Texte intégral
C'est avec plaisir que je vous accueille aujourd'hui rue Saint- Dominique pour installer le groupe de travail ad hoc qui sera chargé d'examiner et de débattre du plan national d'action concerté en faveur de l'emploi des seniors.
Le Premier ministre m'a en effet chargé de piloter les travaux d'élaboration de ce plan et m'a demandé qu'il puisse être présenté en février prochain.
Sachez que je mesure l'importance de la tâche qui m'a été confiée.
La « feuille de route » qui doit être la nôtre pour les semaines à venir est à la fois claire et exigeante.
Claire car l'amélioration du taux d'emploi des seniors est une priorité pour notre pays. Nous ne pouvons accepter de continuer à voir les plus de 50 ans confrontés à une éviction du marché du travail. Cette situation n'est conforme ni aux défis économiques et sociaux auxquels va être confronté notre pays compte tenu des évolutions démographiques à venir, ni aux exigences de la cohésion sociale. C'est donc comme je l'ai dit à l'Assemblée Nationale une véritable « révolution culturelle » qu'il nous faut désormais mener, si nous voulons rompre avec cette culture des départs anticipés et valoriser le capital humain que représentent les seniors.
Exigeante car le chantier que nous ouvrons aujourd'hui est vaste. Il implique une mobilisation de tous les acteurs du monde du travail, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, dans des délais que je sais être serrés.
Les partenaires sociaux se sont d'ores et déjà saisis du sujet. Un projet d'accord national interprofessionnel a été élaboré le 13 octobre dernier.
Le Gouvernement s'engage naturellement à respecter l'équilibre de l'accord. Son contenu sera retranscrit de manière strictement conforme à la volonté des partenaires sociaux pour ses dispositions nécessitant des modifications législatives ou réglementaires, en particulier en ce qui concerne les aménagements apportés au contrat à durée déterminée.
Le Plan national d'action concerté doit donc constituer le prolongement de cette démarche.
Conformément à la demande qui figure à l'article 21 du projet d'accord et comme s'y était engagé le Premier ministre, ce plan aura vocation à décliner les dispositions de l'accord et à l'accompagner et le prolonger pour ce qui relève de la responsabilité de l'Etat. Il abordera également les différents points du titre V relatif aux relations avec les pouvoirs publics.
Pour cela, en étroite liaison avec les autres ministères concernés ici présents, j'ai jugé nécessaire de constituer ce groupe de travail.
J'ai souhaité qu'il soit suffisamment concentré pour garantir des échanges directement opérationnels, mais aussi composé de manière suffisamment large pour réunir les principales parties prenantes à la définition d'une nouvelle orientation de la politique de l'emploi des seniors.
Le plan devant définir principalement des actions relevant de la compétence de l'Etat, j'ai naturellement veillé, en lien avec Thierry Breton, Xavier Bertrand et Philippe Bas avec lequel nous avons déjà longuement travaillé sur ce sujet, à assurer une représentation interministérielle de l'Etat.
Composition
J'ai bien sûr souhaité que les partenaires sociaux négociateurs du projet d'accord national interprofessionnel soient membres de ce groupe.
J'ai souhaité aussi pouvoir associer en amont le Parlement à nos travaux, par la présence d'un représentant de la commission en charge des affaires sociales de chaque assemblée, dans la mesure où le futur plan nécessitera très probablement des évolutions législatives.
J'ai enfin demandé au Président du Conseil économique et social de désigner l'un de ses membres. Cela m'a semblé nécessaire tant au regard du rôle dévolu au Conseil par notre Constitution que de ses travaux sur le thème qui nous rassemble aujourd'hui, le CES ayant probablement été l'institution qui s'en est emparé le plus tôt.
Nous n'oublions pas le rapport de 2001 « Ages et emploi à l'horizon 2010 ».
Cette composition de notre groupe de travail me paraît donc de nature à garantir dans les meilleures conditions la qualité de nos travaux.
Dans cette perspective, nous devons selon moi nous fixer une double exigence.
D'abord celle de la concertation. Dans mon esprit, ce n'est pas seulement un passage obligé ou une formule de style. Sur un sujet comme celui, l'exigence de concertation est à mes yeux tout spécialement fondamentale. Progresser dans le maintien et le retour à l'emploi des seniors implique la mobilisation de tous. Les leviers qu'il va nous falloir actionner sous multiples et relèvent de nombreux acteurs. Nous sommes bien ici dans un domaine de responsabilité partagé. Et l'expérience des pays étrangers qui ont su développer une nouvelle dynamique en faveur de l'emploi des seniors montre que ce sont aussi les pays qui ont su mobiliser l'ensemble des acteurs. (cf. l'exemple Finlandais).
Seconde exigence : celle de la détermination. Nous mesurons tous les progrès qui nous restent à accomplir. Pour cela, il nous faudra réfléchir à des solutions nouvelles, à inscrire dans la durée, pour répondre au défi qui est le nôtre. Et je veux ici vous assurer que la détermination du Gouvernement sera totale. Si vous le voulez bien, je passerai brièvement sur le constat. Il a été établi et affiné par de nombreux rapports. Je pense ici notamment aux rapports du Conseil d'orientation des retraites, du Conseil économique et social, de l'IGAS, de l'OCDE, aux analyses de l'INSEE ou du Conseil d'analyse économique.
Ce diagnostic est, je crois, non seulement bien établi, mais aussi désormais largement partagé. Le dossier de cadrage élaboré par la DARES que je vous ai transmis en rappelle les principales lignes de force.
Pendant 30 ans, nous nous sommes reposés sur la croyance, en apparence confortable mais en réalité destructrice, selon laquelle l'âge pouvait être la variable d'ajustement du marché du travail. Cette croyance montre aujourd'hui toutes ses limites : nous sommes l'un des pays européens où le taux de chômage des jeunes est parmi les plus élevés et où le taux d'emploi des seniors est le plus faible.
Les politiques menées en France depuis les années 1970 ont pesé sur notre taux d'emploi, et notamment sur le taux d'emploi des seniors et ceux-ci ont été trop longtemps dans notre pays la variable d'ajustement des restructurations.
Nous nous distinguons vous le savez tous de nos voisins européens par un taux d'emploi des plus de 55 ans significativement plus bas : il était en 2004 de 37 % chez nous contre 41 % en moyenne chez nos partenaires de l'Union européenne. Nous sommes encore bien loin de l'objectif de 50 % fixé en 2001 au sommet de Stockholm pour l'horizon 2010.
Actuellement, plus de la moitié de chaque génération sort encore de l'emploi avant 60 ans que ce soit pour partir en retraite ou en préretraite, pour cause de chômage ou pour raisons de santé ou d'inaptitude.
Cette situation est lourde de menaces pour notre économie et notre cohésion sociale au moment où les évolutions démographiques amènent l'âge moyen de la population active à croître très significativement.
Vous en connaissez tous les enjeux :
C'est déjà un enjeu pour l'emploi. Des branches, des territoires, des entreprises vont se trouver d'ici quelques années confrontés à d'importantes difficultés de recrutement, si rien n'est fait, dans un contexte de diminution de la population active. A cet égard, la récente étude du Plan et de la DARES sur les métiers en 2015 est particulièrement éclairante. D'ici 10 ans, le nombre de postes à pourvoir sur le marché du travail va augmenter très fortement : 80 % de ces besoins correspondront à des départs en fin de carrière. Je vous rappelle que les flux de sorties en fin de carrière devraient passer de 410.000 personnes par an dans les années 1990 à 630.000 à l'horizon 2015.
C'est un enjeu aussi pour la croissance. On estime ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la perte de potentiel de croissance liée aux évolutions démographiques à 0,5 point par an.
C'est enfin un enjeu pour la cohésion sociale de notre pays, cohésion sociale qui passe aussi par une cohésion des âges. Je pense notamment au risque d'une aggravation du déficit de nos régimes sociaux si nous ne parvenons pas à augmenter l'emploi des seniors. Je pense aussi tout simplement au rôle moteur et structurant que jouent nos aînés dans notre société, qu'il s'agisse de la collectivité de travail ou de toute autre collectivité. Le vieillissement ne peut plus être synonyme de relégation. Nous devons favoriser un « vieillissement actif ».
L'amélioration du taux d'emploi des seniors doit donc être une priorité pour notre pays.
Pour ce faire, le gouvernement s'est engagé depuis maintenant plus de trois ans dans une politique volontariste de réformes visant à améliorer le maintien et le retour à l'emploi des personnes de plus de 50 ans. Vous les connaissez :
les préretraites
l'incitation au maintien en activité
la formation professionnelle
mobilisation d'organismes comme l'AFPA et ANACT
De fait, ces réformes commencent à produire leurs premiers effets : le taux d'emploi des 55 à 64 ans est ainsi passé de 35,5 % en 2002 à 37,3 % en 2004. Si cette progression tient pour partie à un effet se structure démographique, comme le souligne la DARES dans le dossier de cadrage qui vous a été transmis, elle témoigne aussi d'une première tendance encourageante que nous devons conforter.
Le chemin à parcourir :
De fait, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. J'en veux pour preuve plusieurs éléments.
D'abord, la prise de conscience des enjeux liés à l'emploi des seniors ne progresse que lentement. Les entreprises et les branches commencent seulement à être sensibilisées -et encore de manière très inégale-, et sont encore à la recherche de nouvelles modalités d'action.
J'observe en particulier que la tentation de la cessation anticipée d'activité demeure prégnante tant pour les entreprises que pour les salariés. Je le vis d'ailleurs tous les jours dans l'exercice de mes fonctions ministérielles...
Nous devons rompre avec ces « mauvaises habitudes » : le recours massif aux mesures d'âge dans les années 1980 et 1990 a nourri un consensus social autour d'une gestion de l'emploi par les âges et la cessation anticipée d'activité. C'est cette représentation collective qu'il nous faut combattre.
Ensuite, notre tâche est rendue plus ardue par le maintien d'un taux de chômage encore élevé, même si la baisse continue de ces derniers mois témoigne d'un renversement de tendance. Dire qu'il faut relever le taux d'emploi des seniors quand le taux de chômage global est encore à 9,7 % exige un travail de pédagogie !
Pourtant, l'expérience montre que la pratique généralisée de la cessation anticipée d'activité n'a pas permis dans notre pays de favoriser l'emploi des autres catégories et notamment des jeunes. Et les expériences étrangères soulignent je le redis a contrario que les pays qui ont réussi à relever le taux d'emploi des salariés âgés sont aussi ceux qui ont réussi à faire baisser, globalement, le chômage. Je pense ici à la Finlande, aux Pays-Bas ou au Royaume Uni.
Je mesure donc pleinement l'ampleur de la tâche qui nous reste à accomplir.
Ce sont ces éléments de constat que nous devons avoir à l'esprit au moment de préparer le plan national d'action concerté.
Je considère ainsi que le plan devra aborder 4 axes complémentaires, suivant en cela la logique du projet d'accord :
D'abord, faire évoluer les mentalités
Ensuite, favoriser le maintien dans l'emploi
Faciliter aussi le retour à l'emploi en cas de chômage
Enfin, mieux aménager les fins de carrière
Voilà pourquoi je souhaite que nous puissions échanger, au cours de notre réunion d'aujourd'hui, autour de ces orientations et examiner ensemble les pistes de propositions qui mériteraient d'être examinées plus avant.
Faire évoluer les mentalités
C'est à mes yeux un point fondamental. Il faut mettre à bas les préjugés et valoriser l'expérience. Nous devons faire en sorte de bâtir un nouveau consensus social.
Le projet d'accord des partenaires sociaux insiste à ce titre sur la mise en place d'une campagne de sensibilisation. J'y suis naturellement très favorable. Les expériences étrangères ont montré l'importance de telles campagnes pour lever les préjugés. Elle devrait associer l'ensemble des acteurs (Etat, sécurité sociale, branches professionnelles, organismes consulaires, établissements publics...), viser tant le grand public que les professionnels et permettre la diffusion la plus large possible des bonnes pratiques déjà identifiées.
Mais nous devons aussi continuer à avancer en mobilisant l'ensemble des acteurs de la recherche sur l'enjeu que constitue l'âge au travail. Notre pays n'est pas en retard. Nous devons conforter nos connaissances qui auront vocation à alimenter les bonnes pratiques.
Favoriser le maintien en emploi des seniors
Cela implique la mise en ?uvre d'une gestion active des ressources humaines tout au long de la vie, avec notamment un meilleur accès à la formation et une meilleure organisation des carrières.
D'ores et déjà, l'accord national interprofessionnel sur la formation et la loi du 4 mai 2004 offrent de nouveaux outils. Le projet d'accord du 13 octobre comporte de nouvelles avancées.
Nous sommes ici dans un domaine qui relève principalement de la responsabilité des partenaires sociaux.
L'Etat accompagnera, au travers du plan national, leur démarche.
L'Etat mobilisera notamment les outils de sa politique contractuelle (engagements EDEC) pour accroître la part consacrée aux seniors dans ces contrats.
Mon objectif est aussi de mobiliser les accords de gestion prévisionnels de l'emploi et de compétences institués par la loi de cohésion sociale. S'ils comportent des dispositions sur la gestion des âges, notamment dans les PME, l'Etat ou l'Anact pourraient s'engager aux côtés de l'entreprise sous des formes que nous auront à déterminer.
Le projet d'accord insiste aussi à juste titre sur le rôle des conditions de travail. Je crois nécessaire que la branche AT MP puisse aussi mieux s'impliquer. A cet égard, je vous propose que la convention d'objectifs et de gestion entre la branche et l'Etat comporte une forte dimension sur l'âge au travail. Il faudrait notamment que les conventions d'objectifs et les contrats de prévention passés par la branche intègrent plus la problématique de la gestion des âges et se fixent des objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs.
Nous aurons aussi à regarder comment mieux limiter les recours aux cessations anticipées d'activité.
Je crois aussi qu'il nous faudra voir comment mieux favoriser la gestion du temps de travail tout au long de la vie. Le compte épargne temps constitue à cet égard un instrument utile. Mais il faudrait sans doute encore avancer ensemble sur la question de sa « transférabilité » dans un contexte de mobilité croissante des salariés : d'ores et déjà, 60 % des salariés n'occupent plus aujourd'hui le même emploi que 5 ans auparavant.
Favoriser le retour à l'emploi
Le service public de l'emploi doit mieux prendre en compte la spécificité des seniors. Il faut le reconnaître, notre offre de service n'est sans doute pas actuellement suffisamment adaptée. Des expérimentations sont en cours. Il faut en dresser le bilan et généraliser les expériences les plus concluantes. Je m'engage par ailleurs à ce que l'emploi des seniors soit au c?ur du futur contrat de progrès entre l'Etat et l'Agence.
J'ai demandé à l'IGAS - et c'est Michel Thierry qui en est chargé- de me faire pour janvier un bilan de l'adaptation du SPE à la situation particulière des seniors et des propositions pour faire évoluer son offre de service à cette population. Elles seront intégrées dans le plan.
Il nous faudra également veiller à mieux prévenir les discriminations à l'embauche fondées sur l'âge. L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi doit être une réalité, quel que soit l'âge du candidat. A cet égard, le service public de l'emploi doit jouer un rôle central. Il est le premier garant de l'égalité des chances. J'ai signé voici quelques jours une charte du service public de l'emploi contre les discriminations. Elle devra naturellement porter sur les discriminations par l'âge.
Nous devons aussi mieux mobiliser les contrats aidés du secteur marchand - et en premier chef le CIE- en faveur des seniors. Nous pourrions nous fixer comme objectif de cibler 20.000 CIE, sur les 50.000 prévus en 2006, pour ce public. Nous pourrions également voir comment mieux articuler le CIE avec le contrat de professionnalisation.
Mais je crois que nous devons aussi imaginer des voies nouvelles.
Il faut ainsi, dans certains cas, mieux inciter les employeurs à recruter les seniors qui rencontrent des difficultés. Il y a déjà un dispositif qui existe et qui est géré par l'Unédic : l'aide dégressive à l'employeur qui a bénéficié à 12.000 personnes en 2004, dont beaucoup de seniors qui ont retrouvé un emploi.
Il convient aussi d'examiner comment mieux « intéresser » les seniors demandeurs d'emploi à la reprise d'emploi notamment dans les secteurs en tension. Une expérimentation est actuellement menée en Alsace.
Je sais que ces questions sont actuellement examinées dans le cadre de la renégociation de la convention d'assurance chômage. Je vous propose donc que nous les examinions plus en détail en janvier au vu des résultats de la négociation en cours.
Il nous faudra également examiner les freins réels ou supposés au retour à l'emploi des seniors. Parmi eux est fréquemment citée la contribution Delalande. J'ai demandé, en lien avec Jean-François Copé et conformément aux engagements du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, à l'IGAS et à l'IGF un rapport sur cette contribution et son bilan.
Ce rapport montre que cette contribution n'a sans doute plus aujourd'hui ni tous les avantages, ni tous les défauts qui lui ont été attribués par les uns ou les autres. La réforme de 2003 a largement atténué ses inconvénients. Mais elle n'est pas assez connue. La contribution n'est donc plus aujourd'hui objectivement un frein absolu à l'embauche des seniors. Mais elle ne constitue pas non plus un outil efficace de maintien dans l'emploi des seniors.
A terme, elle n'a sans doute plus nécessairement raison d'être dans son format actuel. Mais elle constitue toutefois une ressource non négligeable de l'Unedic (environ 250 M?). Entre sa suppression sèche qui aurait un coût immédiat pour l'assurance chômage et son maintien, nous pouvons me semble-t-il explorer des pistes de suppression progressive.
Nous aurons aussi à regarder comment imaginer de nouvelles formes d'emploi qui pourraient constituer autant de solutions nouvelles pour les seniors.
A cet égard, le projet d'accord ouvre deux pistes :
La première concerne le CDD. Je voudrai à ce titre apporter deux précisions :
D'une part, le récent arrêt Mangold de la CJCE ne me semble pas remettre en cause la possibilité de mettre en ?uvre l'aménagement du recours au CDD pour les demandeurs d'emploi de plus de 57 ans proposé par le projet d'accord. Cet aménagement apparaît en effet suffisamment circonscrit pour ne pas poser de difficultés au regard de la jurisprudence européenne.
D'autre part, cet aménagement ne nécessite pas nécessairement pour entrer en vigueur une modification législative. Un décret, pris sur le fondement de l'article L. 122-2 du code du travail, peut suffire. Le gouvernement est naturellement disposé à effectuer une transposition, dans le strict respect de la volonté des partenaires sociaux, par voie réglementaire. Mais, dans ce cas, le projet d'accord devrait être modifié pour prévoir expressément le versement de l'indemnité de fin de contrat.
Mais les nouvelles formes d'emploi ne peuvent se limiter au CDD. Le projet d'accord évoque par exemple le travail à temps partagé, au travers des groupements d'employeurs. Mais il existe aussi, de fait, de nouvelles formes d'emploi qui peuvent être adaptées aux seniors. Je pense en particulier au portage salarial. Cette forme d'emploi peut offrir des solutions. Mais elle s'exerce aussi souvent aujourd'hui aux marges de la légalité.
Je crois qu'il serait nécessaire de clarifier la situation. Une convention Etat / Unédic / fédérations professionnelles pourrait par exemple définir une « charte des bonnes pratiques », qui ferait l'objet d'une évaluation, pour sécuriser les démarches les plus positives.
Je crois aussi que nous devrons mieux encourager les seniors qui le souhaitent en appui à leur démarche de création d'entreprise. Des instruments existent déjà (ACCRE, EDEN, les contrats d'appui à la création d'entreprise). Ils pourraient être mieux mobilisés.
Aménager les fins de carrière
C'est un point fondamental. Les expériences étrangères nous ont montré en effet que les pays réussissant à améliorer le taux d'emploi des seniors sont aussi ceux qui réussissent à mettre en place des dispositifs d'aménagement des fins de carrière, notamment par le biais du temps partiel.
A cet égard, les décrets du 3 novembre permettent désormais aux salariés à temps partiel de cotiser sur la base d'un temps plein pour le droit à retraite.
Je pense pour ma part que nous pouvons travailler ensemble à l'élaboration de solutions innovantes sur de tels aménagements de fin de carrière. Mais, si l'aménagement des horaires de travail peut constituer une réponse appropriée dans certains cas, je serai naturellement très attentif au respect de trois critères qui me paraissent fondamentaux : ils devront relever d'une démarche personnalisée, ils devront relever d'une logique d'aménagement du temps de travail, et non de réduction, sur la fin de carrière, ils devront être globalement neutres pour nos finances publiques et nos régimes sociaux
Je pense aussi qu'il nous faut trouver de nouvelles solutions pour favoriser le tutorat dans un souci de transmission des savoirs et des savoir-faire des salariés en fin de carrière.
Nous devrons enfin développer des outils permettant de prolonger, pour les salariés qui le veulent, l'activité au-delà de l'âge de 60 ans.
A cet égard, trois voies me semblent devoir être explorées :
il nous faut d'abord promouvoir la retraite progressive
La retraite progressive n'est pour l'heure guère utilisée (moins de 1.000 bénéficiaires), alors qu'elle peut pourtant constituer un moyen de gestion des fins de carrière répondant aux aspirations des salariés en leur permettant de percevoir une partie de leur retraite tout en continuant de travailler à temps partiel et d'améliorer leurs droits à pension.
Nous préparons actuellement un décret pour permettre aux personnes ne bénéficiant pas du taux plein de pouvoir accéder à ce dispositif : il pourrait être ouvert à ceux ayant 132 trimestres de cotisation. Il aura sa place dans le plan d'action.
il nous faut ensuite regarder les possibilités de cumul emploi - retraite qui sont aujourd'hui probablement sous-optimisées.
Les possibilités de cumul ont déjà été assouplies par la loi sur les retraites de 2003. Aujourd'hui, il est possible de cumuler une pension et un revenu d'activité, mais dans une limite égale au dernier revenu d'activité perçu avant la liquidation de la pension. Par ailleurs, si la reprise d'activité a lieu chez le dernier employeur, il faut respecter un délai de carence de 6 mois.
Il est probablement souhaitable d'aller plus loin, notamment pour les personnes à bas salaires. Mais nous devrons parallèlement être attentifs à ce qu'ils ne remettent pas en cause le mécanisme de la surcote. S'agissant de la surcote justement, certains considèrent qu'il faudrait la rendre plus attractive. Nous pourrions également en étudier les voies et moyens.
il nous faut enfin réexaminer les conditions de mise à la retraite d'office
La loi portant réforme des retraites a porté l'âge de mise à la retraite à 65 ans. Des accords de branche peuvent toutefois, moyennant des contreparties, fixer un âge inférieur. De nombreux accords ont été conclus en ce sens.
Cette possibilité n'est cependant pas nécessairement compatible ni avec le souci de liberté de choix pour les salariés de pouvoir continuer à travailler après l'âge légal. Dans ces conditions, sans doute faudrait-il que nous puissions examiner ensemble des adaptations législatives et conventionnelles pour en tirer toutes les conséquences.
Vous le voyez, ces premières orientations, non exhaustives, que je vous soumets aujourd'hui montrent que nous pouvons mobiliser de nombreux instruments pour améliorer le taux d'emploi des seniors.
Je souhaite que ces leviers d'action soient examinés sans tabou.(Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 29 décembre 2005)
Le Premier ministre m'a en effet chargé de piloter les travaux d'élaboration de ce plan et m'a demandé qu'il puisse être présenté en février prochain.
Sachez que je mesure l'importance de la tâche qui m'a été confiée.
La « feuille de route » qui doit être la nôtre pour les semaines à venir est à la fois claire et exigeante.
Claire car l'amélioration du taux d'emploi des seniors est une priorité pour notre pays. Nous ne pouvons accepter de continuer à voir les plus de 50 ans confrontés à une éviction du marché du travail. Cette situation n'est conforme ni aux défis économiques et sociaux auxquels va être confronté notre pays compte tenu des évolutions démographiques à venir, ni aux exigences de la cohésion sociale. C'est donc comme je l'ai dit à l'Assemblée Nationale une véritable « révolution culturelle » qu'il nous faut désormais mener, si nous voulons rompre avec cette culture des départs anticipés et valoriser le capital humain que représentent les seniors.
Exigeante car le chantier que nous ouvrons aujourd'hui est vaste. Il implique une mobilisation de tous les acteurs du monde du travail, dans le cadre de leurs responsabilités respectives, dans des délais que je sais être serrés.
Les partenaires sociaux se sont d'ores et déjà saisis du sujet. Un projet d'accord national interprofessionnel a été élaboré le 13 octobre dernier.
Le Gouvernement s'engage naturellement à respecter l'équilibre de l'accord. Son contenu sera retranscrit de manière strictement conforme à la volonté des partenaires sociaux pour ses dispositions nécessitant des modifications législatives ou réglementaires, en particulier en ce qui concerne les aménagements apportés au contrat à durée déterminée.
Le Plan national d'action concerté doit donc constituer le prolongement de cette démarche.
Conformément à la demande qui figure à l'article 21 du projet d'accord et comme s'y était engagé le Premier ministre, ce plan aura vocation à décliner les dispositions de l'accord et à l'accompagner et le prolonger pour ce qui relève de la responsabilité de l'Etat. Il abordera également les différents points du titre V relatif aux relations avec les pouvoirs publics.
Pour cela, en étroite liaison avec les autres ministères concernés ici présents, j'ai jugé nécessaire de constituer ce groupe de travail.
J'ai souhaité qu'il soit suffisamment concentré pour garantir des échanges directement opérationnels, mais aussi composé de manière suffisamment large pour réunir les principales parties prenantes à la définition d'une nouvelle orientation de la politique de l'emploi des seniors.
Le plan devant définir principalement des actions relevant de la compétence de l'Etat, j'ai naturellement veillé, en lien avec Thierry Breton, Xavier Bertrand et Philippe Bas avec lequel nous avons déjà longuement travaillé sur ce sujet, à assurer une représentation interministérielle de l'Etat.
Composition
J'ai bien sûr souhaité que les partenaires sociaux négociateurs du projet d'accord national interprofessionnel soient membres de ce groupe.
J'ai souhaité aussi pouvoir associer en amont le Parlement à nos travaux, par la présence d'un représentant de la commission en charge des affaires sociales de chaque assemblée, dans la mesure où le futur plan nécessitera très probablement des évolutions législatives.
J'ai enfin demandé au Président du Conseil économique et social de désigner l'un de ses membres. Cela m'a semblé nécessaire tant au regard du rôle dévolu au Conseil par notre Constitution que de ses travaux sur le thème qui nous rassemble aujourd'hui, le CES ayant probablement été l'institution qui s'en est emparé le plus tôt.
Nous n'oublions pas le rapport de 2001 « Ages et emploi à l'horizon 2010 ».
Cette composition de notre groupe de travail me paraît donc de nature à garantir dans les meilleures conditions la qualité de nos travaux.
Dans cette perspective, nous devons selon moi nous fixer une double exigence.
D'abord celle de la concertation. Dans mon esprit, ce n'est pas seulement un passage obligé ou une formule de style. Sur un sujet comme celui, l'exigence de concertation est à mes yeux tout spécialement fondamentale. Progresser dans le maintien et le retour à l'emploi des seniors implique la mobilisation de tous. Les leviers qu'il va nous falloir actionner sous multiples et relèvent de nombreux acteurs. Nous sommes bien ici dans un domaine de responsabilité partagé. Et l'expérience des pays étrangers qui ont su développer une nouvelle dynamique en faveur de l'emploi des seniors montre que ce sont aussi les pays qui ont su mobiliser l'ensemble des acteurs. (cf. l'exemple Finlandais).
Seconde exigence : celle de la détermination. Nous mesurons tous les progrès qui nous restent à accomplir. Pour cela, il nous faudra réfléchir à des solutions nouvelles, à inscrire dans la durée, pour répondre au défi qui est le nôtre. Et je veux ici vous assurer que la détermination du Gouvernement sera totale. Si vous le voulez bien, je passerai brièvement sur le constat. Il a été établi et affiné par de nombreux rapports. Je pense ici notamment aux rapports du Conseil d'orientation des retraites, du Conseil économique et social, de l'IGAS, de l'OCDE, aux analyses de l'INSEE ou du Conseil d'analyse économique.
Ce diagnostic est, je crois, non seulement bien établi, mais aussi désormais largement partagé. Le dossier de cadrage élaboré par la DARES que je vous ai transmis en rappelle les principales lignes de force.
Pendant 30 ans, nous nous sommes reposés sur la croyance, en apparence confortable mais en réalité destructrice, selon laquelle l'âge pouvait être la variable d'ajustement du marché du travail. Cette croyance montre aujourd'hui toutes ses limites : nous sommes l'un des pays européens où le taux de chômage des jeunes est parmi les plus élevés et où le taux d'emploi des seniors est le plus faible.
Les politiques menées en France depuis les années 1970 ont pesé sur notre taux d'emploi, et notamment sur le taux d'emploi des seniors et ceux-ci ont été trop longtemps dans notre pays la variable d'ajustement des restructurations.
Nous nous distinguons vous le savez tous de nos voisins européens par un taux d'emploi des plus de 55 ans significativement plus bas : il était en 2004 de 37 % chez nous contre 41 % en moyenne chez nos partenaires de l'Union européenne. Nous sommes encore bien loin de l'objectif de 50 % fixé en 2001 au sommet de Stockholm pour l'horizon 2010.
Actuellement, plus de la moitié de chaque génération sort encore de l'emploi avant 60 ans que ce soit pour partir en retraite ou en préretraite, pour cause de chômage ou pour raisons de santé ou d'inaptitude.
Cette situation est lourde de menaces pour notre économie et notre cohésion sociale au moment où les évolutions démographiques amènent l'âge moyen de la population active à croître très significativement.
Vous en connaissez tous les enjeux :
C'est déjà un enjeu pour l'emploi. Des branches, des territoires, des entreprises vont se trouver d'ici quelques années confrontés à d'importantes difficultés de recrutement, si rien n'est fait, dans un contexte de diminution de la population active. A cet égard, la récente étude du Plan et de la DARES sur les métiers en 2015 est particulièrement éclairante. D'ici 10 ans, le nombre de postes à pourvoir sur le marché du travail va augmenter très fortement : 80 % de ces besoins correspondront à des départs en fin de carrière. Je vous rappelle que les flux de sorties en fin de carrière devraient passer de 410.000 personnes par an dans les années 1990 à 630.000 à l'horizon 2015.
C'est un enjeu aussi pour la croissance. On estime ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la perte de potentiel de croissance liée aux évolutions démographiques à 0,5 point par an.
C'est enfin un enjeu pour la cohésion sociale de notre pays, cohésion sociale qui passe aussi par une cohésion des âges. Je pense notamment au risque d'une aggravation du déficit de nos régimes sociaux si nous ne parvenons pas à augmenter l'emploi des seniors. Je pense aussi tout simplement au rôle moteur et structurant que jouent nos aînés dans notre société, qu'il s'agisse de la collectivité de travail ou de toute autre collectivité. Le vieillissement ne peut plus être synonyme de relégation. Nous devons favoriser un « vieillissement actif ».
L'amélioration du taux d'emploi des seniors doit donc être une priorité pour notre pays.
Pour ce faire, le gouvernement s'est engagé depuis maintenant plus de trois ans dans une politique volontariste de réformes visant à améliorer le maintien et le retour à l'emploi des personnes de plus de 50 ans. Vous les connaissez :
les préretraites
l'incitation au maintien en activité
la formation professionnelle
mobilisation d'organismes comme l'AFPA et ANACT
De fait, ces réformes commencent à produire leurs premiers effets : le taux d'emploi des 55 à 64 ans est ainsi passé de 35,5 % en 2002 à 37,3 % en 2004. Si cette progression tient pour partie à un effet se structure démographique, comme le souligne la DARES dans le dossier de cadrage qui vous a été transmis, elle témoigne aussi d'une première tendance encourageante que nous devons conforter.
Le chemin à parcourir :
De fait, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. J'en veux pour preuve plusieurs éléments.
D'abord, la prise de conscience des enjeux liés à l'emploi des seniors ne progresse que lentement. Les entreprises et les branches commencent seulement à être sensibilisées -et encore de manière très inégale-, et sont encore à la recherche de nouvelles modalités d'action.
J'observe en particulier que la tentation de la cessation anticipée d'activité demeure prégnante tant pour les entreprises que pour les salariés. Je le vis d'ailleurs tous les jours dans l'exercice de mes fonctions ministérielles...
Nous devons rompre avec ces « mauvaises habitudes » : le recours massif aux mesures d'âge dans les années 1980 et 1990 a nourri un consensus social autour d'une gestion de l'emploi par les âges et la cessation anticipée d'activité. C'est cette représentation collective qu'il nous faut combattre.
Ensuite, notre tâche est rendue plus ardue par le maintien d'un taux de chômage encore élevé, même si la baisse continue de ces derniers mois témoigne d'un renversement de tendance. Dire qu'il faut relever le taux d'emploi des seniors quand le taux de chômage global est encore à 9,7 % exige un travail de pédagogie !
Pourtant, l'expérience montre que la pratique généralisée de la cessation anticipée d'activité n'a pas permis dans notre pays de favoriser l'emploi des autres catégories et notamment des jeunes. Et les expériences étrangères soulignent je le redis a contrario que les pays qui ont réussi à relever le taux d'emploi des salariés âgés sont aussi ceux qui ont réussi à faire baisser, globalement, le chômage. Je pense ici à la Finlande, aux Pays-Bas ou au Royaume Uni.
Je mesure donc pleinement l'ampleur de la tâche qui nous reste à accomplir.
Ce sont ces éléments de constat que nous devons avoir à l'esprit au moment de préparer le plan national d'action concerté.
Je considère ainsi que le plan devra aborder 4 axes complémentaires, suivant en cela la logique du projet d'accord :
D'abord, faire évoluer les mentalités
Ensuite, favoriser le maintien dans l'emploi
Faciliter aussi le retour à l'emploi en cas de chômage
Enfin, mieux aménager les fins de carrière
Voilà pourquoi je souhaite que nous puissions échanger, au cours de notre réunion d'aujourd'hui, autour de ces orientations et examiner ensemble les pistes de propositions qui mériteraient d'être examinées plus avant.
Faire évoluer les mentalités
C'est à mes yeux un point fondamental. Il faut mettre à bas les préjugés et valoriser l'expérience. Nous devons faire en sorte de bâtir un nouveau consensus social.
Le projet d'accord des partenaires sociaux insiste à ce titre sur la mise en place d'une campagne de sensibilisation. J'y suis naturellement très favorable. Les expériences étrangères ont montré l'importance de telles campagnes pour lever les préjugés. Elle devrait associer l'ensemble des acteurs (Etat, sécurité sociale, branches professionnelles, organismes consulaires, établissements publics...), viser tant le grand public que les professionnels et permettre la diffusion la plus large possible des bonnes pratiques déjà identifiées.
Mais nous devons aussi continuer à avancer en mobilisant l'ensemble des acteurs de la recherche sur l'enjeu que constitue l'âge au travail. Notre pays n'est pas en retard. Nous devons conforter nos connaissances qui auront vocation à alimenter les bonnes pratiques.
Favoriser le maintien en emploi des seniors
Cela implique la mise en ?uvre d'une gestion active des ressources humaines tout au long de la vie, avec notamment un meilleur accès à la formation et une meilleure organisation des carrières.
D'ores et déjà, l'accord national interprofessionnel sur la formation et la loi du 4 mai 2004 offrent de nouveaux outils. Le projet d'accord du 13 octobre comporte de nouvelles avancées.
Nous sommes ici dans un domaine qui relève principalement de la responsabilité des partenaires sociaux.
L'Etat accompagnera, au travers du plan national, leur démarche.
L'Etat mobilisera notamment les outils de sa politique contractuelle (engagements EDEC) pour accroître la part consacrée aux seniors dans ces contrats.
Mon objectif est aussi de mobiliser les accords de gestion prévisionnels de l'emploi et de compétences institués par la loi de cohésion sociale. S'ils comportent des dispositions sur la gestion des âges, notamment dans les PME, l'Etat ou l'Anact pourraient s'engager aux côtés de l'entreprise sous des formes que nous auront à déterminer.
Le projet d'accord insiste aussi à juste titre sur le rôle des conditions de travail. Je crois nécessaire que la branche AT MP puisse aussi mieux s'impliquer. A cet égard, je vous propose que la convention d'objectifs et de gestion entre la branche et l'Etat comporte une forte dimension sur l'âge au travail. Il faudrait notamment que les conventions d'objectifs et les contrats de prévention passés par la branche intègrent plus la problématique de la gestion des âges et se fixent des objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs.
Nous aurons aussi à regarder comment mieux limiter les recours aux cessations anticipées d'activité.
Je crois aussi qu'il nous faudra voir comment mieux favoriser la gestion du temps de travail tout au long de la vie. Le compte épargne temps constitue à cet égard un instrument utile. Mais il faudrait sans doute encore avancer ensemble sur la question de sa « transférabilité » dans un contexte de mobilité croissante des salariés : d'ores et déjà, 60 % des salariés n'occupent plus aujourd'hui le même emploi que 5 ans auparavant.
Favoriser le retour à l'emploi
Le service public de l'emploi doit mieux prendre en compte la spécificité des seniors. Il faut le reconnaître, notre offre de service n'est sans doute pas actuellement suffisamment adaptée. Des expérimentations sont en cours. Il faut en dresser le bilan et généraliser les expériences les plus concluantes. Je m'engage par ailleurs à ce que l'emploi des seniors soit au c?ur du futur contrat de progrès entre l'Etat et l'Agence.
J'ai demandé à l'IGAS - et c'est Michel Thierry qui en est chargé- de me faire pour janvier un bilan de l'adaptation du SPE à la situation particulière des seniors et des propositions pour faire évoluer son offre de service à cette population. Elles seront intégrées dans le plan.
Il nous faudra également veiller à mieux prévenir les discriminations à l'embauche fondées sur l'âge. L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi doit être une réalité, quel que soit l'âge du candidat. A cet égard, le service public de l'emploi doit jouer un rôle central. Il est le premier garant de l'égalité des chances. J'ai signé voici quelques jours une charte du service public de l'emploi contre les discriminations. Elle devra naturellement porter sur les discriminations par l'âge.
Nous devons aussi mieux mobiliser les contrats aidés du secteur marchand - et en premier chef le CIE- en faveur des seniors. Nous pourrions nous fixer comme objectif de cibler 20.000 CIE, sur les 50.000 prévus en 2006, pour ce public. Nous pourrions également voir comment mieux articuler le CIE avec le contrat de professionnalisation.
Mais je crois que nous devons aussi imaginer des voies nouvelles.
Il faut ainsi, dans certains cas, mieux inciter les employeurs à recruter les seniors qui rencontrent des difficultés. Il y a déjà un dispositif qui existe et qui est géré par l'Unédic : l'aide dégressive à l'employeur qui a bénéficié à 12.000 personnes en 2004, dont beaucoup de seniors qui ont retrouvé un emploi.
Il convient aussi d'examiner comment mieux « intéresser » les seniors demandeurs d'emploi à la reprise d'emploi notamment dans les secteurs en tension. Une expérimentation est actuellement menée en Alsace.
Je sais que ces questions sont actuellement examinées dans le cadre de la renégociation de la convention d'assurance chômage. Je vous propose donc que nous les examinions plus en détail en janvier au vu des résultats de la négociation en cours.
Il nous faudra également examiner les freins réels ou supposés au retour à l'emploi des seniors. Parmi eux est fréquemment citée la contribution Delalande. J'ai demandé, en lien avec Jean-François Copé et conformément aux engagements du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, à l'IGAS et à l'IGF un rapport sur cette contribution et son bilan.
Ce rapport montre que cette contribution n'a sans doute plus aujourd'hui ni tous les avantages, ni tous les défauts qui lui ont été attribués par les uns ou les autres. La réforme de 2003 a largement atténué ses inconvénients. Mais elle n'est pas assez connue. La contribution n'est donc plus aujourd'hui objectivement un frein absolu à l'embauche des seniors. Mais elle ne constitue pas non plus un outil efficace de maintien dans l'emploi des seniors.
A terme, elle n'a sans doute plus nécessairement raison d'être dans son format actuel. Mais elle constitue toutefois une ressource non négligeable de l'Unedic (environ 250 M?). Entre sa suppression sèche qui aurait un coût immédiat pour l'assurance chômage et son maintien, nous pouvons me semble-t-il explorer des pistes de suppression progressive.
Nous aurons aussi à regarder comment imaginer de nouvelles formes d'emploi qui pourraient constituer autant de solutions nouvelles pour les seniors.
A cet égard, le projet d'accord ouvre deux pistes :
La première concerne le CDD. Je voudrai à ce titre apporter deux précisions :
D'une part, le récent arrêt Mangold de la CJCE ne me semble pas remettre en cause la possibilité de mettre en ?uvre l'aménagement du recours au CDD pour les demandeurs d'emploi de plus de 57 ans proposé par le projet d'accord. Cet aménagement apparaît en effet suffisamment circonscrit pour ne pas poser de difficultés au regard de la jurisprudence européenne.
D'autre part, cet aménagement ne nécessite pas nécessairement pour entrer en vigueur une modification législative. Un décret, pris sur le fondement de l'article L. 122-2 du code du travail, peut suffire. Le gouvernement est naturellement disposé à effectuer une transposition, dans le strict respect de la volonté des partenaires sociaux, par voie réglementaire. Mais, dans ce cas, le projet d'accord devrait être modifié pour prévoir expressément le versement de l'indemnité de fin de contrat.
Mais les nouvelles formes d'emploi ne peuvent se limiter au CDD. Le projet d'accord évoque par exemple le travail à temps partagé, au travers des groupements d'employeurs. Mais il existe aussi, de fait, de nouvelles formes d'emploi qui peuvent être adaptées aux seniors. Je pense en particulier au portage salarial. Cette forme d'emploi peut offrir des solutions. Mais elle s'exerce aussi souvent aujourd'hui aux marges de la légalité.
Je crois qu'il serait nécessaire de clarifier la situation. Une convention Etat / Unédic / fédérations professionnelles pourrait par exemple définir une « charte des bonnes pratiques », qui ferait l'objet d'une évaluation, pour sécuriser les démarches les plus positives.
Je crois aussi que nous devrons mieux encourager les seniors qui le souhaitent en appui à leur démarche de création d'entreprise. Des instruments existent déjà (ACCRE, EDEN, les contrats d'appui à la création d'entreprise). Ils pourraient être mieux mobilisés.
Aménager les fins de carrière
C'est un point fondamental. Les expériences étrangères nous ont montré en effet que les pays réussissant à améliorer le taux d'emploi des seniors sont aussi ceux qui réussissent à mettre en place des dispositifs d'aménagement des fins de carrière, notamment par le biais du temps partiel.
A cet égard, les décrets du 3 novembre permettent désormais aux salariés à temps partiel de cotiser sur la base d'un temps plein pour le droit à retraite.
Je pense pour ma part que nous pouvons travailler ensemble à l'élaboration de solutions innovantes sur de tels aménagements de fin de carrière. Mais, si l'aménagement des horaires de travail peut constituer une réponse appropriée dans certains cas, je serai naturellement très attentif au respect de trois critères qui me paraissent fondamentaux : ils devront relever d'une démarche personnalisée, ils devront relever d'une logique d'aménagement du temps de travail, et non de réduction, sur la fin de carrière, ils devront être globalement neutres pour nos finances publiques et nos régimes sociaux
Je pense aussi qu'il nous faut trouver de nouvelles solutions pour favoriser le tutorat dans un souci de transmission des savoirs et des savoir-faire des salariés en fin de carrière.
Nous devrons enfin développer des outils permettant de prolonger, pour les salariés qui le veulent, l'activité au-delà de l'âge de 60 ans.
A cet égard, trois voies me semblent devoir être explorées :
il nous faut d'abord promouvoir la retraite progressive
La retraite progressive n'est pour l'heure guère utilisée (moins de 1.000 bénéficiaires), alors qu'elle peut pourtant constituer un moyen de gestion des fins de carrière répondant aux aspirations des salariés en leur permettant de percevoir une partie de leur retraite tout en continuant de travailler à temps partiel et d'améliorer leurs droits à pension.
Nous préparons actuellement un décret pour permettre aux personnes ne bénéficiant pas du taux plein de pouvoir accéder à ce dispositif : il pourrait être ouvert à ceux ayant 132 trimestres de cotisation. Il aura sa place dans le plan d'action.
il nous faut ensuite regarder les possibilités de cumul emploi - retraite qui sont aujourd'hui probablement sous-optimisées.
Les possibilités de cumul ont déjà été assouplies par la loi sur les retraites de 2003. Aujourd'hui, il est possible de cumuler une pension et un revenu d'activité, mais dans une limite égale au dernier revenu d'activité perçu avant la liquidation de la pension. Par ailleurs, si la reprise d'activité a lieu chez le dernier employeur, il faut respecter un délai de carence de 6 mois.
Il est probablement souhaitable d'aller plus loin, notamment pour les personnes à bas salaires. Mais nous devrons parallèlement être attentifs à ce qu'ils ne remettent pas en cause le mécanisme de la surcote. S'agissant de la surcote justement, certains considèrent qu'il faudrait la rendre plus attractive. Nous pourrions également en étudier les voies et moyens.
il nous faut enfin réexaminer les conditions de mise à la retraite d'office
La loi portant réforme des retraites a porté l'âge de mise à la retraite à 65 ans. Des accords de branche peuvent toutefois, moyennant des contreparties, fixer un âge inférieur. De nombreux accords ont été conclus en ce sens.
Cette possibilité n'est cependant pas nécessairement compatible ni avec le souci de liberté de choix pour les salariés de pouvoir continuer à travailler après l'âge légal. Dans ces conditions, sans doute faudrait-il que nous puissions examiner ensemble des adaptations législatives et conventionnelles pour en tirer toutes les conséquences.
Vous le voyez, ces premières orientations, non exhaustives, que je vous soumets aujourd'hui montrent que nous pouvons mobiliser de nombreux instruments pour améliorer le taux d'emploi des seniors.
Je souhaite que ces leviers d'action soient examinés sans tabou.(Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 29 décembre 2005)