mes côtés du sénateur Legendre et du député Bourg-Broc, tous deux éminents représentants de notre pays au sein de l'Assemblée parlementaire francophone, et qui m'ont fait l'amitié de m'accompagner au cours de ce déplacement préalable en Afrique.

Je voudrais profiter ce soir de cette rencontre conviviale pour souligner devant vous trois éléments essentiels de notre relation avec le pays qui nous accueille :

  • d'abord, l'avenir politique de la République démocratique du Congo, et nos efforts pour l'accompagner sur la voie de la démocratie ;
  • ensuite, la présence économique française en République démocratique du Congo, et les conditions de son développement ;
  • enfin, notre coopération bilatérale et multilatérale avec la République démocratique du Congo.

1 - En premier lieu, l'avenir politique de la République démocratique du Congo.
Après cinq années de guerre, la République démocratique du Congo est entrée dans une période délicate de transition politique, marquée par une architecture institutionnelle originale, qui voit cohabiter au pouvoir les anciens belligérants.
Les acquis de ce dispositif sont d'ores et déjà perceptibles. Il a en effet permis le retour de la paix, même si la sécurité des populations sur l'ensemble du territoire congolais n'est pas encore pleinement assurée ; il a aussi généré une stabilisation macro-économique et financière qui a permis de renouer avec la croissance, même si beaucoup reste à faire pour améliorer les conditions d'un développement économique et social harmonieux.
Vous le savez tous, la République démocratique du Congo va entrer dans moins d'un mois dans un cycle électoral dont le bon déroulement conditionne son avenir et sa stabilité. Je suis consciente des risques d'un tel processus, compte tenu bien sûr des tensions intérieures, dans un pays qui n'a pas connu d'élections réellement libres et démocratiques depuis quarante ans, pour ne pas dire depuis son indépendance.
Mais ce processus est incontournable, et il est plus encore source d'espoir pour l'ensemble de la population congolaise qui aspire à pouvoir vivre en paix, sortir de l'insécurité juridique et personnelle, et se choisir des dirigeants et des représentants légitimes, qui ne soient pas parvenus au pouvoir par les armes.
Dans cette période cruciale, la France contribuera à soutenir les autorités et le peuple congolais dans leurs efforts pour assurer des élections libres, transparentes et démocratiques, notamment à travers le Comité international d'accompagnement de la Transition (CIAT). Elle restera également très attentive à la sécurité de ses ressortissants. Il nous faut tout à la fois être neutres, bienveillants, et attentifs, dans le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi des aspirations de tous, Congolais comme Français, à vivre en paix et en sécurité.

2 - Sur le plan de nos relations économiques et commerciales, vous savez tous aussi combien ce pays représente un potentiel de développement important pour nos échanges et nos investissements, dans le secteur des matières premières, de l'énergie, des infrastructures, mais aussi des services.
Plusieurs d'entre vous effectuent à cet égard un travail remarquable, dans des conditions souvent difficiles - je pense notamment aux conseillers du commerce extérieur, aux membres de la dynamique Chambre de commerce et d'industrie franco-congolaise (CCIFC), et, d'une manière générale, à tous ceux qui oeuvrent pour le développement de nos relations économiques. Je les encourage vivement à persévérer dans leurs efforts dont je souhaite qu'ils aboutissent, à court et moyen terme, à une présence économique française renforcée.
La prochaine visite du MEDEF, prévue en janvier prochain, devrait à cet égard constituer une occasion importante d'identifier des secteurs, des partenariats et des projets qui permettront ce renforcement. Je vous invite à la préparer activement, afin qu'un profit maximum en soit tiré.

3 - Enfin, je voudrais bien sûr évoquer ce dont j'ai la responsabilité directe, c'est à dire le développement de notre coopération.
Après dix années de suspension, notre coopération institutionnelle a repris depuis trois ans, avec plusieurs projets de coopération et l'affectation d'assistants techniques - une douzaine actuellement - dans divers secteurs-clés de notre intervention. Y contribue également la réouverture de l'Agence française de développement.
Cette action a naturellement vocation à se poursuivre et même à s'amplifier. Tel est le sens du "Document cadre de Partenariat" (DCP) qui est actuellement en cours d'élaboration, et qui sera prochainement discuté avec nos partenaires congolais. C'est en effet ce document qui doit définir les secteurs et les modalités de notre coopération bilatérale au cours des prochaines années.
Je souhaite insister auprès de vous sur l'importance que j'attache à la bonne préparation de ce document-cadre de partenariat, qui constitue pour la France le nouvel instrument par lequel transitera dorénavant l'ensemble de notre aide, et par lequel se concrétisera la réforme de notre politique de coopération, voulue par le président de la République et le gouvernement.

Le maître-mot de cette réforme, c'est l'efficacité :

  • d'abord, en inscrivant désormais notre action dans la durée, grâce à une programmation sur 5 ans, et en veillant à son caractère opérationnel par une liste de projets identifiés et chiffrés ;
  • ensuite, en concentrant désormais 80 % de notre aide sur 3 secteurs d'intervention prioritaires, choisis en fonction des potentialités locales de développement : en évitant le saupoudrage, il s'agit d'être plus cohérent et plus visible ;
  • avec le futur DCP, il s'agit encore de mieux coordonner nos efforts, en intégrant dans la démarche l'ensemble des intervenants français que sont notamment les entreprises, les ONG ou encore les collectivités locales ;
  • enfin le DCP doit nous permettre de mutualiser nos interventions avec celles de nos partenaires européens et multilatéraux, en privilégiant les cofinancements qui démultiplient les apports des uns et des autres.

Au total, il s'agit donc bien d'insuffler à notre politique de coopération une véritable logique de programmation et de contractualisation. C'est tout le sens d'un partenariat moderne et efficace, qui n'a plus rien à voir avec l'assistance.
S'agissant plus particulièrement de la République démocratique du Congo, les secteurs d'intervention prioritaires retenus par le projet de DCP correspondent à la gouvernance économique et financière et l'état de droit, l'éducation, et l'environnement et la forêt.
Bien entendu, vous serez associés à la mise en ?uvre de cet important document, auquel je vous invite à apporter votre contribution, quelles que soient vos activités et responsabilités au Congo.
Mais si nous sommes capables de jouer aujourd'hui ce rôle en République démocratique du Congo, c'est aussi grâce à l'expérience acquise par vous-mêmes sur le terrain. Au terme de ce bref déplacement à Kinshasa, je souhaitais donc vous rencontrer pour rendre hommage à votre action dans ce pays, dans des conditions difficiles, et dans un environnement contraignant que je ne sous-estime pas. Avec vous, je veux croire au rôle utile que la France peut y avoir pour contribuer à un développement économique durable. Ce que j'ai vu et entendu ici témoigne d'un réel attachement à la France. Le mérite vous en revient en premier lieu, vous qui animez des entreprises, des institutions et des projets au service de nos deux pays.
Je voudrais saluer particulièrement les assistants techniques, qui incarnent la solidarité entre nos deux pays dans la voie du développement. Je veux également saluer les animateurs d'ONG et les membres de congrégations religieuses, souvent isolés dans l'intérieur du pays, dans des zones difficiles d'accès et particulièrement pauvres, et au-delà saluer toutes celles et tous ceux qui consacrent leur énergie à soulager les souffrances des populations congolaises. Ils sont le témoignage vivant de l'esprit de solidarité qui anime l'action extérieure de la France, et à ce titre, méritent le témoignage du respect et de la considération de notre pays.
A vous tous qui me faites l'amitié d'avoir répondu ce soir à mon invitation, je souhaite donc exprimer ma reconnaissance et mes encouragements : vous donnez corps à l'amitié franco-congolaise et, au-delà, à la relation profonde et historique de la France et de l'Afrique.
Vive la République, vive la France ! .

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2005)