Tribune conjointe de MM. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et Stefan Meller, ministre polonais des affaires étrangères, parue dans le Financial Times le 15 décembre 2005, intitulée "Impasse budgétaire : l'Union européenne doit avancer, le monde n'attendra pas".

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Média : Financial Times

Texte intégral

Impasse budgétaire :
l'Union européenne doit avancer, le monde n'attendra pas
Monsieur, (Sir),
L'Union européenne doit faire face à l'une des décisions les plus cruciales de son histoire récente. L'élargissement de l'Union à 10 nouveaux membres, d'une ampleur sans précédent, est le formidable aboutissement d'une ambition politique. Il doit maintenant être consolidé.
En outre, l'Union est confrontée à des défis immenses résultant de l'accélération du processus de mondialisation. Nous devons donc nous entendre sur l'essentiel et nous mettre d'accord sur le cadre budgétaire de l'Union pour 2007-2013. L'opinion ne comprendrait pas que nous ne parvenions pas à un accord juste et équitable.
Chacun doit consentir des efforts pour que les négociations soient couronnées de succès. Nos deux pays ont accepté la proposition du Luxembourg en juin, non pas parce que nous la jugions idéale, mais parce que nous pensions qu'elle offrait la meilleure solution possible compte tenu des exigences de l'ensemble des Etats membres dans les négociations.
Après cinq mois de réflexion, la présidence britannique a formulé une proposition qui ne saurait constituer les bases d'un accord, car elle prévoit que les Etats membres les plus pauvres fassent de nouveaux sacrifices substantiels, tandis qu'un des Etats membres, le Royaume-Uni, verrait sa position considérablement améliorée. Pour des raisons de principe, cette approche ne peut constituer une référence pour une Union européenne fondée sur la solidarité et l'équité.
En dépit de nos critiques à l'égard de la proposition britannique, nous demeurons déterminés à conclure un accord sur les nouvelles perspectives financières lors du Conseil européen de décembre. Il est parfaitement clair que, pour parvenir à un compromis, deux conditions fondamentales doivent être respectées. Tout d'abord, le partage des coûts de l'élargissement doit être équitable. Les efforts consentis par les Etats membres doivent être proportionnels à leurs richesses respectives. Cependant, la compensation en faveur du Royaume-Uni doit être ajustée pour tenir compte de l'élargissement aux 10 nouveaux membres ainsi que des élargissements futurs.
Le Royaume-Uni s'est fait l'un des champions de l'élargissement. Nous sommes convaincus qu'il acceptera également de financer les coûts qu'il représente. Le Royaume-Uni doit notamment accepter que la compensation ne soit pas calculée sur les dépenses des nouveaux membres, à l'exception possible des dépenses de marché de la Politique agricole commune.
Le second principe fondamental du compromis doit être le suivant : les régions les plus pauvres de l'Union européenne doivent bénéficier d'un traitement de faveur et ne sauraient être les victimes des négociations. Selon la proposition actuelle de la présidence, la Pologne, l'un des plus pauvres des Etats membres, serait l'avant-dernier bénéficiaire de l'aide en vue de la convergence économique, en termes de montant par habitant.
Elle devrait assumer près d'un quart de l'ensemble des économies proposées par la présidence. Non seulement cette mesure serait inéquitable, mais elle ne servirait pas l'objectif de modernisation affirmé par nos pays lors du récent sommet de Hampton Court. Les sommes allouées aux nouveaux membres doivent être fortement augmentées.
Nous pouvons accepter la suggestion de revoir à la fois le volet des recettes et celui des dépenses du budget. L'Union doit être en mesure de s'adapter aux défis futurs. Des changements sont d'ores et déjà en cours. La réforme de 2003 de la PAC est actuellement mise en ?uvre. Une réforme approfondie du marché du sucre vient d'être convenue, non sans sacrifices.
Nous avons besoin d'instruments tournés vers l'avenir, tels que les fonds de développement rural, pour veiller à ce que les campagnes européennes prenne le train de la mondialisation. Nous avons également besoin de règles et de principes dans l'Union européenne. Oui, il faut donc discuter avec soin des priorités budgétaires pour 2009 et oui, il nous faut les mettre en ?uvre dans la perspective financière de 2014-2020.
Le temps presse pour conclure un accord sur le budget de l'Union pour les années à venir. Nous sommes déterminés à parvenir à un compromis, à condition que chacun de nous fasse un effort similaire. Nous ne pouvons nous permettre de continuer à nous quereller sur le budget. L'Union européenne doit avancer, le monde n'attendra pas.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2005