Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur l'aide au développement, la réforme du dispositif de coopération et les priorités de la politique de coopération française, à Paris le 25 janvier 2006.

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Circonstance : Clôture de la réunion conjointe des réseaux AFD et DGCID, à Paris le 25 janvier 2006

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Pour la première fois cette année, l'initiative a été prise de vous réunir conjointement, chefs de services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et directeurs de l'Agence française de développement (AFD) des différents pays de notre zone de solidarité prioritaire. L'initiative est heureuse, au moment où vous agissez de concert sur le terrain pour mettre en oeuvre la réforme de notre politique de coopération. Plus encore que par le passé, cette réforme rend en effet nécessaire une très étroite concertation entre vous. Cette concertation que vous incarnez dans les pays que nous aidons, je l'anime pour ma part depuis Paris, par mes contacts réguliers avec la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'AFD. C'est donc dire combien j'apprécie l'occasion qui m'est donnée ce soir de clôturer votre journée de travail en commun, pour vous délivrer plusieurs messages.
Je souhaite d'abord revenir un instant sur les acquis importants de l'année 2005, puis surtout tracer quelques perspectives pour les mois à venir.
L'année 2005, on l'avait suffisamment répété, a été celle du développement. Du point de vue français, elle a été l'occasion d'avancées importantes, à la fois en matière de consensus international sur les objectifs que nous poursuivons, mais aussi en matière de réforme de notre organisation.
La communauté internationale nous a ainsi rejoint ? il est important de le relever ? dans notre triple objectif d'augmentation de l'aide, d'accent sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement, et de priorité à l'Afrique :
- sur le volume de l'aide, le G8 de Gleneagles a en effet confirmé une augmentation de 50 milliards de dollars, et nous avons enregistré par ailleurs un soutien croissant à notre proposition innovante de contribution de solidarité sur les billets d'avions ;
- s'agissant des buts ultimes de l'aide, le consensus international s'est également renforcé en 2005, notamment lors du Sommet des Nations unies, où pour la première fois le président des Etats-Unis a fait référence aux Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
- enfin, la priorité à donner à l'Afrique a elle aussi été réaffirmée avec solennité lors du Sommet des Nations unies.
Toutes ces avancées correspondent à des idées portées par la France depuis de nombreuses années. Je veux donc m'en réjouir avec vous : plus que jamais, nos idées créent l'initiative et alimentent les débats.
Mais cette année 2005 a aussi été celle de l'achèvement de la réforme de notre dispositif de coopération. Je veux à cet égard rendre hommage à votre capacité d'adaptation : mes nombreux déplacements sur le terrain sont à chaque fois l'occasion de constater combien cette réforme est d'ores et déjà devenue une réalité. Je souhaite vous en remercier, et vous encourager à vous y investir pleinement.
Pour autant, je reste lucide quant aux bouleversements que suscite cette réforme, et sur les difficultés ponctuelles que sa mise en oeuvre peut engendrer ici ou là. Mes déplacements sont aussi pour moi l'occasion de relever ces problèmes concrets, auxquels je vous invite d'ailleurs à me sensibiliser en toute franchise : je songe par exemple au transfert à l'AFD des secteurs de la santé et de l'éducation, et des difficultés que ce transfert peut susciter pour les contrats de nos assistants techniques. J'ai l'intention d'évoquer très prochainement ces différents problèmes avec le directeur général de l'AFD, que j'ai prévu de rencontrer à cet effet au cours du mois de février.
Ceux d'entre vous qui m'ont déjà rencontrée dans leur pays de résidence connaissent, je pense, ma détermination et mon pragmatisme : détermination à faire aboutir cette réforme voulue par le président de la République, et pragmatisme pour répondre concrètement aux difficultés que peut encore poser sa mise en ?uvre.
D'un mot, je veux rappeler les acquis importants de cette réforme en 2005 :
- d'abord, le pilotage s'est mis en place à Paris autour du ministre chargé de la Coopération et, dans les différents pays bénéficiaires autour de nos ambassadeurs. Nous avons tenu plusieurs réunions de la Conférence d'orientation stratégique et de programmation, au sein de laquelle je veille à la coordination de tous les ministères concernés ;
- ensuite, les différentes stratégies sectorielles ont été validées ;
- les premiers documents cadres de partenariat (DCP) ont également été signés, notamment la semaine dernière celui du Ghana, dont la présentation doit servir de référence pour ceux que nous négocierons désormais avec les autres pays ;
- enfin, la réorganisation des services centraux du ministère, avec la création de la direction des politiques de développement, a permis de matérialiser la réforme dans les organigrammes.
Mesdames et Messieurs,
Si tous ces acquis sont indéniables, il nous faut à présent nous tourner vers l'avenir, et je souhaite à cet égard vous délivrer plusieurs messages pour orienter votre action au cours des prochains mois.
Premier message : chacun d'entre nous doit pleinement assumer le rôle que la réforme lui assigne. Je veux donc rappeler ici avec force qu'il revient au ministère en charge de la Coopération de définir les orientations stratégiques, et à l'AFD de mettre en oeuvre ces orientations en sa qualité d'opérateur-pivot. Cette répartition des rôles que la réforme a clarifiée, doit aussi se décliner dans chaque pays bénéficiaire de notre aide : à travers l'élaboration des DCP, c'est à nos ambassadeurs qu'il appartient de piloter la réflexion prospective sur les priorités que nous entendons donner à nos interventions pour les cinq prochaines années. C'est donc à tous les niveaux que la tutelle doit s'exercer. Cette tutelle, je la souhaite à la fois vigilante, exigeante, et souple.
Deuxième message : la visibilité que nous entendons donner à nos interventions n'est pas simplement affaire de moyens, mais bien aussi de détermination. Là encore, je puise cette conviction de mes différents déplacements : partout où je passe, j'effectue des visites de terrain, et je suis frappée de voir combien nos interventions sont mal connues des autorités et des populations locales. Pour prendre l'exemple de mon dernier déplacement au Sénégal et en Bolivie, je retiens que peu de Sénégalais avaient conscience que c'est notre pays qui agit en plein centre-ville de Dakar pour y construire des échangeurs et refaire les réseaux d'assainissement dont les effets sur la circulation et la vie quotidienne de la population sont pourtant très attendus, et dont les travaux en cours sont particulièrement visibles. A l'inverse, en Bolivie, l'impact médiatique lié à l'inauguration d'une petite opération de développement ? en l'occurrence un local destiné à une communauté de femmes indiennes sur l'Altiplano ? était sans commune mesure avec l'effort financier consenti, d'à peine quelques milliers d'euros. La visibilité n'est donc pas seulement une affaire de moyens. Simplement, il nous faut veiller à davantage communiquer, expliquer, valoriser, rencontrer les acteurs locaux, aller sur le terrain, en un mot, il nous faut mieux médiatiser nos projets et nos programmes, et ce depuis leur conception jusqu'à leur signature et leur achèvement.
Troisième message : l'aide française continue à augmenter, et il serait temps que tout le monde s'en convainque. L'APD française a aussi ses "déclinologues", et quelques vérités doivent être rétablies : en 2006, le budget de l'aide publique au développement augmente de manière significative, et pas seulement au profit de notre aide multilatérale. Notre capacité d'action bilatérale a été prise en compte par le gouvernement, qui a prévu une augmentation sensible des autorisations d'engagement pour les projets du FSP et de l'AFD. Entre 2002 et 2006, nous aurons augmenté ces concours de 1 milliard d'euros, en passant de 650 millions à 1,65 milliards. Avec un volume de projets bilatéraux multiplié par 2,5 en quatre ans, chacun s'accordera, je l'espère, à reconnaître qu'il s'agit bien d'une politique volontariste.
Quatrième message : l'efficacité de notre aide commande la recherche systématique de nouveaux partenariats. Je vous demande de vous y investir, et d'y veiller particulièrement. Pour être plus percutants, il nous faut davantage coordonner nos projets avec tous les intervenants français que sont les entreprises, les collectivités locales ou les ONG, mais aussi avec les autres bailleurs de fonds internationaux, en particulier les Européens. J'insiste sur la nécessité d'associer ces partenaires, et notamment les entreprises françaises, à l'élaboration des DCP. Il n'est pas normal que je puisse encore rencontrer des représentants locaux de grandes entreprises françaises qui me disent tout ignorer du DCP, alors même que ces entreprises sont des acteurs essentiels du développement, de par l'activité qu'elles génèrent. A mon niveau aussi, je m'attache à promouvoir ce dialogue, y compris d'ailleurs avec certains acteurs nouveaux. Je pense en particulier à la Chine, dont la présence en Afrique ne cesse de s'affirmer. J'ai donc fait connaître aux autorités chinoises mon souhait d'entamer un dialogue sur leur engagement en Afrique, et je compte me rendre à Pékin à cet effet dans les prochains mois.
Dernier message, enfin : je souhaite attirer votre attention sur trois aspects transversaux que je vous demande de particulièrement prendre en compte dans l'élaboration des DCP :
- d'abord, la gestion des migrations internationales. Vous le savez, nous allons au devant d'immenses bouleversements démographiques, dont ce qui s'est passé récemment à Ceuta et Melilla ne sont peut-être que les prémices. Dans les pays d'émigration vers la France, il est donc indispensable que notre politique de coopération ait pour objectif de concourir à la stabilisation des populations locales. Les projets créateurs d'emplois doivent donc être systématiquement recherchés et initiés dans les régions sources d'immigration clandestine ;
- ensuite, je relève partout où je passe une très forte attente en matière d'enseignement du français, à laquelle il nous faut répondre puisqu'il en va de la défense de la diversité culturelle dont nous avons été à l'UNESCO les ardents promoteurs ;
- enfin, il nous faut mettre davantage l'accent sur l'égalité des hommes et des femmes, en valorisant le rôle particulier des femmes en matière de développement dans bon nombre de pays du Sud. Je souhaite d'ailleurs faire du 8 mars prochain dans mon ministère, une journée de promotion de l'action de la femme dans le développement.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs, les différents messages qu'il m'a paru utile de vous adresser conjointement. La tâche qui nous attend n'est pas simple, j'en conviens, mais je crois très sincèrement qu'elle est motivante car exaltante : quel plus beau combat en effet que le nôtre, celui de lutter pour le développement des pays les plus pauvres.
Pour y parvenir, je sais pouvoir compter sur votre action de terrain. Vos métiers sont souvent faits de passion, je le sais, et mes derniers mots seront donc pour rendre hommage à votre engagement personnel en faveur de toutes ces actions de coopération qui font honneur à la France.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 janvier 2006