Interview de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur France 2 le 10 février 2006, sur la tenue prochaine des Jeux Olympiques de Turin, notamment la motivation des athlètes français, le dispositif antidopage, l'usage des langues anglaise et française et l'éventualité d'une candidature de la France pour l'organisation des prochains Jeux Olympiques.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- A quelques heures de l'ouverture des Jeux Olympiques, vous avez rencontré les championnes et les champions français, est-ce qu'ils vous ont paru motivés ?
R- Non seulement motivés mais impatients d'en découdre. J'ai rencontré en particulier les sportifs des sports de glace, et ils sont prêts. Ils sont vraiment dans l'attente, à la fois, de la cérémonie d'ouverture ? c'est vraiment le moment le plus important pour eux, c'est ce qui les met dans les Jeux - et bien sûr, ils attendent leurs épreuves.
Q- Quel message vous leur avez fait passer ?
R- Je les avais rencontrés il y quelques semaines à Tignes, alors qu'ils se préparaient, je leur avais dit, "Faites-vous plaisir, donnez tout ce que vous pouvez, mais faites-vous plaisir". Là, je leur ai dit aussi, "Arrachez-vous, donnez le maximum !". On a une belle équipe de France avec un vrai potentiel, les résultats commencent petit à petit à monter en puissance, mais il faut qu'ils s'arrachent, il faut qu'ils donnent le meilleur, plus encore que ce qu'ils peuvent faire. Je leur ai exprimé ça avec force, avec passion, puisque c'est d'ailleurs le thème de ces jeux de Turin.
Q- Aux derniers jeux d'hiver, à Salt Lake City, la France avait obtenu onze médailles ; est-ce qu'elle peut faire mieux cette fois-ci ?
R- Si la France réédite son palmarès de Salt Lake - vous le rappeliez, onze médailles - je crois qu'on sera à peu près à notre place, c'est-à-dire entre la 6e et la 7e place. Ce sera un bon résultat. Ce sont des fédérations qui ont vécu des moments difficiles, que ce soit la Fédération française de ski, ou celle des Sports de glace, alors un résultat équivalent à Salt Lake serait une très belle performance pour l'équipe de France.
Q- Une dizaine de médailles, c'est l'objectif que vous fixez ?
R- Oui, entre dix et quinze. On peut avoir de très bonnes surprises. Regardez un J.-P. Vidal qui revient à son meilleur niveau, C. Montillet également. Les fondeurs qui sont très bons... Les snow-boarders, aussi, qui trustent les premières places lors des compétitions du Coupe du monde. Et puis, B. Joubert qu'on va peut-être voir à son meilleur niveau. On l'a vu au championnat d'Europe, à Lyon, il était en train de peaufiner sa préparation. On peut espérer qu'il soit là aussi au rendez-vous, à Turin.
Q- Vous parliez du ski, c'est évidemment l'épreuve reine aux Jeux d'hiver. Vous disiez que J.-P. Vidal était revenu à son meilleur niveau. Mais pour le reste, les résultats ne sont pas très bons depuis le début de la saison. Comment vous expliquez cela ?
R- C'est un début de saison assez difficile pour les alpins, donc tout ce qui est slalom géant et descente. Mais on sent par contre une progression. Regardez, un exemple, A. Deneria (phon) qui revenait de blessures en début de saison, et qui, petit à petit, revient à son meilleur niveau. Les jeux, c'est quelque chose de très particulier, il faut être au top au moment donné, le jour J. Je pense que nos champions vont l'être, ils vont exprimer ce rayonnement de la France, cette volonté d'en découdre et de gagner ici, à Turin.
Q- Mais la grande époque des Killy, des Goitschel (phon), des Perillat, paraît très loin... Est-ce que la France peut revenir au premier niveau durablement en ski ?
R- Elle peut le faire, elle a un vrai potentiel. Nous avons maintenant une fédération qui revient sur les rails, avec un secteur économique, je pense aux syndicats des moniteurs de ski, aux remontées mécaniques qui participent justement à cet élan. Alors, il faut reconstruire cette fédération. Sans fédération, de toute façon, il ne peut pas y avoir en France une organisation de très haut niveau, il ne peut pas y avoir une préparation, une excellence de la préparation pour nos champions. C'est une fédération qui revient petit à petit à son niveau et, j'en suis convaincu, qui va obtenir de très bons résultats ici à Turin, et puis, bien sûr, pour les prochaines saisons.
Q- Chaque fois qu'il y a un grand événement sportif, on reparle des problèmes de dopage. Est-ce que vous pensez que les Jeux de Turin vont être des jeux propres ?
R- "Propre", je crois que le terme n'est pas le plus approprié. Je crois que, par contre, la lutte antidopage fait chaque année des progrès, que ce soit d'ailleurs dans les contrôles pendant les compétitions ou en dehors des compétitions. Vous avez vu une vague de contrôles inopinés, également une vague de contrôles sanguins. C'est une organisation qui est désormais internationale, portée à la fois par l'Agence mondiale antidopage, par les gouvernements. J'ai fait contrôler, avec des prélèvements d'urine, l'ensemble de la délégation française qui s'est présentée, vraiment, après avoir été contrôlée dans la totalité. Et puis aussi, le CIO va effectuer les contrôles pendant la compétition.
Q- La législation italienne en matière de dopage est très dure, elle prévoit même la prison pour les athlètes qui sont pris en flagrant délit. Ce n'est pas cette législation qui sera appliquée, pourquoi ?
R- Parce que ce sont les règles du CIO, du Comité international olympique, qui s'appliquent, c'est-à-dire la réglementation du code mondial antidopage. Il n'empêche que la législation italienne pourrait s'appliquer. Je pense que ce sera extrêmement difficile, effectivement, que les athlètes puissent être confrontés ou convoqués par la justice italienne, nous le verrons d'ailleurs, cela fait partie de l'accord entre le CIO...
Q- ...Il n'y aura pas d'athlète en prison, d'après vous ?
R- Cela me paraît sincèrement difficile. De toute façon, je ne suis pas favorable à ce que j'appelle "la double peine" : une peine sportive et une peine de droit commun ; je ne suis pas pour cette double peine. Peu importe, la loi italienne doit s'appliquer, mais je ne suis pas favorable à cette double peine. D'ailleurs, depuis que la loi italienne existe, elle n'a jamais été appliquée en matière de sanction pénale ou en correctionnelle.
Q- Ces Jeux Olympiques d'hiver se passent à quelques kilomètres de la France, notamment les épreuves de ski, à Sestrières. Est-ce que la France va être à nouveau candidate pour organiser des prochains Jeux Olympiques ?
R- Avant que la France soit candidate pour organiser des Jeux, que ce soit d'ailleurs des Jeux d'été ou des Jeux d'hiver, vous en conviendrez : il faut comprendre pourquoi nous avons perdu les jeux pour 1992, pour 2008 et tout récemment, le 6 juillet - ce 6 juillet malheureux à Singapour - pour 2012. Aujourd'hui, je n'ai pas tous les paramètres qui nous feront comprendre pourquoi nous avons perdu. Tant que cette compréhension, tant que nous n'avons pas évolué dans cette logique de compréhension, je crois qu'il n'est pas nécessaire, aujourd'hui, bien sûr, de s'engager sur une nouvelle candidature pour les Jeux.
Q- Donc, il ne faut pas espérer des Jeux en France à brève échéance ou même à moyenne échéance ?
R- Si nous arrivons à modifier notre expression face au CIO, pourquoi pas. Mais je vous l'ai dit, en ce qui me concerne aujourd'hui, je n'ai pas encore bien compris pourquoi les membres du CIO nous avaient une nouvelle fois refusé ce magnifique événement que sont les Jeux. Mais par contre, si je peux me permettre, même si nous n'avons pas eu les Jeux, vous savez que la France, vous l'avez rappelé, a plusieurs départements frontaliers avec l'Italie, et nous participons, par exemple en matière de sécurité, à l'organisation des Jeux puisque nous couvrons, entre autres, la surveillance d'un certain nombre d'aéroports et d'héliports, que l'hôpital de Briançon lui-même est en attente.
Q- L'hôpital de secours...
R- Voilà, c'est ça. Il est prêt à travailler avec le service de santé italien pour accueillir, si besoin était, des blessés ou être partie prenante en matière de sécurité civile, par exemple, avec les Italiens.
Q- Je voulais vous poser une question, non pas à propos des Français, mais à propos du français : le français est langue officielle des Jeux Olympiques avec l'anglais. On dit que les Italiens ne font pas tout à fait ce qu'il faut, qu'il y a beaucoup de documents publiés simplement en anglais. Est-ce que vous allez être vigilant là dessus ?
R- Oui, bien sûr, nous sommes vigilants. L'organisation internationale de la francophonie qui est présidée par le président A. Diouf envoie d'ailleurs une ambassadrice, ici, pour vérifier, pour travailler avec les Italiens dans ce domaine. Mais c'est vrai qu'il faut être très vigilant parce qu'on peut le comprendre, l'organisateur, donc l'Italie, travaille bien sûr à la traduction des documents en italien, évidemment, également en anglais ; il faut respecter la charte olympique et faire la traduction en français. Mais vous savez, nos amis Italiens nous accueillent quotidiennement dans leur pays, ils le font très très bien, l'accueil est toujours chaleureux, il est toujours très efficace, et je suis convaincu que nous allons, là aussi, avoir de très bonnes surprises.
Q- Les Italiens ont l'air assez inquiets par les manifestations qui pourraient se produire, le parcours de la flamme olympique a été plusieurs fois perturbé. Est-ce que les épreuves, elles aussi, peuvent être perturbées ?
R- Oui, ce serait un drame pour les Jeux. Vous l'avez dit, un certain nombre de parcours de la flamme, en tout cas de transmission de la flamme, ont été perturbés. Je crois que c'est le lot de tout événement qui se déroule sur la voie publique. Là, nous serons dans des enceintes fermées avec une sécurité renforcée. Je crois que là, il faut faire confiance aux Italiens qui ont un vrai savoir-faire dans ce domaine pour éviter que ces épreuves soient perturbées.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 février 2006