Texte intégral
Q- Hier, D. de Villepin a vanté les mérites du CNE, ce contrat qui permet de licencier facilement pendant deux ans. Il a dit, sondages à l'appui, qu'un tiers des recrutements qui avaient été faits dans ce cadre n'auraient jamais au lieu si le CNE n'avait pas existé. Vous étiez vent debout contre cette idée, êtes-vous en train de changer d'avis ?
R- Non, et nous restons "vent debout", comme vous dites, contre ce nouveau contrat, comme la plupart des organisations syndicales. Je regrette, d'ailleurs, que nous n'ayons pas poursuivi des initiatives permettant de faire revenir le Gouvernement en arrière. Sans doute qu'il y a pour les employeurs, naturellement, un effet d'aubaine, dans la mesure où - c'est d'ailleurs l'argument principal qui est avancé ? au nom de l'emploi, il faut favoriser les licenciements, donc les contrats qui permettent de licencier beaucoup plus rapidement, sans autre motif que l'annonce de l'employeur. Donc, une mesure qui amplifie la précarité à l'emploi.
Q- Mais si, au final, plus de souplesse permet d'embaucher plus, c'est positif.
R- Tous les experts disent ce matin qu'avant de tirer des conclusions hâtives sur les effets bénéfiques ou non vis-à-vis de l'emploi, il faut attendre une longue période pour avoir des analyses dignes de ce nom. Ce n'est parce qu'il y a des recrutements sur le contrat nouvelles embauches, qui, de mon point de vue se substitue aujourd'hui à ce qui était hier des contrats de travail à durée déterminée, parce que c'est plus avantageux pour l'emploi.
Q- Ce n'est pas ce que dit le sondage ; le sondage dit qu'il y a un tiers d'emplois en plus grâce à cela.
R Oui, mais cela explique aussi peut-être pourquoi, dans la même journée, un autre sondage qui dit qu'il y a 75 % des Français qui sont très mécontents de la politique économique et sociale du Gouvernement, parce qu'un des effets, c'est accroître la précarité dans l'emploi.
Q- D. de Villepin, toujours lui, a dit que la priorité cette année, était l'emploi des jeunes ; c'est plutôt une bonne idée ?
R- Oui... Ce n'est pas une idée nouvelle, ce n'est pas une déclaration nouvelle d'un Premier ministre et ce n'est pas cela qui va suffire à me rendre optimiste par rapport à la prochaine période. C'est la raison pour laquelle nous ne cachons pas que si les salariés ne se mobilisent pas davantage, non seulement les choses ne vont pas s'arranger mais elles vont continuer de se dégrader. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision, à la fin du mois de janvier, le 31 exactement, de proposer une journée où on reprenne l'offensive des revendications sociales sur les questions d'emploi mais aussi sur les questions de salaires.
Q- Ce sera une journée de grève générale ?
R- Non, une journée de mobilisation. Nous souhaitons débattre avec les salariés des revendications à poser dans leurs entreprises et des modalités pour se faire entendre. Et c'est avec eux que nous définissons les meilleures formes, celles dans lesquelles ils vont souhaiter s'engager. Il nous faut reprendre le terrain de la revendication.
Q- Ne vous sentez-vous pas un peu seul, dans la mesure où vous êtes le seul syndicat à appeler à cette journée d'action ?
R- Oui, mais en même temps, je pense que sur le constat social, il est de notre responsabilité de dire que ce que nous vivons n'est pas quelque chose d'inéluctable, qu'il y a d'autres réponses possibles dans un pays comme la France. Pour cela, il faut que les salariés s'organisent et s'expriment. Nous avons fait la proposition d'envisager ce type d'initiative avec l'ensemble des organisations syndicales, ce n'est pas parce que la plupart de mes homologues considèrent qu'il est plutôt urgent d'attendre, de faire le dos rond, d'espérer des jours meilleurs... Je veux bien être optimiste, mais je serai beaucoup plus optimiste si les salariés se mêlent davantage de leurs affaires. Je crois qu'il est de la responsabilité de la CGT de les aider à y parvenir.
Q- Mais vous regrettez qu'il n'y ait pas d'unité syndicale ?
R- Bien sûr. Je crois que nous avons été efficaces en partie au début de l'année dernière, notamment le 10 mars où l'on reposait la question des salaires et le Gouvernement et les employeurs n'ont pas pu faire autrement que de la ré-aborder. Nous avons de nouveau été efficaces le 4 octobre, en nous mobilisant sur les questions d'emploi et de précarité, nous avons eu un certain nombre d'initiatives et d'actions en commun auprès des pouvoirs publics. Je regrette qu'il y ait un abandon progressif des revendications communes, comme cela s'est fait dans la négociation s'agissant de la convention Unedic. Nous étions tous d'accord pour que le patronat paye la précarité dans l'emploi qu'il génère, qu'il amplifie, et je regrette que, rapidement, beaucoup aient renoncé à cette revendication commune.
Q- Vous n'avez pas signé cet accord sur le financement de l'assurance chômage. Au fond, ne souhaiteriez-vous pas que ce soit l'Etat qui s'occupe directement des ces problèmes, alors que pour l'instant, ce sont les syndicats et le patronat ?
R- En tout cas, on ne fait pas la démonstration, contrairement à ce que j'entends, que le paritarisme en soi, c'est-à-dire la gestion du système d'assurance chômage, géré conjointement entre les représentants des employeurs et certains représentants des salariés, bénéficie aux chômeurs. Puisque la nouvelle convention - c'est quand même un des aspects importants - ne va plus toucher que 30 % des chômeurs qui vont avoir droit à l'indemnisation. C'est une des conséquences de la nouvelle convention. Donc, qu'on me fasse la démonstration que le système paritaire est plus profitable aux chômeurs qu'à une autre type d'intervention. Je crains, malheureusement, qu'il s'agisse davantage d'affichage, de responsabilités qui puissent être confiées à des organisations syndicales. La CGT n'a pas besoin de cela pour exister et pour mener son action.
Q- L'autre dossier, c'est les fonctionnaires ; la négociation va reprendre demain. On dit que le Gouvernement pourrait proposer 0,5 % d'augmentation, qu'en pensez-vous ?
R- Il progresse très lentement. L'année dernière, ce n'était aucune augmentation de salaire. Sur la pression unanime des organisations syndicales, il s'est mis à réfléchir très longuement, plus d'un mois ! pour arriver à une proposition qui va peut-être - je ne sais pas si, officiellement, ce sera celle qui sera annoncée - avoisiner les 0,5 %. Je conseille vraiment au Gouvernement de réfléchir avant d'annoncer cela comme mesure d'augmentation des salaires dans la fonction publique.
Q- Combien réclamez-vous ?
R- Je réclame une hausse significative des salaires, ce qui ne peut pas se résumer à un chiffre qui commence par 0 quelque chose, c'est impossible.
Q- L'idée de ne pas renouveler les postes de fonctionnaires qui partent à la retraite en échange d'augmentation pour ceux qui restent, vous paraît-elle être une piste intéressante ?
R- C'est le même marché de dupes que ce que l'on rencontre parfois dans le secteur privé, où l'on propose des plans de licenciement pour maintenir, soi disant, l'emploi, voire de revenir sur les accords de réduction du temps de travail, soi disant au nom de la préservation de l'emploi, dans un discours fait de compétitivité où c'est toujours le social qui est revu à la baisse, y compris dans les comparaisons internationales. Non, je pense que les postes de fonctionnaires sont nécessaires pour répondre à des besoins, des missions de service public. On parle des besoins à l'Education nationale, en matière de santé, il y a une vraie crise dans l'hôpital. On nous annonce toutes les semaines, vous avez remarqué, beaucoup de policiers en tout domaine, même parfois trop, pour trop d'interventions mais on nous annonce plein d'actions publiques correspondants à plein de fonctionnaires. Donc, il va bien falloir que le Gouvernement soit cohérent et nous fasse la démonstration des endroits où il suggère la suppression de ces fonctionnaires, sans que pour autant nous soyons dupes quant aux conséquences positives que cela pourrait générer sur la masse salariale ne voulons pas opposer emploi et pouvoir d'achat.
Q- Une question un peu plus personnelle : il y aura un congrès de la CGT au printemps, serez-vous candidat à votre propre succession ?
R- J'y suis. Il y a d'ailleurs eu un vote indicatif des organisations à ce propos et une majorité, pour l'instant, s'est prononcée pour que je reprenne un troisième mandat à la tête de la CGT.
Q- Et vous êtes d'accord ?
R- Bien sûr. Si ce n'était pas le cas, je n'aurais pas été proposé à cette première consultation.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 janvier 2006)
R- Non, et nous restons "vent debout", comme vous dites, contre ce nouveau contrat, comme la plupart des organisations syndicales. Je regrette, d'ailleurs, que nous n'ayons pas poursuivi des initiatives permettant de faire revenir le Gouvernement en arrière. Sans doute qu'il y a pour les employeurs, naturellement, un effet d'aubaine, dans la mesure où - c'est d'ailleurs l'argument principal qui est avancé ? au nom de l'emploi, il faut favoriser les licenciements, donc les contrats qui permettent de licencier beaucoup plus rapidement, sans autre motif que l'annonce de l'employeur. Donc, une mesure qui amplifie la précarité à l'emploi.
Q- Mais si, au final, plus de souplesse permet d'embaucher plus, c'est positif.
R- Tous les experts disent ce matin qu'avant de tirer des conclusions hâtives sur les effets bénéfiques ou non vis-à-vis de l'emploi, il faut attendre une longue période pour avoir des analyses dignes de ce nom. Ce n'est parce qu'il y a des recrutements sur le contrat nouvelles embauches, qui, de mon point de vue se substitue aujourd'hui à ce qui était hier des contrats de travail à durée déterminée, parce que c'est plus avantageux pour l'emploi.
Q- Ce n'est pas ce que dit le sondage ; le sondage dit qu'il y a un tiers d'emplois en plus grâce à cela.
R Oui, mais cela explique aussi peut-être pourquoi, dans la même journée, un autre sondage qui dit qu'il y a 75 % des Français qui sont très mécontents de la politique économique et sociale du Gouvernement, parce qu'un des effets, c'est accroître la précarité dans l'emploi.
Q- D. de Villepin, toujours lui, a dit que la priorité cette année, était l'emploi des jeunes ; c'est plutôt une bonne idée ?
R- Oui... Ce n'est pas une idée nouvelle, ce n'est pas une déclaration nouvelle d'un Premier ministre et ce n'est pas cela qui va suffire à me rendre optimiste par rapport à la prochaine période. C'est la raison pour laquelle nous ne cachons pas que si les salariés ne se mobilisent pas davantage, non seulement les choses ne vont pas s'arranger mais elles vont continuer de se dégrader. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision, à la fin du mois de janvier, le 31 exactement, de proposer une journée où on reprenne l'offensive des revendications sociales sur les questions d'emploi mais aussi sur les questions de salaires.
Q- Ce sera une journée de grève générale ?
R- Non, une journée de mobilisation. Nous souhaitons débattre avec les salariés des revendications à poser dans leurs entreprises et des modalités pour se faire entendre. Et c'est avec eux que nous définissons les meilleures formes, celles dans lesquelles ils vont souhaiter s'engager. Il nous faut reprendre le terrain de la revendication.
Q- Ne vous sentez-vous pas un peu seul, dans la mesure où vous êtes le seul syndicat à appeler à cette journée d'action ?
R- Oui, mais en même temps, je pense que sur le constat social, il est de notre responsabilité de dire que ce que nous vivons n'est pas quelque chose d'inéluctable, qu'il y a d'autres réponses possibles dans un pays comme la France. Pour cela, il faut que les salariés s'organisent et s'expriment. Nous avons fait la proposition d'envisager ce type d'initiative avec l'ensemble des organisations syndicales, ce n'est pas parce que la plupart de mes homologues considèrent qu'il est plutôt urgent d'attendre, de faire le dos rond, d'espérer des jours meilleurs... Je veux bien être optimiste, mais je serai beaucoup plus optimiste si les salariés se mêlent davantage de leurs affaires. Je crois qu'il est de la responsabilité de la CGT de les aider à y parvenir.
Q- Mais vous regrettez qu'il n'y ait pas d'unité syndicale ?
R- Bien sûr. Je crois que nous avons été efficaces en partie au début de l'année dernière, notamment le 10 mars où l'on reposait la question des salaires et le Gouvernement et les employeurs n'ont pas pu faire autrement que de la ré-aborder. Nous avons de nouveau été efficaces le 4 octobre, en nous mobilisant sur les questions d'emploi et de précarité, nous avons eu un certain nombre d'initiatives et d'actions en commun auprès des pouvoirs publics. Je regrette qu'il y ait un abandon progressif des revendications communes, comme cela s'est fait dans la négociation s'agissant de la convention Unedic. Nous étions tous d'accord pour que le patronat paye la précarité dans l'emploi qu'il génère, qu'il amplifie, et je regrette que, rapidement, beaucoup aient renoncé à cette revendication commune.
Q- Vous n'avez pas signé cet accord sur le financement de l'assurance chômage. Au fond, ne souhaiteriez-vous pas que ce soit l'Etat qui s'occupe directement des ces problèmes, alors que pour l'instant, ce sont les syndicats et le patronat ?
R- En tout cas, on ne fait pas la démonstration, contrairement à ce que j'entends, que le paritarisme en soi, c'est-à-dire la gestion du système d'assurance chômage, géré conjointement entre les représentants des employeurs et certains représentants des salariés, bénéficie aux chômeurs. Puisque la nouvelle convention - c'est quand même un des aspects importants - ne va plus toucher que 30 % des chômeurs qui vont avoir droit à l'indemnisation. C'est une des conséquences de la nouvelle convention. Donc, qu'on me fasse la démonstration que le système paritaire est plus profitable aux chômeurs qu'à une autre type d'intervention. Je crains, malheureusement, qu'il s'agisse davantage d'affichage, de responsabilités qui puissent être confiées à des organisations syndicales. La CGT n'a pas besoin de cela pour exister et pour mener son action.
Q- L'autre dossier, c'est les fonctionnaires ; la négociation va reprendre demain. On dit que le Gouvernement pourrait proposer 0,5 % d'augmentation, qu'en pensez-vous ?
R- Il progresse très lentement. L'année dernière, ce n'était aucune augmentation de salaire. Sur la pression unanime des organisations syndicales, il s'est mis à réfléchir très longuement, plus d'un mois ! pour arriver à une proposition qui va peut-être - je ne sais pas si, officiellement, ce sera celle qui sera annoncée - avoisiner les 0,5 %. Je conseille vraiment au Gouvernement de réfléchir avant d'annoncer cela comme mesure d'augmentation des salaires dans la fonction publique.
Q- Combien réclamez-vous ?
R- Je réclame une hausse significative des salaires, ce qui ne peut pas se résumer à un chiffre qui commence par 0 quelque chose, c'est impossible.
Q- L'idée de ne pas renouveler les postes de fonctionnaires qui partent à la retraite en échange d'augmentation pour ceux qui restent, vous paraît-elle être une piste intéressante ?
R- C'est le même marché de dupes que ce que l'on rencontre parfois dans le secteur privé, où l'on propose des plans de licenciement pour maintenir, soi disant, l'emploi, voire de revenir sur les accords de réduction du temps de travail, soi disant au nom de la préservation de l'emploi, dans un discours fait de compétitivité où c'est toujours le social qui est revu à la baisse, y compris dans les comparaisons internationales. Non, je pense que les postes de fonctionnaires sont nécessaires pour répondre à des besoins, des missions de service public. On parle des besoins à l'Education nationale, en matière de santé, il y a une vraie crise dans l'hôpital. On nous annonce toutes les semaines, vous avez remarqué, beaucoup de policiers en tout domaine, même parfois trop, pour trop d'interventions mais on nous annonce plein d'actions publiques correspondants à plein de fonctionnaires. Donc, il va bien falloir que le Gouvernement soit cohérent et nous fasse la démonstration des endroits où il suggère la suppression de ces fonctionnaires, sans que pour autant nous soyons dupes quant aux conséquences positives que cela pourrait générer sur la masse salariale ne voulons pas opposer emploi et pouvoir d'achat.
Q- Une question un peu plus personnelle : il y aura un congrès de la CGT au printemps, serez-vous candidat à votre propre succession ?
R- J'y suis. Il y a d'ailleurs eu un vote indicatif des organisations à ce propos et une majorité, pour l'instant, s'est prononcée pour que je reprenne un troisième mandat à la tête de la CGT.
Q- Et vous êtes d'accord ?
R- Bien sûr. Si ce n'était pas le cas, je n'aurais pas été proposé à cette première consultation.(Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 janvier 2006)