Texte intégral
LCI
le 8 mars 2006
Q- D'abord une curiosité de ma part : il y a une polémique sur les chiffres des manifestants, hier. Pour les organisateurs, ils étaient plus d'un million, pour la police, ils étaient moins de 400.000. Comment expliquez-vous un tel différentiel ?
R- Je pense que ce débat est ridicule. Il faudrait, je crois, essayer de compter ensemble, avec les forces de police. En tout cas, nous avons compté à Paris, puisque j'étais à Paris hier, 100.000 personnes, et 100.000 personnes, c'est énorme. Il y avait des manifestants de la République jusqu'à Nation en passant par Bastille, qui occupaient toute la rue. Cela fait à peu près 100.000 personnes. Il n'est pas bon de vouloir minimiser ou grossir trop les chiffres. Je crois que c'est cela la moyenne. Ce qui veut dire que c'est la plus grosse manifestation que nous ayons eue à Paris depuis deux ans.
Q- Vous estimez que cette grosse manifestation doit conduire le Premier ministre à retirer le CPE. Croyez-vous franchement, objectivement, que politiquement, il peut le retirer ? Sauf à mourir politiquement ?
R- Politiquement, il s'est mis dans une impasse, et il s'y est mis tout seul. A chaque fois que l'on a rencontré le Premier ministre, la CFDT lui a fait des propositions précises sur l'emploi des jeunes. On a fait cela en juin, en novembre, en décembre. A chaque fois, il a pris des décisions sans nous en avertir, à l'inverse de ce qu'on lui proposait. Il faut arrêter avec cette idée qui est que les syndicats ne voulaient pas parler de ces problèmes-là. La CFDT a fait des propositions sur le logement, sur la formation, sur un contrat d'insertion passé avec les jeunes. On a fait aussi des propositions sur le problème de l'économie des entreprises et les licenciements économiques. Nous avons donc nos propositions alternatives à ce projet. Le Premier ministre a refusé de les étudier ; il faut qu'il y revienne, il n'a pas d'autre choix.
Q- Vous dites qu'il faut qu'il y revienne, et s'il n'y revient pas, il y aura dérapage social. Exégèse de ce mot "dérapage social" ? Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire dans votre esprit ?
R- Cela veut dire qu'il faut quand même se rendre compte que nous ne sommes pas simplement sur le problème d'un contrat pour les jeunes, on est sur un problème de société. C'est pour cela que la réaction est aussi importante. Tous les jeunes s'identifient à ce contrat et tous les parents identifient leurs enfants à ce contrat. Le débat est donc dans deux sens : comment veut-on créer la relation contractuelle entre le salarié et son employeur, c'est-à-dire la possibilité de licencier sans motif, mais surtout quel est l'avenir que l'on construit pour nos jeunes et dans l'accès à l'emploi ? Si l'on n'a pas de solution, le dérapage social, ce peut être des dérapages dans les urnes, avec des personnes qui se détournent encore une fois de la politique, c'est ce qui se passe ces dernières années, ou des manifestations qui deviennent de plus en plus importantes et une pression sur le Premier ministre qui lui deviendra insupportable.
Q- Précisément : ces manifestations ne sortent pas toutes seules, vous allez les encourager. Qu'allez-vous faire ? Concrètement, je crois que vous avez rencontré vos homologues, des organisations syndicales ; qu'allez-vous décider concrètement pour les jours à venir ?
R- Nous nous rencontrons demain dans les locaux de la CFDT, entre toutes
les organisations syndicales. Le Premier ministre ne nous laisse qu'une
seule solution, puisqu'il ne va dans le dialogue, on va donc proposer
une nouvelle manifestation. Nous n'avons pas d'autre choix. Nous
préférions, nous, la CFDT, qu'elle se fasse un samedi ; pourquoi un
samedi ? Parce qu'on ne peut pas demander aux salariés de perdre une
journée de travail toutes les semaines, c'est important, mais aussi parce
qu'on est sur un problème d'évolution de la société, et il me semble que
face à un problème comme ça, il faut que toute la société se mobilise.
Q- Un samedi proche ?
R- On ne peut pas attendre un mois comme on l'a fait entre les deux dernières manifestations. Maintenant, les choses sont importantes, il faut se saisir rapidement de ce problème là, donc il faut que la manifestation arrive vite.
Q- D'ici deux semaines ?
R- Oui, dans les quinze jours qui viennent, effectivement.
Q- Autre question : certaines universités sont bloquées par les étudiants ; les encouragez-vous à fermer les universités pour manifester leur refus du contrat "première embauche" ?
R- Non. Je crois qu'il y a des syndicats étudiants, en particulier la Confédération étudiante, qui n'appelle pas au blocage des universités, parce qu'il y a un nombre important d'étudiants qui sont contre le contrat "première embauche" mais qui veulent continuer leurs études. Donc je crois que l'on peut manifester son mécontentement comme on l'a fait hier et continuer ses études parce que, je le répète, c'est l'avenir des jeunes, donc c'est leur formation et l'accès à l'emploi. On ne peut pas confondre les deux choses. Mais dans les grèves, chacun doit se déterminer individuellement et l'important, c'est qu'il y ait une liberté d'accès pour les jeunes qui veulent étudier.
Q- Le Premier ministre dit "on va continuer" ou "on va commencer" - je ne sais pas ce qu'il faut dire - à discuter avec les organisations syndicales, notamment sur une grande réforme du code du travail. Conditionnez-vous la reprise ou le commencement du dialogue social avec le Premier ministre à un recul et un retrait du contrat "première embauche" ?
R- Pour être très clair, la CFDT a toujours été d'accord pour le dialogue. Nous allons donc rencontrer les ministres, tel que le Premier ministre nous le propose, mais cela ne nous enlèvera pas notre mécontentement. Donc on fera les deux et on est toujours prêts au dialogue, bien évidemment. Sur ce sujet de l'emploi des jeunes, on est très fermes : il faut que le Premier ministre mette de côté son projet sur le contrat "première embauche".
Q- Donc, concrètement, vous allez rencontrer monsieur Larcher ?
R- On va le rencontrer pour parler ou pour débattre, pour essayer de négocier s'il y a des sujets à négocier, mais il est bien évident qu'il n'est pas possible pour la CFDT de se dire qu'on tourne la page du problème du contrat "première embauche" pour faire autre chose. Non, les deux choses sont bien évidemment liées. On peut manifester, on peut dialoguer en même temps. Il faut, de toute façon, que l'on trouve une solution. Nous voulons, à la CFDT, que l'on étudie nos propositions. Pourquoi le Premier ministre, depuis six mois refuse d'étudier les propositions de la CFDT ? La CFDT n'est pas une organisation syndicale qui manifeste pour le plaisir. On sait très bien que l'on a un problème de société avec les jeunes, donc il faut qu'on le règle. Pourquoi le Premier ministre s'entête-t-il tout seul dans son coin ? Il commence à être désavoué par la rue, il est désavoué par les sondages, son camp politique est en train de douter de lui. Il faut maintenant revenir à une meilleure condition, c'est-à-dire au dialogue.
Q- Vous avez expliqué hier que vous n'aviez pas vu monsieur Borloo depuis six mois. Est-ce que vous demandez aujourd'hui un rendez-vous avec J.-L. Borloo ? Souhaitez-vous, au fond, que le Premier ministre réunisse l'ensemble des partenaires sociaux dans une grande discussion
immédiate ?
R- Peu importe la méthode. L'important, c'est qu'on demande un geste de bonne volonté au Premier ministre, qu'il suspende son projet. Ensuite, s'il veut lui réunir les partenaires sociaux...
Q- ...Mais il ne veut pas suspendre son projet !
R- Oui, mais on fera les deux. La CFDT ne va pas, alors qu'hier - c'est un élément important -, la moitié des manifestants était des jeunes, des jeunes qui sont inquiets sur leur avenir, ils ne comprendraient pas qu'une organisation syndicale comme la CFDT se retire d'un mouvement comme celui-là. Il faut donc que l'on aille jusqu'au bout sur notre revendication. Maintenant, il n'est pas interdit de débattre d'autres sujets. Et ce sujet-là ne sera réglé que...
Q- Débattre de la réforme du code du travail, par exemple ? D'un contrat unique ?
R- Je crois qu'il faut faire attention. Vous voyez bien que l'on est sur des solutions qui ne sont pas obligatoirement adaptées à la réalité. Je prends le cas des jeunes. Nous avons les jeunes qui n'ont pas de qualification : ce n'est pas un contrat unique qui réglera le problème, leur problème c'est la formation. Pourquoi le Gouvernement ne met-il pas plus de moyens dans la formation ? On a des jeunes qui ont une qualification : il faut les aider pour aller vers l'emploi ; c'est l'accompagnement, ce n'est pas le contrat unique. Ces choses là ne peuvent sont pas être prise par une solution. C'est une diversité de mesures qui fera le résultat.
Q- Sur un autre terrain. Vous avez, entre partenaires sociaux, une réunion, aujourd'hui, sur le devenir des intermittents. Pensez-vous qu'un accord pourrait être scellé, révisant le protocole de 2003, si je ne me trompe ?
R- La CFDT est prête à aller le plus loin possible. Donc on rentre toujours dans une négociation pour aller le plus loin possible. Ce que l'on souhaite, c'est améliorer le protocole de 2003, en particulier sur les problèmes sociaux que l'on a rencontrés, les femmes enceintes, des accidents du travail, des maladies, pour que ces personnes-là ne soient pas défavorisées, l'améliorer, faire en sorte qu'on différencie les plus anciens des plus jeunes dans le système, faire des durées de travail qui soient différentes selon l'âge. Mais si le Gouvernement - et c'est cela l'élément important - veut aller plus loin, il a fait une caisse complémentaire, il faut qu'il décide, lui, ensuite, de payer le complément pour arriver à un accord satisfaisant dans l'ensemble, parce qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas à l'assurance chômage de financer totalement la politique culturelle dans notre pays, parce que ce système-là, finance la politique culturelle. Ce ne sont pas les salariés du privé, seuls, qui peuvent le financer. Il faut que l'Etat prenne sa part.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 mars 2006Interventions médiatiques dans "La Croix "
« Nous attendons du gouvernement qu?il retire le CPE »
le 9 mars 2006
Après les manifestations contre le CPE, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, estime que le Premier ministre « a tort de s?enfermer dans son refus ».
Les syndicats ayant affirmé que la mobilisation contre le contrat première embauche a été un succès, quelles suites comptez-vous donner aux manifestations de mardi ?
À partir du moment où le Premier ministre reste rigide, refuse de suspendre le contrat première embauche (CPE) et d?entamer enfin une négociation avec les syndicats, nous n?avons pas d?autres solutions que de poursuivre le mouvement engagé. Notamment par d?autres manifestations dont nous allons décider les modalités cet après-midi avec les mouvements de jeunes et les autres organisations syndicales. Pour la CFDT, le samedi est le jour qui permet de mobiliser le plus largement car la question posée aujourd?hui dépasse le simple CPE. Nous sommes face à une évolution fondamentale du Code du travail qui permet à l?employeur de rompre son lien avec le salarié sans motif. Mais c?est aussi un problème de société, celui de l?accès des jeunes à la formation et à l?emploi.
Cette contestation n?est-elle pas avant tout portée par les jeunes ?
Hier, plus de la moitié des manifestants étaient des jeunes et il est clair que la mobilisation des étudiants est plus déterminante que celle des salariés. C?est ce que le Premier ministre n?a pas évalué quant il a crée le CPE : tous les jeunes s?identifient à ce contrat, mais aussi leurs parents, qui se mettent à la place de leurs enfants. Donc la mobilisation de la jeunesse est essentielle dans la réussite de ce mouvement. La responsabilité d?un syndicat comme la CFDT est de la soutenir.
Qu?attendez vous vous du gouvernement, notamment de la concertation annoncée mardi par le Premier ministre ?
Le Premier ministre à tort de s?enfermer dans son refus. Nous attendons du gouvernement qu?il retire le CPE. La concertation de la semaine prochaine, annoncée hier, était prévue depuis mi-janvier, et concerne la suite du projet gouvernemental sur l?emploi. Elle ne nous fera pas abandonner notre revendication. Il n?est pas question pour nous d??« enrichir » le CPE, il est question de le retirer et de passer à une autre discussion, sur le travail des jeunes. On a l?habitude que le Premier ministre promette des concertations, il le fait tous les mois et, à chaque fois, il décide sans les syndicats. Chat échaudé craint l?eau froide, il n?est pas question pour nous d?être naïfs. Nous resterons très fermes sur nos objectifs.
Estimez-vous vraiment qu?il n?y a plus de dialogue social depuis l?arrivée de Dominique de Villepin à Matignon ?
C?est le moins que l?on puisse dire. Depuis qu?il est Premier ministre, nous sommes systématiquement dans un semblant de dialogue qui l?amène à décider seul en se passant de l?avis des partenaires sociaux. Mais c?est un problème ancien, les responsables politiques ont toujours eu du mal à laisser syndicats et patronat négocier sur les questions qui les concernent directement, comme le droit du travail. Le Medef doit aussi prendre ses responsabilités sur l?emploi des jeunes. Laurence Parisot doit rencontrer les organisations syndicales pour décider ensemble de la manière de s?attaquer à ce dossier.
Faut-il vraiment une politique spécifique aux jeunes en matière d?emploi ?
Si on veut que les jeunes aient accès à l?emploi, il faut d?abord relancer l?économie. C?est la croissance qui crée l?emploi, pas les contrats de travail. Il faut donc développer une politique d?investissement et de recherche. Nous devons aussi améliorer notre système de formation, en particulier pour les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Pour ceux-là, qui sont les plus éloignés de l?emploi, nous proposons un revenu d?insertion lié à un projet de formation et qui permette d?accéder à un logement.
Faut-il autant refuser toute évolution du contrat de travail ?
Avant l?instauration du contrat nouvelles embauches cet été, nous avons dit au gouvernement que nous étions opposés à la suppression de la motivation du licenciement, mais que nous étions prêts à réfléchir à la question des licenciements économiques, surtout dans les petites entreprises. Nous comprenons qu?une embauche supplémentaire dans une petite société ne doit pas mettre en péril sa viabilité, et donc l?emploi de tous ses salariés.
Quant à l?évolution même du contrat de travail, il n?est pas interdit d?aborder cette question afin d?inventer de nouvelles garanties face à la flexibilité qui se développe dans les entreprises. Cela implique aussi d?ouvrir le débat sur l?assurance-chômage, l?accompagnement des salariés vers l?emploi. On ne peut pas traiter toutes ces questions du jour au lendemain. Source http://www.cfdt.fr, le 13 mars 2006
le 8 mars 2006
Q- D'abord une curiosité de ma part : il y a une polémique sur les chiffres des manifestants, hier. Pour les organisateurs, ils étaient plus d'un million, pour la police, ils étaient moins de 400.000. Comment expliquez-vous un tel différentiel ?
R- Je pense que ce débat est ridicule. Il faudrait, je crois, essayer de compter ensemble, avec les forces de police. En tout cas, nous avons compté à Paris, puisque j'étais à Paris hier, 100.000 personnes, et 100.000 personnes, c'est énorme. Il y avait des manifestants de la République jusqu'à Nation en passant par Bastille, qui occupaient toute la rue. Cela fait à peu près 100.000 personnes. Il n'est pas bon de vouloir minimiser ou grossir trop les chiffres. Je crois que c'est cela la moyenne. Ce qui veut dire que c'est la plus grosse manifestation que nous ayons eue à Paris depuis deux ans.
Q- Vous estimez que cette grosse manifestation doit conduire le Premier ministre à retirer le CPE. Croyez-vous franchement, objectivement, que politiquement, il peut le retirer ? Sauf à mourir politiquement ?
R- Politiquement, il s'est mis dans une impasse, et il s'y est mis tout seul. A chaque fois que l'on a rencontré le Premier ministre, la CFDT lui a fait des propositions précises sur l'emploi des jeunes. On a fait cela en juin, en novembre, en décembre. A chaque fois, il a pris des décisions sans nous en avertir, à l'inverse de ce qu'on lui proposait. Il faut arrêter avec cette idée qui est que les syndicats ne voulaient pas parler de ces problèmes-là. La CFDT a fait des propositions sur le logement, sur la formation, sur un contrat d'insertion passé avec les jeunes. On a fait aussi des propositions sur le problème de l'économie des entreprises et les licenciements économiques. Nous avons donc nos propositions alternatives à ce projet. Le Premier ministre a refusé de les étudier ; il faut qu'il y revienne, il n'a pas d'autre choix.
Q- Vous dites qu'il faut qu'il y revienne, et s'il n'y revient pas, il y aura dérapage social. Exégèse de ce mot "dérapage social" ? Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire dans votre esprit ?
R- Cela veut dire qu'il faut quand même se rendre compte que nous ne sommes pas simplement sur le problème d'un contrat pour les jeunes, on est sur un problème de société. C'est pour cela que la réaction est aussi importante. Tous les jeunes s'identifient à ce contrat et tous les parents identifient leurs enfants à ce contrat. Le débat est donc dans deux sens : comment veut-on créer la relation contractuelle entre le salarié et son employeur, c'est-à-dire la possibilité de licencier sans motif, mais surtout quel est l'avenir que l'on construit pour nos jeunes et dans l'accès à l'emploi ? Si l'on n'a pas de solution, le dérapage social, ce peut être des dérapages dans les urnes, avec des personnes qui se détournent encore une fois de la politique, c'est ce qui se passe ces dernières années, ou des manifestations qui deviennent de plus en plus importantes et une pression sur le Premier ministre qui lui deviendra insupportable.
Q- Précisément : ces manifestations ne sortent pas toutes seules, vous allez les encourager. Qu'allez-vous faire ? Concrètement, je crois que vous avez rencontré vos homologues, des organisations syndicales ; qu'allez-vous décider concrètement pour les jours à venir ?
R- Nous nous rencontrons demain dans les locaux de la CFDT, entre toutes
les organisations syndicales. Le Premier ministre ne nous laisse qu'une
seule solution, puisqu'il ne va dans le dialogue, on va donc proposer
une nouvelle manifestation. Nous n'avons pas d'autre choix. Nous
préférions, nous, la CFDT, qu'elle se fasse un samedi ; pourquoi un
samedi ? Parce qu'on ne peut pas demander aux salariés de perdre une
journée de travail toutes les semaines, c'est important, mais aussi parce
qu'on est sur un problème d'évolution de la société, et il me semble que
face à un problème comme ça, il faut que toute la société se mobilise.
Q- Un samedi proche ?
R- On ne peut pas attendre un mois comme on l'a fait entre les deux dernières manifestations. Maintenant, les choses sont importantes, il faut se saisir rapidement de ce problème là, donc il faut que la manifestation arrive vite.
Q- D'ici deux semaines ?
R- Oui, dans les quinze jours qui viennent, effectivement.
Q- Autre question : certaines universités sont bloquées par les étudiants ; les encouragez-vous à fermer les universités pour manifester leur refus du contrat "première embauche" ?
R- Non. Je crois qu'il y a des syndicats étudiants, en particulier la Confédération étudiante, qui n'appelle pas au blocage des universités, parce qu'il y a un nombre important d'étudiants qui sont contre le contrat "première embauche" mais qui veulent continuer leurs études. Donc je crois que l'on peut manifester son mécontentement comme on l'a fait hier et continuer ses études parce que, je le répète, c'est l'avenir des jeunes, donc c'est leur formation et l'accès à l'emploi. On ne peut pas confondre les deux choses. Mais dans les grèves, chacun doit se déterminer individuellement et l'important, c'est qu'il y ait une liberté d'accès pour les jeunes qui veulent étudier.
Q- Le Premier ministre dit "on va continuer" ou "on va commencer" - je ne sais pas ce qu'il faut dire - à discuter avec les organisations syndicales, notamment sur une grande réforme du code du travail. Conditionnez-vous la reprise ou le commencement du dialogue social avec le Premier ministre à un recul et un retrait du contrat "première embauche" ?
R- Pour être très clair, la CFDT a toujours été d'accord pour le dialogue. Nous allons donc rencontrer les ministres, tel que le Premier ministre nous le propose, mais cela ne nous enlèvera pas notre mécontentement. Donc on fera les deux et on est toujours prêts au dialogue, bien évidemment. Sur ce sujet de l'emploi des jeunes, on est très fermes : il faut que le Premier ministre mette de côté son projet sur le contrat "première embauche".
Q- Donc, concrètement, vous allez rencontrer monsieur Larcher ?
R- On va le rencontrer pour parler ou pour débattre, pour essayer de négocier s'il y a des sujets à négocier, mais il est bien évident qu'il n'est pas possible pour la CFDT de se dire qu'on tourne la page du problème du contrat "première embauche" pour faire autre chose. Non, les deux choses sont bien évidemment liées. On peut manifester, on peut dialoguer en même temps. Il faut, de toute façon, que l'on trouve une solution. Nous voulons, à la CFDT, que l'on étudie nos propositions. Pourquoi le Premier ministre, depuis six mois refuse d'étudier les propositions de la CFDT ? La CFDT n'est pas une organisation syndicale qui manifeste pour le plaisir. On sait très bien que l'on a un problème de société avec les jeunes, donc il faut qu'on le règle. Pourquoi le Premier ministre s'entête-t-il tout seul dans son coin ? Il commence à être désavoué par la rue, il est désavoué par les sondages, son camp politique est en train de douter de lui. Il faut maintenant revenir à une meilleure condition, c'est-à-dire au dialogue.
Q- Vous avez expliqué hier que vous n'aviez pas vu monsieur Borloo depuis six mois. Est-ce que vous demandez aujourd'hui un rendez-vous avec J.-L. Borloo ? Souhaitez-vous, au fond, que le Premier ministre réunisse l'ensemble des partenaires sociaux dans une grande discussion
immédiate ?
R- Peu importe la méthode. L'important, c'est qu'on demande un geste de bonne volonté au Premier ministre, qu'il suspende son projet. Ensuite, s'il veut lui réunir les partenaires sociaux...
Q- ...Mais il ne veut pas suspendre son projet !
R- Oui, mais on fera les deux. La CFDT ne va pas, alors qu'hier - c'est un élément important -, la moitié des manifestants était des jeunes, des jeunes qui sont inquiets sur leur avenir, ils ne comprendraient pas qu'une organisation syndicale comme la CFDT se retire d'un mouvement comme celui-là. Il faut donc que l'on aille jusqu'au bout sur notre revendication. Maintenant, il n'est pas interdit de débattre d'autres sujets. Et ce sujet-là ne sera réglé que...
Q- Débattre de la réforme du code du travail, par exemple ? D'un contrat unique ?
R- Je crois qu'il faut faire attention. Vous voyez bien que l'on est sur des solutions qui ne sont pas obligatoirement adaptées à la réalité. Je prends le cas des jeunes. Nous avons les jeunes qui n'ont pas de qualification : ce n'est pas un contrat unique qui réglera le problème, leur problème c'est la formation. Pourquoi le Gouvernement ne met-il pas plus de moyens dans la formation ? On a des jeunes qui ont une qualification : il faut les aider pour aller vers l'emploi ; c'est l'accompagnement, ce n'est pas le contrat unique. Ces choses là ne peuvent sont pas être prise par une solution. C'est une diversité de mesures qui fera le résultat.
Q- Sur un autre terrain. Vous avez, entre partenaires sociaux, une réunion, aujourd'hui, sur le devenir des intermittents. Pensez-vous qu'un accord pourrait être scellé, révisant le protocole de 2003, si je ne me trompe ?
R- La CFDT est prête à aller le plus loin possible. Donc on rentre toujours dans une négociation pour aller le plus loin possible. Ce que l'on souhaite, c'est améliorer le protocole de 2003, en particulier sur les problèmes sociaux que l'on a rencontrés, les femmes enceintes, des accidents du travail, des maladies, pour que ces personnes-là ne soient pas défavorisées, l'améliorer, faire en sorte qu'on différencie les plus anciens des plus jeunes dans le système, faire des durées de travail qui soient différentes selon l'âge. Mais si le Gouvernement - et c'est cela l'élément important - veut aller plus loin, il a fait une caisse complémentaire, il faut qu'il décide, lui, ensuite, de payer le complément pour arriver à un accord satisfaisant dans l'ensemble, parce qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas à l'assurance chômage de financer totalement la politique culturelle dans notre pays, parce que ce système-là, finance la politique culturelle. Ce ne sont pas les salariés du privé, seuls, qui peuvent le financer. Il faut que l'Etat prenne sa part.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 mars 2006Interventions médiatiques dans "La Croix "
« Nous attendons du gouvernement qu?il retire le CPE »
le 9 mars 2006
Après les manifestations contre le CPE, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, estime que le Premier ministre « a tort de s?enfermer dans son refus ».
Les syndicats ayant affirmé que la mobilisation contre le contrat première embauche a été un succès, quelles suites comptez-vous donner aux manifestations de mardi ?
À partir du moment où le Premier ministre reste rigide, refuse de suspendre le contrat première embauche (CPE) et d?entamer enfin une négociation avec les syndicats, nous n?avons pas d?autres solutions que de poursuivre le mouvement engagé. Notamment par d?autres manifestations dont nous allons décider les modalités cet après-midi avec les mouvements de jeunes et les autres organisations syndicales. Pour la CFDT, le samedi est le jour qui permet de mobiliser le plus largement car la question posée aujourd?hui dépasse le simple CPE. Nous sommes face à une évolution fondamentale du Code du travail qui permet à l?employeur de rompre son lien avec le salarié sans motif. Mais c?est aussi un problème de société, celui de l?accès des jeunes à la formation et à l?emploi.
Cette contestation n?est-elle pas avant tout portée par les jeunes ?
Hier, plus de la moitié des manifestants étaient des jeunes et il est clair que la mobilisation des étudiants est plus déterminante que celle des salariés. C?est ce que le Premier ministre n?a pas évalué quant il a crée le CPE : tous les jeunes s?identifient à ce contrat, mais aussi leurs parents, qui se mettent à la place de leurs enfants. Donc la mobilisation de la jeunesse est essentielle dans la réussite de ce mouvement. La responsabilité d?un syndicat comme la CFDT est de la soutenir.
Qu?attendez vous vous du gouvernement, notamment de la concertation annoncée mardi par le Premier ministre ?
Le Premier ministre à tort de s?enfermer dans son refus. Nous attendons du gouvernement qu?il retire le CPE. La concertation de la semaine prochaine, annoncée hier, était prévue depuis mi-janvier, et concerne la suite du projet gouvernemental sur l?emploi. Elle ne nous fera pas abandonner notre revendication. Il n?est pas question pour nous d??« enrichir » le CPE, il est question de le retirer et de passer à une autre discussion, sur le travail des jeunes. On a l?habitude que le Premier ministre promette des concertations, il le fait tous les mois et, à chaque fois, il décide sans les syndicats. Chat échaudé craint l?eau froide, il n?est pas question pour nous d?être naïfs. Nous resterons très fermes sur nos objectifs.
Estimez-vous vraiment qu?il n?y a plus de dialogue social depuis l?arrivée de Dominique de Villepin à Matignon ?
C?est le moins que l?on puisse dire. Depuis qu?il est Premier ministre, nous sommes systématiquement dans un semblant de dialogue qui l?amène à décider seul en se passant de l?avis des partenaires sociaux. Mais c?est un problème ancien, les responsables politiques ont toujours eu du mal à laisser syndicats et patronat négocier sur les questions qui les concernent directement, comme le droit du travail. Le Medef doit aussi prendre ses responsabilités sur l?emploi des jeunes. Laurence Parisot doit rencontrer les organisations syndicales pour décider ensemble de la manière de s?attaquer à ce dossier.
Faut-il vraiment une politique spécifique aux jeunes en matière d?emploi ?
Si on veut que les jeunes aient accès à l?emploi, il faut d?abord relancer l?économie. C?est la croissance qui crée l?emploi, pas les contrats de travail. Il faut donc développer une politique d?investissement et de recherche. Nous devons aussi améliorer notre système de formation, en particulier pour les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Pour ceux-là, qui sont les plus éloignés de l?emploi, nous proposons un revenu d?insertion lié à un projet de formation et qui permette d?accéder à un logement.
Faut-il autant refuser toute évolution du contrat de travail ?
Avant l?instauration du contrat nouvelles embauches cet été, nous avons dit au gouvernement que nous étions opposés à la suppression de la motivation du licenciement, mais que nous étions prêts à réfléchir à la question des licenciements économiques, surtout dans les petites entreprises. Nous comprenons qu?une embauche supplémentaire dans une petite société ne doit pas mettre en péril sa viabilité, et donc l?emploi de tous ses salariés.
Quant à l?évolution même du contrat de travail, il n?est pas interdit d?aborder cette question afin d?inventer de nouvelles garanties face à la flexibilité qui se développe dans les entreprises. Cela implique aussi d?ouvrir le débat sur l?assurance-chômage, l?accompagnement des salariés vers l?emploi. On ne peut pas traiter toutes ces questions du jour au lendemain. Source http://www.cfdt.fr, le 13 mars 2006