Texte intégral
Q - Monsieur le Premier ministre, comment pourriez-vous caractériser le
niveau actuel des relations entre la France et la Russie ?
R - La France et la Russie sont liées par un véritable partenariat
stratégique. Notre coopération est permanente. C'est vrai au plus haut
niveau, celui du dialogue entre le président Chirac et le président
Poutine. J'y suis personnellement très attaché, vous le savez.
C'est vrai aussi pour tout ce qui touche à l'action gouvernementale :
le XIème séminaire gouvernemental, pour lequel je me rends à Moscou les
13 et 14 février, en est une nouvelle et importante étape. Il s'agit de
consolider notre action, mais également de la relancer et de la
pérenniser, par de grands projets communs.
Il y a entre nos deux pays une relation d'exception, enracinée dans
l'histoire : je remettrai mardi l'ordre de la Légion d'honneur au 18ème
régiment de chasse de la garde russe, héritier de l'épopée "Normandie
Niémen". C'est un symbole très fort de ce que nous avons déjà fait
ensemble.
Mais cette relation est aussi tournée résolument vers l'avenir. Chaque
jour, elle est enrichie par l'économie, la culture, les échanges entre
nos peuples. Mon objectif, avec cette visite et nos travaux, c'est de
la renforcer encore. D'où le choix des thèmes de l'innovation et des
hautes technologies pour cette rencontre gouvernementale.
Le prochain sommet du G8 à Saint-Pétersbourg, en juillet prochain,
constituera une autre échéance majeure : nous souhaitons apporter notre
concours à son plein succès.
Q - Quels seront les thèmes de vos discussions à Moscou avec vos
collègues russes dans le cadre de la session du séminaire
intergouvernemental ?
R - A l'heure de la mondialisation, nous devons travailler ensemble et
faire face à des défis pour lesquels les réponses nationales ne
suffisent plus. Le défi de la compétitivité de nos économies, d'abord.
Dans de nombreux secteurs, nous sommes complémentaires : nous devons
conjuguer nos forces. Le défi de la sécurité ensuite : dans un monde où
le radicalisme, le terrorisme se développent, notre partenariat est un
gage de paix.
Comment ? Ma conviction c'est que nous devons relancer notre
partenariat par de grands projets structurants. C'est pourquoi nous
avons choisi cette année de nous concentrer sur des secteurs de pointe,
dans lesquels la France et la Russie sont souvent aux avant-postes de
la technologie et de l'excellence. Dans le domaine spatial, où nous
fêtons cette année le quarantième anniversaire de notre coopération,
dans l'aéronautique, la télévision numérique, dans le nucléaire ou
l'énergie, nous devons travailler davantage ensemble.
Il faut saisir toutes les opportunités. C'est vrai dans le domaine
économique, bien sûr : lors de ma visite, je serai accompagné de
dirigeants de grands groupes français, mais aussi de chefs de petites
et moyennes entreprises car je pense que nous pouvons faire mieux dans
des domaines aussi divers que l'industrie pharmaceutique ou les
technologies de l'information et de la communication. Il faut notamment
développer les partenariats entre entreprises françaises et russes.
Nous devons aussi aller plus loin dans l'éducation, la formation, la
culture. Je me félicite à ce titre que la France soit, dans quelques
mois, l'invitée d'honneur du Salon du Livre de Moscou. Je souhaite que
dès mardi nous puissions annoncer d'autres initiatives dans ce domaine.
Q - Quel pourrait être le développement ultérieur de la crise iranienne
? Dans quelle mesure le recours à la force est-il envisageable? L'Iran
pourra t-il sortir de cette situation délicate sans pertes morales ou
matérielles ?
R - C'est une question majeure, qui nous mobilise beaucoup aujourd'hui,
entre Européens, mais aussi avec nos partenaires du P5, et tout
particulièrement avec la Russie.
Le premier impératif pour progresser vers une solution, c'est de rester
fermes sur nos principes. Le premier de ces principes, c'est d'obtenir
des garanties que le programme nucléaire iranien est exclusivement
pacifique. Le deuxième, c'est de rester dans le cadre du régime
multilatéral de non-prolifération. Le troisième, c'est de maintenir
l'unité de la communauté internationale.
Soyons clairs : il ne s'agit pas de rentrer dans une politique de
changement de régime en Iran, mais de régler un problème de
prolifération. L'Iran doit rétablir la confiance et donner des
garanties sur la finalité pacifique de son programme nucléaire. Car ces
garanties n'existent pas aujourd'hui.
Le deuxième impératif, c'est de nous mobiliser et de poursuivre nos
efforts pour trouver une réponse adaptée à cette crise.
Nous devons avancer pas à pas. La saisine du Conseil de sécurité est un
message clair à l'Iran qui est placé devant ses responsabilités. Le
Conseil de sécurité et l'Agence internationale de l'Energie atomique,
qui demeure le cadre privilégié de notre action, vont travailler au
cours des prochaines semaines avec une exigence de résultat.
La porte reste donc ouverte à des discussions si Téhéran fait les
gestes nécessaires. Il existe des pistes possibles. La Russie a
présenté des idées, qui tiennent compte de son expérience en matière de
nucléaire civil et de cycle du combustible. Vous le voyez, la suite
dépend des actes de l'Iran. La balle est dans son camp.
Q - Quelles sont les conclusions tirées par Paris des violences
urbaines dans les banlieues françaises ?
R - Tout d'abord, je veux dire que ce qui s'est passé en France, à la
fin de l'année dernière, ne doit pas être caricaturé, ni encore moins
exploité pour attiser les braises de la xénophobie, du racisme ou de
l'exclusion.
Le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre
public, dans le respect du droit, de nos principes, de nos valeurs.
Nous y sommes parvenus et il n'y a aujourd'hui aucune raison de ne pas
se rendre en France, que ce soit pour y faire du tourisme ou des
affaires.
En même temps, je suis conscient que ces incidents appellent bien sûr
des réponses en profondeur. Toute une série de mesures ont été prises
et continueront à l'être dans ce sens : il s'agit de rouvrir le
dialogue à tous les niveaux, de développer le retour à l'emploi des
jeunes dans les zones urbaines sensibles, de lutter contre l'échec
scolaire en facilitant l'apprentissage, d'accélérer la rénovation
urbaine et la construction de logements sociaux et de ne négliger
aucune piste pour permettre de lutter contre les discriminations.
C'est la tâche à laquelle est attelée tout entier mon gouvernement.
Q - Les compagnies françaises ont du retard dans leur expansion
économique sur le marché russe. Cela préoccupe-t-il les autorités
françaises ?
R - Je partage votre constat. Notre présence en Russie est importante,
avec 400 entreprises implantées, des partenariats anciens et quelques
opérations phares comme la construction du modèle Logan par Renault en
joint venture avec une entreprise russe.
Mais à l'évidence, nous pouvons faire mieux. C'est vrai en ce qui
concerne les technologies de pointe et les partenariats industriels,
que mettra en exergue ce séminaire gouvernemental. Pour progresser,
nous avons besoin de succès à forte visibilité qui exerceront un effet
d'entraînement sur les entreprises qui ne sont pas encore entrées sur
le marché russe. Les coopérations dans le domaine aéronautique, avec
EADS et Airbus, dans celui des télécommunications, avec Thales et
Thomson, dans le secteur énergétique, avec Total ou GDF, s'inscrivent
dans cette logique.
Mais il faut également encourager l'action de nos petites et moyennes
entreprises. La Russie est l'un des cinq pays prioritaires de notre
action en ce domaine.
Pour atteindre ces objectifs, il faut également tout faire pour créer
un environnement plus favorable : qu'il s'agisse de simplifier les
formalités administratives, de protéger la propriété intellectuelle,
d'adapter la fiscalité ou encore de faciliter la délivrance des visas
aux hommes d'affaires français, nous allons voir ensemble, Français et
Russes, comment faire mieux.
Q - Les problèmes humanitaires figureront-ils à l'ordre du jour de vos
entretiens à Moscou ? En particulier, la question sur le statut des ONG
?
Compte tenu des relations de confiance entre Moscou et Paris, nous
abordons bien sûr tous les sujets. Toutes les énergies doivent être
mobilisées pour redynamiser notre partenariat. Les gouvernements et les
administrations, bien sûr, mais aussi les "forces vives" de nos
sociétés : les parlementaires, les jeunes générations, le monde
universitaire et la société civile.
Les organisations non gouvernementales et les associations ont à cet
égard un rôle déterminant à jouer. Celles-ci font en effet ?uvre utile
là où les gouvernements manquent de moyens ou dans les domaines qui
dépassent leur sphère habituelle de compétence. Qu'il s'agisse des
problèmes sociaux, de la protection de l'environnement, des Droits de
l'Homme, par exemple.
Elles doivent pour cela pouvoir déployer leur action librement, dans le
respect du droit.
Quant aux questions humanitaires, nous les évoquons régulièrement avec
nos partenaires russes, notamment la situation dans le Nord Caucase. Je
souhaite d'ailleurs saisir l'occasion fournie par votre question pour
rendre hommage aux ONG françaises qui travaillent dans cette région de
manière particulièrement efficace.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 février 2006
niveau actuel des relations entre la France et la Russie ?
R - La France et la Russie sont liées par un véritable partenariat
stratégique. Notre coopération est permanente. C'est vrai au plus haut
niveau, celui du dialogue entre le président Chirac et le président
Poutine. J'y suis personnellement très attaché, vous le savez.
C'est vrai aussi pour tout ce qui touche à l'action gouvernementale :
le XIème séminaire gouvernemental, pour lequel je me rends à Moscou les
13 et 14 février, en est une nouvelle et importante étape. Il s'agit de
consolider notre action, mais également de la relancer et de la
pérenniser, par de grands projets communs.
Il y a entre nos deux pays une relation d'exception, enracinée dans
l'histoire : je remettrai mardi l'ordre de la Légion d'honneur au 18ème
régiment de chasse de la garde russe, héritier de l'épopée "Normandie
Niémen". C'est un symbole très fort de ce que nous avons déjà fait
ensemble.
Mais cette relation est aussi tournée résolument vers l'avenir. Chaque
jour, elle est enrichie par l'économie, la culture, les échanges entre
nos peuples. Mon objectif, avec cette visite et nos travaux, c'est de
la renforcer encore. D'où le choix des thèmes de l'innovation et des
hautes technologies pour cette rencontre gouvernementale.
Le prochain sommet du G8 à Saint-Pétersbourg, en juillet prochain,
constituera une autre échéance majeure : nous souhaitons apporter notre
concours à son plein succès.
Q - Quels seront les thèmes de vos discussions à Moscou avec vos
collègues russes dans le cadre de la session du séminaire
intergouvernemental ?
R - A l'heure de la mondialisation, nous devons travailler ensemble et
faire face à des défis pour lesquels les réponses nationales ne
suffisent plus. Le défi de la compétitivité de nos économies, d'abord.
Dans de nombreux secteurs, nous sommes complémentaires : nous devons
conjuguer nos forces. Le défi de la sécurité ensuite : dans un monde où
le radicalisme, le terrorisme se développent, notre partenariat est un
gage de paix.
Comment ? Ma conviction c'est que nous devons relancer notre
partenariat par de grands projets structurants. C'est pourquoi nous
avons choisi cette année de nous concentrer sur des secteurs de pointe,
dans lesquels la France et la Russie sont souvent aux avant-postes de
la technologie et de l'excellence. Dans le domaine spatial, où nous
fêtons cette année le quarantième anniversaire de notre coopération,
dans l'aéronautique, la télévision numérique, dans le nucléaire ou
l'énergie, nous devons travailler davantage ensemble.
Il faut saisir toutes les opportunités. C'est vrai dans le domaine
économique, bien sûr : lors de ma visite, je serai accompagné de
dirigeants de grands groupes français, mais aussi de chefs de petites
et moyennes entreprises car je pense que nous pouvons faire mieux dans
des domaines aussi divers que l'industrie pharmaceutique ou les
technologies de l'information et de la communication. Il faut notamment
développer les partenariats entre entreprises françaises et russes.
Nous devons aussi aller plus loin dans l'éducation, la formation, la
culture. Je me félicite à ce titre que la France soit, dans quelques
mois, l'invitée d'honneur du Salon du Livre de Moscou. Je souhaite que
dès mardi nous puissions annoncer d'autres initiatives dans ce domaine.
Q - Quel pourrait être le développement ultérieur de la crise iranienne
? Dans quelle mesure le recours à la force est-il envisageable? L'Iran
pourra t-il sortir de cette situation délicate sans pertes morales ou
matérielles ?
R - C'est une question majeure, qui nous mobilise beaucoup aujourd'hui,
entre Européens, mais aussi avec nos partenaires du P5, et tout
particulièrement avec la Russie.
Le premier impératif pour progresser vers une solution, c'est de rester
fermes sur nos principes. Le premier de ces principes, c'est d'obtenir
des garanties que le programme nucléaire iranien est exclusivement
pacifique. Le deuxième, c'est de rester dans le cadre du régime
multilatéral de non-prolifération. Le troisième, c'est de maintenir
l'unité de la communauté internationale.
Soyons clairs : il ne s'agit pas de rentrer dans une politique de
changement de régime en Iran, mais de régler un problème de
prolifération. L'Iran doit rétablir la confiance et donner des
garanties sur la finalité pacifique de son programme nucléaire. Car ces
garanties n'existent pas aujourd'hui.
Le deuxième impératif, c'est de nous mobiliser et de poursuivre nos
efforts pour trouver une réponse adaptée à cette crise.
Nous devons avancer pas à pas. La saisine du Conseil de sécurité est un
message clair à l'Iran qui est placé devant ses responsabilités. Le
Conseil de sécurité et l'Agence internationale de l'Energie atomique,
qui demeure le cadre privilégié de notre action, vont travailler au
cours des prochaines semaines avec une exigence de résultat.
La porte reste donc ouverte à des discussions si Téhéran fait les
gestes nécessaires. Il existe des pistes possibles. La Russie a
présenté des idées, qui tiennent compte de son expérience en matière de
nucléaire civil et de cycle du combustible. Vous le voyez, la suite
dépend des actes de l'Iran. La balle est dans son camp.
Q - Quelles sont les conclusions tirées par Paris des violences
urbaines dans les banlieues françaises ?
R - Tout d'abord, je veux dire que ce qui s'est passé en France, à la
fin de l'année dernière, ne doit pas être caricaturé, ni encore moins
exploité pour attiser les braises de la xénophobie, du racisme ou de
l'exclusion.
Le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre
public, dans le respect du droit, de nos principes, de nos valeurs.
Nous y sommes parvenus et il n'y a aujourd'hui aucune raison de ne pas
se rendre en France, que ce soit pour y faire du tourisme ou des
affaires.
En même temps, je suis conscient que ces incidents appellent bien sûr
des réponses en profondeur. Toute une série de mesures ont été prises
et continueront à l'être dans ce sens : il s'agit de rouvrir le
dialogue à tous les niveaux, de développer le retour à l'emploi des
jeunes dans les zones urbaines sensibles, de lutter contre l'échec
scolaire en facilitant l'apprentissage, d'accélérer la rénovation
urbaine et la construction de logements sociaux et de ne négliger
aucune piste pour permettre de lutter contre les discriminations.
C'est la tâche à laquelle est attelée tout entier mon gouvernement.
Q - Les compagnies françaises ont du retard dans leur expansion
économique sur le marché russe. Cela préoccupe-t-il les autorités
françaises ?
R - Je partage votre constat. Notre présence en Russie est importante,
avec 400 entreprises implantées, des partenariats anciens et quelques
opérations phares comme la construction du modèle Logan par Renault en
joint venture avec une entreprise russe.
Mais à l'évidence, nous pouvons faire mieux. C'est vrai en ce qui
concerne les technologies de pointe et les partenariats industriels,
que mettra en exergue ce séminaire gouvernemental. Pour progresser,
nous avons besoin de succès à forte visibilité qui exerceront un effet
d'entraînement sur les entreprises qui ne sont pas encore entrées sur
le marché russe. Les coopérations dans le domaine aéronautique, avec
EADS et Airbus, dans celui des télécommunications, avec Thales et
Thomson, dans le secteur énergétique, avec Total ou GDF, s'inscrivent
dans cette logique.
Mais il faut également encourager l'action de nos petites et moyennes
entreprises. La Russie est l'un des cinq pays prioritaires de notre
action en ce domaine.
Pour atteindre ces objectifs, il faut également tout faire pour créer
un environnement plus favorable : qu'il s'agisse de simplifier les
formalités administratives, de protéger la propriété intellectuelle,
d'adapter la fiscalité ou encore de faciliter la délivrance des visas
aux hommes d'affaires français, nous allons voir ensemble, Français et
Russes, comment faire mieux.
Q - Les problèmes humanitaires figureront-ils à l'ordre du jour de vos
entretiens à Moscou ? En particulier, la question sur le statut des ONG
?
Compte tenu des relations de confiance entre Moscou et Paris, nous
abordons bien sûr tous les sujets. Toutes les énergies doivent être
mobilisées pour redynamiser notre partenariat. Les gouvernements et les
administrations, bien sûr, mais aussi les "forces vives" de nos
sociétés : les parlementaires, les jeunes générations, le monde
universitaire et la société civile.
Les organisations non gouvernementales et les associations ont à cet
égard un rôle déterminant à jouer. Celles-ci font en effet ?uvre utile
là où les gouvernements manquent de moyens ou dans les domaines qui
dépassent leur sphère habituelle de compétence. Qu'il s'agisse des
problèmes sociaux, de la protection de l'environnement, des Droits de
l'Homme, par exemple.
Elles doivent pour cela pouvoir déployer leur action librement, dans le
respect du droit.
Quant aux questions humanitaires, nous les évoquons régulièrement avec
nos partenaires russes, notamment la situation dans le Nord Caucase. Je
souhaite d'ailleurs saisir l'occasion fournie par votre question pour
rendre hommage aux ONG françaises qui travaillent dans cette région de
manière particulièrement efficace.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 février 2006