Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la réflexion en matière d'aide publique au développement, à Paris le 8 décembre 2005.

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Circonstance : Clôture du séminaire de réflexion à haut niveau sur l'aide publique au développement, à Paris le 8 décembre 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il me revient de conclure ce séminaire de réflexion sur l'Aide publique au Développement.
Mais avant tout, je souhaite adresser mes remerciements à Laurence Tubiana et à Philippe Etienne pour avoir organisé cet événement original et stimulant, en liaison avec nos partenaires européens et la Commission.
Je vous remercie aussi, toutes et tous, de l'avoir rendu possible et fécond en y participant activement.
En quelques mots, je veux exprimer le souhait que votre réflexion d'aujourd'hui puisse réellement contribuer à inspirer la politique française de coopération, et aider au-delà à forger les bases partagées d'une véritable stratégie européenne de l'aide au développement. Je crois en effet aux apports mutuels de nos cultures nationales respectives, utilement complétés par les réflexions issues de la recherche scientifique. C'est en croisant ces différentes approches avec nos priorités politiques que nous devons bâtir une politique de coopération qui soit lisible, moderne et efficace.
Mais il faut pour cela agir dans la continuité et la durée : ce séminaire n'aura de retombées utiles que s'il est suivi d'autres expériences similaires, à même d'assurer un suivi et une maturation des différentes idées avancées.
La première vertu de cette journée, c'est donc notre travail collectif, révélateur d'une nouvelle manière d'agir sur le terrain : je pense à nos amis allemands, avec lesquels nous co-localisons en Afrique certains de nos services ; je pense aussi à nos amis britanniques, avec lesquels nous mettons en place des partenariats croisés au Niger ou en Zambie, ou encore à nos amis suédois avec lesquels nous travaillons sur la problématique des biens publics mondiaux.
L'heure n'est donc plus à la concurrence entre anciennes puissances coloniales rivales, mais bien à l'harmonisation, à la coordination, à la coopération entre partenaires européens désireux d'être efficaces avant tout dans la réalisation de l'objectif commun qu'est le développement du Sud, et de l'Afrique en particulier. Nous n'avons rien à cacher de nos difficultés, de nos contraintes, ou de nos interrogations, mais nous avons tout à gagner d'apprendre les uns des autres.
A cet égard, l'Union européenne aura été particulièrement active ces derniers mois, et je tiens à rendre hommage à l'énergie déployée par Louis Michel. Plusieurs documents stratégiques européens sont récemment venus nourrir notre réflexion, et en particulier sur l'Afrique, notre priorité. Je me réjouis de voir notre séminaire d'aujourd'hui élargir le débat aux représentants de la communauté scientifique.
Puisque l'initiative semble donc féconde, et puisque l'élan doit être entretenu, je propose que nous tenions au semestre prochain un deuxième événement de même nature. Et dans cette perspective, je souhaite vous faire une suggestion, sur la méthode, et sur le thème de vos débats.
S'agissant de la méthode, je crois nécessaire d'élargir le champ de nos compétences : car si le développement a longtemps été la terre d'élection des seuls économistes, il requiert aujourd'hui une approche plus systémique, qui soit réellement interdisciplinaire. Notre séminaire, je crois, en montre le besoin.
S'agissant par ailleurs du thème, je souhaiterais que nos prochains travaux puissent porter sur les migrations, et surtout sur les liens à établir entre nos politiques de coopération et la régulation de ces flux migratoires. Vous le savez, la question se pose aujourd'hui avec une acuité renouvelée en France, mais je crois qu'elle intéresse aussi l'ensemble de l'Europe :
- existe-t-il une corrélation entre nos efforts de coopération et d'aide au développement d'une part, et les flux migratoires en provenance des pays bénéficiaires de cet effort, d'autre part ?
- Est-il souhaitable et possible d'introduire un lien plus étroit entre nos actions de coopération et les mesures traditionnelles de lutte contre l'immigration clandestine ?
- Est-il possible d'établir avec les pays concernés un dialogue bilatéral ou régional sur une évolution de l'immigration de main d'oeuvre conforme à nos besoins et à nos capacités d'accueil ?
Aborder les enjeux des flux migratoires pour l'Europe nécessite une réflexion reposant sur un certain nombre de diagnostics, aujourd'hui manquants ou mal partagés. Il faut ainsi examiner le rôle du système éducatif, et la capacité d'absorption du marché du travail. Les dynamiques migratoires intra-continentales et inter-continentales méritent également d'être mieux connues.
Enfin, la notion prometteuse de "co-développement" doit être enrichie et approfondie par une meilleure connaissance de certains transferts financiers : quels sont les effets macroéconomiques des transferts financiers des migrants ? Quel instrument privilégier, entre la fiscalité et les cofinancements par exemple, pour transformer les fonds rapatriés en véritables investissements productifs pour les pays de destination ? Comment éviter les effets négatifs que peuvent avoir certains de ces transferts pour la compétitivité des pays d'origine ? Autant de questions qui méritent bien que l'on s'y arrête, ensemble, lors d'un prochain séminaire, qui pourrait se tenir au mois de mai prochain.
C'est donc vous dire l'attente réelle qui est la mienne vis-à-vis des conclusions de vos travaux. C'est vous redire, aussi, ma volonté d'agir à la tête de ce ministère avec un souci permanent de concret et d'efficacité.
Je vous remercie.(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2005)