Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
mes chers amis,
Mes voeux pour chacune et chacun de vous seront d'abord personnels. Nous passons beaucoup de temps ensemble, parfois enthousiastes les uns à l'égard des autres, parfois plus réservés. Mais je n'oublie jamais que derrière le journaliste, il y a une femme ou un homme, avec ses joies et ses peines, ses inquiétudes et ses espoirs. C'est d'abord à cette femme et à cet homme que s'adressent ces v?ux d'une année heureuse, généreuse, personnellement et professionnellement. Et comme dans la vie est ce qu'elle est, c'est aussi le v?u, pour ceux qui sont concernés, de trouver la force de supporter les épreuves et les angoisses qui sont aussi un visage de la vie.
Pour une liberté d'informer
Cette année, il me semble qu'il faut que ces v?ux aillent aussi aux journaux. Parmi les innombrables visages de la crise française, il y a aussi la crise des journaux. Crise paradoxale, car ailleurs en Europe et dans les pays développés, la presse nous dit-on se porte bien, vend des millions d'exemplaires à des prix hors de portée chez nous. C'est un grand sujet que cet éloignement de la société française de la presse écrite. Car c'est un basculement loin de la presse, c'est à dire de la démocratie, du débat, et c'est un basculement loin de l'écrit. Il faut donc souhaiter que la situation des journaux s'améliore, que des journaux se sauvent et que des journaux se créent, pour retrouver la richesse de la liberté d'informer, fragilisée quand les journaux craignent pour leur vie et se ressemblent tous.
Pays officiel, pays réel...
Nos v?ux vont à la France. La situation du pays, c'est le grand écart traditionnel entre l'optimisme officiel et le pessimisme des Français. Ce matin a paru dans Les Echos le baromètre mensuel BVA de ce journal. 72 % des sondés sont pessimistes sur l'emploi et la politique suivie par le gouvernement. Et ce pessimisme est trans-parti. Pendant ce temps, je cite le message du gouvernement : « le pays est en train de réussir. » Ce grand écart, pays d'en haut, pays d'en bas, comme aurait dit le précédent premier ministre, pays officiel, pays réel, dirigeants, citoyens, il marque toute la vie nationale depuis des années.
Tout notre effort, c'est que la voix du pays réel ait enfin les moyens de se faire entendre du pays officiel.
Tant que les dirigeants seront maintenus à l'abri, dans une bulle, tant qu'ils pourront continuer à ignorer superbement la réalité des Français, ils ne convaincront pas. Ils ne sauront pas prendre l'accent de vérité qui seul peut entraîner un peuple, même à des choix difficiles.
On le voit sur les chiffres du chômage. Tous les mois, la communication gouvernementale claironne les chiffres du chômage. Croyez-vous que les Français ignorent que le RMI explose en même temps qu'on annonce une baisse du chômage officiel ? Croyez-vous que les Français ne ressentent pas, dans leur vie, dans leur famille, dans leur quartier, l'absence de création de vrais emplois. Je cite une étude rendue publique hier : « le Contrat Nouvelle Embauche n'a conduit à aucune création nette d'emplois dans le dernier trimestre ».
Faire entendre la voix du pays réel, c'est donner à la France les principes de vraie démocratie qui lui manquent tant.
Pour un nouveau contrat démocratique
Le temps monarchique, le temps oligarchique, pour nous, est révolu. Le temps qui vient, c'est le temps du peuple responsable, du peuple qui peut faire entendre sa voix, c'est le temps d'un nouveau contrat démocratique pour la France.
Nous voulons que les Français soient représentés dans les institutions de la France. Un parlement, ce ne doit pas être le monopole des majoritaires. Un parlement, ce doit être la représentation de tous les Français, de tous les courants d'opinion implantés dans un pays. Ce droit, tous les citoyens européens se le sont vu reconnaître, à l'exception de la Grande-Bretagne. Ce droit doit être reconnu aux Français. Cela évitera au Parlement d'être traité uniquement comme une chambre d'enregistrement.
Nous voulons que les lois soient travaillées, réfléchies, concertées, élaborées. On vient encore d'avoir un exemple navrant avec la loi, si difficile à construire, sur le droit d'auteur sur internet. Le gouvernement a cru qu'il serait plus confortable pour lui d'écarter le parlement de son élaboration. Il a décrété l'urgence, interdisant les aller retour entre l'Assemblée et le Sénat qui permettent de reprendre, d'améliorer, de confronter les visions. Il a changé du tout au tout son projet par l'introduction, en cours de débat, d'un amendement de sept pages (!), qui n'avait été examiné ni par le Conseil d'Etat, ni par la commission compétente. Résultat : affrontement entre auteurs, producteurs et internautes. De nombreuses inquiétudes pour l'avenir du logiciel libre, pour la liberté des internautes, ou du droit des auteurs. Une situation plus confuse qu'avant. On n'a pas progressé, on a reculé.
Pour une séparation des pouvoirs, garante d'une démocratie de plein exercice
Nous voulons que la séparation des pouvoirs, fondation de toute démocratie, soit établie en France. Je vous rappelle l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». La garantie des Droits, la séparation des pouvoirs. On en est bien loin dans notre pays.
Je l'ai dit à propos de la privatisation des autoroutes. Une loi oblige à un vote du parlement, dès l'instant que l'Etat est majoritaire dans une entreprise. Le gouvernement ignore superbement cette obligation. Vous aurez observé qu'il y a plus d'un mois que l'annonce du choix (sur quelles bases ?) par le gouvernement des sociétés à qui les autoroutes seraient vendues a été annoncé. Où est le décret ? Et s'il n'y a pas de décret, quelles voies de recours pour le citoyen ? Où est la « garantie des droits » lorsqu'il n'y a pas de voie de recours ?
Et la séparation des pouvoirs ? Les incidents qui ont eu lieu lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation sont révélateurs de l'idée que le gouvernement, le pouvoir exécutif, se font de cette séparation des pouvoirs. Parce que le plus haut magistrat de notre pays, personnalité unanimement respectée, Monsieur Canivet, avait eu l'outrecuidance de laisser filtrer quelques extraits de son discours de rentrée, dont le sujet, ô combien d'actualité, était la difficulté de juger, il a été traité comme auteur de crime de lèse-majesté. Le premier ministre lui a interdit de lire son discours et a décidé qu'il parlerait avant lui, manière de bien montrer qui était le maître en ces lieux ! C'est un signe, et c'est un très mauvais signe, quand les magistrats sont ainsi traités comme subordonnés.
Tant que nous n'aurons pas rétabli les principes d'une démocratie de plein exercice, tant que les gouvernants ne seront pas conduits à considérer la société française comme un vrai partenaire du pouvoir, comme porteuse de légitimité, nous en resterons à l'isolement, à la surdité, aux discours incantatoires, de plus en plus loin de la réalité que vivent les Français.
Nous en avons un exemple sous les yeux, grandeur nature, avec la question des charges sociales. Pour nous, vous le savez, pardon de le redire, c'est un très grand sujet. Faire reposer l'ensemble du financement de la protection sociale sur ce seul bien fragile qu'est l'emploi, c'est prendre le risque de le faire fuir ! Comme on le voit, l'emploi en France ne se crée presque plus. Envisager un déplacement de ces charges, qu'il faudra bien assumer, vers d'autres bases, c'est une révolution ! Je vous rappelle que le montant de ces charges représentent quelque 300 milliards d'euros, plus que le budget de l'État !
J'ai donc été heureux que le Président de la République ouvre, enfin, cette réflexion.
Mais de voir, comment, en quelques jours, en quelques heures, au lieu de développer la réflexion et le débat, on prétend les conclure, indiquer que les arbitrages, à l'Elysée, sans qu'on sache clairement qui décide, ont décidé que l'on n'ouvrirait pas la question de la TVA sociale, mais que l'on instituerait un prélèvement sur la seule valeur ajoutée des entreprises, c'est encore le mal français. Devant une décision aussi lourde de conséquences, avec autant d'implications, décider en haut, sans concerter, c'est se tromper à coup sûr.
Notre conviction, c'est que ce déplacement de charges, qui libèrera la création d'emplois et la feuille de paie, obligera, pour éviter les risques, à rassembler des modes de prélèvement différents, à un mixte de solutions différentes, et que cela ne peut se décider qu'avec une réflexion très approfondie, qui engage tous les acteurs au lieu de les antagoniser. Je vous rappelle que nous avons listé cinq pistes : TVA sociale, qui mérite d'être mieux comprise, mieux réfléchie, valeur ajoutée des entreprises, CSG, prélèvement sur l'énergie, prélèvement sur les échanges bancaires, et je suis certain que d'autres pistes peuvent être ouvertes, de manière que le financement de la santé et de la retraite soit aussi neutre que possible sur l'activité économique et la création d'emplois dont l'équilibre de la société française dépend.
Pour une politique lisible et compréhensible
Ajoutons que cela ajoute à l'illisibilité de la politique par les Français. Ce sont des questions très abstraites, très difficiles à comprendre, il y faut, selon moi, des années de pédagogie, pour en simplifier les termes. Mais lorsque le monde des dirigeants est clos, comme il l'est en France, il croit que son rythme est le rythme du pays. Il est stupéfait que le pays n'arrive pas à suivre. Il prend des décisions pour ses raisons technocratiques et il oublie totalement le peuple des citoyens.
J'ai été très heureux, très profondément rasséréné, par la récente décision du Conseil Constitutionnel sur la loi de finances et notamment sur son article 78. Pour la première fois un article de loi fiscale a été annulé parce qu'il était incompréhensible par les citoyens. Ici encore, la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen était bafouée. Car en son article XIV elle dit : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » Pour nous, la simplicité, la lisibilité, la stabilité de notre fiscalité est un facteur de démocratie et de progrès économique. Les décisions se prennent mieux si l'avenir est assuré.
Pour une époque nouvelle et des principes nouveaux
Face à la répétition de ces dérives, la société française attend un changement profond. Le pouvoir, à nos yeux, n'est pas l'affaire des gouvernants, il est l'affaire de tous les citoyens. Il s'agit d'ouvrir une époque nouvelle. Époque nouvelle, principes nouveaux, ou au contraire la poursuite des mêmes causes qui auront les mêmes conséquences, c'est la question qui se pose à la France.
C'est pour apporter notre réponse à cette question que nous avons voulu la déclaration d'indépendance de l'UDF que va signer le congrès extraordinaire de Lyon.
Pour se libérer des causes du mal français, il faut s'affranchir des contraintes du passé, s'émanciper de ceux qui sont forcément les défenseurs de l'ordre ancien et ne le remettront jamais en question, puisqu'ils en partagent le confort et les avantages.
C'est pour affirmer l'adhésion des adhérents de l'UDF à cette liberté de penser, de voter, de proposer, que ce congrès a été convoqué. Puisqu'il y avait contestation sur cette ligne d'indépendance, il n'y avait qu'une seule décision juste : demander à nos adhérents de se prononcer par un vote. J'avoue n'avoir pas compris pour quelles raisons ceux qui contestaient cette ligne ont renoncé à défendre leur point de vue devant le suffrage universel et secret de nos adhérents. Mais le vote aura lieu, la clarification interviendra, et nul ne pourra plus la discuter. Les adhérents de l'UDF diront, individuellement, par leur vote, s'ils soutiennent ou pas cette ligne d'indépendance. Les choses seront clarifiées, comme chaque fois que le suffrage universel intervient.
Pour de nouvelles forces politiques, en France, en Europe, dans le monde
Une force politique libre, de plein exercice, s'adressera ainsi aux Français pour leur parler de leur avenir.
Partout, dans le monde, se fait sentir le besoin de forces politiques nouvelles, de démarches politiques inédites. Je voudrais conclure ces v?ux en ayant une pensée pour deux pays qui vivent une démarche de changement comme celle que nous voulons pour la France. Nous suivons avec grande attention ce qui se fait en Allemagne. Un rassemblement qui dépasse les frontières du passé a été construit, de par la volonté du peuple allemand. Ce rassemblement prend des décisions courageuses. Il mérite nos v?ux et notre réflexion. De la même manière, en Israël, un parti nouveau, Kadima, tente de renouveler le paysage politique et invite le peuple d'Israël à dépasser les vieux antagonismes. Nous suivons avec inquiétude l'évolution de la santé de son fondateur Ariel Sharon. Nous sommes émus par l'unanimité du peuple d'Israël devant ce moment d'angoisse. Nous envoyons nos v?ux à Ehoud Olmert, premier ministre par intérim et leader de ce nouveau parti, en pensant que la voie nouvelle ouverte ne sera pas abandonnée mais confortée par les citoyens, comme la seule voie d'avenir.C'est d'une démarche résolument nouvelle et politique dont l'Europe aussi a besoin. Nous connaissons la profondeur de la crise de notre Union. Mais cette crise n'est pas technique. Elle est politique. C'est une crise d'inspiration. Comme militants de l'idée européenne, à notre place, comme fondateurs du parti démocrate européen, nous nous fixons comme objectif, dans ce premier semestre, de proposer des réponses simples, claires, politiques à l'enlisement européen. Là encore, l'enjeu est le même : l'Europe n'est pas affaire de spécialistes. L'Europe est notre affaire à tous. Ce n'est pas une affaire technocratique compliquée, c'est une orientation simple : dans le monde des géants, dont nul ne paraît maîtriser l'évolution, il faut une communauté des démocraties européennes pour faire respecter nos valeurs de société.
Messieurs,
mes chers amis,
Mes voeux pour chacune et chacun de vous seront d'abord personnels. Nous passons beaucoup de temps ensemble, parfois enthousiastes les uns à l'égard des autres, parfois plus réservés. Mais je n'oublie jamais que derrière le journaliste, il y a une femme ou un homme, avec ses joies et ses peines, ses inquiétudes et ses espoirs. C'est d'abord à cette femme et à cet homme que s'adressent ces v?ux d'une année heureuse, généreuse, personnellement et professionnellement. Et comme dans la vie est ce qu'elle est, c'est aussi le v?u, pour ceux qui sont concernés, de trouver la force de supporter les épreuves et les angoisses qui sont aussi un visage de la vie.
Pour une liberté d'informer
Cette année, il me semble qu'il faut que ces v?ux aillent aussi aux journaux. Parmi les innombrables visages de la crise française, il y a aussi la crise des journaux. Crise paradoxale, car ailleurs en Europe et dans les pays développés, la presse nous dit-on se porte bien, vend des millions d'exemplaires à des prix hors de portée chez nous. C'est un grand sujet que cet éloignement de la société française de la presse écrite. Car c'est un basculement loin de la presse, c'est à dire de la démocratie, du débat, et c'est un basculement loin de l'écrit. Il faut donc souhaiter que la situation des journaux s'améliore, que des journaux se sauvent et que des journaux se créent, pour retrouver la richesse de la liberté d'informer, fragilisée quand les journaux craignent pour leur vie et se ressemblent tous.
Pays officiel, pays réel...
Nos v?ux vont à la France. La situation du pays, c'est le grand écart traditionnel entre l'optimisme officiel et le pessimisme des Français. Ce matin a paru dans Les Echos le baromètre mensuel BVA de ce journal. 72 % des sondés sont pessimistes sur l'emploi et la politique suivie par le gouvernement. Et ce pessimisme est trans-parti. Pendant ce temps, je cite le message du gouvernement : « le pays est en train de réussir. » Ce grand écart, pays d'en haut, pays d'en bas, comme aurait dit le précédent premier ministre, pays officiel, pays réel, dirigeants, citoyens, il marque toute la vie nationale depuis des années.
Tout notre effort, c'est que la voix du pays réel ait enfin les moyens de se faire entendre du pays officiel.
Tant que les dirigeants seront maintenus à l'abri, dans une bulle, tant qu'ils pourront continuer à ignorer superbement la réalité des Français, ils ne convaincront pas. Ils ne sauront pas prendre l'accent de vérité qui seul peut entraîner un peuple, même à des choix difficiles.
On le voit sur les chiffres du chômage. Tous les mois, la communication gouvernementale claironne les chiffres du chômage. Croyez-vous que les Français ignorent que le RMI explose en même temps qu'on annonce une baisse du chômage officiel ? Croyez-vous que les Français ne ressentent pas, dans leur vie, dans leur famille, dans leur quartier, l'absence de création de vrais emplois. Je cite une étude rendue publique hier : « le Contrat Nouvelle Embauche n'a conduit à aucune création nette d'emplois dans le dernier trimestre ».
Faire entendre la voix du pays réel, c'est donner à la France les principes de vraie démocratie qui lui manquent tant.
Pour un nouveau contrat démocratique
Le temps monarchique, le temps oligarchique, pour nous, est révolu. Le temps qui vient, c'est le temps du peuple responsable, du peuple qui peut faire entendre sa voix, c'est le temps d'un nouveau contrat démocratique pour la France.
Nous voulons que les Français soient représentés dans les institutions de la France. Un parlement, ce ne doit pas être le monopole des majoritaires. Un parlement, ce doit être la représentation de tous les Français, de tous les courants d'opinion implantés dans un pays. Ce droit, tous les citoyens européens se le sont vu reconnaître, à l'exception de la Grande-Bretagne. Ce droit doit être reconnu aux Français. Cela évitera au Parlement d'être traité uniquement comme une chambre d'enregistrement.
Nous voulons que les lois soient travaillées, réfléchies, concertées, élaborées. On vient encore d'avoir un exemple navrant avec la loi, si difficile à construire, sur le droit d'auteur sur internet. Le gouvernement a cru qu'il serait plus confortable pour lui d'écarter le parlement de son élaboration. Il a décrété l'urgence, interdisant les aller retour entre l'Assemblée et le Sénat qui permettent de reprendre, d'améliorer, de confronter les visions. Il a changé du tout au tout son projet par l'introduction, en cours de débat, d'un amendement de sept pages (!), qui n'avait été examiné ni par le Conseil d'Etat, ni par la commission compétente. Résultat : affrontement entre auteurs, producteurs et internautes. De nombreuses inquiétudes pour l'avenir du logiciel libre, pour la liberté des internautes, ou du droit des auteurs. Une situation plus confuse qu'avant. On n'a pas progressé, on a reculé.
Pour une séparation des pouvoirs, garante d'une démocratie de plein exercice
Nous voulons que la séparation des pouvoirs, fondation de toute démocratie, soit établie en France. Je vous rappelle l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». La garantie des Droits, la séparation des pouvoirs. On en est bien loin dans notre pays.
Je l'ai dit à propos de la privatisation des autoroutes. Une loi oblige à un vote du parlement, dès l'instant que l'Etat est majoritaire dans une entreprise. Le gouvernement ignore superbement cette obligation. Vous aurez observé qu'il y a plus d'un mois que l'annonce du choix (sur quelles bases ?) par le gouvernement des sociétés à qui les autoroutes seraient vendues a été annoncé. Où est le décret ? Et s'il n'y a pas de décret, quelles voies de recours pour le citoyen ? Où est la « garantie des droits » lorsqu'il n'y a pas de voie de recours ?
Et la séparation des pouvoirs ? Les incidents qui ont eu lieu lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation sont révélateurs de l'idée que le gouvernement, le pouvoir exécutif, se font de cette séparation des pouvoirs. Parce que le plus haut magistrat de notre pays, personnalité unanimement respectée, Monsieur Canivet, avait eu l'outrecuidance de laisser filtrer quelques extraits de son discours de rentrée, dont le sujet, ô combien d'actualité, était la difficulté de juger, il a été traité comme auteur de crime de lèse-majesté. Le premier ministre lui a interdit de lire son discours et a décidé qu'il parlerait avant lui, manière de bien montrer qui était le maître en ces lieux ! C'est un signe, et c'est un très mauvais signe, quand les magistrats sont ainsi traités comme subordonnés.
Tant que nous n'aurons pas rétabli les principes d'une démocratie de plein exercice, tant que les gouvernants ne seront pas conduits à considérer la société française comme un vrai partenaire du pouvoir, comme porteuse de légitimité, nous en resterons à l'isolement, à la surdité, aux discours incantatoires, de plus en plus loin de la réalité que vivent les Français.
Nous en avons un exemple sous les yeux, grandeur nature, avec la question des charges sociales. Pour nous, vous le savez, pardon de le redire, c'est un très grand sujet. Faire reposer l'ensemble du financement de la protection sociale sur ce seul bien fragile qu'est l'emploi, c'est prendre le risque de le faire fuir ! Comme on le voit, l'emploi en France ne se crée presque plus. Envisager un déplacement de ces charges, qu'il faudra bien assumer, vers d'autres bases, c'est une révolution ! Je vous rappelle que le montant de ces charges représentent quelque 300 milliards d'euros, plus que le budget de l'État !
J'ai donc été heureux que le Président de la République ouvre, enfin, cette réflexion.
Mais de voir, comment, en quelques jours, en quelques heures, au lieu de développer la réflexion et le débat, on prétend les conclure, indiquer que les arbitrages, à l'Elysée, sans qu'on sache clairement qui décide, ont décidé que l'on n'ouvrirait pas la question de la TVA sociale, mais que l'on instituerait un prélèvement sur la seule valeur ajoutée des entreprises, c'est encore le mal français. Devant une décision aussi lourde de conséquences, avec autant d'implications, décider en haut, sans concerter, c'est se tromper à coup sûr.
Notre conviction, c'est que ce déplacement de charges, qui libèrera la création d'emplois et la feuille de paie, obligera, pour éviter les risques, à rassembler des modes de prélèvement différents, à un mixte de solutions différentes, et que cela ne peut se décider qu'avec une réflexion très approfondie, qui engage tous les acteurs au lieu de les antagoniser. Je vous rappelle que nous avons listé cinq pistes : TVA sociale, qui mérite d'être mieux comprise, mieux réfléchie, valeur ajoutée des entreprises, CSG, prélèvement sur l'énergie, prélèvement sur les échanges bancaires, et je suis certain que d'autres pistes peuvent être ouvertes, de manière que le financement de la santé et de la retraite soit aussi neutre que possible sur l'activité économique et la création d'emplois dont l'équilibre de la société française dépend.
Pour une politique lisible et compréhensible
Ajoutons que cela ajoute à l'illisibilité de la politique par les Français. Ce sont des questions très abstraites, très difficiles à comprendre, il y faut, selon moi, des années de pédagogie, pour en simplifier les termes. Mais lorsque le monde des dirigeants est clos, comme il l'est en France, il croit que son rythme est le rythme du pays. Il est stupéfait que le pays n'arrive pas à suivre. Il prend des décisions pour ses raisons technocratiques et il oublie totalement le peuple des citoyens.
J'ai été très heureux, très profondément rasséréné, par la récente décision du Conseil Constitutionnel sur la loi de finances et notamment sur son article 78. Pour la première fois un article de loi fiscale a été annulé parce qu'il était incompréhensible par les citoyens. Ici encore, la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen était bafouée. Car en son article XIV elle dit : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » Pour nous, la simplicité, la lisibilité, la stabilité de notre fiscalité est un facteur de démocratie et de progrès économique. Les décisions se prennent mieux si l'avenir est assuré.
Pour une époque nouvelle et des principes nouveaux
Face à la répétition de ces dérives, la société française attend un changement profond. Le pouvoir, à nos yeux, n'est pas l'affaire des gouvernants, il est l'affaire de tous les citoyens. Il s'agit d'ouvrir une époque nouvelle. Époque nouvelle, principes nouveaux, ou au contraire la poursuite des mêmes causes qui auront les mêmes conséquences, c'est la question qui se pose à la France.
C'est pour apporter notre réponse à cette question que nous avons voulu la déclaration d'indépendance de l'UDF que va signer le congrès extraordinaire de Lyon.
Pour se libérer des causes du mal français, il faut s'affranchir des contraintes du passé, s'émanciper de ceux qui sont forcément les défenseurs de l'ordre ancien et ne le remettront jamais en question, puisqu'ils en partagent le confort et les avantages.
C'est pour affirmer l'adhésion des adhérents de l'UDF à cette liberté de penser, de voter, de proposer, que ce congrès a été convoqué. Puisqu'il y avait contestation sur cette ligne d'indépendance, il n'y avait qu'une seule décision juste : demander à nos adhérents de se prononcer par un vote. J'avoue n'avoir pas compris pour quelles raisons ceux qui contestaient cette ligne ont renoncé à défendre leur point de vue devant le suffrage universel et secret de nos adhérents. Mais le vote aura lieu, la clarification interviendra, et nul ne pourra plus la discuter. Les adhérents de l'UDF diront, individuellement, par leur vote, s'ils soutiennent ou pas cette ligne d'indépendance. Les choses seront clarifiées, comme chaque fois que le suffrage universel intervient.
Pour de nouvelles forces politiques, en France, en Europe, dans le monde
Une force politique libre, de plein exercice, s'adressera ainsi aux Français pour leur parler de leur avenir.
Partout, dans le monde, se fait sentir le besoin de forces politiques nouvelles, de démarches politiques inédites. Je voudrais conclure ces v?ux en ayant une pensée pour deux pays qui vivent une démarche de changement comme celle que nous voulons pour la France. Nous suivons avec grande attention ce qui se fait en Allemagne. Un rassemblement qui dépasse les frontières du passé a été construit, de par la volonté du peuple allemand. Ce rassemblement prend des décisions courageuses. Il mérite nos v?ux et notre réflexion. De la même manière, en Israël, un parti nouveau, Kadima, tente de renouveler le paysage politique et invite le peuple d'Israël à dépasser les vieux antagonismes. Nous suivons avec inquiétude l'évolution de la santé de son fondateur Ariel Sharon. Nous sommes émus par l'unanimité du peuple d'Israël devant ce moment d'angoisse. Nous envoyons nos v?ux à Ehoud Olmert, premier ministre par intérim et leader de ce nouveau parti, en pensant que la voie nouvelle ouverte ne sera pas abandonnée mais confortée par les citoyens, comme la seule voie d'avenir.C'est d'une démarche résolument nouvelle et politique dont l'Europe aussi a besoin. Nous connaissons la profondeur de la crise de notre Union. Mais cette crise n'est pas technique. Elle est politique. C'est une crise d'inspiration. Comme militants de l'idée européenne, à notre place, comme fondateurs du parti démocrate européen, nous nous fixons comme objectif, dans ce premier semestre, de proposer des réponses simples, claires, politiques à l'enlisement européen. Là encore, l'enjeu est le même : l'Europe n'est pas affaire de spécialistes. L'Europe est notre affaire à tous. Ce n'est pas une affaire technocratique compliquée, c'est une orientation simple : dans le monde des géants, dont nul ne paraît maîtriser l'évolution, il faut une communauté des démocraties européennes pour faire respecter nos valeurs de société.