Entretien de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, dans "Le Figaro" du 19 janvier 2006, sur la situation en Côte d'Ivoire.

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Q - Vous revenez d'Abidjan. Avez-vous été surprise par la tournure des événements ?
R - Les incidents et les provocations de ces jours derniers visent à intimider l'Onuci, la mission des Casques bleus en Côte d'Ivoire, et la communauté internationale. Le dispositif mis en place par le Conseil de sécurité vise à accompagner la phase de transition qui doit mener à des élections libres et incontestables avant la fin octobre 2006. C'est dans ce but que le GTI (Groupe de travail international) a été créé par le Conseil de sécurité en tant que garant et arbitre pour la mise en oeuvre du processus de transition démocratique. Je tiens à rappeler que c'est le Conseil de sécurité qui a constaté la fin du mandat de l'Assemblée nationale le 16 décembre dernier. Ce n'est donc pas le GTI, comme certains l'ont dit ou écrit, qui l'aurait décidé de manière arbitraire. Au contraire, après consultation de toutes les parties ivoiriennes, le GTI a proposé une solution permettant d'associer les anciens députés à l'effort de réconciliation nationale.
Q - A qui attribuer la responsabilité du regain de violences ?
R - Les autorités ivoiriennes avaient elles-mêmes décrété il y a plusieurs semaines une interdiction des manifestations de rue afin d'éviter des troubles à l'ordre public. Il est pour le moins étonnant de constater la tournure prise par les événements et la facilité avec laquelle les manifestants se déplacent en toute impunité. Vous aurez noté comme moi que le Secrétaire général des Nations unies a condamné vigoureusement ces violences, ainsi que "l'inaction de certaines autorités nationales face à cette situation", en rappelant "à tous les dirigeants ivoiriens leurs responsabilités individuelles quand des actes de violence sont commis par leurs partisans". Dans le même esprit, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU a parlé de "violences orchestrées". Il ne fait pas de doute que les manifestations de ces derniers jours ont été organisées pour tester la détermination de la communauté internationale. Celle-ci doit poursuivre le travail engagé de façon à conduire la Côte d'Ivoire à des élections libres, transparentes et donc incontestables dans moins de dix mois. Le temps presse et nous ne devons pas tolérer les tentatives d'obstruction au processus de paix. Un débat est en cours au Conseil de sécurité de l'ONU, à la suite de la déclaration publique du Secrétaire général : on y a évoqué également la possibilité ouverte par les résolutions des Nations unies de recourir, le moment venu, à des sanctions individuelles.
Q - Le Front populaire ivoirien (FPI) du président Laurent Gbagbo demande le retrait des forces étrangères. Qu'en pensez-vous ?
R - Lorsque la Côte d'Ivoire a connu ses premiers troubles, l'Union africaine a manifesté son appui militaire par l'envoi d'une force de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). C'est dans un second temps que la France (Licorne) et les Nations unies (Onuci) sont intervenues. La présence de ces forces repose sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Par conséquent, il ne s'agit en aucun cas d'une "occupation", comme le prétendent certains. La question du retrait des forces des Nations unies et du dispositif Licorne ne se pose pas à ce stade. Il convient en effet de veiller à ce que le processus de transition devant mener aux élections d'ici au 30 octobre 2006 se déroule dans un pays sécurisé. C'est tout le sens de la "feuille de route" soumise au Premier ministre par le Groupe de travail international pour sortir enfin la Côte d'Ivoire de la crise aiguë dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs années.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2006