Interview de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à France info le 9 janvier 2006, sur les chances de médailles françaises aux Jeux olympiques de Turin.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

Q- Dans un mois et un jour, débutent les JO d'hiver à Turin. Est-ce que vous vous êtes fixé un objectif en termes de médailles ?
R- A la mi-saison, à un mois de l'ouverture des Jeux, je pense que si nous reproduisions le résultat de Salt Lake City en 2002, c'est-à-dire onze médailles, ce serait un bon résultat pour l'équipe de France.
Q- La Fédération française de ski table sur huit à quinze médailles. Cela vous paraît-il réalisable ?
R- On est à peu près dans cette moyenne. Cela ne sera pas simple, avec d'ailleurs, plutôt, aujourd'hui, de bons résultats en nordique plus qu'en alpin, et puis des sports de glace, avec effectivement un B. Joubert, qui est vraiment sur le devant de la scène, et puis des jeunes qui montent, mais qui devront prouver qu'ils sont au niveau à Turin.
Q- Je sais bien que vous allez me dire que toutes les médailles se valent aux Jeux Olympiques, mais en même temps, en ski alpin, l'épreuve reine, il ne faut pas s'attendre à des miracles ?
R- Pour l'instant, cette équipe est en train de monter en puissance. J'ai entendu C. Montillet, je suis allé les voir à Tignes, sur un stage de préparation...
Q- Pas un seul podium depuis le début de la saison !
R- Ils sont en train de se préparer, il va falloir qu'ils "s'arrachent" comme on dit, il va falloir effectivement qu'ils démontrent que l'expérience acquise, en particulier à Salt Lake, va leur permettre d'être exacts au rendez-vous. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on est plutôt sur des pronostics beaucoup plus favorables pour le nordique, avec des S. Bally, des Vittoz, des R. Poirée, qui sont à leur plus haut niveau, ce qui est très bien d'ailleurs... Ce sont des disciplines pour lesquelles ont été faits beaucoup d'efforts. Vous savez, des Jeux ne se préparent pas un an ou un mois avant, cela se prépare six ans avant. En six ans, on connaît le potentiel, on a déjà détecté les jeunes...
Q- Vous êtes en train de me dire que ce n'est pas vous...
R- Si, bien sûr que c'est moi. Vous savez, j'assume hein, comme on a toujours assumé... Mais ce sont des Jeux qui se préparent entre quatre et six ans avant. Donc on a des jeunes, on les a détectés et maintenant, on les accompagne vers les plus hauts sommets. On a l'impression, pour vous, que descendre une pente c'est aussi facile que traverser une rue !Eh bien, c'est un effort qui s'inscrit dans la durée et les jeunes qui ont été détectés à ce moment-là, ce sont eux qu'il faut, petit à petit, amener vers l'équipe de France. Avec quand même une spécificité pour ces deux sports, je veux parler des sports de glace et le ski : c'est que ce sont des fédérations qui sont en convalescence. En 2002, quand je suis arrivé, le ski était dans une crise institutionnelle terrible et les sports de glace avaient un déficit énorme à combler. Donc ce sont des fédérations qui, petit à petit, reviennent vers la normalité.
Q- Expliquez-moi quand même une chose : j'ai lu qu'une piste de ski sur deux en Europe était en France. Bref on est champions du monde de stations de ski, mais alors, question ski, ce n'est pas terrible ?! Où est le problème ?
R- On a une superbe économie du ski, si je puis dire, avec une activité remarquable...
Q- Comment se fait-il que les Autrichiens, les Suisses, les Italiens, se retrouvent devant ?
R- Je vous le disais : parce que la Fédération français de ski était dans une grande difficulté. Et vous avez la preuve que, sans Fédération sportive, on est incapable de créer des filières de sport de haut niveau, d'aller détecter les jeunes là où ils sont, et de les amener progressivement vers le haut niveau. L'Etat est bien sûr aux côtés des fédérations. On va débloquer un million d'euros supplémentaires pour préparer nos champions aux Jeux de Turin. Mais il faut des clubs, il faut des comités, il faut des fédérations, pour accompagner ces jeunes vers les équipes de
France.
Q- Un petit mot des sports de glace : une fois de plus, la Fédération de patinage s'est illustrée, non pas sur le plan sportif, mais sur le plan judiciaire...
R- Pas de la meilleure des façons...
Q- On ne va pas rentrer dans les détails. Un constat quand même : la Fédération n'arrive pas à imposer un système accepté par tout le monde. C'est quand même pas la meilleure façon de préparer les Jeux...
R- Si, le système a été accepté par tout le monde. Simplement, semble-t-il, il n'a pas été mis en place comme le fallait, donc il y a eu effectivement un contentieux devant le tribunal administratif. Le sportif qui avait porté ce contentieux a gagné. On parle de la cinq, six, septième place au niveau de l'Europe. Il y a un athlète qui est en train de se préparer, dont on espère le mieux, c'est B. Joubert. Laissons-le se préparer dans de bonnes conditions pour Turin.
Q- Après l'échec de Paris pour les JO 2012, vous vous êtes montré
finalement très réticent à une nouvelle candidature française pour des JO d'hiver. Etes-vous toujours dans cet état d'esprit ?
R- Oui, une candidature française pour n'importe quels Jeux, d'été ou d'hiver. Ce n'est pas simplement pour les Jeux d'hiver. Avant de repartir pour une expérience malheureuse comme celle-là, je crois qu'il faut bien comprendre pourquoi on a perdu, quels sont les différents éléments, les paramètres que nous n'avons pas réussi à mettre en phase pour gagner. Enfin, on a présenté une candidature pour 1992, pour 2008, pour 2012. Donc comprenons pourquoi on a perdus. Je crois qu'il nous faut deux ou trois ans pour bien détecter les vrais problèmes, en particulier celui de notre manque de présence dans les grandes instances internationales, avant de repartir sur une candidature qui, elle, aura des chances de gagner, qu'elle soit d'hiver ou d'été...
Q- Alors, quand ?
R- Je pense qu'il nous faudra deux ou trois ans, pour bien comprendre la mécanique. Peut-être former une nouvelle génération de dirigeants, de responsables, de sportifs aussi, qui iront porter la voix de la France au niveau du CIO.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 janvier 2006)