Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, dans "Le Parisien" le 29 novembre 2005, sur la question de la sécurité et sur sa position concernant le projet de loi antiterroriste présentée par le ministre de l'intérieur.

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Média : Le Parisien

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Q - L'Assemblée doit se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi antiterroriste de Nicolas Sarkozy. Les socialistes s'apprêtent à voter pour ou à s'abstenir. Explications de Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, qui avertit ses amis de gauche : n'oubliez pas la sécurité ! Les socialistes vont-ils voter le projet de loi antiterroriste ?
Jean-Marc Ayrault. Le groupe va en décider aujourd'hui. Pour moi, il est hors de question de voter contre. Les démocraties doivent savoir se défendre face aux risques du terrorisme. Le texte qui est proposé ne comprend pas de dispositions liberticides ni contraires à l'Etat de droit, même s'il est insuffisant sur certains points.
Q - Par exemple ?
Jean-Marc Ayrault. Nous souhaitions une meilleure protection des libertés dans le cadre des gardes à vue prolongées, dont nous acceptons le principe. Nous aurions aimé aussi que soit créée une commission spéciale parlementaire du renseignement. Mais il est hors de question de dire non à un texte qui a pour premier objectif d'adapter notre organisation à la menace terroriste nouvelle. C'est la défense de la démocratie. Il n'est pas question de céder à quelque chantage terroriste que ce soit. La protection des citoyens est essentielle. « La citoyenneté rend chacun responsable de ses actes »
Q - La sécurité est-elle toujours un sujet tabou pour certains socialistes ?
Jean-Marc Ayrault. Une partie de la gauche culpabilise encore par rapport à la question de la sécurité, même s'il y a eu beaucoup d'évolutions, comme en témoigne la résolution adoptée au congrès du Mans sur les banlieues. Quand je vois Sarkozy gagner onze points et Villepin six dans les sondages, je ne crois pas que ce soit une adhésion à leur démarche présidentielle respective. En période de crise, les Français se tournent vers ceux qui incarnent l'Etat. La gauche commettrait une grave erreur en abandonnant la fermeté et le respect de la sécurité publique à la droite. On ne peut pas toujours invoquer l'excuse sociale face à la délinquance. La citoyenneté rend chacun responsable de ses actes, même s'il y a des causes sociales à traiter. Il ne faut pas se laisser culpabiliser par ceux qui confondent la défense de la tranquillité publique avec l'état policier. En Allemagne, la sécurité n'est pas un objet de polémique entre la gauche et la droite. La meilleure efficacité, c'est la continuité dans les politiques publiques. C'est pourquoi j'ai regretté que, par esprit de revanche, Nicolas Sarkozy ait supprimé la police de proximité. On a vu dans les événements récents à quel point cela avait été une erreur.
Q - A gauche, a-t-on une approche différente de la sécurité selon qu'on est élu ou non ?
Jean-Marc Ayrault. Oui. Les élus locaux connaissent très bien les questions de sécurité. On nous dit qu'il nous faut reconquérir les couches populaires. Mais dans certains quartiers en difficulté, vous avez un fort taux de chômage, des logements pas réhabilités, des services publics et des transports qui fonctionnent mal, pas assez de commerçants, et en plus on brûle les voitures et on vole les sacs à main. La gauche se tromperait en pensant qu'elle va reconquérir les couches populaires en ne traitant pas l'ensemble du problème, c'est-à-dire autant la question de la sécurité que la question sociale.
Propos recueillis par Béatrice Houchard (Source http://www.deputessocialistes.fr, le 30 novembre 2005)