Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur le soutien de la France à l'aboutissement de la transition démocratique et à la reconstruction du Liberia, ainsi qu'à la relance de la coopération bilatérale, Paris le 8 mars 2006.

Prononcé le

Circonstance : Visite en France de Ellen Johnson-Sirleaf du 7 au 10 mars 2006 : toast de Philippe Douste-Blazy en son honneur le 8

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Permettez-moi de vous dire le plaisir et surtout l'honneur qui est le nôtre de vous recevoir ce soir Madame la Présidente, au Quai d'Orsay.
En cette journée particulière où nous célébrons la femme, nous avons la chance et le privilège d'honorer d'abord un pays qui fut la première République indépendante du continent africain, dès 1847.
Nous honorons aussi la première femme à être élue chef d'Etat sur le continent africain, dans le respect des principes démocratiques auxquels nous tenons tant.
Nous honorons enfin la réussite d'un modèle. Votre élection est en effet doublement historique, car elle marque la fin d'une guerre qui a trop longtemps ravagé votre pays. Elle confirme surtout la capacité d'un pays africain à sortir de la guerre civile, dès lors qu'existent à la fois la détermination des principaux responsables politiques, l'implication résolue de la communauté africaine, et la mobilisation des partenaires internationaux.
Signataire du Traité de Versailles en 1919, membre fondateur des Nations unies et de l'OUA, le Liberia a été sans conteste le pionnier politique et l'emblème diplomatique du continent africain dans les années 1960 et 1970. Aujourd'hui, il est à nouveau un modèle, parce qu'une perspective de paix et de progrès s'ouvre à lui. C'est un facteur d'encouragement pour tous les autres processus en cours sur le continent, et en particulier bien sûr, nous y pensons tous, dans la sous-région.
L'accueil, Madame la Présidente, que je qualifierai d'impressionnant que vous ont réservé vos pairs africains lors du dernier Sommet Afrique-France à Bamako, témoigne de l'admiration personnelle portée à un exemple de détermination, de compétence, et d'espoir que vous représentez aujourd'hui.
Détermination et pragmatisme d'abord.
Vous n'avez jamais cessé de dénoncer les maux qui ont miné votre pays et qui furent les ferments de la guerre civile. Mais vous n'hésitez pas aujourd'hui pour autant à tendre la main à vos adversaires d'hier, afin de vous entourer d'une équipe brillante et compétente, et surtout de favoriser en priorité la réconciliation nationale, indispensable à la stabilité et au développement de votre pays.
Vous avez déjà commencé de mettre en oeuvre le programme de lutte contre la corruption que vous aviez annoncé, et vous vous appropriez pleinement le programme de bonne gouvernance proposé par les bailleurs de fonds et souhaité par les investisseurs potentiels.
Compétence aussi.
Vous êtes une économiste de renom, diplômée d'universités prestigieuses.
Vous avez exercé de hautes fonctions au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale, au PNUD, à la Commission économique pour l'Afrique de l'ONU, et au sein de plusieurs banques privées internationales. Mais vous n'ignorez rien de la gestion des finances de votre propre pays, après y avoir été assistante du ministre des Finances dès 1964, vice-ministre de 1977 à 1980 et enfin ministre des Finances de 1980 à 1985.
Espoir, enfin.
Pour un peuple qui aspire à connaître la paix et la prospérité. Pour un pays qui dispose d'un potentiel considérable, de nature à lui assurer un réel décollage économique. Pour une jeunesse lasse de la violence, qui voit en vous celle qui incarne le changement, celle surtout qui propose une autre perspective que l'émigration vers l'Occident ou l'enrôlement dans les bandes armées ou encore dans les milices. Pour les femmes africaines, que nous fêtons toutes ici aujourd'hui, et que je salue à nouveau, qui prennent résolument en main le destin de leur peuple, de leur pays, et de leur continent, parce que c'est, d'abord et avant tout, celui de leurs enfants.
Je conclurai, Madame la Présidente, en vous disant qu'aujourd'hui, plus que jamais, le continent africain est une priorité de l'action extérieure de la France, comme le répète inlassablement le président de la République, M. Jacques Chirac.
Mais nous entendons surtout passer définitivement d'une approche compassionnelle à une approche fondée sur l'intérêt mutuel. Nous devons mesurer également que, sur ce continent plus qu'ailleurs, stabilité et développement sont indissociables. Il n'y aura pas de paix définitive sans perspectives concrètes de croissance, ni de développement sans sécurité et stabilité. Nous devons enfin nous attacher à proposer des perspectives constructives à une jeunesse qui représente aujourd'hui plus des deux tiers de la population du continent.
Pour toutes ces raisons, vous pouvez compter sur la détermination de la France à poursuivre son appui à une action et à un pays emblématiques.
Pendant votre séjour, vous rencontrerez les principaux représentants du secteur privé français. Beaucoup sont présents ici ce soir et je les en remercie. Leur savoir-faire, leur connaissance approfondie du continent africain, leur souci de participer au développement de pays qui sont nos amis, ne sont plus à démontrer.
Leur rôle est essentiel car l'aide seule ne suffira jamais à assurer le développement définitif et autonome d'un pays. Francophone avertie, vous souhaitez développer l'enseignement du français. Dès cette année, nous améliorerons les conditions d'enseignement au sein de l'Alliance française de Monrovia mais surtout, Madame la Présidente, nous sommes prêts à approfondir notre coopération de façon plus générale. La France s'attache à faire progresser l'usage du français en Afrique.
Pour répondre à cette demande, un plan de formation pour les professeurs de français et les formateurs est en train d'être mis en place. Au-delà, je voudrais vous inviter à rejoindre la grande famille de la Francophonie.
Les 53 Etats et gouvernements membres et les dix observateurs seraient, je n'en doute pas, très heureux de vous compter parmi nous. Votre expérience sera un précieux renfort dans le cadre des objectifs politiques de la grande famille francophone que sont l'enracinement de la démocratie, la promotion de la diversité culturelle et le développement durable et solidaire.
Madame la Présidente, vous êtes aujourd'hui le premier artisan de la renaissance du Liberia.
C'est à vous qu'il revient d'engager ce pays prometteur sur le retour définitif à la paix, à la croissance, et à la réconciliation nationale. Votre réussite, et celle du peuple libérien, dont je ne doute pas, seront un exemple, j'ai envie de dire un atout essentiel pour l'Afrique de l'Ouest et pour le continent africain tout entier. Elles seront surtout un formidable démenti à tous ceux, dont je ne suis pas, qui trop souvent prédisent avec lassitude et, oui, je vais le dire, avec cynisme que les crises africaines n'ont vocation qu'à s'étendre ou s'enliser.
Madame la Présidente, je lève mon verre à votre santé, à celle de votre délégation, à votre pays, et à tous vos amis ici présents.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 2006