Texte intégral
Q - Premier sujet sur la scène internationale : l'Agence internationale de l'énergie atomique a transmis au Conseil de sécurité de l'ONU, le rapport qui indique que l'Iran a repris ses activités d'enrichissement d'uranium. C'est exactement ce que l'AIEA lui demandait de ne pas faire. Les Américains considèrent que le Conseil de sécurité doit aller vers des sanctions. Quelle est la position de la France ?
R - Notre objectif est politique, pas du tout punitif. De quoi s'agit-il ? Les Iraniens sont revenus, unilatéralement, sur ce qu'ils nous avaient dit : ce sont les Accords de Paris, de novembre 2004. Et, aujourd'hui, le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique, M. El Baradeï, dit à l'Iran : "premièrement, vous n'avez pas suivi nos exigences : c'est-à-dire vous n'avez pas suspendu, en particulier, les activités d'enrichissement d'uranium. Et, d'autre part, vous ne coopérez pas suffisamment avec nous". J'ai rencontré M. Laridjani, avec mon collègue, le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Steinmeier, et le représentant britannique.
Q - Quelle impression vous a-t-il faite ?
R ? M. Laridjani est le négociateur pour les Iraniens. Nous l'avons rencontré à Vienne, il y a quelques jours. Nous lui avons fait des propositions. La main est tendue, des négociations sont possibles. En particulier, l'Iran a droit, comme tout pays, à l'activité nucléaire civile, à des fins pacifiques, mais il n'a pas accepté l'idée d'arrêter les activités d'enrichissement, en particulier, pour des activités de recherche et de développement.
Q - Alors, que fait-on ? Que décide-t-on ? Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est, je crois, importante, dans ce dossier, parce que nous sommes au rendez-vous de deux mots : l'unité et la fermeté. L'unité, parce que, si nous marchons avec les Européens, et avec d'autres pays comme les Américains, il faut aussi qu'il y ait les Russes et les Chinois.
Q - Il y a peu de chances qu'ils suivent ?
R - Eh bien, justement, depuis quelques jours, les Russes et les Chinois ont accepté, grâce à notre activité diplomatique, l'idée que M. El Baradeï fasse un rapport au Conseil de sécurité. Autrement dit, ce n'est pas l'Agence qui est dessaisie : c'est tout simplement le Conseil de sécurité qui va apporter son autorité politique à M. El Baradeï et à l'Agence.
Donc, le travail de la France est de pouvoir avancer avec fermeté, en disant "non" aux Iraniens, sur les activités d'enrichissement. "Oui" pour les activités nucléaires civiles, à des fins pacifiques. Que l'Iran réponde vite, qu'elle retrouve la raison, qu'elle réponde à l'Agence !
Q - Vite, c'est-à-dire qu'on donne un délai ?
R - Dès l'instant où c'est au Conseil de sécurité, il faut aller vite. Il faut que l'Iran puisse comprendre, aujourd'hui, qu'elle n'a pas le choix. Elle a droit au nucléaire civil, elle n'a pas droit à autre chose. Et je me permets de dire que, surtout, M. El Baradeï se pose la question, dans son rapport, sur la nature même du programme nucléaire iranien. Et c'est à l'Iran de prouver que c'est à des fins pacifiques.
Q - Tout autre sujet. Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, affirmait, hier, dans "Le Figaro", que les liens entre Paris et Abidjan doivent nécessairement changer. Le suivez-vous, là-dessus ?
R - Mais c'est la relation France-Afrique, par définition, qui est évidemment appelée à changer. Pourquoi ? Parce que l'Afrique change ! Parce que vous avez deux tiers de la population qui ont moins de 20 ans, aujourd'hui, en Afrique. Parce qu'il y a de nouveaux enjeux.
Q - Oui, mais là, c'est un peu spécifique. Le président ivoirien dit que l'armée française est devenue très impopulaire, dans son pays. Qu'il faut garder la coopération mais la rénover.
R - Nous avons eu 10 militaires qui ont été tués, en effet. L'armée française a riposté : tout a été dit, là-dessus. Je pense qu'elle devait le faire. Sur ce sujet, la France doit faire, en Afrique, ce qu'elle fait partout dans le monde, au rendez-vous de grands principes : le principe démocratique ; oui, il doit y avoir des élections dans les pays, y compris en Afrique. Oui, on doit respecter ce qui sort des urnes. La France a ces principes. Et l'intégrité des frontières, la stabilité régionale : la France doit faire cela en Afrique comme elle le fait, en effet, ailleurs.
Q - La Libye. Plus exactement, les infirmières bulgares et le médecin palestinien qui sont accusés d'avoir contaminé des enfants, et qui sont emprisonnés à Benghazi. Vous avez fait en sorte que soient accueillis, en France, les enfants malades en question. Quelle est la suite ? Comment peut s'enclencher la libération de ceux qui sont emprisonnés ?
R - C'est une affaire très douloureuse, puisque cela fait bientôt 7 ans que 5 infirmières bulgares, 1 médecin palestinien sont en prison pour une affaire de contamination, par des aiguilles, du virus du sida, auprès de 400 enfants.
Je crois que, là, il y a, d'une part, un problème humanitaire pour les enfants. Donc, nous faisons tout pour former des médecins, des infirmières, des gens de laboratoire, à l'hôpital de Benghazi. C'est la France qui le fait.
Egalement, pour les enfants, les malades les plus graves : oui, j'ai accepté l'idée qu'ils puissent être soignés, en France, grâce au professeur Courpotin et à d'autres - je les remercie pour cela - avec des fonds européens. M. Louis Michel, le commissaire européen, a accepté de prendre en charge tout cela, ce n'est pas l'assurance-maladie française, obligatoirement. Mais c'est la France qui le fait.
Mais je dis aux Libyens : il faut aussi que vous puissiez faire en sorte que la Cour suprême, à un moment donné ? elle est, évidemment, autonome : ce n'est pas à la France de dire à la justice libyenne ce qu'il faut faire - qu'on puisse sortir ces infirmières. J'ai eu l'occasion de les rencontrer. J'ai été le premier ministre des Affaires étrangères à les rencontrer, récemment, en Libye. Il faut que ces infirmières sortent assez vite de prison.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mars 2006
R - Notre objectif est politique, pas du tout punitif. De quoi s'agit-il ? Les Iraniens sont revenus, unilatéralement, sur ce qu'ils nous avaient dit : ce sont les Accords de Paris, de novembre 2004. Et, aujourd'hui, le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique, M. El Baradeï, dit à l'Iran : "premièrement, vous n'avez pas suivi nos exigences : c'est-à-dire vous n'avez pas suspendu, en particulier, les activités d'enrichissement d'uranium. Et, d'autre part, vous ne coopérez pas suffisamment avec nous". J'ai rencontré M. Laridjani, avec mon collègue, le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Steinmeier, et le représentant britannique.
Q - Quelle impression vous a-t-il faite ?
R ? M. Laridjani est le négociateur pour les Iraniens. Nous l'avons rencontré à Vienne, il y a quelques jours. Nous lui avons fait des propositions. La main est tendue, des négociations sont possibles. En particulier, l'Iran a droit, comme tout pays, à l'activité nucléaire civile, à des fins pacifiques, mais il n'a pas accepté l'idée d'arrêter les activités d'enrichissement, en particulier, pour des activités de recherche et de développement.
Q - Alors, que fait-on ? Que décide-t-on ? Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est, je crois, importante, dans ce dossier, parce que nous sommes au rendez-vous de deux mots : l'unité et la fermeté. L'unité, parce que, si nous marchons avec les Européens, et avec d'autres pays comme les Américains, il faut aussi qu'il y ait les Russes et les Chinois.
Q - Il y a peu de chances qu'ils suivent ?
R - Eh bien, justement, depuis quelques jours, les Russes et les Chinois ont accepté, grâce à notre activité diplomatique, l'idée que M. El Baradeï fasse un rapport au Conseil de sécurité. Autrement dit, ce n'est pas l'Agence qui est dessaisie : c'est tout simplement le Conseil de sécurité qui va apporter son autorité politique à M. El Baradeï et à l'Agence.
Donc, le travail de la France est de pouvoir avancer avec fermeté, en disant "non" aux Iraniens, sur les activités d'enrichissement. "Oui" pour les activités nucléaires civiles, à des fins pacifiques. Que l'Iran réponde vite, qu'elle retrouve la raison, qu'elle réponde à l'Agence !
Q - Vite, c'est-à-dire qu'on donne un délai ?
R - Dès l'instant où c'est au Conseil de sécurité, il faut aller vite. Il faut que l'Iran puisse comprendre, aujourd'hui, qu'elle n'a pas le choix. Elle a droit au nucléaire civil, elle n'a pas droit à autre chose. Et je me permets de dire que, surtout, M. El Baradeï se pose la question, dans son rapport, sur la nature même du programme nucléaire iranien. Et c'est à l'Iran de prouver que c'est à des fins pacifiques.
Q - Tout autre sujet. Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, affirmait, hier, dans "Le Figaro", que les liens entre Paris et Abidjan doivent nécessairement changer. Le suivez-vous, là-dessus ?
R - Mais c'est la relation France-Afrique, par définition, qui est évidemment appelée à changer. Pourquoi ? Parce que l'Afrique change ! Parce que vous avez deux tiers de la population qui ont moins de 20 ans, aujourd'hui, en Afrique. Parce qu'il y a de nouveaux enjeux.
Q - Oui, mais là, c'est un peu spécifique. Le président ivoirien dit que l'armée française est devenue très impopulaire, dans son pays. Qu'il faut garder la coopération mais la rénover.
R - Nous avons eu 10 militaires qui ont été tués, en effet. L'armée française a riposté : tout a été dit, là-dessus. Je pense qu'elle devait le faire. Sur ce sujet, la France doit faire, en Afrique, ce qu'elle fait partout dans le monde, au rendez-vous de grands principes : le principe démocratique ; oui, il doit y avoir des élections dans les pays, y compris en Afrique. Oui, on doit respecter ce qui sort des urnes. La France a ces principes. Et l'intégrité des frontières, la stabilité régionale : la France doit faire cela en Afrique comme elle le fait, en effet, ailleurs.
Q - La Libye. Plus exactement, les infirmières bulgares et le médecin palestinien qui sont accusés d'avoir contaminé des enfants, et qui sont emprisonnés à Benghazi. Vous avez fait en sorte que soient accueillis, en France, les enfants malades en question. Quelle est la suite ? Comment peut s'enclencher la libération de ceux qui sont emprisonnés ?
R - C'est une affaire très douloureuse, puisque cela fait bientôt 7 ans que 5 infirmières bulgares, 1 médecin palestinien sont en prison pour une affaire de contamination, par des aiguilles, du virus du sida, auprès de 400 enfants.
Je crois que, là, il y a, d'une part, un problème humanitaire pour les enfants. Donc, nous faisons tout pour former des médecins, des infirmières, des gens de laboratoire, à l'hôpital de Benghazi. C'est la France qui le fait.
Egalement, pour les enfants, les malades les plus graves : oui, j'ai accepté l'idée qu'ils puissent être soignés, en France, grâce au professeur Courpotin et à d'autres - je les remercie pour cela - avec des fonds européens. M. Louis Michel, le commissaire européen, a accepté de prendre en charge tout cela, ce n'est pas l'assurance-maladie française, obligatoirement. Mais c'est la France qui le fait.
Mais je dis aux Libyens : il faut aussi que vous puissiez faire en sorte que la Cour suprême, à un moment donné ? elle est, évidemment, autonome : ce n'est pas à la France de dire à la justice libyenne ce qu'il faut faire - qu'on puisse sortir ces infirmières. J'ai eu l'occasion de les rencontrer. J'ai été le premier ministre des Affaires étrangères à les rencontrer, récemment, en Libye. Il faut que ces infirmières sortent assez vite de prison.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mars 2006