Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, à France Info le 23 décembre 2005, sur la signature de l'accord sur la convention Unedic.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- Vous êtes parvenus à un accord à l'Unedic. Personnellement, à la CFDT, êtes-vous soulagés ?
R- C'est un accord dont il nous faut débattre à la CFDT. Depuis hier, il est dans toutes les régions, dans toutes les fédérations de la CFDT...
Q- Vous allez le signer, tout de même !
R- Nous prendrons notre décision définitive le 3 janvier. Donc les choses ne sont pas décidées. Nous avons des procédures démocratiques à la CFDT, il faut les respecter. Si certains se permettent de dire en séance qu'ils ne le signent pas, nous consulterons nos responsables avant de décider.
Q- L. Parisot explique que c'est un bon accord. Des syndicats et le patronat du même avis,
c'est rare !
R- Ce n'est pas rare. A chaque fois que nous avons des négociations et que nous avons un accord, c'est parce qu'il y a une vision commune. C'était une négociation très difficile. Rappelez-vous les prétentions du patronat, au début de cette négociation : le patronat voulait remettre en place la dégressivité des allocations, c'est-à-dire la baisse tous les trois ou quatre mois des allocations, voulait remettre en cause les durées d'allocation, les niveaux d'allocation. Rien de tout cela ! C'était donc une négociation très difficile, c'est pour cela qu'elle a duré si longtemps. Nous sommes arrivés à un texte équilibré. Tout d'abord, il faut le dire et c'est très important, le niveau des indemnités pour les chômeurs ne baissera pas. Il n'y aura pas, pour toutes les personnes qui sont actuellement indemnisées, pas de remise en cause de leurs droits, pas de "recalculés" comme l'on a dit à une certaine époque. Maintenant, nous avons créé, et c'est important pour la CFDT, un nouveau droit pour les personnes les plus précaires : les personnes qui travaillent douze mois, avec deux CDD de six mois, ce qui est très fréquent, ou quatorze mois, et qui avant, étaient indemnisées sept mois, le seront cette fois-ci douze mois. Ce sont des éléments importants, qu'il faudra bien sûr prendre en compte avant de décider.
Q- Mais alors pourquoi la CGT déclare-t-elle que des économies vont se faire sur le dos des chômeurs ?
R- Tout d'abord, il faut dire que la CGT n'a jamais signé un accord sur l'Unedic. Cela fait quarante ans que ce système existe, ils n'ont jamais signé un accord ! Donc je pense qu'il faut bien qu'ils justifient leur démarche d'opposition depuis quarante ans. Maintenant, il faut reconnaître qu'il y a eu une petite adaptation de notre système de filière, qui va concerner peu de personnes indemnisées. Mais en contrepartie est mis en place que le principe que les personnes les plus précaires ne seront pas touchées dans leur système d'indemnisation et, mieux, on aura plus de personnes précaires mieux indemnisées.
Q- Souhaitez-vous toujours une remise à plat de l'Unedic pour 2006 ?
R- C'est un élément très important de l'accord. Ce système est obsolète, c'est une des raisons pour laquelle il est si difficile de négocier. Il n'est plus adapté à la situation de l'emploi. Il a été créé il y a quarante ans, à un moment où l'on avait le plein-emploi, à un moment où la France était un pays jeune, à un moment où on n'avait cette situation démographique...
Q- Par quoi pourrait-on le remplacer ?
R- Il faut revoir tous les systèmes d'indemnisation, c'est-à-dire mettre en lien les durées de travail par rapport aux durées d'indemnisation, revoir le fonctionnement des cotisations des entreprises, c'est-à-dire que les entreprises qui utilisent les travaux les plus précaires cotisent moins que les autres (sic, ndlr). Donc adapter tout cela à la situation de l'emploi et revoir aussi le lien entre la solidarité interprofessionnelle, c'est-à-dire cette caisse d'assurance chômage, et la solidarité de l'Etat. On a 40 % des chômeurs qui ne sont pas pris en charge par le système d'assurance chômage, il faut donc revoir maintenant tout le système qui est n'est plus adapté à la réalité.
Q- Je voudrais que l'on fasse un petit bilan social de l'année 2005 : ne vous sentez-vous pas en décalage avec la société ? Je m'explique : votre grand mouvement social du 4 octobre n'aura pas débouché sur grand-chose. Ce qui a fait vaciller le Gouvernement, c'est la crise des banlieues, mouvement qui vous a totalement échappé.
R- Mais je dirais que ce mouvement de crise des banlieues a échappé à toute la société française. Cela fait quand même pas mal de temps, et je le sais parce que je suis travailleur social de profession, je me suis beaucoup investi dans ces quartiers-là, où l'Etat, petit à petit, s'est désinvesti depuis vingt ans. Donc on a un abandon de l'Etat dans ces quartiers. Et si nous voulons revoir aussi le problème de l'indemnisation ou le problème des chômeurs, c'est parce qu'on sait très bien que dans notre pays, il y a de nombreux jeunes qui, en plus d'être jeunes, c'est-à-dire qui en plus d'avoir une plus grande difficulté d'accès à l'emploi, sont victimes de discriminations. Il faut donc aussi faire évoluer notre système social pour que tous ces jeunes aient un suivi individuel pour aller vers l'emploi. Donc c'est une démarche importante. On ouvre des négociations avec le Medef sur ce problème-là. C'est donc une préoccupation totale de la société, y compris des organisations syndicales. Mais je constate que ces derniers mois, on a passé un accord en Seine-Saint-Denis, dans l'Essonne, avec le patronat, pour faire en sorte que le marché de l'emploi soit mieux adapté aux jeunes de ces banlieues. On a engagé un travail avec le patronat dans ces départements depuis plusieurs mois maintenant, j'espère qu'il va porter ses fruits. Ce qui montre bien qu'on est aussi préoccupé par ce problème.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 décembre 2005)