Texte intégral
Q - Le reproche principal que vous faites au gouvernement c'est de ne pas dire la vérité aux Français : quelle est cette « vérité » ?
R - Le gouvernement (celui-ci comme les précédents) croit qu'en dorant la pilule, les choses iront mieux. C'est une erreur : la vérité est plus mobilisatrice. Exemples récents : le ministre de l'Économie a dit devant l'Assemblée nationale : « Nous serons le premier gouvernement à stabiliser la dette du pays ». Or, la dette augmentera cette année de 50 milliards d'euros ! On nous assure que le chômage baisse. Or, il n'y a eu au dernier trimestre aucune création d'emploi. Sans compter la multiplication des annonces jamais suivies d'effet. Retrouver la vérité, c'est vital.
Q - La dette : que faire pour l'enrayer ?
R - Ce sera l'effort de plusieurs gouvernements. D'abord, je souhaite qu'on inscrive dans la Constitution l'obligation, pour tout gouvernement, de présenter le budget de la France en équilibre primaire. Ensuite, il faut que nous arrêtions un plan décennal de réduction de la dette. Cela suppose que, dans une première étape, le déficit descende au-dessous de 2 %. Cet objectif rend obligatoire une réforme de l'État, de son Administration et des collectivités locales.
Q - Les retraites : faut-il travailler plus longtemps ?
R - Je suis pour un système de retraite équilibré dans lequel chacun décidera, à partir d'une certaine limite d'âge, s'il part plus tôt ou plus tard. Je pense par exemple aux personnes qui ont encore de jeunes enfants. S'ils choisissent d'allonger leur durée de travail, il faut qu'ils puissent le faire et bénéficier, à leur cessation d'activité, d'une retraite plus importante : à chacun son projet de vie. Mais, quoi qu'il en soit, l'immense vague d'allongement de la durée de la vie obligera à reposer la question. Se représente-t-on ce que sera le sort des jeunes Français d'aujourd'hui qui seront au travail avec sur le dos le poids d'une dette financière colossale, d'une augmentation du prix de la santé et des retraités plus nombreux que les actifs ? Ce n'est pas tenable.
Q - Le contrat première embauche : bonne ou mauvaise mesure ?
R - Selon moi, cette mesure va dans le mauvais sens. Deux ans pendant lesquels l'on peut être licencié sans raison, à tout moment, qu'est-ce que ça veut dire ? Que la précarité tend à devenir la règle, la condition obligée pour travailler. Et, deuxièmement, que la précarité sera concentrée sur les plus fragiles, les plus jeunes aujourd'hui, les plus âgés demain, les salariés des plus petites entreprises. Pas sur les professions protégées ! Qu'est-ce qui fait qu'un pays comme la France renonce aux idées de base de son contrat social ? Le contrat de travail, c'est le seul bien de ceux qui n'en ont pas d'autres.
Q - L'Europe : que propose l'UDF pour sortir de l'impasse ?
R - La crise de l'Europe est une crise d'inspiration. Plus personne n'est d'accord sur le projet. Or, c'est en faisant renaître le projet d'union politique de l'Europe qu'on parviendra à la sortir de l'impasse actuelle. Et ce projet, plus nécessaire que jamais, doit renaître d'abord autour des pays de l'euro. Il faudra de nouveaux dirigeants français, profondément européens. Je suis en désaccord avec Nicolas Sarkozy quand il propose de coiffer l'Europe par une sorte de directoire des six plus grands pays du continent. C'est une idée tout à fait contraire à l'inspiration européenne d'origine.
Q - La place de l'UDF dans le paysage politique d'aujourd'hui apparaît plutôt floue : ni dans la majorité ni dans l'opposition, ailleurs ?....
R - Accepter la question en termes de majorité-opposition, accepter qu'il n'y ait que deux réponses, cela signifie qu'on récuse la démarche d'un centre libre. Or, la France a besoin de sortir enfin de cette tenaille qui oblige à tomber sous la coupe de l'UMP si l'on est en désaccord avec le PS ou sous celle du PS si l'on ne se retrouve pas dans l'UMP. Des millions de Français attendent qu'apparaisse enfin un courant politique indépendant capable d'approuver quand c'est bien et de désapprouver quand les décisions sont mauvaises.
Q - Depuis longtemps déjà, mais de plus en plus, les critiques chez vous l'emportent largement sur les approbations...
R - Le centre n'est pas la tiédeur. Le centre doit pouvoir être dur et tranchant. Il a suffisamment été caricaturé autrefois comme mou. Il a failli en mourir. Les gens n'ont pas envie de mollesse : ils nous demandent de tracer un chemin et de s'y tenir. J'ai approuvé le président de la République dans l'affaire irakienne, je l'ai approuvé quand il a parlé des charges sociales. Je le désapprouve quand il fait des promesses intenables. Je ne me suis pas retrouvé dans ses propos sur l'extension de l'usage de la bombe atomique.
Q - Regrettez-vous l'absence de Gilles de Robien au congrès ?
R - Gilles de Robien a dit : « Je veux un vote sur la ligne politique. » J'ai répondu : « OK ! Organisons un vote au suffrage universel de tous les adhérents. » Après avoir obtenu ce vote, Gilles de Robien a renoncé à présenter une motion pour défendre sa position, et puis il a renoncé à venir au congrès. Ce n'est pas l'idée que je me fais du débat politique dans un parti démocratique.
Q - Du coup, ce congrès ne devient-il pas une sorte de plébiscite pour une pré-investiture de candidat à la présidentielle ?
R - Non. C'est un choix fondamental. Les adhérents diront s'ils soutiennent la ligne politique que je leur propose. C'est surtout l'occasion d'un message aux Français : l'UDF est un parti indépendant pour un espoir nouveau.
Propos recueillis par Jean-Yves Boulic source http://www.udf.org, le 1 février 2006
R - Le gouvernement (celui-ci comme les précédents) croit qu'en dorant la pilule, les choses iront mieux. C'est une erreur : la vérité est plus mobilisatrice. Exemples récents : le ministre de l'Économie a dit devant l'Assemblée nationale : « Nous serons le premier gouvernement à stabiliser la dette du pays ». Or, la dette augmentera cette année de 50 milliards d'euros ! On nous assure que le chômage baisse. Or, il n'y a eu au dernier trimestre aucune création d'emploi. Sans compter la multiplication des annonces jamais suivies d'effet. Retrouver la vérité, c'est vital.
Q - La dette : que faire pour l'enrayer ?
R - Ce sera l'effort de plusieurs gouvernements. D'abord, je souhaite qu'on inscrive dans la Constitution l'obligation, pour tout gouvernement, de présenter le budget de la France en équilibre primaire. Ensuite, il faut que nous arrêtions un plan décennal de réduction de la dette. Cela suppose que, dans une première étape, le déficit descende au-dessous de 2 %. Cet objectif rend obligatoire une réforme de l'État, de son Administration et des collectivités locales.
Q - Les retraites : faut-il travailler plus longtemps ?
R - Je suis pour un système de retraite équilibré dans lequel chacun décidera, à partir d'une certaine limite d'âge, s'il part plus tôt ou plus tard. Je pense par exemple aux personnes qui ont encore de jeunes enfants. S'ils choisissent d'allonger leur durée de travail, il faut qu'ils puissent le faire et bénéficier, à leur cessation d'activité, d'une retraite plus importante : à chacun son projet de vie. Mais, quoi qu'il en soit, l'immense vague d'allongement de la durée de la vie obligera à reposer la question. Se représente-t-on ce que sera le sort des jeunes Français d'aujourd'hui qui seront au travail avec sur le dos le poids d'une dette financière colossale, d'une augmentation du prix de la santé et des retraités plus nombreux que les actifs ? Ce n'est pas tenable.
Q - Le contrat première embauche : bonne ou mauvaise mesure ?
R - Selon moi, cette mesure va dans le mauvais sens. Deux ans pendant lesquels l'on peut être licencié sans raison, à tout moment, qu'est-ce que ça veut dire ? Que la précarité tend à devenir la règle, la condition obligée pour travailler. Et, deuxièmement, que la précarité sera concentrée sur les plus fragiles, les plus jeunes aujourd'hui, les plus âgés demain, les salariés des plus petites entreprises. Pas sur les professions protégées ! Qu'est-ce qui fait qu'un pays comme la France renonce aux idées de base de son contrat social ? Le contrat de travail, c'est le seul bien de ceux qui n'en ont pas d'autres.
Q - L'Europe : que propose l'UDF pour sortir de l'impasse ?
R - La crise de l'Europe est une crise d'inspiration. Plus personne n'est d'accord sur le projet. Or, c'est en faisant renaître le projet d'union politique de l'Europe qu'on parviendra à la sortir de l'impasse actuelle. Et ce projet, plus nécessaire que jamais, doit renaître d'abord autour des pays de l'euro. Il faudra de nouveaux dirigeants français, profondément européens. Je suis en désaccord avec Nicolas Sarkozy quand il propose de coiffer l'Europe par une sorte de directoire des six plus grands pays du continent. C'est une idée tout à fait contraire à l'inspiration européenne d'origine.
Q - La place de l'UDF dans le paysage politique d'aujourd'hui apparaît plutôt floue : ni dans la majorité ni dans l'opposition, ailleurs ?....
R - Accepter la question en termes de majorité-opposition, accepter qu'il n'y ait que deux réponses, cela signifie qu'on récuse la démarche d'un centre libre. Or, la France a besoin de sortir enfin de cette tenaille qui oblige à tomber sous la coupe de l'UMP si l'on est en désaccord avec le PS ou sous celle du PS si l'on ne se retrouve pas dans l'UMP. Des millions de Français attendent qu'apparaisse enfin un courant politique indépendant capable d'approuver quand c'est bien et de désapprouver quand les décisions sont mauvaises.
Q - Depuis longtemps déjà, mais de plus en plus, les critiques chez vous l'emportent largement sur les approbations...
R - Le centre n'est pas la tiédeur. Le centre doit pouvoir être dur et tranchant. Il a suffisamment été caricaturé autrefois comme mou. Il a failli en mourir. Les gens n'ont pas envie de mollesse : ils nous demandent de tracer un chemin et de s'y tenir. J'ai approuvé le président de la République dans l'affaire irakienne, je l'ai approuvé quand il a parlé des charges sociales. Je le désapprouve quand il fait des promesses intenables. Je ne me suis pas retrouvé dans ses propos sur l'extension de l'usage de la bombe atomique.
Q - Regrettez-vous l'absence de Gilles de Robien au congrès ?
R - Gilles de Robien a dit : « Je veux un vote sur la ligne politique. » J'ai répondu : « OK ! Organisons un vote au suffrage universel de tous les adhérents. » Après avoir obtenu ce vote, Gilles de Robien a renoncé à présenter une motion pour défendre sa position, et puis il a renoncé à venir au congrès. Ce n'est pas l'idée que je me fais du débat politique dans un parti démocratique.
Q - Du coup, ce congrès ne devient-il pas une sorte de plébiscite pour une pré-investiture de candidat à la présidentielle ?
R - Non. C'est un choix fondamental. Les adhérents diront s'ils soutiennent la ligne politique que je leur propose. C'est surtout l'occasion d'un message aux Français : l'UDF est un parti indépendant pour un espoir nouveau.
Propos recueillis par Jean-Yves Boulic source http://www.udf.org, le 1 février 2006