Déclaration de M. Yann Wehrling, secrétaire national des Verts, sur la privatisation d'EDF, à Paris le 8 novembre 2005.

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Circonstance : Meeting commun des Alternatifs, de la Gauche républicaine, de la LCR, de MARS, du MRC, du PCF et des Verts contre la privatisation d'EDF, à Paris le 8 novembre 2005.

Texte intégral

Si nous sommes présents ce soir, permettez-moi de le préciser, c'est pour
marquer notre souhait de construire une unité à gauche sur cette question de la
privatisation d'EDF. Mais une telle unité n'est possible que si nous savons dépasser
un certain nombre de divergences que nous avons eues il y a quelques mois. C'est
le sens de notre venue. C'est le sens de notre action.
Chères amies, chers amis,
Cette initiative, ce soir, est évidemment la bienvenue... mais comme vous tous,
je ne peux rester sans dire un mot au sujet des violences dans les banlieues. Nous
sommes ici ce soir pour dire notre opposition à sa politique libérale, mais c'est
bien toute une stratégie politique libérale et provocatrice qui est à l'?uvre... une
politique de scission nationale délibérée, une politique qui veut opposer les
citoyens de ce pays les uns aux autres, une politique qui met très clairement en
application une politique de mise à l'écart de toute une partie des habitants de ce
pays.
Ce n'est pas d'un état d'urgence dont nous avons besoin, mais d'une urgence de
politique sociale.
Privatiser partiellement EDF participe de cet abandon de l'Etat auprès des
personnes, notamment des plus démunies. Car EDF fournit un service public, et
mettre le doigt dans l'engrenage de la privatisation d'une entreprise publique qui
fournit un service public pour tous les citoyens, on le sait bien, c'est une décision
qui s'inscrit dans une politique cohérente de bradage des services publics.
Toute privatisation signifie recherche de la meilleure rémunération possible pour
les actionnaires. Or de nos jours, une entreprise n'est pas considérée rentable si
elle ne dégage pas 15% de rentabilité pour ses actionnaires. Dans ces conditions,
EDF, comme toute autre entreprise sera amenée à chercher à augmenter ses
profits, et pour cela à réduire ses coûts.
Or l'énergie n'est pas un bien comme un autre. Elle est indispensable à la vie
quotidienne.
La privatisation n'est pas la solution.
La production d'énergie et sa distribution doivent être garanties sur le territoire
national dans l'égalité d'accès et de prix, ainsi que dans la garantie de la
fourniture aux personnes en difficultés. Elles ne peuvent pas relever d'une logique
de rentabilité financière et de profits.
Aujourd'hui face aux défis environnementaux, effet de serre d'un côté et
réduction à venir des énergies fossiles (pétrole et charbon) de l'autre, l'Etat doit
pouvoir disposer d'un instrument pour mener une politique volontariste pour la
réduction de la consommation d'énergie et pour le développement d'énergies
renouvelables.
C'est pourquoi il faut maintenir un service public de l'énergie. Il faut que l'Etat en
garde la maîtrise, il faut donc que EDF reste dans le giron complet de l'Etat.
Mais ayant dit tout cela, permettez-moi de dire quelques vérités, et quelques
constats qui ne sont peut-être pas partagés par vous tous ici ce soir, et je me
permettrai donc d'insister quelques instants sur quelques critiques à l'égard d'EDF.
EDF doit rester une entreprise publique. Mais l'est-elle aujourd'hui dans son
comportement ? Non ! Elle aligne sa politique commerciale en fonction d'une
recherche accrue de vente et de participation à la concurrence internationale. En
vérité, l'Etat a laissé EDF réinventer le service public. Pour nous, le service public
c'est avant tout l'approvisionnement de tous en électricité fiable et propre.
L'électricité produite, transportée et vendue doit l'être par des opérateurs
responsables et soucieux de l'intérêt général. Or, force est de constater que chez
EDF, le seul soucis réel est de fournir un maximum d'électricité nucléaire à ceux
qui peuvent se la payer.
C'est ainsi que sa politique de développement vise à toujours faire consommer plus
et à produire toujours plus. Cela se traduit dans l'incitation au tout électrique,
notamment pour le chauffage. L'électricité est pourtant l'énergie parmi les plus
chères pour les ménages. EDF préfère l'incitation à la consommation de chauffage
électrique, coûteux et polluant, plutôt que de donner des conseils d'économie. Si
l'énorme facture que cela entraîne n'est pas payée, EDF coupe le courant ou limite
la puissance : le client ne peut plus se chauffer.À cause de cette politique, chaque
année près de 40 millions d'euros sont dépensés par l'Etat, les CAF et les services
sociaux départementaux pour aider les familles démunies à payer ces
factures.EDF cotise à hauteur de 25 % : c'est à dire qu'elle verse 1 euro pour être
sure d'en encaisser 4.
Cette surproduction, nous le savons, est le résultat de nos choix en faveur du tout
nucléaire. Cette surproduction est destinée à l'exportation de l'électricité dans les
pays voisins. Est-ce cela la priorité d'une entreprise publique ? Comment ignorer
ici que EDF est aussi n°1 mondial de la production de déchets nucléaires. 80 % de
l'électricité d'EDF produit des déchets nucléaires ingérables. Cette pollution durable
qui s'étalera sur plusieurs milliers d'années est un véritable cadeau empoisonné fait
aux générations futures qui devront la gérer. Pourtant EDF ne souhaite pas
changer de source d'énergie. EDF réclame même une décision politique pour le
lancement d'un nouveau réacteur, l'EPR, dont l'investissement est évalué à 3
milliards d'?. En comparaison, les investissements dans les énergies renouvelables
sont ridicules.
Enfin, permettez-moi aussi de rappeler que EDF mène une action commerciale
très offensive dans des pays du sud en participant à la privatisation et la hausse
des prix de l'électricité ailleurs que chez nous. Cette entreprise que nous voulons
conserver dans le giron public contribue à retirer du giron public l'électricité dans
d'autres pays... est-ce cela la priorité que nous donnons à EDF ?
Bref, chez EDF, il est plus facile d'adapter le concept de développement durable à
la réalité de l'entreprise plutôt que le contraire.
EDF doit donc évoluer
* En modifiant fondamentalement ses critères de gestion, redonnant la main aux
élus, aux usagers et aux salariés pour renforcer la qualité du service public en
milieu rural et urbain
* En élaborant démocratiquement une politique énergétique soucieuse de la
préservation des ressources, de l'environnement, du climat, en participant et en
impulsant une politique d'économie d'énergie auprès des ménages, des institutions
publiques et des entreprises
* En développant un secteur des énergies renouvelables, et en réorientant
massivement la recherche et les investissements vers ce secteur
* En mettant en ?uvre une ouverture loyale du réseau aux productions
autonomes d'énergie renouvelables
* En s'engageant dés maintenant dans la sortie du nucléaire
Le statut public de l'entreprise est même, aux yeux des Verts, la meilleure
garantie de mener à bien les réformes nécessaires. Ces mesures doivent
permettre une sortie à terme du nucléaire, et une définition plus précise de ses
missions, avec une transparence accrue dans la gestion, l'association des usagers,
un contrôle démocratique sur les choix technologiques, un engagement sur les
énergies renouvelables, une ouverture loyale du réseau aux productions autonomes
d'énergies renouvelables, et des garanties d'approvisionnement pour les plus
démunis.
Dès lors, chers amis, je l'ai dit, les Verts sont résolument pour qu'EDF reste dans le
giron public, car privatiser EDF, c'est abandonner toute ambition sur l'orientation
énergétique de notre pays, au moment même où les questions énergétiques sont
devenues des enjeux primordiaux pour les citoyens et pour la planète.
Il ne faut pas privatiser EDF, mais EDF doit changer.Je vous remercie.