Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, dans "Les Echos" le 24 janvier 2006, sur la procédure d'urgence adoptée pour le contrat première embauche par le gouvernement témoignant d'un "mépris total pour la représentation nationale" selon lui.

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Q - Le gouvernement a décidé d'avancer l'examen à l'Assemblée de la loi sur l'égalité des chances qui inclut le contrat première embauche. Qu'en pensez-vous ?
R - Cette décision, prise à la veille d'une conférence de presse des syndicats de salariés et d'étudiants contre le CPE témoigne d'une panique au sein du gouvernement. Dominique de Villepin a peur de voir se lever un grand mouvement de contestation contre ce dispositif qui va précariser encore plus notre jeunesse. C'est la crainte du " syndrôme Balladur ", qui avait dû reculer face aux manifestations contre le CIP. Mais il fallait y penser avant? Dans cette affaire Dominique de Villepin s'est engagé dans une fuite en avant dans l'espoir de court-circuiter tout le monde. Dans la perspective de la présidentielle de 2007, il veut faire croire qu'il agit contre le chômage et surtout ne pas laisser d'espace à Nicolas Sarkozy. Du coup, rien n'a été négocié avec les syndicats alors que la loi Fillon impose un dialogue social préalable à toute mesure importante. Après s'être assis sur le dialogue social, le premier ministre considère le parlement comme son paillasson.
Q - Quelle riposte envisagez-vous à l'Assemblée ?
R - La fuite en avant du gouvernement nous contraint à nous adapter dans l'urgence. Nous nous rendrons aujourd'hui à la commission des affaires sociales car nous sommes contre la politique de la chaise vide puis nous aviserons. D'ores et déjà le gouvernement peut s'attendre à une opposition résolue de notre part. Car son procédé est absolument scandaleux. Alors que la semaine dernière, le président UMP de l'Assemblée Jean-Louis Debré s'est plaint du trop grand nombre de textes soumis en urgence au parlement, le gouvernement banalise la procédure pour chacun de ses projets de loi et n'hésite pas à bouleverser une nouvelle fois l'ordre du jour. Cela témoigne d'un mépris total pour la représentation nationale et à travers elle des Français.
Q - Récusez-vous toute évolution du code du travail, même pour lutter contre le chômage des jeunes ?
R - On travaille à des évolutions mais dans une logique de donnant-donnant qui permettrait de combiner souplesse et protections nouvelles. Ce n'est absolument pas le cas du CPE. Ce n'est pas pour rien si tous les syndicats, sans exception, se joignent à la contestation. Je rappelle de surcroît, que le contrat nouvelles embauches devait faire l'objet d'une évaluation avant toute extension. Or l'évaluation n'a pas eu lieu et le gouvernement vient d'étendre le CNE aux jeunes. Son but est de tuer le CDI.
Source http://www.deputessocialistes.fr, le 26 janvier 2006