Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'Aménagement du territoire, à France 2 le 16 janvier 2006, sur la mise en place d'une police des transports ferroviaires, le débat sur la réforme des institutions et la possibilité d'une présidente de la République en France.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Nous allons parler transports ferroviaires pour commencer, parce que N. Sarkozy, ministre de l'intérieur dont vous êtes un proche, est en ce moment dans le train quelque part entre Toulon, Nice et Marseille, ce fameux train où il y a eu quelques incidents, et il est d'ailleurs accompagné par le président de la SNCF, L. Gallois. Ce train Nice-Marseille-Lyon, il se trouve que c'est aussi votre secteur, puisque vous êtes élu de la région. Que faut-il faire pour empêcher ces débordements dans ces trains ?
R- En matière d'insécurité, nous avons sans doute gagné une bataille, mais pas la guerre. Tous les chiffres de l'insécurité ont baissé depuis quatre ans, sous l'impulsion de N. Sarkozy, notamment sur la voie publique. Malheureusement, on voit que l'on est enfermé dans une espère de pensée unique dans notre pays, qui fait que faire pénétrer la police dans un lieu public assimilé à un lieu privé en quelque sorte - l'école, le train - est quelque chose qui rebute un certain nombre d'acteurs de notre pays. On a fait preuve, je crois, de beaucoup trop d'angélisme. J'avais moi-même proposé, lorsque j'étais dans l'opposition au Parlement, au ministre de l'intérieur de l'époque, M. Vaillant, que l'on fasse rentrer la police dans les trains, qui dépendent pour une part de l'autorité de la SNCF, pour une autre part des conseils régionaux, qui sont autorités organisatrices de transport ferroviaire. Et aujourd'hui, enfin, N. Sarkozy passe à une nouvelle étape, en permettant donc à près de 2.500 policiers d'occuper les trains. Oui, c'est une ligne sensible, comme beaucoup d'autres. Il y a eu des incidents dans le RER, encore cette nuit à Paris...
Q- Oui, au Chesnay... Cela veut dire que l'on identifie ces lignes sensibles. On sait qu'en France, il y a telles sections du RER, telles sections de la SNCF, où en effet, c'est un peu chaud ?
R- Oui, malheureusement, de manière récurrente, on voit qu'il y a des lignes bien identifiées pour cela, avec de vraies statistiques. Il est temps que l'on y fasse un effort important. Sans doute a-t-on un peu tardé... N. Sarkozy, qui est un homme d'action, a décidé de réagir et tant pis
pour l'angélisme.
Q- N'y a-t-il pas aussi, entre Nice et Marseille, des tensions régulières qui font qu'à un moment donné, les "agités" entre guillemets, les voyous qui arrivaient de Marseille, qui sont arrivés à Nice, on les a remis dans le train en se disant qu'on les renvoyait à Marseille, qu'ils se débrouillent, et au fond, personne ne s'est trop préoccupé de savoir ce qu'ils allaient faire en route ? N'y a-t-il pas un petit côté de bisbilles entre les deux villes ?
R- Non, je ne le pense pas, bien au contraire. C'était une situation très précise, c'était la nuit de la Saint-Sylvestre. Et d'ailleurs, un grand nombre d'entre eux ont été interpellés à Nice, présentés devant les autorités judiciaires, placés en garde-à-vue. Et d'ailleurs, ceux qui étaient en garde-à-vue n'ont pas été repris le train le lendemain. Ils étaient en garde-à-vue au moment où il y a eu les incidents. Donc ni la police ni la justice ne sont en cause. Malheureusement, c'est une autre délinquance qui a agi le lendemain, et pas celle de la veille.
Q- J. Lang, ici même, disait que la première responsabilité de l'Etat et d'un gouvernement, est d'assurer la sécurité et qu'en gros, N. Sarkozy disait beaucoup mais ne faisait pas assez...
R- J'ai été intéressé à regarder J. Lang, ici devant vous, dire : "le devoir de l'Etat c'est d'agir en matière de sécurité". Qu'ont fait les socialistes entre 1997 et 2002, si ce n'est laisser la délinquance monter de près de 15 % dans notre pays ? Je n'ai pas entendu, sur votre plateau, M. Lang faire des propositions. Aujourd'hui, nous, nous agissons : ce seront 2.500 policiers dans les trains, pour assurer la sécurité des usagers.
Q- Puisque l'on parle de N. Sarkozy, un mot sur ses propos, hier, en matière de réforme des institutions. Il dit que maintenant que l'on est dans le quinquennat, il faut aller jusqu'au bout de la logique, et que le président de la République doit être peut-être plus responsable devant le Parlement. C'est sans doute mieux pour la démocratie, mais cela revient à une sorte de changement de régime... Est-ce une américanisation du régime ?
R- C'est un débat de plus pour N. Sarkozy. Heureusement qu'il est là pour animer le débat ! C'est même un producteur d'idées : il donne le "la" de la vie politique dans notre pays, depuis maintenant trois ans. Autre chantier d'ouvert : réforme institutionnelle ; avec le quinquennat, nos institutions ont eu une évolution. Il faut maintenant adapter le statut du président de la République et proposer que le Président soit plus responsable. Après tout, c'est le président qui est élu, ce n'est pas le Premier ministre. Celui que choisissent les Françaises et les Français, c'est le Président. Celui qui a donc plus de comptes à rendre devant les Français, c'est le président de la République, et N. Sarkozy entend donner ce caractère au statut de la fonction présidentielle.
Q- Il a fait part de sa détermination, totale, forte. En même temps, on apprend l'élection de M. Bachelet au Chili, première femme présidente de la République. Est-ce qu'aux prochaines échéances, le Président pourrait être une Présidente ?
R- Je trouve qu'il est bon de voir en Amérique latine un grand pays
comme le Chili s'engager vers la voie de la modernité, là où l'on avait
le sentiment qu'il y avait une véritable chape de plomb. Mais je ne
voudrais pas, notamment en Europe, que ce débat devienne réducteur pour la femme. Ce qui compte, c'est la compétence, c'est le talent. Nous avons démontré dans la plupart des grandes démocraties en Europe, depuis de nombreuses années déjà, que lorsque des femmes avaient un grand talent, elles trouvaient leur place dans la démocratie : madame Thatcher, Angela Merkel aujourd'hui, Edith Cresson qui a été Premier ministre socialiste, la présidente finlandaise qui est sortante et qui sans doute sera réélue dimanche prochain. Donc, je pense que nous n'en sommes plus là et qu'aujourd'hui, dans nos démocraties, les électeurs ont à arbitrer en fonction de la compétence et du talent.
Q- Cela veut dire que quand M. Alliot-Marie dit que rien n'est exclu, que rien n'est décidé, il pourrait y avoir un premier tour N. Sarkozy/M. Alliot-Marie ?
R- Heureusement que rien n'est décidé ! D'ailleurs, N. Sarkozy a voulu démocratiser l'UMP pour permettre à chacun de nos adhérents de pouvoir, le moment venu, choisir celui ou celle qui serait le mieux placé pour porter nos valeurs. M. Alliot-Marie, si elle le désirait, aurait sa place dans ce débat. Le tout est que nous le conduisions dans l'unité et que le moment venu, ce soit celui ou celle qui soit vraiment le meilleur, qui joue la carte de l'unité, au nom de l'UMP. Pour ce qui me concerne, vous savez vers qui se tourne mon regard.
Q- Donc, pas de deuxième tour M. Alliot-Marie/S. Royal ? C'est un cauchemar d'hommes politiques ?
R- Mais non, ce n'est pas un cauchemar. D'ailleurs, je trouve que les socialistes sont très "ostracistes", très machistes, lorsque je vois qu'ils ont engagé le "TSS", "le Tout Sauf Ségolène". Sincèrement, elle a de grandes qualités. Et puis, ce serait intéressant de voir les électeurs de gauche, au premier tour, avoir à arbitrer entre madame Laguiller, madame Buffet et madame Royal.
Q- Dans votre domaine de compétences, il y a les pôles d'excellences ruraux - vous allez faire une communication en Conseil des ministres cette semaine - ; en quoi cela consiste-t-il ? A mettre la loupe sur des zones rurales en développement ou qui vont se développer, et qu'il faut aider financièrement ?R- Après avoir mis en place les pôles de compétitivité - le décloisonnement entre l'université, les laboratoires de recherche, l'innovation industrielle - je veux maintenant permettre à une autre France de gagner : celle de la ruralité, avec les pôles d'excellence rurale. C'est-à-dire exploiter les talents, les intelligences dans le domaine du tourisme, de la culture, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'exploitation des ressources naturelles, l'exploitation de notre écosystème, de notre biodiversité. Il y a tant de richesses où l'on peut créer de l'emploi, de l'activité, mettre en valeur notre ruralité. Les ruraux se sont longtemps sentis un peu les indiens de la République. Il est temps que nous leur apportions toute notre attention, ils le méritent, et je suis à leurs côtés.