Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, à France Info le 3 janvier 2006, sur les négociations pour la signature de l'accord sur l'assurance chômage.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- La CFTC a signé l'accord sur l'assurance chômage, la CFDT et la CGC devraient faire
pareil aujourd'hui. Vous, vous ne signez pas. Etes-vous comme la CGT, dites-vous "non" à
tout
désormais ?
R- Non, pas du tout. J'ai d'ailleurs toujours précisé que dans cette affaire de l'assurance
chômage, dès le départ, la CGT était dans la négociation, mais tout le monde savait qu'elle
ne serait pas signataire.
Q- Ce n'était pas votre cas ?
R- Non, pas du tout. Nous avons négocié pied à pied. Je reconnais et je l'ai dit
publiquement, je ne fais pas de langue de bois que sur la totalité de l'accord - je n'ai pas
calculé... -, une partie de nos revendications, pas à la hauteur de ce que l'on voulait, a
été pris considération. Mais il y a deux points : le premier, c'est que j'avais dit qu'il y
avait trois points indissociables, dont celui de la précarité, et que sur ce point-là, après
nous avoir dit "oui", le patronat a dit que c'était un malentendu. Mais cela peut durer un
bout de temps ! Après nous avoir entendu, il a tiré le tapis. Donc à partir de là, pour ces
questions, nous ne signons pas. Je voudrais d'ailleurs faire remarquer que ce que le
patronat refuse pour les entreprises du privé, il l'exige des collectivités locales, puisque
pour tous les contrats dits "aidés" - contrats d'avenir, contrats d'accompagnement vers
l'emploi -, l'Unedic exige des employeurs, qu'ils paient non seulement les cotisations
d'assurance chômage, mais aussi une sur cotisation de 3,60 %. Nous demandions 1,25 % sur les
CDD, et pour les collectivités locales, il exige une sur cotisation de 3,60 %. C'est "un
cheval, une alouette", deux poids deux mesures.
Q- On a donc quand même l'impression que, si ce n'est des queues de cerise, c'est en tout
cas une question de principe entre vous et le Medef...
R- Attendez, ce que je dis, c'est que lorsque l'on négocie, on fait des compromis, mais on
ne baisse pas la tête. Sinon, à ce moment-là, on peut retourner le principe des deux côtés :
pourquoi n'a-t-il pas accepté, pourquoi est-il revenu en arrière ? A certains moments, la
négociation, et on juge un texte sur son équilibre global, donc sur la globalité du texte. A
partir du moment où sur un point clé, après avoir dit "oui", il a dit "non", eh bien, je
trouve que le texte est déséquilibré. Et à ce moment-là, comment faire confiance ?
Q- Mais n'engagez-vous pas votre syndicat dans une forme de contestation un peu systématique
?
R- Non, si c'était cette logique-là, dès le début de la négociation, on aurait tiré au canon
de 75, pour ne pas signer. On est rentré... Je peux même vous dire qu'à un moment, dans la
nuit qui précédait, je pensais que c'était bouclé. Et trois heures après, tout était fini.
Il y a donc eu des éléments qui ne sont pas de notre responsabilité dans cette affaire.
Q- Qu'attendez-vous des v?ux de J. Chirac aux "forces vives de la nation" - puisque vous en
faites partie, ce sera jeudi...
R- Oui, je n'aime pas trop la formule d'ailleurs, mais bon...
Q- Qu'il précise son idée de TVA sociale ?
R- Il n'a pas dit "TVA sociale". Il a indiqué qu'il fallait réformer le financement de la
protection sociale, et notamment la cotisation sociale patronale. Alors, oui, j'attends
effectivement que jeudi, il précise un peu les choses en la matière. Et je considère que ce
serait la "TVA sociale", on ne serait pas d'accord, puisque la TVA, c'est un impôt sur la
consommation, et c'est par définition l'impôt le plus juste (sic). Par contre, si c'est
d'une manière ou d'une autre, intégrer la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations et
conserver le caractère de cotisation, là, c'est une piste intéressante. Si c'est ça, c'est
plutôt quelque chose de positif. Il y a des entreprises aujourd'hui ou des secteurs qui
réalisent une valeur ajoutée très importante, qui augmentent d'année en année, tout en ayant
des effectifs qui stagnent par exemple. Donc il y a plus de richesses produites avec moins
de monde. Qu'on en tienne compte dans la cotisation sociale patronale, pour pouvoir
alimenter effectivement la protection sociale, ça, c'est une piste intéressante...
Q- Parce que l'idée, c'est de favoriser l'emploi...
R- Oui, c'est favoriser l'emploi et c'est aussi ne pas pénaliser la Sécurité sociale d'une
moindre progression des effectifs. Il y a des entreprises qui font beaucoup de richesses,
avec des effectifs en réduction. Eh bien, ces entreprises paient moins de cotisations
sociales. Cela nous apparaîtrait normal qu'il y ait un correctif - ce correctif, c'est la
valeur ajoutée -, pour qu'elles paient plus. Il faut assurer le financement de la protection
sociale. Donc si c'est ça, c'est quelque chose de positif. Mais si c'est la TVA sociale, ce
serait quelque chose de négatif. Quant à la CSG, c'est un impôt sur le revenu, et en
particulier sur les salariés. Donc si c'est pour diminuer la cotisation sociale patronale et
augmenter la CSG, là, ce serait une erreur. Mais je ne vois, si j'ai bien compris, d'après
la formule utilisée, qu'une piste possible... En tous les cas, si c'est celle-là, on est
prêt à discuter bien entendu.
Q- Mais votre "boulot", si vous me permettez de m'exprimer ainsi, ce n'est pas de vous
occuper des chômeurs, c'est de vous occuper déjà de ceux qui ont un emploi. Vous étiez très
contre le contrat "nouvelles embauches". En même temps, c'est grâce à ce contrat que le
chômage baisse. En tout cas, c'est ce que le Gouvernement dit...
R- Ca, ce n'est pas vrai par contre. Notre rôle, ce n'est pas simplement ceux qui ont du
boulot. C'est aussi ceux qui n'en ont pas, que s ce soit les chômeurs... Attendez, l'Unedic,
c'est quoi ? C'est bien la défense des intérêts des salariés privés d'emploi. Ce que l'on a
fait sur l'Unedic, la négociation de l'Unedic, c'est bien pour indemniser les chômeurs et
aussi les retraités...
Q- Mais si cela capote, c'est aussi sur les franges de salaires qui seront reversées à
l'Unedic...
R- Quand je dis que je ne baisse pas la tête, je suis prêt à faire des concessions, et on en
a fait dans cette négociation, et pas mal... Mais ne pas baisser la tête... Sur le CNE, on
nous balance des chiffres... D'abord, je vous ferai remarquer que même les organismes disent
que ce n'est pas si évident que cela, que ce n'est pas sûr. Ce sont bien souvent des
intentions d'embauche. Combien de substitutions, combien de gens auraient été embauchés en
CDI ou en CDD, et sont embauchés en CNE ? Tout cela, on ne le sait pas. Le taux de chômage,
le chiffre baisse, ça c'est vrai. Mais il baisse pourquoi ? Un, il y a des radiations,
autant qu'avant. Deux, il y a du traitement social, les fameux contrats dont je parlais tout
à l'heure. Trois, il y a un phénomène démographique. Ce qu'il faudrait maintenant, c'est
qu'il y ait une relance de l'activité économique. Et ça, ça passe par une relance du pouvoir
d'achat.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 janvier 2006)