Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, miistre des affaires étrangères, lors du point de presse conjoint avec M. Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal, sur la demande d'extradition de l'ancien président tchadien Hissène Habré, et les problèmes de santé publique, notamment en matière de lutte contre le sida en Afrique, Dakar le 30 novembre 2005.

Prononcé le

Circonstance : Voyage au Sénégal de Philippe Douste-Blazy le 30 novembre 2005

Texte intégral

Q - (Sur la position de la France à l'égard de la demande d'extradition de M. Hissène Habré)
R - Vous comprendrez bien que la France, qui est attachée à la souveraineté des Etats, estime évidemment par définition que le Sénégal doit prendre ses décisions en toute indépendance. Maintenant, sur ce que le président Wade vient de dire, je pense que c'est évidemment une excellente idée que l'Union africaine puisse décider elle-même en toute indépendance. Pourquoi voulez-vous que l'Afrique demande aux autres, de quel droit, ce qu'il faut faire ? Donc, l'Union africaine doit en effet être placée devant ses responsabilités et doit, pour ce cas et pour d'autres aussi, essayer de faire en sorte que justice soit faite, qu'il puisse y avoir une règle du jeu sur ce continent comme sur les autres, une règle qui évite évidemment tout débordement.
Je voudrais profiter du fait que j'ai la parole pour dire un mot sur ce que nous avons vu aujourd'hui. Il ne faut pas se tromper sur ce qu'est la politique internationale aujourd'hui. La politique internationale est aujourd'hui essentiellement marquée par les problèmes de développement. Il n'y a pas de développement sans santé publique, il n'y a pas de santé publique sans développement. Or, aujourd'hui, les quatre cinquièmes des pays de la planète sont sans système de santé publique moderne et réactif. Donc, ce que nous avons fait aujourd'hui dans le milieu rural est très important parce qu'en conjuguant les secteurs public et privé, il peut y avoir des structures de santé primaire qui permettent aux populations de rester dans les campagnes, d'éviter cet exode rural car ce n'est pas en s'accumulant dans les grandes villes qu'on réglera les problèmes de santé, bien au contraire. Ensuite, il y a évidemment le problème des compétences professionnelles. C'est tout le problème que le président Wade vient de développer. A-t-on besoin de très grands professeurs de médecine pour développer les systèmes de santé en ruralité ? Non. Il faut certainement beaucoup d'infirmières, beaucoup de personnel médical qui ont 3 ans, 4 ans de formation et qui peuvent déjà dispenser des soins de santé primaire, prendre en charge les maladies assez faciles à diagnostiquer, à prévenir et à traiter. Ensuite, si on a besoin de consulter un hôpital régional, on peut y aller, voir des spécialistes. Enfin, les infrastructures. Il est important de développer entre ces hôpitaux, dans ce réseau de santé, les infrastructures telles que les transports, les routes, qui sont fondamentaux pour développer un système de santé public.
Q - (Sur la lutte contre le sida au Sénégal)
R - Sur ce sujet, si vous permettez, l'Afrique représente 10 % de la population mondiale ; or 60 % des malades atteints du VIH sont en Afrique. Il y a 25 millions de personnes en Afrique qui sont touchées, 25 millions qui sont touchées par le VIH. Et 3 millions meurent chaque année. C'est vous dire l'importance que représente cette maladie. Or, c'est vrai qu'en Afrique, il y a quelques pays, dont le Sénégal, où la prévalence est inférieure ou à peu près égale à 1 %. Ce qui veut dire qu'un travail considérable a été fait en termes de prévention. Il a été fait aussi en termes d'accès aux médicaments, et c'est le président Wade qui a souhaité donner un large accès gratuit au médicament. C'est tout l'enjeu des prochaines années en termes de santé publique dans le monde, c'est un problème diplomatique, ce n'est pas un problème médical technique. Ce n'est pas seulement aux ministres de la Santé, c'est aux chefs d'Etat de la planète entière de régler ce problème. Sur 6 millions de personnes qui attendent des médicaments, il y a 5 millions de gens qui n'y ont pas accès, qui n'ont jamais vu un comprimé de leur vie. C'est honteux et scandaleux. Donc, on est là dans la diplomatie. Il faut être là pour le dire. Et en particulier en ce qui concerne les femmes, car on sait que leur niveau d'éducation est inversement proportionnel à la capacité de se traiter. Moins vous êtes éduqué, moins vous vous traitez. Donc il y a un combat à mener. Je vois que le président américain commence à s'en occuper. Le président Chirac, le président Lula ont proposé de nouveaux financements, il faut arrêter d'être égoïstes et essayer enfin de commencer à traiter les malades là où ils sont, c'est-à-dire dans le Sud.
Q - Une petite question sur la Côte d'Ivoire. Pensez-vous qu'on puisse encore sortir de ce blocage ?
R - On l'espère l'un et l'autre.(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2005)