Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur les Zones d'éducation prioritaires,notamment la notion "d'éducation continuelle", condition de la démocratisation de l'accès au savoir, Le Grand Quevilly le 5 juin 1998.

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Circonstance : Assises nationales des Zones d'éducation prioritaires, Le Grand Quevilly le 5 juin 1998

Texte intégral

Nous vous remercions d'avoir choisi l'agglomération rouennaise pour ces assises. L'Académie de Rouen est l'une des plus sensibles à la question des ZEP. En effet, plus de 26 % des collégiens sont scolarisés en ZEP contre un peu moins de 15 % au plan national, ce qui nous place en numéro 1. En ce qui concerne le nombre d'élèves de lycées et de lycées professionnels dans les ZEP, nous occupons les 3ème et 2ème rangs. Cela signifie que les difficultés économiques, la situation de l'emploi et le cumul des handicaps géographiques et sociaux ont abouti à ce que le niveau moyen de formation soit inférieur à la norme nationale. L'éducation et la formation sont d'autant plus l'enjeu de notre avenir et nous avons d'autant plus besoin de la solidarité nationale.
Faire de l'éducation et de la formation la priorité de la Haute-Normandie n'est pas un souhait abstrait. Pour assurer la prise en charge de 290 000 élèves, il faut des actes et des moyens. L'appui de tous est indispensable pour maintenir un réseau de classes satisfaisant, affecter le nombre des enseignants nécessaires et poursuivre l'équipement universitaire et de recherche. Je salue la décision annoncée par le Président du Conseil régional de prendre en charge la gratuité progressive sur trois ans de tous les livres scolaires pour tous les lycéens ainsi que sa détermination à investir dans lycées et les technologies nouvelles.
Le métier d'enseignant est difficile. La société ne le reconnaît pas toujours suffisamment. Ce qui est réalisé dans les ZEP témoigne de la grande qualité des enseignants et de tous les personnels de l'éducation. Certes, notre école a besoin d'évoluer pour s'adapter aux évolutions technologiques et sociales mais elle est une des plus performantes. Nos instituteurs et nos professeurs sont parmi les meilleurs du monde.
La politique des ZEP a plus de seize ans. Nous pouvons affirmer qu'elle a été dans l'ensemble positive dans la mesure où elle a évité une dégradation des situations et les a souvent améliorées. Refus de tout fatalisme en application duquel les difficultés des familles conduiraient inévitablement les enfants à l'échec scolaire ; croyance en la vertu de l'école républicaine pourvu qu'on lui donne les ressources pour trouver des solutions ; méthodes nouvelles pour gérer l'Education nationale en donnant davantage de moyens à ceux qui ont davantage de besoins, en adaptant les démarches pédagogiques, en confortant l'action scolaire par des actions complémentaires, en développant des partenariats, en coordonnant les actions dans des projets d'ensemble : toutes ces orientations ont amorcé un souffle nouveau au bénéfice de dizaines de milliers de jeunes. C'est ce souffle qu'il convient d'amplifier.
Il faudra éviter le risque de stigmatisation qui guette souvent les ZEP. Les travaux de ces assises montrent qu'il conviendra de réexaminer la carte des implantations, réduire la taille de certaines zones, poursuivre leur mise en réseau, faciliter la formation et l'action des enseignants. Le gouvernement a le souci de trouver des réponses à ces questions. L'Assemblée nationale veillera à ce que ce volet de la politique scolaire soit une priorité.
Parmi les facteurs dont dépend l'avenir de notre société, l'éducation est le premier et celui qui conditionne tous les autres. Si d'autres facteurs ne dépendent pas de nous, celui-là en dépend entièrement. L'éducation est la clé de la liberté et de la responsabilité individuelles et la clé du développement collectif. Nous possédons en ce domaine une tradition forte qui fait de la France une référence. Agissons donc pour préserver cet atout, le consolider et le développer.
Au-delà de l'aspect scolaire de l'éducation des jeunes, il me paraît indispensable que soient réunies toutes les conditions d'une bonne scolarisation. Nous constatons que certains enfants vivent de telles difficultés qu'ils ne sont pas en situation d'étudier normalement. L'école joue un rôle central mais elle doit être confortée par d'autres institutions. Pour consolider l'action des enseignants, les pistes d'actions suivantes me paraissent importantes.
o faire de notre école une école de la réussite pour tous
Il convient de permettre aux ZEP, en liaison avec leurs partenaires de quartiers, de remplir leur mission et de contribuer à ce que notre dispositif scolaire devienne vraiment une école de la réussite pour tous. L'accompagnement scolaire, le partenariat associatif, le rôle des collectivités locales constituent des réponses à développer.
o aider les familles à soutenir la scolarité des enfants
Chacun reconnaît que l'implication des familles dans le projet scolaire et leur information sont des orientations qu'il faut prolonger.
o mettre en oeuvre une politique globale de l'enfance
Cette politique doit assurer la cohérence des différents intervenants avec le souci premier d'éducation. En présentant le rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant, j'ai formulé des propositions qui visent à mieux écouter les enfants et à les mettre en situation d'être des acteurs de leurs droits : meilleur suivi de ceux qui ne fréquentent jamais l'école, multiplication des possibilités d'écoute, création d'un Médiateur national des enfants, etc.
o mettre en place une " éducation continuelle "
L'éducation continuelle doit permettre à chacun d'avoir accès à tous les savoirs, à tout moment, en utilisant tous les moyens que permet le progrès. Cette éducation, dont les établissements scolaires devraient être les centres de ressources, est la condition d'une réelle démocratisation de l'accès au savoir.
Conjuguer l'action sociale et l'action scolaire est le fondement même des ZEP. C'est la direction dans laquelle il faut continuer à engager le système éducatif parce que c'est la voie qui permettra de lutter contre la plus grave des inégalités, celle du savoir. L'objectif doit être que chaque jeune puisse bénéficier d'une formation solide et ouverte. C'est un magnifique projet de société. Ce ne sera possible que si l'éducation est et demeure la priorité des priorités. Je vous remercie de ce que vous accomplissez dans ce sens pour faire vivre cet idéal d'égalité, de liberté et de progrès.
(source http://www.education.gouv.fr, le 4 mars 2002)