Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, à France-Inter le 30 novembre 2005, sur la politique de l'immigration.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral

A. Le Gougueg - Après le thème de l'insécurité en 2002, le contrôle de
l'immigration en France sera-t-il au centre de la campagne présidentielle de 2007
? Hier, D. de Villepin a levé le voile sur un certain nombre de mesure qu'il propose
de mettre en place pour réduire le nombre de mariages binationaux, pour exercer
un contrôle plus strict sur les regroupements familiaux, pour choisir les étudiants
étrangers en fonction de leur niveau. Ces préconisations vont-elles dans la bonne
direction ou ne s'agit-il là que d'une surenchère face aux déclarations répétées de
N. Sarkozy, de J.-M. Le Pen et de P. de Villiers, tous, candidats potentiels ou
déclarés à l'élection présidentielle ? Devant les caméras de TF1, début novembre,
je crois, vous aviez déclaré que le Premier ministre n'avait jamais utilisé le mot
"immigration". Eh bien voilà, c'est fait. Etes-vous d'accord avec ce qu'il préconise ?
R - Je dirais que si le mot a été prononcé, c'est pour édicter des petites mesures
cosmétiques qui ne sont pas susceptibles d'endiguer la lame de fond de
l'immigration qui submerge notre pays. Sont entrés en France, en 2004, dernier
chiffre connu : 317.000 étrangers en situation régulière ou irrégulière. La France,
en situation de banqueroute aujourd'hui, qui n'est même plus capable d'assurer le
gîte, le couvert et la subsistance aux citoyens français, est devenue l'hôtellerie
trois étoiles des migrants de la planète. Ce qu'il faudrait aujourd'hui, que je ne
trouve dans les mesures proposées, c'est une vraie grande politique d'immigration
zéro. Pas d'immigration choisie - on ne peut plus, on ne peut plus accueillir la
misère du monde - mais d'immigration zéro. Avec, en amont, une grande
politique de sauvetage de l'Afrique - je sais de quoi je parle, parce que j'ai mis en
?uvre en Vendée, depuis quinze ans, une politique de coopération entre un
département, la Vendée et le Bénin, et on a des résultats tout à fait
remarquables. Donc tarir la source et, en aval, stopper l'immigration. Et pour
stopper l'immigration, il y a une première mesure dont le Gouvernement n'a pas
parlé hier, c'est rétablir les frontières ; c'est le grand tabou. Mais quand N.
Sarkozy dit que l'on va faire tant de reconduites à la frontière, c'est risible puisqu'il
n'y a plus de frontières ! Donc on reconduit des clandestins à la frontière qui
reviennent le lendemain.
Q - Je viens à ma question initiale : la classe politique française nous a fait, ces
trente ou quarante dernières années, le coup du péril jaune. On a eu le coup du
péril rouge - on pensait les chars soviétiques sur les Champs Elysées... Maintenant,
j'ai l'impression que l'on essaye de nous agiter des peurs, celle de l'immigration.
Vous parlez d'une vague qui déferlerait sur la France ; est-ce raisonnable, est-ce
sérieux de dire cela ?
R - Vous savez que vous avez des auditeurs...
Q - Oh oui, je le sais, et vous en avez aussi d'ailleurs et ce sont des électeurs pour
vous.
R - ...Et vous êtes en train de leur expliquer, en vous adressant à un homme
politique qui a le courage de poser des questions que les Français se posent, vous
êtes en train de leur expliquer, notamment à ceux qui souffrent dans le voisinage
quotidien de la peur, de la poudre et de la haine, que le problème de l'immigration
est un problème tout à fait secondaire voire un problème virtuel. Je constate que
ce qui s'est passé dans les banlieues - il ne faut quand même pas l'oublier ; on est
à 40.000 voitures qui ont brûlé au cours de l'année -, c'est une insurrection, c'est
un début d'insurrection, c'est une révolte à caractère ethnique, avec un message
qui est la haine de la France. Ce qui s'est passé, c'est la faillite d'une politique
d'immigration massive et incontrôlée et la faillite d'une politique d'insertion, alors
qu'il faudrait faire une véritable politique d'assimilation.
Q - Il faut en vouloir à vos collègues qui n'ont pas fait leur boulot. Là, vous risquez
de stigmatiser les immigrés eux-mêmes ; est-ce que ce n'est pas dangereux,
est-ce que ce n'est pas jouer avec le feu ?
R - Non, au contraire. Les hommes politiques français, de droite, de gauche, qui
depuis tant d'années ont menti aux Français, font prendre pour une attitude de
générosité ce qui est une attitude criminelle ; je m'explique : laisser entrer sur le
territoire français des familles africaines déracinées, alors qu'on sait très bien
qu'on n'a pas de quoi les nourrir, de quoi les loger, de quoi leur donner du travail,
ce n'est pas une attitude de générosité, c'est une attitude criminelle. Et donc,
c'est la vérité qui libère, c'est la vérité qui est fondatrice, c'est la vérité qui est
pacifique, harmonieuse et c'est le mensonge qui crée les tensions. Regardez ce qui
vient de se produire dans nos banlieues.
Q - D'une part, vous prônez l'immigration zéro, vous venez de le dire, vous l'aviez
déjà dit, vous suggérez que l'on ne devienne français qu'à la suite d'un serment
solennel devant le drapeau tricolore, vous concevez donc, je le constate, qu'il
puisse exister des immigrés en France qui tentent de prendre la nationalité de
notre pays. A quoi ressemblerait, à vos yeux, l'immigré idéal en demande de
naturalisation ?
R - C'est une vraie question. Je souhaite que l'on modifie le droit du sol.
Aujourd'hui, on est français sans le savoir, par le droit du sol. Modifier le droit du
sol, cela veut dire deux choses : une volonté, un mérite. L'expression d'une
volonté, c'est-à-dire que le jeune, à 18 ans, qui est né de parents étrangers sur le
sol français doit pouvoir exprimer une volonté auprès de l'autorité publique :
"oui, je veux devenir français, je le suis dans mon c?ur, je veux le devenir dans
les papiers administratifs". Et puis, il y a aussi un mérite, c'est-à-dire que c'est la
collectivité, la communauté nationale qui doit pouvoir vérifier et donc agréer le
jeune qui veut devenir français. Cela veut savoir parler la langue française et
accepter notre héritage. Tout à l'heure, j'étais très choqué par la chronique de
monsieur Guetta, parce que, oui, il y a eu un rôle positif de la France dans les
colonies. Et d'ailleurs, c'est si vrai que monsieur Bouteflika...
Q - Vous êtes d'accord avec la majorité parlementaire ?
R - Bien sûr. Monsieur Bouteflika ne serait pas venu se faire soigner à Paris si
l'hôpital d'Alger était capable de soigner son problème à l'estomac. Il y a cinquante
ans, quand la France était en Algérie, le CHU d'Alger était le deuxième du monde
pour ce type de maladie. Voyez, la France a fait là-bas des choses sur le plan des
infrastructures, de la santé, de l'alphabétisation dont il ne faut pas rougir.
Q - Ils ont tout gâché après le départ des Français, c'est ce que vous nous dites ?
R - Je dis simplement que je n'oublie pas le massacre des Harkis, puisque l'on veut
parler de points noirs pour la France ; il y en a eu dans l'autre sens : un million de
Pieds-noirs ont été expulsés. Donc, on n'est pas là pour faire le compte des pages
sombres et des pages de lumières. Mais je n'accepte plus que l'on fasse de notre
pays l'astre noir dans la nuit des hommes. La France est un grand pays. Comment
voulez-vous intégrer des gens qui n'aiment pas la France, dans un pays qui ne
s'aime plus ? Alors il faut, effectivement, que l'on passe de l'intégration à
l'assimilation. Quelle est la différence ? On intègre quelqu'un qui s'installe chez nous
et qui vit comme chez lui ; on assimile quelqu'un qui s'installe chez nous et qui vit
comme chez nous, c'est-à-dire qui accepte nos règles de droit, nos coutumes, nos
modes de vie, qui accepte de devenir français. Voilà, j'ai répondu à votre
question.
Q - Sur ce thème de l'immigration, vous sentez-vous plus proche de N. Sarkozy ou
de J.-M. Le Pen ?
R - Je me sens proche des Français.
Q - Ils sont français tous les deux...
R - Hier, je rencontrais des Français dans une région où il y a beaucoup
d'immigration, et pour moi, le Vendéen, qui ne suis pas concerné par les
problèmes d'immigration - pas pour l'instant.
Q - Il n'y a pas beaucoup d'immigrés en Vendée.
R - Voilà. Ils me disaient trois choses. D'abord qu'il fallait renvoyer chez eux les
Sans-papiers. Un sans-papier, c'est quelqu'un qui piétine la loi française, il est
illégal, donc il faut les renvoyer chez eux, ne leur donner qu'un seul droit : le billet
de retour. Quand vous pensez, par exemple, un citoyen français qui se fait opérer
dans un hôpital, il paie un ticket modérateur ; si c'est un étranger en situation
irrégulière, il n'y a pas de ticket modérateur, c'est la fameuse "Aide médicale
d'Etat" ; 200.000 personnes en bénéficient. Là, il y a un déséquilibre, on est passé
dans la préférence étrangère. C'est-à-dire qu'un citoyen français finit par avoir
moins de droit alors qu'il assume des devoirs qu'un étranger en situation
irrégulière. Deuxièmement, mettre frein au regroupement familial, pas
simplement le compliquer, mettre fin pour l'avenir au regroupement familial. Je
vous rappelle que c'est J. Chirac qui a instauré le regroupement en 1975.
Q - Sous la présidence de V. Giscard d'Estaing. Vous êtes un ancien de l'UDF.
R - Oui, tout à fait. J'ai peu participé, vous le reconnaîtrez, surtout à cette
époque. J'étais plutôt en culotte courte. C'est une mesure funeste, parce que c'est
une mesure qui a créé une situation irréversible. Le droit, pour un étranger, de
faire venir les membres de sa famille - on sait aussi de qu'il en est de la polygamie
sur notre territoire - c'est ingérable. Donc, il faut mettre fin, pour l'avenir - pas pour les droits acquis - au droit systématique de faire venir sa famille.