Texte intégral
J.-J. Bourdin - Notre invité ce matin J.-L. Borloo, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale. Bonjour. Merci d'être venu nous voir.
J.-L. Borloo : Et du Logement.
J.-J. Bourdin - C'est vrai on va parler du logement. Oui parce que là aussi, souci pour beaucoup pour se loger. On va en parler. Vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC ?
J.-L. Borloo : Oui, j'aimerais bien. Vous savez qu'on a lancé il y a 15 jours un grand plan de services à la personne : tous les métiers à la maison, au domicile, pour la grand-mère, pour garder les petits...
J.-J. Bourdin - Le chèque emploi service universel...
J.-L. Borloo : Le chèque emploi service universel. Alors on a fait un sondage : 80 % des Français disent qu'ils ont bien reçu l'information et qu'ils savent de quoi ça parle. 93 % disent "bravo, allons-y". Et en fait, vous savez que votre entreprise, votre patron peut l'abonder comme un ticket restaurant, comme un chèque restaurant et que c'est déductible des impôts. Bref. Je voudrais savoir s'il y a des auditeurs de RMC qui ont déjà été contactés par leur patron pour leur proposer le chèque emploi service universel ou est-ce que vous êtes allés frapper à sa porte pour lui demander ? Je pense notamment aux femmes parce qu'à RMC tout à l'heure, j'avais la petite là quand on est arrivé, je lui ai demandé si ça avait été mis en place ici. Et elle dit : oh j'aimerais bien. Je lui ai dit : eh bien allez voir le patron". Voilà la question.
J.-J. Bourdin - Le message est lancé.
J.-L. Borloo : J'aimerais bien qu'on réponde aussi dans le milieu de la presse parce que j'avais observé, jamais je n'avais vu un sujet où les articles étaient aussi bien faits. Alors du coup, j'ai regardé qui faisait les articles dans la presse et c'était toujours des femmes. Alors j'ai compris parce que c'est surtout les femmes que ça intéresse. Donc qui dans la presse l'a déjà mis en place ?
J.-J. Bourdin - C'est une bonne question, 32 16, vous répondez. Peut-on inciter les patrons à mettre en place ? Comment les inciter ?
J.-L. Borloo : Eh bien, bonjour voilà dans l'année qui vient, j'aimerais bien que soit mis en place, comme le chèque restaurant, le chèque emploi service universel. Parce que ça simplifie ma vie, parce qu'évidemment ça rend plus performant dans l'entreprise. Parce que vous savez que vous passez 20 % de votre temps quand vous êtes au boulot à penser à autre chose et à vous occuper des affaires de la maisonnée au sens large. [Ce sont] les femmes surtout qui continuent à assumer tout ça. Donc ce n'est pas très performant. C'est pour cela que plus de la moitié des salariés canadiens sont couverts par un chèque emploi service universel, presque autant d'ailleurs les Américains, plus encore les Finlandais parce que c'est de la performance. Alors comme en plus pour le chef d'entreprise, cela lui coûte trois fois moins cher - un euro [en CESU] coûte trois fois moins cher qu'un euro donné en augmentation de salaire à cause de la mécanique mise en place - c'est donc vraiment très incitatif.
J.-J. Bourdin - Bien. J.-L. Borloo, qui a toujours son franc parler, direct, va répondre à toutes vos questions. On va parler de l'emploi évidemment. Mais deux mots d'actualité même si ce n'est pas ce qui passionne les Français. Il y a des primaires à l'UMP, à Paris. Vous suivez ça de près je suis sûr.
J.-L. Borloo : De près non, mais bon voilà, il y avait quatre...
J.-J. Bourdin - Pas de langue de bois.
J.-L. Borloo : Non, pas de langue de bois. Vous savez, langue de bois sur RMC, ce n'est pas dire ce que J.-J. Bourdin a envie d'entendre. Il y a des primaires, F. de Panafieu est candidate...
J.-J. Bourdin - Mais est-ce qu'un jour la mairie de Paris pourrait vous intéresser ? Franchement ?
J.-L. Borloo : Vous parlez de la mairie de Valenciennes ? Je n'ai pas bien entendu ?
J.-J. Bourdin - Je parle de la mairie de Paris.
J.-L. Borloo : Paris Nord ?
J.-J. Bourdin - Non, Paris.
J.-L. Borloo : Ecoutez c'est une magnifique ville mais si ça avait été le cas, je me serais présenté aux primaires.
J.-J. Bourdin - Donc c'est jamais ?
J.-L. Borloo : Non.
J.-J. Bourdin - Jamais non ? Vous dites "jamais" ? Vous vous engagez ?
J.-L. Borloo : Non sincèrement. Je me serais impliqué. Je ne peux pas tout faire sincèrement. Là, j'ai un boulot de dingue. On va peut-être parler de la journée de l'emploi.
J.-J. Bourdin - Oui, on va parler de la présidentielle ?
J.-L. Borloo : Ca y est ça le reprend. Et une bonne grippe, jamais ?
J.-J. Bourdin - La présidentielle, jamais ?
J.-L. Borloo : Et tromper ma femme je vous jure, jamais. Et alors France Inter, jamais ?
J.-J. Bourdin - Jamais.
J.-L. Borloo : Europe 1 ?
J.-J. Bourdin - Jamais.
J.-L. Borloo : Et RMC ?
J.-J. Bourdin - Toujours. Non jamais la présidence de la République ?
J.-L. Borloo : Enfin ne soyez pas ridicule.
J.-J. Bourdin - Vous y pensez ou pas ?
J.-L. Borloo : Mais vous êtes malade, je suis venu parler d'emploi et de logement.
J.-J. Bourdin - Vous ne voulez pas répondre. Cela cache quelque chose.
J.-L. Borloo : Ben oui. Tu parles !
J.-J. Bourdin - Alors tiens ! Parlons d'emploi. Cette baisse là ?
J.-L. Borloo : Non, c'est une hausse du chômage, là. Baisse de l'optimisme on va dire.
J.-J. Bourdin - A propos d'optimisme, je regardais les patrons de TPE - les Toutes Petites Entreprises. 74 % sont pessimistes.
J.-L. Borloo : Oui mais ils étaient combien, le mois dernier ?
J.-J. Bourdin - Je ne sais pas.
J.-L. Borloo : Vous savez qu'en matière de sondage ou de statistiques, ce qui est intéressant c'est les séries. Alors si on parle de l'emploi deux secondes... On a eu 9 mois - donc c'est une tendance lourde - après près de trois ans de montée et d'augmentation du chômage. On se demandait où on allait quand même franchement. Il y a eu une inversion de tendance au début de l'année dernière, en février/mars et on a eu 9 mois consécutifs de baisse dans à peu près toutes les catégories. Et puis là, ce mois-ci, le chiffre c'est une augmentation de 16.000. Alors c'est un mois, c'est très difficile de tirer des leçons sur un mois. Moi je pense qu'il faut un trimestre pour se faire une véritable opinion. Mais vous savez, quand les chiffres tombent le 27 ou le 28 et que le chiffre est bon, je suis de meilleure humeur que quand il n'est pas bon évidemment. Alors ce qui est assez encourageant néanmoins, c'est que les apprentis augmentent. Vous savez qu'on s'était fixé un cap vers 400 000. On est à 385.000. Les contrats de professionnalisation augmentent. Le chômage des jeunes augmente également.
J.-J. Bourdin - Il n'augmente pas.
J.-L. Borloo : Il baisse, pardon. On a beaucoup d'inscriptions à l'ANPE dans les zones urbaines sensibles. On a recruté beaucoup dans les Missions locales pour aller chercher les jeunes pour leur proposer des CIVIS qui sont des contrats pour les aider à aller vers les ANPE. Là, on a plus 26.000. Cela peut être une partie de l'explication mais enfin sur de telles masses, c'est une explication mineure.
J.-J. Bourdin - Le problème, c'est qu'on ne crée pas d'emplois.
J.-L. Borloo : Si. On en a créés l'année dernière : 70.000 les six derniers mois, notamment dans les services à la personne, notamment dans le logement, dans la construction - on va en parler j'imagine : 45 à 50.000. Dans la grosse industrie, c'est clair qu'on n'est pas créateur net d'emploi. Comme tous les grands pays européens, on est plutôt dans la destruction. Enfin, destruction...
J.-J. Bourdin - Si je vous écoute, tout va bien.
J.-L. Borloo : 9 mois de baisse consécutive, cher monsieur, il y a six ans que ce n'était pas arrivé. Vous savez dans ces matières là, c'est les grosses tendances qui sont importantes. Les 14 derniers mois de L. Jospin, contrairement au souvenir qu'on en a, le chômage n'avait cessé d'augmenter. Vous savez sur ces sujets-là, les effets sont toujours différés par rapport aux décisions que vous prenez. Et, probablement à l'époque, la généralisation à un moment donné des 35 heures a probablement eu un effet négatif, même si cela a sauvé quelques grands groupes automobiles ou du moins aidé dans ce secteur là. Et puis on a cessé d'augmenter pendant deux ans et demi ou trois ans. Et là, 9 mois de baisse. Là, on a une rechute. Je pense qu'un mois ou deux mois de rechute, franchement, compte tenu des bons fondamentaux qu'on a, ce n'est pas dramatique. Si cela durait trois, quatre mois, ce serait évidemment un autre sujet. Mais je ne le crois sincèrement pas.
J.-J. Bourdin - Je posais la question aux auditeurs de RMC ce matin... Vous vous retrouvez sans boulot, vers qui vous dirigez-vous ? Vers l'ANPE ou vers une société d'intérim ? La grande majorité c'est, vers une société d'intérim. C'est normal ou pas ça ? C'est sain ou pas ?
J.-L. Borloo : C'est très sain. L'ANPE, c'est de l'échange instantané d'information, c'est de la prévision de besoin, c'est d'aller dans les entreprises pour leur dire qu'elles ont des personnes. Et si la question posée c'est pour aller chercher un boulot tout de suite, immédiatement, on vous répond l'intérim me parait pas en soi instinctivement surprenant. Encore qu'à l'évidence, la bonne solution c'est l'ANPE. C'est d'ailleurs pour ça qu'au lieu d'être reçu une fois par an comme c'était le cas, deux fois ce qui fait en fait une fois pendant l'année, maintenant c'est tous les mois, avec le même référent, la même personne de l'ANPE. L'ANPE est une entreprise en pleine mutation, qui aujourd'hui est dans la gestion des ressources humaines. Elle est moins dans la gestion administrative des dossiers. Il y a eu des recrutements.
J.-J. Bourdin - Certains agents de l'ANPE nous disent : une fois par mois c'est très bien, l'idée est bonne mais on a rien à leur proposer.
J.-L. Borloo : Mais attendez ! Bâtir le bilan de compétences, mettre en contact avec les entreprises, suivre les personnes, définir leur profil de formation... Enfin on a 400.000 emplois à fournir quand même. On peut toujours tout dénigrer. Si à l'inverse, l'idée c'est : et si on ne les recevait pas. Enfin soyons sérieux !
J.-J. Bourdin - On va parler du CPE évidemment et du CNE. Mais sur le logement donc, vous aviez des annonces à nous faire.
J.-L. Borloo : On a les chiffres de la construction des 12 derniers mois. Eh bien ce sont les meilleurs depuis 27 ans. Je vais vous donner les chiffres du mois : 35.291 mises en chantier ce mois ci.
J.-J. Bourdin - Mois de février ou janvier ?
J.-L. Borloo : Janvier 2006. Ce qui porte sur les 12 derniers mois à 411.201. Il faut remonter à 27 ans. Le pari, quand je suis arrivé au ministère du Logement, devant cette crise terrible, c'était de doubler dans un premier temps le logement social. C'est fait. L'objectif annoncé est de le tripler dans les trois ans. Et doubler la construction de logements. On était à 270.000. L'objectif c'est de passer à, j'avais dit 400.000 dans un premier temps, puis 450.000. On est en route.
J.-J. Bourdin - Bien. Ca va résoudre une partie des problèmes rencontrés notamment par les jeunes qui ne trouvent pas à se loger, vous le savez. Dans les grandes villes notamment.
J.-L. Borloo : Quand on a passé ces 10 ans à oublier ce sujet là et à rentrer dans une telle crise, quand, année après année, on a construit 150.000 logements de moins que nécessaire, la crise elle ne se résorbe pas en 15 jours. Alors les chiffres d'aujourd'hui ils auront des impacts réels dans deux ans. Depuis et d'ici là, on a signé hier également pour les jeunes un accord avec les grandes fédérations pour le Locapass, c'est-à-dire permettre à tous les jeunes, qu'ils soient en CDI ou en CPE, d'avoir la garantie, vous savez l'avance loyer et la garantie grâce au Locapass. On a signé ça avec les grandes fédérations hier. Donc tout jeune qui bénéficie d'un contrat de travail CPE ou CDI, a droit au Locapass. Qu'il contacte le ministère du Logement et il aura la garantie de loyer et il n'aura plus à faire l'avance.
J.-J. Bourdin - Bien. Vous appelez au ministère du Logement, c'est tout simple. Enfin c'est tout simple. Si c'est simple.
J.-L. Borloo : Par Internet c'est plus simple.
J.-J. Bourdin - Il est 8 heures 46. On va parler du CPE et puis j'ai plein de questions, Coralie, Axel, Bernard, Jean-Pierre sont là pour vous interroger. On va parler du CPE et du CNE dans un instant.
[08h49 - Deuxième et dernière partie]
J.-J. Bourdin : J.-L. Borloo est notre invité ce matin. On va parler du CPE, ce fameux CPE. Je voudrais que nous prenions Coralie, 19 ans, étudiante... Coralie : [Etudiante] en langues étrangères appliquées, anglais et espagnol, en deuxième année, à Bordeaux... Je viens d'arriver, je suis sur le parking de ma faculté et des étudiants nous bloquent toutes les entrées des bâtiments avec des tables. On ne peut accéder aux bâtiments pour aller en cours, pour protester contre le CPE. Donc ils nous prennent en otages alors que c'est une minorité apparemment qui embête une majorité. Je voulais savoir ce que monsieur le ministre pensait de cette mobilisation nationale étudiante contre le CPE ?
J.-L. Borloo : Ecoutez-moi, je comprends. D'abord la liberté de manifester elle est totale dans ce pays. La liberté de blocage un peu moins. Je pense qu'entre étudiants, on doit pouvoir s'organiser, se respecter et dialoguer. Moi je comprends les questions sur le CPE. Elles ne sont pas en soi scandaleuses. La question posée, elle est européenne. Les sociétés en grande mutation font que les entrées sur le marché du travail se font malheureusement par stages, CDI, intérim. Bon il y a une espèce de difficulté à aller vers le contrat de confiance.
J.-J. Bourdin : Des difficultés à trouver un premier boulot surtout.
J.-L. Borloo : Oui, et vice et versa. Un premier boulot quel que soit l'âge, parce que c'est vrai pour une femme de 35 ans ou 40 ans qui n'a pas bossé, qui a élevé deux gosses. Donc on a ce sujet-là. Alors le Gouvernement a imaginé, après avoir longuement réfléchi, trouvé un système où à la fois si cela tournait mal - parce que ça peut arriver par l'activité ou l'adaptation au poste - on puisse rompre simplement ce contrat. Et en même temps, que la personne qui s'engage, le salarié ou le jeune, ait plus de droits que dans le cadre d'un stage ou même d'un CDI normal. Et c'est le cas du CPE avec le Locapass, le logement qu'on a vu, les droits à la formation, enfin les annuités qui sont supérieures. Du droit au chômage ! Alors que franchement, il n'y avait quasiment pas de droit au chômage jusqu'à présent pour les jeunes. Donc voilà. Il y a une espèce d'équilibre à trouver. Alors maintenant, sur le cas particulier de Coralie, son université de Bordeaux, je lui souhaite de pouvoir quand même rentrer en cours. Je comprends qu'il y ait des interrogations. Néanmoins, très sincèrement, quand j'entends dire que c'est de la précarisation, notamment quand j'entends les partis de gauche m'expliquer que c'est la précarisation, c'est la première fois que je les entends soutenir les CDD, les stages et l'intérim. C'est quand même un peu stupéfiant. Alors voilà, ce n'est pas une panacée mais c'est probablement mieux que ça n'était jusqu'à présent.
J.-J. Bourdin : Merci Coralie. Quand même ce qui bloque c'est la période : deux ans ! Pourquoi deux ans ? Pourquoi si long ? Est-ce qu'on a une explication... Qui a décidé ça d'ailleurs, deux ans ?
J.-L. Borloo : Ecoutez les grosses études qui avaient été faites l'avaient été pour les toutes petites entreprises, les TPE. C'est pour cela qu'a été lancé le contrat "nouvelle embauche". Et au fond, le contrat "nouvelle embauche", on peut en dire ce qu'on veut mais ce n'est pas parce qu'il y a quelques prud'hommes - et c'est normal qu'il y ait des prud'hommes [face aux] opérations qui ne sont pas acceptables ? au fond, ça marche le CNE. En réalité, sur le fond, je ne parle pas seulement des chiffres : 300.000. Mais c'est un concept qui fonctionne. Et comme la durée a été fixée à deux ans, l'idée que pour le premier emploi il fallait qu'il y ait cette espèce de période de consolidation, qu'il y ait un certain temps pour permettre de faire monter des droits consolidés, notamment d'indemnités de rupture, cela ne se fait pas en quatre... (Son) à bois. Le temps de s'adapter. Voilà. Cela a été fixé de la même manière. Il doit y avoir une évaluation. On n'est pas dans un pays où toutes les choses sont figées. On a donc prévu une évaluation du CNE et du CPE. Faisons cette évaluation. Est-ce que la durée de deux ans est une bonne durée, on en reparlera.
J.-J. Bourdin : Pourquoi - c'est une autre question qui revient - avoir choisi un CNE, un CPE ? Pourquoi ne pas avoir qu'un seul contrat ? Parce qu'il y a trop de contrats en France, vous le savez bien. Il y a 38 contrats.
J.-L. Borloo : Cela fait partie des tartes à la crème. Si je vous disais "c'est dingue ! Il y a 38 lignes de bus à Paris". Eh bien, oui, parce qu'il y autant de besoins différents. Je vais vous expliquer : ce n'est pas exactement la même chose d'avoir un contrat financé par la COTOREP, pour le handicap ; ce n'est pas la même chose d'avoir des contrats pour des seniors, ce n'est pas la même chose d'avoir des stages quand on démarre dans la vie. Ce n'est pas la même chose. Le CDD ne correspond pas à l'intérim. Enfin bref, cette idée très française de ce pays d'ingénieurs où il faudrait que tout soit unique, un seul système d'aide, un seul... Comme si l'unicité était la simplicité. La société est complexe, il faut répondre à tous les cas de figure.
J.-J. Bourdin : Mais pourquoi pas un CNE pour tout le monde quelle que soit la taille de l'entreprise et quel que soit l'âge ?
J.-L. Borloo : Voilà, vous venez de dire le truc formidable. Entre la Régie Renault, le gars qui est tout seul dans son atelier, que ce soit pas le même contrat, pas les mêmes conditions, et d'embauche et de rupture, pas les mêmes systèmes d'aide, pas les représentations syndicales, je trouve ça normal.
J.-J. Bourdin : On va prendre Axel, gérant d'entreprise, 38 ans, dans les Bouches du Rhône...
Axel, un auditeur : J'aurais aimé vous poser une petite question suite à une enquête des journalistes de Canal Plus sur les chiffres du chômage dans l'émission "90 minutes", qui nous parlent des choeurs de catégorie 1 qui représentent les 2.400.000 qu'on annonce à savoir qu'il y a 8 catégories. Et, au cumul de ces 8 catégories, il y aurait 4.000.000 de choeurs. Et un autre chiffre, pendant que j'y suis puisque depuis le temps que je voulais intervenir sur l'émission, je vais m'en permettre, on a eu 160.000 demandeurs d'emploi en moins depuis les 10 derniers mois, ce qui est très bien. Il paraîtrait que sur ces 160.000, on aurait 75 % de gens qui sont sortis ou des "fin de droit" ou "d'absence de présentation à convocation". On n'a pas non plus les chômeurs d'Outre-mer. Et que tous les gens qui partent en stage ne sont pas dans ces chiffres là. Est-ce que vous pouvez me confirmer ça ?
J.-L. Borloo : Beaucoup de questions. Mais cela dit, vous avez raison parce qu'on ne donne qu'un chiffre qui est celui de la catégorie 1 et il y a beaucoup de, comment vous dire, d'explications qui me surprennent tout à fait. Alors si vous voulez bien. D'abord, moi je vais vous dire la vérité même quand elle ne m'arrange pas. Et, deuxièmement, les petits canards auxquels il faut couper la tête. Premier élément, j'entendais encore ce matin à la radio que la baisse du chômage des 9 [derniers] mois - ce n'est pas le cas ce mois-ci - était due à la démographie. C'est-à-dire au départ à la retraite des papy boomers. C'est faux. C'est un phénomène qui commencera en 2007. C'est la dixième fois que je le dis. Deuxièmement, les radiations administratives ou les absences à contrôle. Là aussi, les mots sont un peu stupéfiants, comme si on avait besoin de se flageller. Il y a assez peu voire quasiment pas de radiations liées à un contentieux. C'est-à-dire l'UNEDIC ou l'ANPE dit à monsieur Bourdin : "Ecoutez, monsieur, vous n'avez pas cherché assez d'emploi". Et il y a une discussion : "Non, je ne suis pas d'accord"... C'est moins de 2.000 par mois. Les énormes chiffres que l'on cite, c'est essentiellement des régularisations administratives car nous sommes un pays qui fait confiance et où le statut de chômeur est une déclaration spontanée par téléphone, par mail, avec un rappel automatique. On est vraiment dans un dispositif complètement de confiance. Et ce qu'on appelle ou absences à contrôle ou radiations, c'est essentiellement des régularisations, c'est-à-dire des gens qui ont retrouvé une activité sans le déclarer parce que spontanément, ils n'ont pas eu le temps, pas la documentation. Il y a des rappels téléphoniques automatiques qui sont faits et c'est à ce moment-là qu'on se rend compte qu'ils ne sont plus demandeurs d'emploi. Quand je dis "on", les services de l'ANPE ou de l'UNEDIC. Ils ne sont pas non plus demandeurs d'emploi soit parce qu'ils ont retrouvé une activité à temps partiel ou à temps plein. Voilà la stricte réalité et, sur ce sujet là, il y a tout un débat tous les mois sur "il y a plus ou moins de radiations". En réalité, en un an, il y en a moins mais même ça, ça ne veut rien dire, parce qu'une fois de plus, on parle de 150.000 alors que les vrais... Quand quelqu'un entend à la radio "radiations", il pense "contentieux", qu'on le radie. Vous savez la brutalité de ce mot. C'est essentiellement de la régularisation. La troisième question que l'auditeur a posée concernait l'Outre-mer. Bien entendu, c'est intégré. Et la quatrième c'était.... Ah oui, l'ensemble des catégories complémentaires. C'était votre première question. Alors non les catégories complémentaires, ce sont des temps partiels au-delà de 78 heures : c'est du stage, c'est de la création d'entreprise. Au sens du BIT, le vrai chômage c'est celui-là. Mais il faut savoir que notre pays a une présentation très honnête, en tous cas par rapport à nos amis britanniques, par exemple. Toutes les personnes qui sont en longue durée, 7 % ne sont pas dans les chiffres du chômage. Nous, nous considérons que toute personne qui est en état de travailler, qui a l'âge pour - sauf ceux qui sont plus âgés, exemptés d'obligation ? sont comptés dans nos chiffres. Donc on a des chiffres qui sont comparativement par rapport aux autres pays européens, beaucoup plus pénalisants et donc finalement ce n'est pas très bon pour le moral. Nos performances ne sont pas tellement plus mauvaises que les autres.
J.-J. Bourdin : Merci J.-L. Borloo... Pas merci, parce qu'il y a la réponse des auditeurs de RMC à la question que vous posiez. [A vous] P. Dufreigne.
P. Dufreigne (de RMC) : Alors ce chèque emploi service universel. Ecoutez, je n'ai personne qui l'a testé dans nos auditeurs.
J.-L. Borloo : C'est bien ce que je pensais. Alors il faut y aller.
P. Dufreigne : Nicolas, des Hauts-de-Seine : ? J'ai été voir mon patron pour lui demander si on allait les avoir prochainement. J'ai eu droit à la réponse suivante : qu'est-ce que c'est que ce chèque emploi ?. Jean, du Rhône : ? il faudrait l'imposer plus facilement. Il n'est pour l'instant disponible que dans un petit nombre d'entreprises ?. Et puis j'ai un point positif. J'ai Ludovic, de Gironde qui dit : ? on va les avoir le mois prochain, ça vient d'être décidé. Je vais régler des petites choses du quotidien avec ?.
J.-L. Borloo : Formidable. Eh bien merci RMC. Donc tous les auditeurs, qu'ils soient employeurs, n'oublient pas que c'est simplifier la vie de leurs salariés et que s'ils ne le font pas, ils passeront pour des ringards. Donc si vous êtes patron et si voulez être dans le moule, mettez ça en place. Et puis pour les salariés, allez le demander très gentiment à votre patron.
J.-J. Bourdin : Merci J.-L. Borloo.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 février 2006
J.-L. Borloo : Et du Logement.
J.-J. Bourdin - C'est vrai on va parler du logement. Oui parce que là aussi, souci pour beaucoup pour se loger. On va en parler. Vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC ?
J.-L. Borloo : Oui, j'aimerais bien. Vous savez qu'on a lancé il y a 15 jours un grand plan de services à la personne : tous les métiers à la maison, au domicile, pour la grand-mère, pour garder les petits...
J.-J. Bourdin - Le chèque emploi service universel...
J.-L. Borloo : Le chèque emploi service universel. Alors on a fait un sondage : 80 % des Français disent qu'ils ont bien reçu l'information et qu'ils savent de quoi ça parle. 93 % disent "bravo, allons-y". Et en fait, vous savez que votre entreprise, votre patron peut l'abonder comme un ticket restaurant, comme un chèque restaurant et que c'est déductible des impôts. Bref. Je voudrais savoir s'il y a des auditeurs de RMC qui ont déjà été contactés par leur patron pour leur proposer le chèque emploi service universel ou est-ce que vous êtes allés frapper à sa porte pour lui demander ? Je pense notamment aux femmes parce qu'à RMC tout à l'heure, j'avais la petite là quand on est arrivé, je lui ai demandé si ça avait été mis en place ici. Et elle dit : oh j'aimerais bien. Je lui ai dit : eh bien allez voir le patron". Voilà la question.
J.-J. Bourdin - Le message est lancé.
J.-L. Borloo : J'aimerais bien qu'on réponde aussi dans le milieu de la presse parce que j'avais observé, jamais je n'avais vu un sujet où les articles étaient aussi bien faits. Alors du coup, j'ai regardé qui faisait les articles dans la presse et c'était toujours des femmes. Alors j'ai compris parce que c'est surtout les femmes que ça intéresse. Donc qui dans la presse l'a déjà mis en place ?
J.-J. Bourdin - C'est une bonne question, 32 16, vous répondez. Peut-on inciter les patrons à mettre en place ? Comment les inciter ?
J.-L. Borloo : Eh bien, bonjour voilà dans l'année qui vient, j'aimerais bien que soit mis en place, comme le chèque restaurant, le chèque emploi service universel. Parce que ça simplifie ma vie, parce qu'évidemment ça rend plus performant dans l'entreprise. Parce que vous savez que vous passez 20 % de votre temps quand vous êtes au boulot à penser à autre chose et à vous occuper des affaires de la maisonnée au sens large. [Ce sont] les femmes surtout qui continuent à assumer tout ça. Donc ce n'est pas très performant. C'est pour cela que plus de la moitié des salariés canadiens sont couverts par un chèque emploi service universel, presque autant d'ailleurs les Américains, plus encore les Finlandais parce que c'est de la performance. Alors comme en plus pour le chef d'entreprise, cela lui coûte trois fois moins cher - un euro [en CESU] coûte trois fois moins cher qu'un euro donné en augmentation de salaire à cause de la mécanique mise en place - c'est donc vraiment très incitatif.
J.-J. Bourdin - Bien. J.-L. Borloo, qui a toujours son franc parler, direct, va répondre à toutes vos questions. On va parler de l'emploi évidemment. Mais deux mots d'actualité même si ce n'est pas ce qui passionne les Français. Il y a des primaires à l'UMP, à Paris. Vous suivez ça de près je suis sûr.
J.-L. Borloo : De près non, mais bon voilà, il y avait quatre...
J.-J. Bourdin - Pas de langue de bois.
J.-L. Borloo : Non, pas de langue de bois. Vous savez, langue de bois sur RMC, ce n'est pas dire ce que J.-J. Bourdin a envie d'entendre. Il y a des primaires, F. de Panafieu est candidate...
J.-J. Bourdin - Mais est-ce qu'un jour la mairie de Paris pourrait vous intéresser ? Franchement ?
J.-L. Borloo : Vous parlez de la mairie de Valenciennes ? Je n'ai pas bien entendu ?
J.-J. Bourdin - Je parle de la mairie de Paris.
J.-L. Borloo : Paris Nord ?
J.-J. Bourdin - Non, Paris.
J.-L. Borloo : Ecoutez c'est une magnifique ville mais si ça avait été le cas, je me serais présenté aux primaires.
J.-J. Bourdin - Donc c'est jamais ?
J.-L. Borloo : Non.
J.-J. Bourdin - Jamais non ? Vous dites "jamais" ? Vous vous engagez ?
J.-L. Borloo : Non sincèrement. Je me serais impliqué. Je ne peux pas tout faire sincèrement. Là, j'ai un boulot de dingue. On va peut-être parler de la journée de l'emploi.
J.-J. Bourdin - Oui, on va parler de la présidentielle ?
J.-L. Borloo : Ca y est ça le reprend. Et une bonne grippe, jamais ?
J.-J. Bourdin - La présidentielle, jamais ?
J.-L. Borloo : Et tromper ma femme je vous jure, jamais. Et alors France Inter, jamais ?
J.-J. Bourdin - Jamais.
J.-L. Borloo : Europe 1 ?
J.-J. Bourdin - Jamais.
J.-L. Borloo : Et RMC ?
J.-J. Bourdin - Toujours. Non jamais la présidence de la République ?
J.-L. Borloo : Enfin ne soyez pas ridicule.
J.-J. Bourdin - Vous y pensez ou pas ?
J.-L. Borloo : Mais vous êtes malade, je suis venu parler d'emploi et de logement.
J.-J. Bourdin - Vous ne voulez pas répondre. Cela cache quelque chose.
J.-L. Borloo : Ben oui. Tu parles !
J.-J. Bourdin - Alors tiens ! Parlons d'emploi. Cette baisse là ?
J.-L. Borloo : Non, c'est une hausse du chômage, là. Baisse de l'optimisme on va dire.
J.-J. Bourdin - A propos d'optimisme, je regardais les patrons de TPE - les Toutes Petites Entreprises. 74 % sont pessimistes.
J.-L. Borloo : Oui mais ils étaient combien, le mois dernier ?
J.-J. Bourdin - Je ne sais pas.
J.-L. Borloo : Vous savez qu'en matière de sondage ou de statistiques, ce qui est intéressant c'est les séries. Alors si on parle de l'emploi deux secondes... On a eu 9 mois - donc c'est une tendance lourde - après près de trois ans de montée et d'augmentation du chômage. On se demandait où on allait quand même franchement. Il y a eu une inversion de tendance au début de l'année dernière, en février/mars et on a eu 9 mois consécutifs de baisse dans à peu près toutes les catégories. Et puis là, ce mois-ci, le chiffre c'est une augmentation de 16.000. Alors c'est un mois, c'est très difficile de tirer des leçons sur un mois. Moi je pense qu'il faut un trimestre pour se faire une véritable opinion. Mais vous savez, quand les chiffres tombent le 27 ou le 28 et que le chiffre est bon, je suis de meilleure humeur que quand il n'est pas bon évidemment. Alors ce qui est assez encourageant néanmoins, c'est que les apprentis augmentent. Vous savez qu'on s'était fixé un cap vers 400 000. On est à 385.000. Les contrats de professionnalisation augmentent. Le chômage des jeunes augmente également.
J.-J. Bourdin - Il n'augmente pas.
J.-L. Borloo : Il baisse, pardon. On a beaucoup d'inscriptions à l'ANPE dans les zones urbaines sensibles. On a recruté beaucoup dans les Missions locales pour aller chercher les jeunes pour leur proposer des CIVIS qui sont des contrats pour les aider à aller vers les ANPE. Là, on a plus 26.000. Cela peut être une partie de l'explication mais enfin sur de telles masses, c'est une explication mineure.
J.-J. Bourdin - Le problème, c'est qu'on ne crée pas d'emplois.
J.-L. Borloo : Si. On en a créés l'année dernière : 70.000 les six derniers mois, notamment dans les services à la personne, notamment dans le logement, dans la construction - on va en parler j'imagine : 45 à 50.000. Dans la grosse industrie, c'est clair qu'on n'est pas créateur net d'emploi. Comme tous les grands pays européens, on est plutôt dans la destruction. Enfin, destruction...
J.-J. Bourdin - Si je vous écoute, tout va bien.
J.-L. Borloo : 9 mois de baisse consécutive, cher monsieur, il y a six ans que ce n'était pas arrivé. Vous savez dans ces matières là, c'est les grosses tendances qui sont importantes. Les 14 derniers mois de L. Jospin, contrairement au souvenir qu'on en a, le chômage n'avait cessé d'augmenter. Vous savez sur ces sujets-là, les effets sont toujours différés par rapport aux décisions que vous prenez. Et, probablement à l'époque, la généralisation à un moment donné des 35 heures a probablement eu un effet négatif, même si cela a sauvé quelques grands groupes automobiles ou du moins aidé dans ce secteur là. Et puis on a cessé d'augmenter pendant deux ans et demi ou trois ans. Et là, 9 mois de baisse. Là, on a une rechute. Je pense qu'un mois ou deux mois de rechute, franchement, compte tenu des bons fondamentaux qu'on a, ce n'est pas dramatique. Si cela durait trois, quatre mois, ce serait évidemment un autre sujet. Mais je ne le crois sincèrement pas.
J.-J. Bourdin - Je posais la question aux auditeurs de RMC ce matin... Vous vous retrouvez sans boulot, vers qui vous dirigez-vous ? Vers l'ANPE ou vers une société d'intérim ? La grande majorité c'est, vers une société d'intérim. C'est normal ou pas ça ? C'est sain ou pas ?
J.-L. Borloo : C'est très sain. L'ANPE, c'est de l'échange instantané d'information, c'est de la prévision de besoin, c'est d'aller dans les entreprises pour leur dire qu'elles ont des personnes. Et si la question posée c'est pour aller chercher un boulot tout de suite, immédiatement, on vous répond l'intérim me parait pas en soi instinctivement surprenant. Encore qu'à l'évidence, la bonne solution c'est l'ANPE. C'est d'ailleurs pour ça qu'au lieu d'être reçu une fois par an comme c'était le cas, deux fois ce qui fait en fait une fois pendant l'année, maintenant c'est tous les mois, avec le même référent, la même personne de l'ANPE. L'ANPE est une entreprise en pleine mutation, qui aujourd'hui est dans la gestion des ressources humaines. Elle est moins dans la gestion administrative des dossiers. Il y a eu des recrutements.
J.-J. Bourdin - Certains agents de l'ANPE nous disent : une fois par mois c'est très bien, l'idée est bonne mais on a rien à leur proposer.
J.-L. Borloo : Mais attendez ! Bâtir le bilan de compétences, mettre en contact avec les entreprises, suivre les personnes, définir leur profil de formation... Enfin on a 400.000 emplois à fournir quand même. On peut toujours tout dénigrer. Si à l'inverse, l'idée c'est : et si on ne les recevait pas. Enfin soyons sérieux !
J.-J. Bourdin - On va parler du CPE évidemment et du CNE. Mais sur le logement donc, vous aviez des annonces à nous faire.
J.-L. Borloo : On a les chiffres de la construction des 12 derniers mois. Eh bien ce sont les meilleurs depuis 27 ans. Je vais vous donner les chiffres du mois : 35.291 mises en chantier ce mois ci.
J.-J. Bourdin - Mois de février ou janvier ?
J.-L. Borloo : Janvier 2006. Ce qui porte sur les 12 derniers mois à 411.201. Il faut remonter à 27 ans. Le pari, quand je suis arrivé au ministère du Logement, devant cette crise terrible, c'était de doubler dans un premier temps le logement social. C'est fait. L'objectif annoncé est de le tripler dans les trois ans. Et doubler la construction de logements. On était à 270.000. L'objectif c'est de passer à, j'avais dit 400.000 dans un premier temps, puis 450.000. On est en route.
J.-J. Bourdin - Bien. Ca va résoudre une partie des problèmes rencontrés notamment par les jeunes qui ne trouvent pas à se loger, vous le savez. Dans les grandes villes notamment.
J.-L. Borloo : Quand on a passé ces 10 ans à oublier ce sujet là et à rentrer dans une telle crise, quand, année après année, on a construit 150.000 logements de moins que nécessaire, la crise elle ne se résorbe pas en 15 jours. Alors les chiffres d'aujourd'hui ils auront des impacts réels dans deux ans. Depuis et d'ici là, on a signé hier également pour les jeunes un accord avec les grandes fédérations pour le Locapass, c'est-à-dire permettre à tous les jeunes, qu'ils soient en CDI ou en CPE, d'avoir la garantie, vous savez l'avance loyer et la garantie grâce au Locapass. On a signé ça avec les grandes fédérations hier. Donc tout jeune qui bénéficie d'un contrat de travail CPE ou CDI, a droit au Locapass. Qu'il contacte le ministère du Logement et il aura la garantie de loyer et il n'aura plus à faire l'avance.
J.-J. Bourdin - Bien. Vous appelez au ministère du Logement, c'est tout simple. Enfin c'est tout simple. Si c'est simple.
J.-L. Borloo : Par Internet c'est plus simple.
J.-J. Bourdin - Il est 8 heures 46. On va parler du CPE et puis j'ai plein de questions, Coralie, Axel, Bernard, Jean-Pierre sont là pour vous interroger. On va parler du CPE et du CNE dans un instant.
[08h49 - Deuxième et dernière partie]
J.-J. Bourdin : J.-L. Borloo est notre invité ce matin. On va parler du CPE, ce fameux CPE. Je voudrais que nous prenions Coralie, 19 ans, étudiante... Coralie : [Etudiante] en langues étrangères appliquées, anglais et espagnol, en deuxième année, à Bordeaux... Je viens d'arriver, je suis sur le parking de ma faculté et des étudiants nous bloquent toutes les entrées des bâtiments avec des tables. On ne peut accéder aux bâtiments pour aller en cours, pour protester contre le CPE. Donc ils nous prennent en otages alors que c'est une minorité apparemment qui embête une majorité. Je voulais savoir ce que monsieur le ministre pensait de cette mobilisation nationale étudiante contre le CPE ?
J.-L. Borloo : Ecoutez-moi, je comprends. D'abord la liberté de manifester elle est totale dans ce pays. La liberté de blocage un peu moins. Je pense qu'entre étudiants, on doit pouvoir s'organiser, se respecter et dialoguer. Moi je comprends les questions sur le CPE. Elles ne sont pas en soi scandaleuses. La question posée, elle est européenne. Les sociétés en grande mutation font que les entrées sur le marché du travail se font malheureusement par stages, CDI, intérim. Bon il y a une espèce de difficulté à aller vers le contrat de confiance.
J.-J. Bourdin : Des difficultés à trouver un premier boulot surtout.
J.-L. Borloo : Oui, et vice et versa. Un premier boulot quel que soit l'âge, parce que c'est vrai pour une femme de 35 ans ou 40 ans qui n'a pas bossé, qui a élevé deux gosses. Donc on a ce sujet-là. Alors le Gouvernement a imaginé, après avoir longuement réfléchi, trouvé un système où à la fois si cela tournait mal - parce que ça peut arriver par l'activité ou l'adaptation au poste - on puisse rompre simplement ce contrat. Et en même temps, que la personne qui s'engage, le salarié ou le jeune, ait plus de droits que dans le cadre d'un stage ou même d'un CDI normal. Et c'est le cas du CPE avec le Locapass, le logement qu'on a vu, les droits à la formation, enfin les annuités qui sont supérieures. Du droit au chômage ! Alors que franchement, il n'y avait quasiment pas de droit au chômage jusqu'à présent pour les jeunes. Donc voilà. Il y a une espèce d'équilibre à trouver. Alors maintenant, sur le cas particulier de Coralie, son université de Bordeaux, je lui souhaite de pouvoir quand même rentrer en cours. Je comprends qu'il y ait des interrogations. Néanmoins, très sincèrement, quand j'entends dire que c'est de la précarisation, notamment quand j'entends les partis de gauche m'expliquer que c'est la précarisation, c'est la première fois que je les entends soutenir les CDD, les stages et l'intérim. C'est quand même un peu stupéfiant. Alors voilà, ce n'est pas une panacée mais c'est probablement mieux que ça n'était jusqu'à présent.
J.-J. Bourdin : Merci Coralie. Quand même ce qui bloque c'est la période : deux ans ! Pourquoi deux ans ? Pourquoi si long ? Est-ce qu'on a une explication... Qui a décidé ça d'ailleurs, deux ans ?
J.-L. Borloo : Ecoutez les grosses études qui avaient été faites l'avaient été pour les toutes petites entreprises, les TPE. C'est pour cela qu'a été lancé le contrat "nouvelle embauche". Et au fond, le contrat "nouvelle embauche", on peut en dire ce qu'on veut mais ce n'est pas parce qu'il y a quelques prud'hommes - et c'est normal qu'il y ait des prud'hommes [face aux] opérations qui ne sont pas acceptables ? au fond, ça marche le CNE. En réalité, sur le fond, je ne parle pas seulement des chiffres : 300.000. Mais c'est un concept qui fonctionne. Et comme la durée a été fixée à deux ans, l'idée que pour le premier emploi il fallait qu'il y ait cette espèce de période de consolidation, qu'il y ait un certain temps pour permettre de faire monter des droits consolidés, notamment d'indemnités de rupture, cela ne se fait pas en quatre... (Son) à bois. Le temps de s'adapter. Voilà. Cela a été fixé de la même manière. Il doit y avoir une évaluation. On n'est pas dans un pays où toutes les choses sont figées. On a donc prévu une évaluation du CNE et du CPE. Faisons cette évaluation. Est-ce que la durée de deux ans est une bonne durée, on en reparlera.
J.-J. Bourdin : Pourquoi - c'est une autre question qui revient - avoir choisi un CNE, un CPE ? Pourquoi ne pas avoir qu'un seul contrat ? Parce qu'il y a trop de contrats en France, vous le savez bien. Il y a 38 contrats.
J.-L. Borloo : Cela fait partie des tartes à la crème. Si je vous disais "c'est dingue ! Il y a 38 lignes de bus à Paris". Eh bien, oui, parce qu'il y autant de besoins différents. Je vais vous expliquer : ce n'est pas exactement la même chose d'avoir un contrat financé par la COTOREP, pour le handicap ; ce n'est pas la même chose d'avoir des contrats pour des seniors, ce n'est pas la même chose d'avoir des stages quand on démarre dans la vie. Ce n'est pas la même chose. Le CDD ne correspond pas à l'intérim. Enfin bref, cette idée très française de ce pays d'ingénieurs où il faudrait que tout soit unique, un seul système d'aide, un seul... Comme si l'unicité était la simplicité. La société est complexe, il faut répondre à tous les cas de figure.
J.-J. Bourdin : Mais pourquoi pas un CNE pour tout le monde quelle que soit la taille de l'entreprise et quel que soit l'âge ?
J.-L. Borloo : Voilà, vous venez de dire le truc formidable. Entre la Régie Renault, le gars qui est tout seul dans son atelier, que ce soit pas le même contrat, pas les mêmes conditions, et d'embauche et de rupture, pas les mêmes systèmes d'aide, pas les représentations syndicales, je trouve ça normal.
J.-J. Bourdin : On va prendre Axel, gérant d'entreprise, 38 ans, dans les Bouches du Rhône...
Axel, un auditeur : J'aurais aimé vous poser une petite question suite à une enquête des journalistes de Canal Plus sur les chiffres du chômage dans l'émission "90 minutes", qui nous parlent des choeurs de catégorie 1 qui représentent les 2.400.000 qu'on annonce à savoir qu'il y a 8 catégories. Et, au cumul de ces 8 catégories, il y aurait 4.000.000 de choeurs. Et un autre chiffre, pendant que j'y suis puisque depuis le temps que je voulais intervenir sur l'émission, je vais m'en permettre, on a eu 160.000 demandeurs d'emploi en moins depuis les 10 derniers mois, ce qui est très bien. Il paraîtrait que sur ces 160.000, on aurait 75 % de gens qui sont sortis ou des "fin de droit" ou "d'absence de présentation à convocation". On n'a pas non plus les chômeurs d'Outre-mer. Et que tous les gens qui partent en stage ne sont pas dans ces chiffres là. Est-ce que vous pouvez me confirmer ça ?
J.-L. Borloo : Beaucoup de questions. Mais cela dit, vous avez raison parce qu'on ne donne qu'un chiffre qui est celui de la catégorie 1 et il y a beaucoup de, comment vous dire, d'explications qui me surprennent tout à fait. Alors si vous voulez bien. D'abord, moi je vais vous dire la vérité même quand elle ne m'arrange pas. Et, deuxièmement, les petits canards auxquels il faut couper la tête. Premier élément, j'entendais encore ce matin à la radio que la baisse du chômage des 9 [derniers] mois - ce n'est pas le cas ce mois-ci - était due à la démographie. C'est-à-dire au départ à la retraite des papy boomers. C'est faux. C'est un phénomène qui commencera en 2007. C'est la dixième fois que je le dis. Deuxièmement, les radiations administratives ou les absences à contrôle. Là aussi, les mots sont un peu stupéfiants, comme si on avait besoin de se flageller. Il y a assez peu voire quasiment pas de radiations liées à un contentieux. C'est-à-dire l'UNEDIC ou l'ANPE dit à monsieur Bourdin : "Ecoutez, monsieur, vous n'avez pas cherché assez d'emploi". Et il y a une discussion : "Non, je ne suis pas d'accord"... C'est moins de 2.000 par mois. Les énormes chiffres que l'on cite, c'est essentiellement des régularisations administratives car nous sommes un pays qui fait confiance et où le statut de chômeur est une déclaration spontanée par téléphone, par mail, avec un rappel automatique. On est vraiment dans un dispositif complètement de confiance. Et ce qu'on appelle ou absences à contrôle ou radiations, c'est essentiellement des régularisations, c'est-à-dire des gens qui ont retrouvé une activité sans le déclarer parce que spontanément, ils n'ont pas eu le temps, pas la documentation. Il y a des rappels téléphoniques automatiques qui sont faits et c'est à ce moment-là qu'on se rend compte qu'ils ne sont plus demandeurs d'emploi. Quand je dis "on", les services de l'ANPE ou de l'UNEDIC. Ils ne sont pas non plus demandeurs d'emploi soit parce qu'ils ont retrouvé une activité à temps partiel ou à temps plein. Voilà la stricte réalité et, sur ce sujet là, il y a tout un débat tous les mois sur "il y a plus ou moins de radiations". En réalité, en un an, il y en a moins mais même ça, ça ne veut rien dire, parce qu'une fois de plus, on parle de 150.000 alors que les vrais... Quand quelqu'un entend à la radio "radiations", il pense "contentieux", qu'on le radie. Vous savez la brutalité de ce mot. C'est essentiellement de la régularisation. La troisième question que l'auditeur a posée concernait l'Outre-mer. Bien entendu, c'est intégré. Et la quatrième c'était.... Ah oui, l'ensemble des catégories complémentaires. C'était votre première question. Alors non les catégories complémentaires, ce sont des temps partiels au-delà de 78 heures : c'est du stage, c'est de la création d'entreprise. Au sens du BIT, le vrai chômage c'est celui-là. Mais il faut savoir que notre pays a une présentation très honnête, en tous cas par rapport à nos amis britanniques, par exemple. Toutes les personnes qui sont en longue durée, 7 % ne sont pas dans les chiffres du chômage. Nous, nous considérons que toute personne qui est en état de travailler, qui a l'âge pour - sauf ceux qui sont plus âgés, exemptés d'obligation ? sont comptés dans nos chiffres. Donc on a des chiffres qui sont comparativement par rapport aux autres pays européens, beaucoup plus pénalisants et donc finalement ce n'est pas très bon pour le moral. Nos performances ne sont pas tellement plus mauvaises que les autres.
J.-J. Bourdin : Merci J.-L. Borloo... Pas merci, parce qu'il y a la réponse des auditeurs de RMC à la question que vous posiez. [A vous] P. Dufreigne.
P. Dufreigne (de RMC) : Alors ce chèque emploi service universel. Ecoutez, je n'ai personne qui l'a testé dans nos auditeurs.
J.-L. Borloo : C'est bien ce que je pensais. Alors il faut y aller.
P. Dufreigne : Nicolas, des Hauts-de-Seine : ? J'ai été voir mon patron pour lui demander si on allait les avoir prochainement. J'ai eu droit à la réponse suivante : qu'est-ce que c'est que ce chèque emploi ?. Jean, du Rhône : ? il faudrait l'imposer plus facilement. Il n'est pour l'instant disponible que dans un petit nombre d'entreprises ?. Et puis j'ai un point positif. J'ai Ludovic, de Gironde qui dit : ? on va les avoir le mois prochain, ça vient d'être décidé. Je vais régler des petites choses du quotidien avec ?.
J.-L. Borloo : Formidable. Eh bien merci RMC. Donc tous les auditeurs, qu'ils soient employeurs, n'oublient pas que c'est simplifier la vie de leurs salariés et que s'ils ne le font pas, ils passeront pour des ringards. Donc si vous êtes patron et si voulez être dans le moule, mettez ça en place. Et puis pour les salariés, allez le demander très gentiment à votre patron.
J.-J. Bourdin : Merci J.-L. Borloo.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 février 2006