Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de LO, dans LO des 2, 9, 16 et 23 décembre 2005, sur la situation des SDF, sur le Téléthon, révélateur des carences de l'Etat, sur la loi "scélérate" de février 2005 sur le passé colonial de la France, sur l'économie "capitaliste" dont sont victimes les travailleurs.

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Eh oui, plusieurs dizaines d'années après la fin de l'empire colonial, il se trouve des députés pour voter une loi glorifiant le colonialisme et les infamies commises au nom et dans l'intérêt de la bourgeoisie française !
Positif, le rôle du colonialisme ? Positifs, la conquête coloniale, les peuples décimés en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, pour permettre à la bourgeoisie française de mettre la main sur ces pays ? Positif, le rôle du commerce d'esclaves qui a saigné l'Afrique avant même qu'elle soit colonisée, pour fournir en main-d'?uvre servile les plantations des Antilles et d'Haïti qui ont fait la richesse de la bourgeoisie française de cette époque ? Positif, le travail forcé pour construire certes des lignes de chemin de fer ou des routes, mais avec la seule préoccupation de faciliter le pillage des richesses naturelles des pays où ils furent construits ? Positifs, les centaines de milliers de ressortissants des colonies enrôlés de force pour servir de chair à canon dans des guerres qui ne les concernaient en rien, quand ce n'était pas pour servir d'instrument d'oppression contre d'autres peuples colonisés ? Positif, le fait que des peuples entiers aient été considérés comme des sous-hommes et qu'à Paris, lors de l'Exposition coloniale de 1931, des êtres humains aient été exposés comme des bêtes curieuses ?
Et lorsque les soulèvements de peuples colonisés firent sonner le glas des empires coloniaux, notre impérialisme fut de ceux qui se cramponnèrent à leur domination jusqu'aux limites du possible, faisant payer un lourd tribut de sang aux peuples opprimés mais, aussi, aux jeunes d'ici envoyés en Algérie ou ailleurs pour mener de sales guerres coloniales.
Et comment oublier que tous les partis qui ont été au gouvernement, les partis de droite mais, aussi, les partis qui se disent socialiste ou communiste, ont participé aux infamies commises dans les colonies ?
Lorsque la police et l'armée françaises ont écrasé la population algérienne insurgée dans la région de Sétif en 1945, tous les partis étaient représentés dans le gouvernement de l'époque, y compris le Parti Communiste dont un des dirigeants était ministre de l'Aviation.
Tous les partis gouvernementaux ont cautionné également la répression, en 1947, de l'insurrection du peuple de Madagascar. Et si le peuple algérien comme la génération de jeunes soldats qui ont été envoyés en Algérie pour tuer et se faire tuer ont des raisons de se souvenir des généraux tortionnaires à la Massu, Bigeard ou Aussaresses, ils ont aussi des raisons de se souvenir que c'est le «socialiste» Guy Mollet qui avait décidé l'envoi massif du contingent et que Mitterrand était un de ses ministres les plus concernés par la répression.
Il faut, bien sûr, abroger cette loi qui est une véritable provocation, mais il faut surtout se souvenir que la fortune de ceux qui nous exploitent ici vient, aussi, des souffrances de nos frères, les peuples du Maghreb, d'Afrique, des Antilles et d'Indochine.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 26 décembre 2005
Lutte Ouvrière n°1951 du 23 décembre 2005
Quelle que soit l'arène de leurs guerres, ce sont les travailleurs qui y meurent
Deux des institutions du monde capitaliste viennent de terminer leurs réunions au sommet. Les 25 pays de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un budget après trois mois de crise. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), censée réglementer le commerce international, a accouché, à Hong Kong, d'un compromis entre les 149 pays qui la composent. Par-delà leurs différences, les deux institutions ont pour but de faciliter le commerce international.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'économie est mondialisée et interdépendante. Pour ce qui est de la complémentarité des ressources naturelles, c'est vrai depuis des temps immémoriaux. Le développement capitaliste a rendu les industries étroitement imbriquées d'un pays à l'autre. Chaque travailleur sait que le processus de production dans lequel s'insère son entreprise traverse les frontières. Avant qu'une automobile, un poste de télévision, un moulin à café, soit livré au consommateur final, les travailleurs d'un grand nombre de pays auront participé à sa fabrication.
La mondialisation est poussée toujours plus loin du fait aussi bien du progrès technique, de la communication quasi instantanée, de la rapidité des transports, que de la volonté des grands groupes capitalistes dont le terrain de chasse est de longue date le monde entier.
La mondialisation n'est pas un problème en lui-même, contrairement aux balivernes des démagogues nationalistes. Elle est un fait. Et personne ne peut concevoir que, par exemple, chacune des 149 nations de l'OMC se dote d'une industrie aéronautique et même d'une industrie automobile. La mondialisation, sous la forme d'une coopération internationale visant à satisfaire au mieux les besoins de tous, est la seule base concevable du progrès de l'humanité.
Mais voilà, cette économie mondialisée est dominée par la concurrence, la compétition entre groupes capitalistes, qui se mènent une guerre féroce avec l'aide de leurs États, non pas pour mieux satisfaire les besoins, mais pour rapporter le plus de profits à leurs actionnaires.
La fameuse "libre concurrence", à laquelle les dirigeants du monde capitaliste accordent toutes les vertus, est en fait la loi de la jungle où les forts écrasent impitoyablement les faibles. Les États-Unis comme l'Europe subventionnent leur agriculture en sachant sciemment que leurs riz, blé, coton subventionnés écrasent l'agriculture des pays pauvres.
"Nos" dirigeants prétendent que cet "égoïsme national" est dans l'intérêt de "nos" paysans. Mais ce sont les grosses exploitations qui encaissent les subventions de la politique agricole commune -en Angleterre, c'est la reine elle-même- et c'est, en dernier ressort, l'industrie agro-alimentaire qui en profite. Et lorsque l'État américain et les États européens foulent au pied la libre concurrence pour aider leurs grandes entreprises industrielles, ce n'est pas pour "sauver l'emploi" mais pour augmenter les profits des actionnaires.
Un grand révolutionnaire du passé disait des capitalistes d'Europe que c'étaient des brigands enchaînés sur les mêmes chaînes. Aujourd'hui, c'est enchaînés les uns aux autres par la mondialisation qu'ils se mènent une guerre féroce pour le partage du profit, avec la peau de leurs travailleurs.
Mais le profit qu'ils se disputent vient de l'exploitation des travailleurs des pays riches comme des pays pauvres. Il vient des salaires insuffisants même en Occident et qui, dans les pays pauvres, n'empêchent même pas de mourir de faim. Il vient du fonctionnement même d'une économie faite pour dépouiller ceux qui produisent, travailleurs mais aussi paysans pauvres, des fruits de leur travail, pour polariser entre les mains d'une petite minorité des richesses qui dépassent l'entendement.
Ce n'est pas "la faute à l'Europe" et à ses marchandages. Ce n'est pas la faute à l'OMC ni à telle institution du capitalisme. C'est la faute au capitalisme lui-même, à l'économie de marché, à la dictature des groupes capitalistes sur le monde. C'est à cela qu'il est nécessaire de mettre fin avant que la société humaine en crève.

source http://www.lutte-ouvriere.org, le 26 décembre 2005