Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur le partenariat politique, culturel et économique entre la France et la Russie et sur les conditions de vie des résidents français, Moscou le 13 février 2006.

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Circonstance : Déplacement en Russie les 13 et 14 février 2006-réception de la communauté française le 13

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Madame le Secrétaire perpétuelle,
Mes Chers Compatriotes,
Je suis particulièrement heureux d'être ici, à Moscou, à l'occasion du
XIème séminaire gouvernemental franco-russe, que je co-présiderai
demain avec mon homologue russe. Entre deux pays qui entretiennent des
liens aussi forts que la France et la Russie, il est indispensable de
se rencontrer, d'échanger des points de vue et de nourrir un dialogue
permanent.
Pour moi il est également essentiel de rencontrer tous ceux qui font
vivre ces liens au quotidien. Dans ce pays immense et en plein
changement qu'est la Russie, vous êtes les mieux placés pour parler de
la présence française, de ses atouts et de ce que nous pourrions faire
mieux. Vous savez plus que quiconque comment renforcer nos relations
avec un pays et un peuple qui ont toujours été chers au coeur des
Français et dont vous connaissez par expérience toute la diversité.
Je suis moi-même venu plusieurs fois à Moscou, mais aujourd'hui nous
sommes nombreux.
Je tiens à remercier les ministres présents à mes côtés ce soir :
Dominique Perben, ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme
et de la Mer, et François Goulard, ministre délégué à l'Enseignement
supérieur et à la Recherche. Thierry Breton, ministre de l'Economie et
des Finances, qui défend en ce moment nos intérêts à Bruxelles,
rejoindra la délégation dans la nuit.
Je salue également les six parlementaires qui ont bien voulu
m'accompagner : les deux présidents des groupes d'amitié France -
Russie : le sénateur Patrice Gélard et le député René André, ainsi que
le sénateur Ambroise Dupont et les députés Christian Cabal, François
Calvet et Jean-Pierre Grand.
Signe de la vitalité des échanges franco-russes et de l'économie de ce
pays, de nombreux dirigeants d'entreprises ont accepté de prendre part
à ce déplacement. Je m'en réjouis et je les en remercie.
Vous le savez, la Russie est un partenaire à part pour la France.
L'amitié entre nos deux pays remonte loin dans l'histoire. Comment ne
pas évoquer le général de Gaulle qui, à deux reprises au moins, a su
s'appuyer sur la force du lien franco-russe dans les moments difficiles
:
Dès 1941, en apportant le concours de la France à l'effort de guerre
des armées soviétiques sur le front de l'Est. C'est tout le sens de
l'épopée de "Normandie-Niemen", en souvenir de laquelle je remettrai
demain, à la Maison Igoumnov, la croix de la légion d'honneur au 18ème
régiment de chasse de la garde russe.
Plus tard, en 1966, il y a tout juste quarante ans, le général de
Gaulle dépassait l'affrontement stérile des blocs et venait en Russie
renouer les liens entre nos deux peuples.
Aujourd'hui, cette amitié est au coeur d'un véritable partenariat
stratégique entre nos deux pays :
. Au niveau politique tout d'abord.
La proximité de vues et la confiance qui unissent nos deux chefs d'Etat
en sont le signe le plus évident. Pour ma part, je verrai demain le
président Poutine et mon homologue, M. Mikhaïl Fradkov. Nous évoquerons
les nouveaux enjeux auxquels nous faisons face. C'est d'autant plus
important au moment où la Russie assume, pour la première fois, la
présidence du G8.
La France et la Russie, toutes deux membres permanents du Conseil de
sécurité, ont une responsabilité particulière, qu'elles ont choisi
d'assumer en travaillant ensemble. Je pense aux crises régionales, au
Moyen-Orient notamment, où nos positions sont souvent très proches.
Je pense aussi aux nouvelles menaces, comme le terrorisme, qui a frappé
durement la Russie ces dernières années, ou à la prolifération des
armes de destruction massive, sur lesquelles nous devons coopérer
toujours plus étroitement. C'est le cas en particulier pour l'Iran, où
nous devons nous assurer que le programme nucléaire développé par ce
pays est exclusivement pacifique. C'est le sens de la démarche que nous
avons lancée avec les Britanniques et les Allemands, et où la Russie
joue un rôle essentiel. Je pense enfin aux enjeux mondiaux tels que la
sécurité énergétique : entre la Russie, premier producteur mondial de
gaz, deuxième producteur de pétrole, et la France, à l'avant-garde de
l'Europe dans ce domaine, un dialogue est indispensable pour faire face
aux enjeux de long terme.
Dans le domaine culturel aussi, notre coopération avec la Russie plonge
très loin ses racines dans l'histoire. Les invitations d'artistes
français dans la capitale russe, à Moscou ou à Saint-Pétersbourg, sont
une tradition ininterrompue depuis Pierre le Grand. En sens inverse,
faut-il insister sur tout ce que porte l'adoption par la France du mot
russe "intelligentsia" ? Je rencontrerai d'ailleurs demain quelques
intellectuels russes afin qu'ils puissent me parler de leur pays.
Aujourd'hui, dans notre monde globalisé, se reposer sur l'acquis, c'est
prendre le risque de reculer. Alors il faut redoubler nos efforts, pour
que nos cultures poursuivent leur dialogue et que nos peuples
apprennent à mieux se connaître. Je souhaite à cette occasion saluer la
présence ce soir de Mme Hélène Carrère d'Encausse, dont la connaissance
intime de la Russie fait référence, et celle de Marek Halter, à
l'engagement bien connu en faveur des jeunes intellectuels et de nos
sociétés civiles. De même, je me réjouis que la France soit cette année
l'invité d'honneur du salon du livre de Moscou.
Dans ce domaine, notre priorité doit être de revivifier l'enseignement
du français en Russie et du russe en France. Deux personnalités ont été
désignées de part et d'autre pour proposer un programme d'actions
concrètes car nous devons agir vite.
. Sur le plan économique enfin, nos échanges ne cessent de progresser.
Les investissements français cumulés atteignent aujourd'hui deux
milliards de dollars et concernent tous les secteurs : énergie,
automobile, grande distribution, industrie pharmaceutique, banques.
Mais nous pouvons encore progresser fortement. C'est pourquoi nous
avons choisi cette année l'innovation et les technologies de pointe
comme thème de notre séminaire intergouvernemental. Nous devons
concrétiser nos projets. Ainsi, dans le domaine spatial, nous célébrons
cette année le quarantième anniversaire de notre coopération bilatérale
: la Russie, pionnière dans ce secteur dès avant Youri Gagarine, et la
France, à l'avant-garde de l'Europe spatiale, ont un rôle particulier à
jouer ensemble. Je viens de visiter le centre de Lavochkine, où est
assemblée une partie de la fusée Soyouz qui, à partir de Kourou en
Guyane, placera bientôt en orbite les satellites du système Galileo.
C'est un symbole fort de ce que la Russie et l'Europe sont capables de
réaliser lorsqu'elles unissent leurs forces.
Car le choix que nous faisons, c'est bien celui d'une relation tournée
vers l'avenir dont nous sommes porteurs. C'est le choix, pour notre
pays, grâce à ce partenariat hors du commun, d'affirmer pleinement son
rôle et de promouvoir ses valeurs dans un monde qui change.
De cette ambition française, vous êtes les premiers acteurs.
Oui, si la France et la Russie sont unies par une relation d'exception,
c'est grâce à vous, à votre dynamisme, à votre esprit d'entreprise et à
votre connaissance de ce pays. Vous êtes désormais plus de 4.000 sur
l'ensemble du territoire de la Russie : ce chiffre a plus que doublé en
cinq ans.
Confiants en vous-mêmes et dans les perspectives que vous offre la
Russie, vous aidez nos entreprises à conquérir de nouvelles parts de
marché, à affirmer le dynamisme de notre pays et à créer des emplois.
Pour tout cela, le gouvernement vous est particulièrement
reconnaissant.
Votre dynamisme ne se limite pas à l'économie. Vous êtes également
présents dans l'action sociale et humanitaire, avec Action contre la
faim, Médecins du monde, Médecins sans frontières, Handicap
international, le Secours catholique, le SAMU international, avec
toutes ces organisations non gouvernementales françaises à qui je veux
rendre hommage.
La cohésion de votre communauté est favorisée par l'ambassade mais
aussi par vos associations, dont je connais l'action, qu'il s'agisse de
"Moscou accueil" ou du "Club France".
Car il est important pour moi que des réponses appropriées soient
apportées à vos préoccupations.
Je sais que vous êtes souvent venus en famille et que la scolarisation
de vos enfants est à juste titre l'une de vos priorités.
Le lycée Alexandre Dumas, installé depuis mai 2004 dans des locaux
rénovés grâce à l'engagement personnel du président de la République et
de Mme Bernadette Chirac, est un établissement de référence : en raison
même de ce succès, il est déjà trop étroit pour accueillir les enfants
français et les enfants russes que leurs familles souhaiteraient y
scolariser.
Je souhaite donc que, d'ici à la rentrée 2009, notre dispositif soit
doté d'une nouvelle école primaire afin de répondre à la totalité des
besoins. Il y va de notre intérêt à tous : le vôtre en tant que
parents, celui de nos amis russes, qui veulent partager nos valeurs et
notre culture, celui de l'équipe enseignante, dont je salue le
dévouement.
Par votre travail, vous êtes souvent amenés à voyager à l'intérieur de
la Russie. Sachez que je suis très attentif à vos conditions de séjour
sur le plan administratif : c'est un sujet que j'aborderai avec mes
interlocuteurs russes.
Votre sécurité constitue également une préoccupation essentielle :
En Russie, comme ailleurs, nous devons prendre en compte les risques,
anciens ou nouveaux, auxquels vous pourriez être exposés. Je sais que
l'ambassadeur y veille particulièrement.
Mais nous devons aussi, ici même, veiller à la sécurité de notre
territoire. Nous délivrons plus de 270 000 visas à Moscou et 30 000 à
Saint-Pétersbourg : c'est un facteur de dynamisme pour notre économie
et nos opérateurs touristiques. En même temps, nous devons rester
vigilants afin d'éviter tout abus et tout détournement.
Pour terminer, et comme je sais que vous suivez avec attention
l'actualité française, je voudrais évoquer l'ambition du gouvernement
pour notre pays.
Quelle est la situation ?
D'un côté il y a des inquiétudes et des doutes : nos compatriotes
s'interrogent sur notre capacité à relever les défis de la
mondialisation ; ils se demandent quelles perspectives d'avenir
pourront avoir leurs enfants.
Mais il y a aussi, et je le constate chaque jour, un véritable
dynamisme français : depuis neuf mois le chômage est en baisse, nous
avons battu le record de la création d'entreprises.
La France entend rester une puissance économique importante, un pays
compétitif, un pays qui pèse sur la scène internationale.
Notre pays peut compter sur des atouts considérables, qu'il s'agisse de
notre situation géographique, de notre réseau d'infrastructures, de la
qualité du travail et du savoir-faire, ou encore de l'excellence de
notre recherche.
Ces atouts, nous devons davantage les valoriser :
D'abord en améliorant la compétitivité de nos territoires : c'est
pourquoi nous avons relancé massivement l'investissement public en
faveur de l'innovation et des infrastructures ; c'est pourquoi aussi
nous avons créé les pôles de compétitivité qui rassemblent autour de
projets innovants les PME, les grandes entreprises, les laboratoires de
recherche et les universités.
Ensuite nous voulons moderniser notre pays, dans le respect de notre
exigence de solidarité : je veux libérer les énergies de notre économie
pour dynamiser notre croissance et créer de l'emploi. C'est le sens
notamment de la réforme de la fiscalité que nous avons mise en oeuvre.
Enfin, et c'est priorité du gouvernement, nous voulons remettre la
France sur le chemin du plein emploi. La première étape de la bataille
pour l'emploi a permis d'obtenir de premiers résultats. Ce n'est pas
suffisant, en particulier face à un fléau aussi grave que le chômage
des jeunes. C'est pourquoi nous avons mis en place un parcours
accompagné pour aider les jeunes à trouver plus vite une situation
professionnelle stable à la hauteur de leurs ambitions.
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,
Comme par le passé, l'amitié franco-russe est aujourd'hui une force et
un atout considérables pour nos deux pays. Il nous appartient, en ce
début de XXIème siècle, d'accroître encore son dynamisme et d'en faire
un projet d'avenir.
La Russie et la France sont deux grands pays. Il n'y a pas non plus
d'Europe concevable sans une relation forte avec la Russie. C'est
pourquoi la France plaide pour que le partenariat entre l'Union
Européenne et la Russie soit le plus ambitieux possible.
Tout sera mis en oeuvre pour que la présidence russe du G8 et le Sommet
de Saint-Pétersbourg soient un succès. C'est la volonté personnelle du
président de la République.
Vous le voyez, la France et la Russie ont de grandes choses à faire
ensemble ; avec vous, grâce à vous, nous réaliserons, j'en suis sûr,
nos projets d'avenir.
La France est fière de vous. Ensemble, nous devons aller encore plus
loin. A tous, je souhaite bonne chance et un plein succès.
Vive l'amitié franco-russe, Vive la République, Vive la France ! Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2006