Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, au quotidien tchèque Pravo du 2 décembre 2005, sur les relations franco-tchèques, la position française concernant l'Irak, les violences dans les banlieues et la construction européenne.

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Média : Pravo

Texte intégral

Pravo : Est-ce seulement la célébration du 200ème anniversaire de la bataille d'Austerlitz
qui vous amène en République tchèque ?
Michèle Alliot-Marie : Le bicentenaire de la bataille d?Austerlitz est l?un des éléments de
ma visite en République tchèque. Ce voyage s'inscrit surtout dans le cadre d'échanges
politiques entre nos deux pays. Ces échanges se sont intensifiés ces derniers mois, avec
notamment la visite du Premier ministre tchèque à Paris en octobre, et celle du chef
d?état-major des armées françaises à Prague les 29 et 30 septembre. La République tchèque
est membre de l?Union européenne depuis mai 2004. Elle s?investit de plus en plus dans les
différents volets de la politique européenne de sécurité et de défense. C?est pour évoquer
notamment les progrès considérables de l?Europe de la Défense que je me rends à Prague.
Pravo : Venez-vous à Prague avec quelques nouveaux projets de coopération franco-tchèque
dans les affaires militaires ?
Michèle Alliot-Marie : La France et la République tchèque entretiennent depuis quelques
années une relation suivie en matière de défense. Notre coopération actuelle comprend
notamment des échanges dans le domaine de la formation à l?école d?Etat-major de Compiègne,
des entraînements communs de nos pilotes, une collaboration avec le service de santé des
armées. De nouveaux projets viennent de s'ouvrir avec des échanges à caractère opérationnel,
de nouvelles actions particulières de formation.
Pravo : Plus de deux ans après l'invasion militaire en Irak, critiquée par le gouvernement
français, la situation dans ce pays est toujours très dangereuse. Où voyez-vous aujourd'hui
la clé pour une solution de cette crise ?
Michèle Alliot-Marie : Nous avons toujours dit que la meilleure solution était que l?Irak
retrouve sa pleine souveraineté. La communauté internationale y travaille. Il faut que le
processus politique en cours inclue toutes les communautés de ce pays. C'est la seule façon
d'assurer la stabilité de l'Irak dans la durée. Nous appuyons les efforts de la Ligue arabe
en ce sens.
Dans le cadre du processus politique fixé par la résolution 1546 du 8 juin 2004 du Conseil
de sécurité des Nations Unies et plus récemment, par la résolution 1637, la contribution
française se manifeste par plusieurs types d?actions : pour aider au redémarrage économique
et social, au sein du Club de Paris, et conformément à l?accord conclu le 21 novembre 2004,
la France a décidé un allègement plus que substantiel des créances publiques à l'égard de
l'Irak, à hauteur de 4,5 Md$ ; pour aider à la sécurité dans le cadre de l?OTAN, la France
apporte une contribution de 2,5 M? au financement commun de la mission de formation menée
par l?Alliance ; dans le cadre de l'Union européenne, notre participation s?élève à 35 M?
sur les 200 M? que l'Union consacrera à l'Irak pour 2005. Au titre du programme « EUJUST LEX
», l?UE a entamé la formation d?une quarantaine de cadres irakiens dans le domaine de l'état
de droit (magistrats et policiers). La France est pleinement disposée à contribuer hors du
territoire irakien, à la formation des forces de sécurité irakiennes (forces de
gendarmerie).
Pravo : Ces dernières semaines, la France a subi des violences dans les banlieues. Que va
faire votre gouvernement pour que ces événements ne se répètent plus ?
Michèle Alliot-Marie : Il ne faut pas exagérer ce qui s'est passé, ni caricaturer cette
situation. Il y a beaucoup plus de jeunes issus de l?immigration qui réussissent que de
jeunes qui échouent. Il est dommage que l'on ne parle jamais des réussites. L?image négative
systématiquement véhiculée ne reflète pas la réalité. L?Etat se doit d?aider ceux qui sont
en difficulté pour les aider à s'en sortir, et non parce qu?ils appartiennent à une
minorité. C?est le sens de l?opération « Défense Deuxième Chance » que j?avais initiée dès
l?été dernier, visant à offrir une alternative à 20 000 jeunes en difficulté scolaire et
professionnelle.
Pravo : Comment la France voit-elle le processus de l'intégration européenne après les
référendums sur la constitution européenne dans votre pays et aux Pays-Bas ?
Michèle Alliot-Marie : L'Europe continue de fonctionner et d'avancer, même si c'est sans les
facilités prévues dans le traité constitutionnel.
J?ai la conviction que la Défense a un rôle clé à jouer pour relancer l?optimisme européen.
D'abord parce que la Défense européenne fait l'objet d'un consensus. Ensuite parce que face
aux nombreux défis sécuritaires, la PESD est une réalité forte. Elle possède des capacités,
telle sa force d'intervention rapide grâce aux groupements tactiques, à la cellule de
planification et de commandement, à l?Agence européenne de Défense ? dont nous venons de
voter le deuxième budget opérationnel, en hausse de 66 % - ou encore à la Force de
Gendarmerie européenne, qui sera lancée officiellement au début 2006. Nous développons aussi
une culture stratégique commune à travers le Collège européen de sécurité et de défense.
Les Européens savent que le développement de la PESD, en complémentarité avec l'OTAN,
contribue à leur sécurité au quotidien.(Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 décembre 2005)