Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la contribution de la communauté française de Serbie-et-Montenegro au rayonnement diplomatique et culturel de la France et aux relations économiques entre les deux pays et sur le projet de création d'un lycée franco-serbe, Belgrade le 9 décembre 2005.

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Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy en Serbie-et-Montenegro le 9 décembre 2005 : réception avec des représentants de la communauté française au centre culturel à Belgrade le 9

Texte intégral

Merci Monsieur l'Ambassadeur.
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Compatriotes de Serbie-et-Monténégro,

D'abord je voudrais vous dire le plaisir que j'ai de vous retrouver ce soir, au terme d'une journée particulièrement chargée mais aussi particulièrement fructueuse, avec les dirigeants politiques de Serbie-et-Monténégro.
Heureux que nous puissions nous retrouver en plein c?ur de cette belle ville de Belgrade, au centre culturel français, avec une partie de ma délégation, et je voudrais saluer en particulier Mme Monique Papon, sénateur, qui est la présidente du Groupe d'amitié France/Serbie-et-Monténégro au Sénat.
Je remercie également la communauté française, ainsi que les agents français et serbo-monténégrins de notre ambassade et de ce centre, qui contribuent tous quotidiennement et avec dévouement au rayonnement culturel et économique de notre pays.
Après une dizaine d'années, hélas tourmentées, au cours desquelles la présence française a stagné, je me réjouis de constater que la page est bel et bien tournée et que notre communauté française de Serbie-et-Monténégro est de nouveau en pleine santé. Elle comprend aujourd'hui près de 1.000 Français immatriculés à l'ambassade, dont les trois quarts sont originaires d'ex-Yougoslavie.
Ceci reflète bien la renaissance et la profondeur des liens séculaires qui unissent nos deux pays. Ce centre culturel qui nous accueille est aussi, à bien des égards, le symbole de la relance de cette relation, puisqu'il a été inauguré dès décembre 2001 par le président de la République.
Plus récemment, l'ambassade a lancé un projet ambitieux visant à la création d'un lycée franco-serbe, destiné à accueillir 700 élèves. Je voudrais vous annoncer ce soir que nous ferons ce lycée français dans les délais les plus brefs. Parmi tout ce que j'ai à faire au Quai d'Orsay, il y a, évidemment, les grands dossiers diplomatiques, qui sont vus directement avec le président mais aussi avec le Premier ministre, qui a occupé ce poste précédemment, mais il y a aussi d'autres choses un peu plus spécifiques mais dont on ne parle jamais, et pourtant nécessaires pour l'influence de notre pays à l'extérieur : ce sont ces lycées français, ces collèges, ces écoles primaires qui permettent aux élites des pays de parler ensuite le français, d'échanger avec notre communauté, notre pays.
Comme on dit souvent au ministre des Affaires étrangères qu'il n'y a plus d'argent lorsqu'on discute avec le ministère de l'Economie et des Finances, et bien, nous avons trouvé, par l'intermédiaire du partenariat public-privé, le fameux "PPP", la solution avec la Caisse des dépôts et avec des partenaires privés : mettre en place un système très simple, qui est de demander aux maires des grandes capitales du monde, mais également aux chefs d'Etat et de gouvernement, de nous permettre que soient exploités un, deux, trois hectares en plein c?ur des métropoles, et avec les sommes gagnées sur l'immobilier, de financer le collège, le lycée ou l'école primaire. C'est révolutionnaire, et cela va nous permettre de pouvoir être présents dans plusieurs pays au monde ; cela me paraît important pour associer la notion de diplomatie d'influence à la notion de diplomatie de rayonnement.
Je voudrais aussi profiter de la présence ce soir de nombreux représentants d'entreprises françaises pour souligner combien notre relation économique avec la Serbie-et-Monténégro est une dimension essentielle de notre relation bilatérale. Celle-ci se traduit ici par un nombre croissant d'investissements qui touchent tous les secteurs de l'économie : citons Lafarge, Michelin, qui vient de s'implanter à Pirot, Bongrain, la Société générale, le Crédit agricole, par l'intermédiaire de sa filiale Meridian, ou encore Intermarché. Je pense également aux nombreuses petites et moyennes entreprises françaises, qui voudront bien vouloir me pardonner de ne pas vouloir les citer toutes et auxquelles je veux dire combien leur présence constitue un support essentiel de notre action dans ce pays. On évalue à environ 400 millions d'euros le stock d'investissements français en Serbie.
En 1999 nous n'avions plus d'activité diplomatique avec la Serbie ; aujourd'hui les relations diplomatiques sont reparties, et je peux vous dire, après avoir rencontré ces différentes personnalités, que c'est reparti, que nos relations sont amicales et de confiance, même si, comme avec tout ami, on leur dit la vérité et on leur demande d'être présents sur ces sujets aussi importants que la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Mais j'ai trouvé que ces relations étaient confiantes et amicales. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir ces chefs d'entreprises ici, grandes, petites ou moyennes entreprises.
Les relations diplomatiques sont en partie des relations économiques, mais celles-ci ne sont pas à la hauteur de nos relations diplomatiques. J'espère que nous pourrons bénéficier prochainement de la création d'un club d'hommes d'affaires franco-serbe, je le souhaite profondément.
Dans différents pays que je visite, et j'en visite beaucoup chaque semaine, ce sont des choses qui fonctionnent, parce que je crois que nos sociétés civiles ne se connaissent pas. Une grande partie de la diplomatie est réalisée par les chefs d'entreprises, une grande partie des liens entre les pays est nouée par les chefs d'entreprises. Les chefs d'entreprises n'attendent pas toujours les hommes et les femmes politiques pour créer des liens, pour jeter des ponts. Evidement, il peut y avoir d'énormes tensions - et ces tensions s'appliquent plutôt aux pays, aux peuples qu'aux chefs d'entreprises - mais dès l'instant où ces tensions sont passées, dès l'instant où la confiance revient, il me paraît nécessaire, il me paraît important de faire confiance aux chefs d'entreprises. J'habite dans une ville, Toulouse, qui a fait Concorde puis Airbus : ce sont les chefs d'entreprises qui ont fait Airbus, ce ne sont pas les hommes politiques qui ont fait Airbus. Et, donc, quand les hommes politiques disent qu'ils ont fait Airbus, ce n'est pas vrai : ce sont les chefs d'entreprises qui ont fait Airbus, mais je crois néanmoins, et Mme Monique Papon pense comme moi, que nous sommes foncièrement à votre disposition pour pouvoir vous aider. J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de dire au Premier ministre que je souhaitais qu'il y ait un jour une grande success story pour une entreprise française de très grand niveau, à partir de laquelle les PME et les entrepreneurs français pourront voir que ce n'est pas dangereux d'investir en Serbie, mais que c'est au contraire possible. Il y a encore chez nos concitoyens cette idée que ce n'est pas facile d'investir, que c'est hasardeux.
J'ai vu récemment encore en Slovaquie ce que la venue d'entreprises - Peugeot - peut faire en termes de résultats sur nos relations avec nos pays : 10 % de Slovaques en plus par an choisissent le français ; des PME, des PMI, des sous-traitants qui viennent... Il faut dire que c'est l'un des plus grands projets industriels français à l'extérieur de nos frontières. On n'en est peut-être pas là, mais quand on approche les 10 millions d'habitants et quand l'on est au confluent de plusieurs continents, lorsque l'on voit une perspective européenne, lorsque l'on a une nouvelle génération qui veut créer une nouvelle page de l'histoire, il ne faut pas que nous, Français, donnions l'impression d'être en retrait.
C'est ce que nous avons fait toute la journée. Nous avons essayé de tisser des liens de confiance par l'intermédiaire d'un langage de vérité, à la fois sur les perspectives européennes, à la fois sur les perspectives internationales, mais aussi sur les relations bilatérales et les grands dossiers de la Serbie-et-Monténégro.
Le futur statut du Kosovo, bien entendu. C'est la première fois qu'un ministre des Affaires étrangères du Groupe de contact vient à Belgrade depuis le lancement du processus de négociations sur le statut futur, et je crois qu'il y a eu un moment fort sur le plan politique.
Et, puis, aussi, il y a la question du Monténégro, qui a été évoquée à plusieurs reprises. J'ai reçu tout à l'heure le Premier ministre monténégrin.
C'est enfin avec beaucoup de reconnaissance et beaucoup de gratitude que nous saluons votre présence ici, premières graines dans des relations que j'espère fécondes.
Merci.

Source : http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2005