Texte intégral
Q- On va parler de ce CPE, parler plus généralement du contrat de travail. Grève surprise ce matin, à Orly, sans que personne ne soit prévenu... Aucun avion ne décolle. Cela jette-t-il un discrédit sur votre journée d'action ou pas ?
R- Je pense qu'aujourd'hui, ce qui est utile c'est d'avoir un mouvement d'action bien précis sur ce sujet du CPE, tout autre mouvement qui vient se mélanger inévitablement jette de l'ombre sur notre journée d'action et détourne l'attention.
Q- C'est inutile ?
R- Oui. Je ne connais pas les motifs, je suis aussi surpris malheureusement que les gens qui sont coincés dans les transports, ce que je regrette, je dois le dire. D'autres ont voulu lancer une journée de grève dans la SNCF. Je crois que par moment, il faut choisir ses objectifs, et l'objectif aujourd'hui, c'est le CPE.
Q- Ce contrat "premier emploi", c'est un contrat spécifique ? je précise, pour que tout le monde sache bien de quoi il s'agit ? pour les jeunes de moins de 26 ans - vous m'arrêtez si je dis des bêtises -, valable dans les entreprise de plus de 20 salariés...
R- Oui.
Q- On le précise peu, mais c'est dans les entreprises de plus de 20 salariés.
R- Tout simplement, parce que le Gouvernement a déjà créé un contrat "nouvelles embauches" pour les entreprises de moins de 20 salariés, qui concerne tous les salariés, quel que soit leur âge.
Q- Le CPE, c'est le complément du CNE pour les moins de 26 ans, c'est ça ?
R- Pour les entreprises de plus de 20.
Q- Au passage, ça ne semble pas trop mal marcher le CNE, le contrat "nouvelles embauches" ?
R- On n'a aucune statistique fiable.
Q- Alors le Gouvernement ment quand il nous dit que ça a créé 280.000 emplois depuis cinq mois ?
R- Mais il faut distinguer. Ce n'est pas possible que cela ait créé 280.000 emplois, avec le chômage qui...
Q- C'est ce que j'entends ! J'ai encore entendu G. de Robien, hier, le dire.
R- Mais attendez, il faut être sérieux : avec le chômage qui a reculé de 120.000 emplois. Donc les 160.000 sont passés où ? Donc on voit bien que ce n'est pas très sérieux, alors que les statistiques officielles du Gouvernement, pour l'année 2005, disent qu'on a créé en plus, l'année dernière, 70.000 emplois. Donc quelle est la différence ? Tout simplement parce que les entreprises de moins de 20 salariés remplacent des contrats à durée déterminée, remplacent des contrats à durée indéterminée par des contrats "nouvelles embauches", parce que c'est plus facile de licencier, parce qu'on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit, parce qu'on peut se séparer d'un salarié dans les deux premières années, quel que soit le motif. Donc, il est plus souple pour un employeur et donc on remplace les autres contrats parce contrat. Donc ce ne sont pas des embauches supplémentaires.
Q- Le contrat "première embauche" se met en place, donc une période d'essai de deux ans. Pendant ces deux années, l'employeur peut mettre fin au contrat sans justification, l'employé aussi - il faut le préciser, on l'oublie un peu. D. de Villepin insiste sur le fait que le contrat comporte des garanties supplémentaires pour les jeunes : en cas de licenciement, au bout de quatre mois de travail, le jeune travailleur touchera des indemnités chômage - 460 euros mensuels - pendant deux mois, la période d'essai de deux ans sera réduite si des stages, des CDD ont été effectués dans la même entreprise et le contrat "première embauche" crée un droit individuel à la formation dès le deuxième mois de travail. Je n'ai pas dit de bêtises ?
R- Vous n'avez pas dit de bêtises, mais il faut remettre ces soi-disant nouveautés en perspective par rapport aux handicaps. On dit que le salarié a un droit à la formation nouveau dès le premier mois : il a droit à 20 heures par an, alors qu'on a affaire à des jeunes, bien souvent sans qualification. 20 heures par an, ce n'est pas ce qui leur amènera une qualification. C'est donc largement en dessous de ce qu'il faut faire. Parce que bien souvent, les jeunes qui sont les plus en précarité, qui galèrent, sont des jeunes qui ont eu un échec au niveau scolaire, qui sont sortis sans qualification. Donc, l'objectif, et c'est ce que la CFDT souhaite faire, c'est faire en sorte qu'on les accompagne ces jeunes, qu'on leur permette d'avoir une qualification, beaucoup plus de formation que ces 20 heures. Le Gouvernement nous dit - vous ne l'avez pas cité - qu'on a un nouveau droit au logement, pour avoir accès au logement.
Q- Oui, le Loca-Pass...
R- Cela fait sept ans que ça existe, donc ce n'est pas une nouveauté. Loca- Pass, c'est une forme d'assurance pour le loueur : si jamais vous ne payez pas votre loyer, il y a une assurance. Cela fait sept ans que ça existe ! Mais tout le monde sait qu'un jeune, quand il chercher un loyer, ce n'est pas le problème de l'assurance qui lui permet d'avoir un loyer, ce sont ses moyens pour payer. Et quand vous faites la queue pour louer, bien souvent c'est celui qui a le contrat le plus stable.
Q- Mais est-ce que vous ne croyez que un jeune en CDD a plus de possibilité pour louer, pour obtenir un prêt ? Ce n'est pas mieux...
R- Non, mais c'est ce que je vous dis. C'est pareil pour le jeune en contrat à durée indéterminée. Quand un jeune cherche un loyer, c'est le niveau de son salaire qui joue, sinon il faut que ses parents lui donnent une caution. Je connais des jeunes qui ont 30 ans, qui ont besoin de la caution de leurs parents. Donc, on voit bien que le problème n'est pas celui-là. Le vrai problème dans notre pays, c'est comment on aide tous ces jeunes qui sont en difficulté parce qu'ils ont une qualification insuffisante ou qui est pas adaptée au marché de l'emploi, comment on les aide pour les accompagner à l'emploi, plutôt que de créer un contrat précaire qui va aussi précariser ceux qui, aujourd'hui, ont accès à l'emploi.
Q- Mais pourquoi être contre avant même l'installation du CPE ? On devrait se poser la question suivante : premièrement, le CPE est-il efficace, et deux, créera-t-il des emplois qui n'auraient pas existé sans lui ? C'est ça la question.
R- Mais c'est l'économie qui va créer des emplois ce ne sont pas les contrats de travail. On en est au 35ème contrat jeune depuis vingt ans ! S'il suffisait de changer de contrat de travail pour régler le problème du chômage des jeunes, on le saurait ! Ce n'est pas parce qu'on fait un nouveau contrat de travail - et c'est le deuxième que fait le Premier ministre -, que l'on va régler le problème des jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire.
Q- Vous n'êtes pas descendus dans la rue contre les emplois jeunes, par exemple ?
R- Mais les emplois jeunes, on avait...
Q- Donc, cette grève et ces manifestations sont idéologiques aujourd'hui ? Oui ou non ?
R- Non, non, ce n'est pas idéologique. Le Premier ministre nous a dit, le 12 décembre, dans une réunion collective avec tous les syndicats, qu'on allait aborder ce problème de la précarité des jeunes. La CFDT a dit : "d'accord, essayons de trouver des solutions pour les jeunes qui sont en difficulté" par la formation, l'accompagnement, y compris avec la création éventuellement de types d'emplois adaptés, avec des contreparties. Le Premier ministre a décidé tout seul sur un système qui
est le plus flexible qui existe en Europe. J'entendais dire ce matin, y compris sur votre antenne, qu'il existe des choses dans d'autres pays ; on est le seul pays où il va y avoir une période d'essai de deux ans !
Q- Il paraît qu'en Espagne on réfléchit au même système.
R- En Espagne, on réfléchit mais on ne l'a pas fait. On ne l'a pas fait d'une part, mais cela se fait dans le dialogue, avec des contreparties. On parle tout le temps du système danois, par exemple : dans le système danois, en cas de licenciement, le chômeur a droit à quatre ans d'indemnités, il a un accompagnement fort, avec un service public de l'emploi beaucoup plus fort. Donc la démarche de la CFDT n'est pas de refuser qu'on évolue, vous savez très bien que la CFDT, est en capacité, quand c'est nécessaire, d'amener des solutions aux problèmes. Mais à condition qu'on amène des contreparties. Là, on amène un système hyper flexible, sans contrepartie, et c'est la raison pour laquelle on le refuse.
Q- On va prendre Thierry, chef d'entreprise, dans le Var, 44 ans.
R- Thierry : "Je voulais dire que je ne comprends pas ce qui se passe avec ce contrat "première embauche", c'est comme si tous les jeunes qui sortaient de l'école ou des études, on leur faisait un CDI. Je ne connais pas de chef d'entreprise, maintenant, qui fasse un CDI immédiatement à un jeune, c'est toujours un contrat saisonnier, un CDD. Il y a que McDo, pour ne pas les citer, qui fait des CDI, parce qu'ils ont du mal à recruter. Sinon, personne ne fait des CDI. Alors, est-ce que c'est plus précaire de travailler dans ce CPE ou au chômage ? Je ne sais pas. Moi, la précarité du chômage, elle me fait peur, et j'ai l'impression que tout le monde préférerait être au chômage que de travailler... Le premier boulot, le premier emploi, c'est le plus important. Une fois qu'on a mis le pied dans le monde du travail, après, ça aide, et après il faut évoluer. Mais je ne
comprends pas du tout cette levée de boucliers !
R- F. Chérèque : Mais on ne veut pas opposer le CPE au chômage, on veut opposer le CPE aux
autres types de contrats qui existent.
Q- Donc, vous dites que le CPE était inutile ?
R- On dit que le CPE, tel qu'il est proposé, n'est pas la solution, et que la solution qu'on veut, nous, la CFDT, qu'on a proposée au Premier ministre de construire, c'est d'amener des solutions en fonction de la situation des jeunes. L'auditeur dit que les jeunes ne sont jamais embauchés en CDI, mais je crois qu'il n'a pas non plus une vision réelle du marché de l'emploi. Il y a des jeunes qui sont embauchés en contrat à durée déterminée, il a raison. Mais à 25 ans - les statistiques sont données par le ministère du Travail -, 75 % des jeunes qui sont au travail sont en contrat à durée indéterminée, à 25 ans ! A 30 ans, c'est 90 % des jeunes. Donc, on a un problème avec 25 % des jeunes, c'est très clair. Donc, comment on amène des solutions à ces 25% ?
Q- Qui ne sont pas embauchés en CDI ces 25% ?
R- Non, ils sont embauchés souvent, et l'auditeur a raison, en CDD, en contrats saisonniers...
Q- En contrats précaires ?
R- Précaires, oui, vous avez raison. Donc comment on donne une solution à ce problème de la précarité dans un accompagnement à la formation, dans un accompagnement à l'emploi, pour qu'on ait des solutions individualisées plutôt que de donner un système qui va précariser les autres ? Nous avons aujourd'hui des jeunes qui ont un CAP parfois, un BEP, un BTS, un diplôme d'ingénieur, qui trouvent du travail en contrat à durée indéterminée, qui vont se retrouver en CPE, précaires...
Q- Est-ce que cela ne va pas inciter les chefs d'entreprise à embaucher ces jeunes en CPE ? Le chef d'entreprise se disant : je vais embaucher le jeune, je vais le former, et j'ai deux ans avant de prendre vraiment ma décision, comme ça il va voir si ce métier lui plaît ou pas, je vais voir moi s'il est efficace ou pas. Est-ce que cette souplesse n'est pas nécessaire aujourd'hui ?
R- Ce que je vous dis, c'est qu'on est vraiment dans la période d'essai de deux ans. Mais un jeune qui, actuellement, sort du système de formation avec un CAP, un BEP, qui a fait de l'apprentissage, un BTS ou un diplôme d'ingénieur, il a une période d'essai normale, on ne s'oppose pas aux périodes d'essai. Mais là, on le met dans une période d'essai de deux ans, avec un système très précaire. Regardez ce qu'est en train de faire le Gouvernement petit à petit : les moins de 26 ans ne comptent plus dans les effectifs du personnel dans le calcul des systèmes sociaux, représentation syndicale, droit à la formation et autre. Les jeunes de moins de 26 ans vont avoir deux ans de précarité parce qu'on pourra les licencier dans les deux ans, quel que soit le motif. On est en train d'avoir un système spécifique pour les jeunes, on ne leur fait plus confiance, on ne les compte plus dans les effectifs. Je pense que ce n'est pas ça la réponse qu'on attend. Par contre, L'auditeur nous dit qu'il y a des jeunes, on a besoin de... [inaud] puisqu'ils ne sont pas tout à fait formés. Mais à ce moment-là, il faut donner des réponses très précises sur l'alternance, sur l'apprentissage, sur la formation, sur tous ces jeunes qui n'ont pas un niveau de qualification ou qui ont une formation mal adaptée. C'est ça les réponses qu'on veut donner. Je ne vois pas pourquoi on précarise tout le monde, au prétexte de donner des réponses à une partie des jeunes.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 février 2006
R- Je pense qu'aujourd'hui, ce qui est utile c'est d'avoir un mouvement d'action bien précis sur ce sujet du CPE, tout autre mouvement qui vient se mélanger inévitablement jette de l'ombre sur notre journée d'action et détourne l'attention.
Q- C'est inutile ?
R- Oui. Je ne connais pas les motifs, je suis aussi surpris malheureusement que les gens qui sont coincés dans les transports, ce que je regrette, je dois le dire. D'autres ont voulu lancer une journée de grève dans la SNCF. Je crois que par moment, il faut choisir ses objectifs, et l'objectif aujourd'hui, c'est le CPE.
Q- Ce contrat "premier emploi", c'est un contrat spécifique ? je précise, pour que tout le monde sache bien de quoi il s'agit ? pour les jeunes de moins de 26 ans - vous m'arrêtez si je dis des bêtises -, valable dans les entreprise de plus de 20 salariés...
R- Oui.
Q- On le précise peu, mais c'est dans les entreprises de plus de 20 salariés.
R- Tout simplement, parce que le Gouvernement a déjà créé un contrat "nouvelles embauches" pour les entreprises de moins de 20 salariés, qui concerne tous les salariés, quel que soit leur âge.
Q- Le CPE, c'est le complément du CNE pour les moins de 26 ans, c'est ça ?
R- Pour les entreprises de plus de 20.
Q- Au passage, ça ne semble pas trop mal marcher le CNE, le contrat "nouvelles embauches" ?
R- On n'a aucune statistique fiable.
Q- Alors le Gouvernement ment quand il nous dit que ça a créé 280.000 emplois depuis cinq mois ?
R- Mais il faut distinguer. Ce n'est pas possible que cela ait créé 280.000 emplois, avec le chômage qui...
Q- C'est ce que j'entends ! J'ai encore entendu G. de Robien, hier, le dire.
R- Mais attendez, il faut être sérieux : avec le chômage qui a reculé de 120.000 emplois. Donc les 160.000 sont passés où ? Donc on voit bien que ce n'est pas très sérieux, alors que les statistiques officielles du Gouvernement, pour l'année 2005, disent qu'on a créé en plus, l'année dernière, 70.000 emplois. Donc quelle est la différence ? Tout simplement parce que les entreprises de moins de 20 salariés remplacent des contrats à durée déterminée, remplacent des contrats à durée indéterminée par des contrats "nouvelles embauches", parce que c'est plus facile de licencier, parce qu'on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit, parce qu'on peut se séparer d'un salarié dans les deux premières années, quel que soit le motif. Donc, il est plus souple pour un employeur et donc on remplace les autres contrats parce contrat. Donc ce ne sont pas des embauches supplémentaires.
Q- Le contrat "première embauche" se met en place, donc une période d'essai de deux ans. Pendant ces deux années, l'employeur peut mettre fin au contrat sans justification, l'employé aussi - il faut le préciser, on l'oublie un peu. D. de Villepin insiste sur le fait que le contrat comporte des garanties supplémentaires pour les jeunes : en cas de licenciement, au bout de quatre mois de travail, le jeune travailleur touchera des indemnités chômage - 460 euros mensuels - pendant deux mois, la période d'essai de deux ans sera réduite si des stages, des CDD ont été effectués dans la même entreprise et le contrat "première embauche" crée un droit individuel à la formation dès le deuxième mois de travail. Je n'ai pas dit de bêtises ?
R- Vous n'avez pas dit de bêtises, mais il faut remettre ces soi-disant nouveautés en perspective par rapport aux handicaps. On dit que le salarié a un droit à la formation nouveau dès le premier mois : il a droit à 20 heures par an, alors qu'on a affaire à des jeunes, bien souvent sans qualification. 20 heures par an, ce n'est pas ce qui leur amènera une qualification. C'est donc largement en dessous de ce qu'il faut faire. Parce que bien souvent, les jeunes qui sont les plus en précarité, qui galèrent, sont des jeunes qui ont eu un échec au niveau scolaire, qui sont sortis sans qualification. Donc, l'objectif, et c'est ce que la CFDT souhaite faire, c'est faire en sorte qu'on les accompagne ces jeunes, qu'on leur permette d'avoir une qualification, beaucoup plus de formation que ces 20 heures. Le Gouvernement nous dit - vous ne l'avez pas cité - qu'on a un nouveau droit au logement, pour avoir accès au logement.
Q- Oui, le Loca-Pass...
R- Cela fait sept ans que ça existe, donc ce n'est pas une nouveauté. Loca- Pass, c'est une forme d'assurance pour le loueur : si jamais vous ne payez pas votre loyer, il y a une assurance. Cela fait sept ans que ça existe ! Mais tout le monde sait qu'un jeune, quand il chercher un loyer, ce n'est pas le problème de l'assurance qui lui permet d'avoir un loyer, ce sont ses moyens pour payer. Et quand vous faites la queue pour louer, bien souvent c'est celui qui a le contrat le plus stable.
Q- Mais est-ce que vous ne croyez que un jeune en CDD a plus de possibilité pour louer, pour obtenir un prêt ? Ce n'est pas mieux...
R- Non, mais c'est ce que je vous dis. C'est pareil pour le jeune en contrat à durée indéterminée. Quand un jeune cherche un loyer, c'est le niveau de son salaire qui joue, sinon il faut que ses parents lui donnent une caution. Je connais des jeunes qui ont 30 ans, qui ont besoin de la caution de leurs parents. Donc, on voit bien que le problème n'est pas celui-là. Le vrai problème dans notre pays, c'est comment on aide tous ces jeunes qui sont en difficulté parce qu'ils ont une qualification insuffisante ou qui est pas adaptée au marché de l'emploi, comment on les aide pour les accompagner à l'emploi, plutôt que de créer un contrat précaire qui va aussi précariser ceux qui, aujourd'hui, ont accès à l'emploi.
Q- Mais pourquoi être contre avant même l'installation du CPE ? On devrait se poser la question suivante : premièrement, le CPE est-il efficace, et deux, créera-t-il des emplois qui n'auraient pas existé sans lui ? C'est ça la question.
R- Mais c'est l'économie qui va créer des emplois ce ne sont pas les contrats de travail. On en est au 35ème contrat jeune depuis vingt ans ! S'il suffisait de changer de contrat de travail pour régler le problème du chômage des jeunes, on le saurait ! Ce n'est pas parce qu'on fait un nouveau contrat de travail - et c'est le deuxième que fait le Premier ministre -, que l'on va régler le problème des jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire.
Q- Vous n'êtes pas descendus dans la rue contre les emplois jeunes, par exemple ?
R- Mais les emplois jeunes, on avait...
Q- Donc, cette grève et ces manifestations sont idéologiques aujourd'hui ? Oui ou non ?
R- Non, non, ce n'est pas idéologique. Le Premier ministre nous a dit, le 12 décembre, dans une réunion collective avec tous les syndicats, qu'on allait aborder ce problème de la précarité des jeunes. La CFDT a dit : "d'accord, essayons de trouver des solutions pour les jeunes qui sont en difficulté" par la formation, l'accompagnement, y compris avec la création éventuellement de types d'emplois adaptés, avec des contreparties. Le Premier ministre a décidé tout seul sur un système qui
est le plus flexible qui existe en Europe. J'entendais dire ce matin, y compris sur votre antenne, qu'il existe des choses dans d'autres pays ; on est le seul pays où il va y avoir une période d'essai de deux ans !
Q- Il paraît qu'en Espagne on réfléchit au même système.
R- En Espagne, on réfléchit mais on ne l'a pas fait. On ne l'a pas fait d'une part, mais cela se fait dans le dialogue, avec des contreparties. On parle tout le temps du système danois, par exemple : dans le système danois, en cas de licenciement, le chômeur a droit à quatre ans d'indemnités, il a un accompagnement fort, avec un service public de l'emploi beaucoup plus fort. Donc la démarche de la CFDT n'est pas de refuser qu'on évolue, vous savez très bien que la CFDT, est en capacité, quand c'est nécessaire, d'amener des solutions aux problèmes. Mais à condition qu'on amène des contreparties. Là, on amène un système hyper flexible, sans contrepartie, et c'est la raison pour laquelle on le refuse.
Q- On va prendre Thierry, chef d'entreprise, dans le Var, 44 ans.
R- Thierry : "Je voulais dire que je ne comprends pas ce qui se passe avec ce contrat "première embauche", c'est comme si tous les jeunes qui sortaient de l'école ou des études, on leur faisait un CDI. Je ne connais pas de chef d'entreprise, maintenant, qui fasse un CDI immédiatement à un jeune, c'est toujours un contrat saisonnier, un CDD. Il y a que McDo, pour ne pas les citer, qui fait des CDI, parce qu'ils ont du mal à recruter. Sinon, personne ne fait des CDI. Alors, est-ce que c'est plus précaire de travailler dans ce CPE ou au chômage ? Je ne sais pas. Moi, la précarité du chômage, elle me fait peur, et j'ai l'impression que tout le monde préférerait être au chômage que de travailler... Le premier boulot, le premier emploi, c'est le plus important. Une fois qu'on a mis le pied dans le monde du travail, après, ça aide, et après il faut évoluer. Mais je ne
comprends pas du tout cette levée de boucliers !
R- F. Chérèque : Mais on ne veut pas opposer le CPE au chômage, on veut opposer le CPE aux
autres types de contrats qui existent.
Q- Donc, vous dites que le CPE était inutile ?
R- On dit que le CPE, tel qu'il est proposé, n'est pas la solution, et que la solution qu'on veut, nous, la CFDT, qu'on a proposée au Premier ministre de construire, c'est d'amener des solutions en fonction de la situation des jeunes. L'auditeur dit que les jeunes ne sont jamais embauchés en CDI, mais je crois qu'il n'a pas non plus une vision réelle du marché de l'emploi. Il y a des jeunes qui sont embauchés en contrat à durée déterminée, il a raison. Mais à 25 ans - les statistiques sont données par le ministère du Travail -, 75 % des jeunes qui sont au travail sont en contrat à durée indéterminée, à 25 ans ! A 30 ans, c'est 90 % des jeunes. Donc, on a un problème avec 25 % des jeunes, c'est très clair. Donc, comment on amène des solutions à ces 25% ?
Q- Qui ne sont pas embauchés en CDI ces 25% ?
R- Non, ils sont embauchés souvent, et l'auditeur a raison, en CDD, en contrats saisonniers...
Q- En contrats précaires ?
R- Précaires, oui, vous avez raison. Donc comment on donne une solution à ce problème de la précarité dans un accompagnement à la formation, dans un accompagnement à l'emploi, pour qu'on ait des solutions individualisées plutôt que de donner un système qui va précariser les autres ? Nous avons aujourd'hui des jeunes qui ont un CAP parfois, un BEP, un BTS, un diplôme d'ingénieur, qui trouvent du travail en contrat à durée indéterminée, qui vont se retrouver en CPE, précaires...
Q- Est-ce que cela ne va pas inciter les chefs d'entreprise à embaucher ces jeunes en CPE ? Le chef d'entreprise se disant : je vais embaucher le jeune, je vais le former, et j'ai deux ans avant de prendre vraiment ma décision, comme ça il va voir si ce métier lui plaît ou pas, je vais voir moi s'il est efficace ou pas. Est-ce que cette souplesse n'est pas nécessaire aujourd'hui ?
R- Ce que je vous dis, c'est qu'on est vraiment dans la période d'essai de deux ans. Mais un jeune qui, actuellement, sort du système de formation avec un CAP, un BEP, qui a fait de l'apprentissage, un BTS ou un diplôme d'ingénieur, il a une période d'essai normale, on ne s'oppose pas aux périodes d'essai. Mais là, on le met dans une période d'essai de deux ans, avec un système très précaire. Regardez ce qu'est en train de faire le Gouvernement petit à petit : les moins de 26 ans ne comptent plus dans les effectifs du personnel dans le calcul des systèmes sociaux, représentation syndicale, droit à la formation et autre. Les jeunes de moins de 26 ans vont avoir deux ans de précarité parce qu'on pourra les licencier dans les deux ans, quel que soit le motif. On est en train d'avoir un système spécifique pour les jeunes, on ne leur fait plus confiance, on ne les compte plus dans les effectifs. Je pense que ce n'est pas ça la réponse qu'on attend. Par contre, L'auditeur nous dit qu'il y a des jeunes, on a besoin de... [inaud] puisqu'ils ne sont pas tout à fait formés. Mais à ce moment-là, il faut donner des réponses très précises sur l'alternance, sur l'apprentissage, sur la formation, sur tous ces jeunes qui n'ont pas un niveau de qualification ou qui ont une formation mal adaptée. C'est ça les réponses qu'on veut donner. Je ne vois pas pourquoi on précarise tout le monde, au prétexte de donner des réponses à une partie des jeunes.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 février 2006