Texte intégral
F. Laborde - Avant la grande manifestation de samedi, certains dirigeants syndicaux ont dit qu'ils iraient peut-être déjà manifester aujourd'hui, avec les étudiants. Est-ce que ce sera votre cas ?
R - La CGT sera présente, nous l'avons dit dès l'annonce de cette initiative, qui a été conçue à l'occasion d'une réunion unitaire, entre les mouvements étudiants, lycéens, les organisations de salariés. Depuis le début de cette mobilisation, nous travaillons main dans la main, nous soutenons l'initiative d'aujourd'hui. La direction de la CGT sera présente. J'aurai une réunion de travail un peu particulière sur la préparation de notre congrès, car il se trouve que dans notre calendrier, nous avons aussi ce rendez-vous. Et puis nous serons bien sûr, je l'espère, de plus en plus nombreux samedi, toutes générations confondues.
Q - La réunion de samedi doit-elle être un signe extrêmement fort, qui doit amener D. de Villepin à plier ? Est-ce comme cela que vous le vivez ?
R - Nous voulons passer à une étape supérieure. Manifestement, le Gouvernement veut jouer l'usure de la mobilisation. Je crois qu'il a tort. Nous l'avons dit dès le départ : la première initiative de mobilisation a été prise par la CGT le 31 janvier. Depuis cette date, la mobilisation ne cesse de croître. Si nous parvenons, samedi, à avoir toutes les générations réunies - parce le contrat "nouvelles embauches" s'applique à toutes les catégories de salariés, quels que soient les âges, et le CPE s'agissant des plus jeunes - si nous parvenons à être extrêmement nombreux samedi, à ce moment-là, je pense que le Gouvernement pourra revoir sa position...
Q - C'est-à-dire que vous voulez élargir le mot d'ordre pas simplement au CPE, mais au CNE, et que samedi soit le début d'autre chose de plus important encore ?
R - De toute façon, ce qui est au coeur du problème, c'est la précarité dénoncée. Ces deux mesures, dont l'une a été prise par décret durant l'été dernier, pour laquelle nous avons déjà manifesté le 4 octobre, le contrat "nouvelles embauches", puis a succédé le contrat "première embauche" pour les moins de 26 ans, visent, chacune d'elles, à précariser davantage les salariés. Puisque je le rappelle : le désaccord fondamental de ces deux nouveaux contrats de travail est de permettre aux employeurs de licencier sans avoir aucun motif à présenter. C'est un cas unique en Europe et je peux vous dire que l'ensemble des syndicalistes d'Europe - j'étais à Bruxelles il y a 48 heures ? espèrent bien que nous allons parvenir à empêcher le Gouvernement français de créer un précédent dans la législation sociale européenne.
Q - C'est-à-dire que D. de Villepin vient expliquer, à la télévision, qu'il y aura un préavis, qu'il y aura des droits après etc., cela ne remet pas en cause cette tare qui est pour vous...
R - Cela ne change rien à l'aspect fondamental de la critique unanime que nous formulons depuis des semaines et des semaines, qui est que nous refusons que le contrat de travail puisse être rompu unilatéralement par l'employeur, par des licenciements sans motif à présenter. Cela serait un précédent et on imagine bien la précarité que cela générerait dans l'emploi.
Q - Revenons à samedi. Vous dites que c'est un tournant, un moment clé, que s'il y a beaucoup de monde, vous irez plus loin. Qu'est-ce que c'est, "plus loin" ? Est-ce un appel à la grève dans les services publics, est-ce bloquer le pays ?
R - Nous avons une réunion, dès le 18 au soir, pour faire le bilan de la journée de mobilisation, qui encore une fois, je l'espère, sera très importante, pour envisager des suites. Nous avons conduit ce mouvement dans l'unité et je crois que ce qui fait aussi la force de la pression sur les pouvoirs publics, c'est que pour une fois, tous les syndicats sont réunis, avec les organisations lycéennes et étudiantes. Nous allons donc continuer à conduire ce mouvement dans l'unité et si le Gouvernement persiste, il faudra envisager, d'un commun accord, de passer à un cran supérieur.
Q - Qu'est-ce que c'est, un "cran supérieur" ?
R - La palette des mobilisations...
Q - Des appels à la grève dans le secteur public ?
R - Pas uniquement dans le secteur public ! Tout le monde est concerné, dans le secteur public comme dans le secteur privé ! Par exemple, les organisations de la fonction publique ont remis en évidence qu'il y avait d'ores et déjà plus de 800.000 emplois précaires dans la fonction publique.
Q - Le Premier ministre dit très régulièrement qu'il rencontre les syndicats, qu'il veut discuter avec eux ou qu'il va les rencontrer... Depuis le début du conflit, avez-vous eu un petit coup de téléphone des services de Matignon ?
R - Cela doit être la quatrième fois que le Premier ministre dit qu'il va rencontrer les syndicats ou qu'il va faire rencontrer les syndicats pour des réunions, et ce n'est jamais que la quatrième fois où absolument rien ne se passe.
Q - C'est-à-dire qu'il ne vous jamais appelé, ou fait appeler ? N'y a-t-il pas un conseiller de Matignon qui a pris contact avec quelqu'un de votre entourage, rien ? Pas un coup de fil, pas un SMS ?
R - Pas pour prétendre organiser une réunion, puisque nous avons dit, les uns et les autres, que nous n'étions pas prêts à discuter de dispositions accessoires, si le Gouvernement se refusait à rediscuter du fond du CPE et du CNE.
Cela veut-il dire qu'au-delà du CPE et du CNE, il y a un problème de méthode ?
C'est le moins que l'on puisse dire ! Depuis le début, on l'a dit : le Gouvernement a sorti du chapeau le contrat "nouvelles embauches", par décret, durant le mois d'août 2005, peu après son installation, alors que nous l'avions rencontré en juin et qu'il n'était pas question d'une mesure de ce type.
Q - Cela veut-il dire que la loi de cohésion sociale de J.-L. Borloo suscitait moins les foudres syndicales que ça ?
R - Nous n'avons pas eu de protocole d'accord particulier à discuter. Le Premier ministre est maintenant réputé pour décider en solitaire, quoi qu'en pensent les organisations syndicales ou les interlocuteurs. Je me souviens des commentaires des premières mobilisations, considérant que tout cela n'était qu'un mauvais moment à passer..
Q - Et que cela allait être réglé à la faveur des vacances...
R - Mais on s'aperçoit qu'à ne pas entendre ceux qui s'estiment représentatifs - et les syndicats sont de ceux-là - de l'opinion des salariés, on se met dans une impasse.
Q - Les 46 présidents de faculté, réunis hier, disent maintenant qu'il faut ouvrir le dialogue. Ils ne prennent pas position pour ou contre le CPE...
R - Je crois qu'à leur manière, c'est quand même le constat que le Gouvernement a procédé exactement comme il ne fallait pas le faire. Il y a une inquiétude légitime chez les jeunes, comme sur l'ensemble des salariés. On voit ce qui se passe dans la plupart des entreprises, il y a une inquiétude liée à la précarité, car la précarité grandit dans notre pays. Ce n'est pas admis et considéré comme une perspective inéluctable dans un pays aussi développé que la France. Et les présidents d'université, à leur manière, rappellent à plus de bon sens le Gouvernement, le tout étant de savoir jusqu'à quel point et combien de temps le Premier ministre va s'entêter dans cette impasse.
Q - Je vais vous présenter le tableau qui devrait vous énerver, [ce sont les résultats des entreprises du CAC 40], 84 milliards d'euros de profits.
R - Il ne m'énerve pas, il est tout à fait symbolique. Cela fait partie des éléments justement au coeur des polémiques actuelles. C'est-à-dire que des grands groupes internationaux sont capables, aujourd'hui, d'afficher des chiffres de profits record, voire même parfois insolents, et dans le même temps, de nous expliquer et d'expliquer aux salariés qu'il faudrait qu'ils acceptent la précarité.
Q - N'est-ce pas aussi le signe que ces grands groupes, au fond, gagnent de l'argent, parce qu'ils vont à l'étranger et que justement, 30 % de leurs ventes seulement se font en France ? N'est-ce pas justement le signe que nous sommes dans un pays qui est moins attractif : la croissance mondiale est à 4,5 % et en France, elle est à 1 % et quelques...
Q - Mais discutons avec le Gouvernement sur tous les leviers sur lesquels il faut agir, pour favoriser les créations d'emplois dans notre pays. Mais ce n'est pas de cela dont le Gouvernement veut discuter : il prétend, lui, que c'est en déréglementant le droit du travail, en acceptant des licenciements spontanés, que l'on va créer de l'emploi ! C'est ce que nous contestons. Ce n'est pas par la précarité que l'on va assurer une croissance économique et le développement de l'emploi.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006
R - La CGT sera présente, nous l'avons dit dès l'annonce de cette initiative, qui a été conçue à l'occasion d'une réunion unitaire, entre les mouvements étudiants, lycéens, les organisations de salariés. Depuis le début de cette mobilisation, nous travaillons main dans la main, nous soutenons l'initiative d'aujourd'hui. La direction de la CGT sera présente. J'aurai une réunion de travail un peu particulière sur la préparation de notre congrès, car il se trouve que dans notre calendrier, nous avons aussi ce rendez-vous. Et puis nous serons bien sûr, je l'espère, de plus en plus nombreux samedi, toutes générations confondues.
Q - La réunion de samedi doit-elle être un signe extrêmement fort, qui doit amener D. de Villepin à plier ? Est-ce comme cela que vous le vivez ?
R - Nous voulons passer à une étape supérieure. Manifestement, le Gouvernement veut jouer l'usure de la mobilisation. Je crois qu'il a tort. Nous l'avons dit dès le départ : la première initiative de mobilisation a été prise par la CGT le 31 janvier. Depuis cette date, la mobilisation ne cesse de croître. Si nous parvenons, samedi, à avoir toutes les générations réunies - parce le contrat "nouvelles embauches" s'applique à toutes les catégories de salariés, quels que soient les âges, et le CPE s'agissant des plus jeunes - si nous parvenons à être extrêmement nombreux samedi, à ce moment-là, je pense que le Gouvernement pourra revoir sa position...
Q - C'est-à-dire que vous voulez élargir le mot d'ordre pas simplement au CPE, mais au CNE, et que samedi soit le début d'autre chose de plus important encore ?
R - De toute façon, ce qui est au coeur du problème, c'est la précarité dénoncée. Ces deux mesures, dont l'une a été prise par décret durant l'été dernier, pour laquelle nous avons déjà manifesté le 4 octobre, le contrat "nouvelles embauches", puis a succédé le contrat "première embauche" pour les moins de 26 ans, visent, chacune d'elles, à précariser davantage les salariés. Puisque je le rappelle : le désaccord fondamental de ces deux nouveaux contrats de travail est de permettre aux employeurs de licencier sans avoir aucun motif à présenter. C'est un cas unique en Europe et je peux vous dire que l'ensemble des syndicalistes d'Europe - j'étais à Bruxelles il y a 48 heures ? espèrent bien que nous allons parvenir à empêcher le Gouvernement français de créer un précédent dans la législation sociale européenne.
Q - C'est-à-dire que D. de Villepin vient expliquer, à la télévision, qu'il y aura un préavis, qu'il y aura des droits après etc., cela ne remet pas en cause cette tare qui est pour vous...
R - Cela ne change rien à l'aspect fondamental de la critique unanime que nous formulons depuis des semaines et des semaines, qui est que nous refusons que le contrat de travail puisse être rompu unilatéralement par l'employeur, par des licenciements sans motif à présenter. Cela serait un précédent et on imagine bien la précarité que cela générerait dans l'emploi.
Q - Revenons à samedi. Vous dites que c'est un tournant, un moment clé, que s'il y a beaucoup de monde, vous irez plus loin. Qu'est-ce que c'est, "plus loin" ? Est-ce un appel à la grève dans les services publics, est-ce bloquer le pays ?
R - Nous avons une réunion, dès le 18 au soir, pour faire le bilan de la journée de mobilisation, qui encore une fois, je l'espère, sera très importante, pour envisager des suites. Nous avons conduit ce mouvement dans l'unité et je crois que ce qui fait aussi la force de la pression sur les pouvoirs publics, c'est que pour une fois, tous les syndicats sont réunis, avec les organisations lycéennes et étudiantes. Nous allons donc continuer à conduire ce mouvement dans l'unité et si le Gouvernement persiste, il faudra envisager, d'un commun accord, de passer à un cran supérieur.
Q - Qu'est-ce que c'est, un "cran supérieur" ?
R - La palette des mobilisations...
Q - Des appels à la grève dans le secteur public ?
R - Pas uniquement dans le secteur public ! Tout le monde est concerné, dans le secteur public comme dans le secteur privé ! Par exemple, les organisations de la fonction publique ont remis en évidence qu'il y avait d'ores et déjà plus de 800.000 emplois précaires dans la fonction publique.
Q - Le Premier ministre dit très régulièrement qu'il rencontre les syndicats, qu'il veut discuter avec eux ou qu'il va les rencontrer... Depuis le début du conflit, avez-vous eu un petit coup de téléphone des services de Matignon ?
R - Cela doit être la quatrième fois que le Premier ministre dit qu'il va rencontrer les syndicats ou qu'il va faire rencontrer les syndicats pour des réunions, et ce n'est jamais que la quatrième fois où absolument rien ne se passe.
Q - C'est-à-dire qu'il ne vous jamais appelé, ou fait appeler ? N'y a-t-il pas un conseiller de Matignon qui a pris contact avec quelqu'un de votre entourage, rien ? Pas un coup de fil, pas un SMS ?
R - Pas pour prétendre organiser une réunion, puisque nous avons dit, les uns et les autres, que nous n'étions pas prêts à discuter de dispositions accessoires, si le Gouvernement se refusait à rediscuter du fond du CPE et du CNE.
Cela veut-il dire qu'au-delà du CPE et du CNE, il y a un problème de méthode ?
C'est le moins que l'on puisse dire ! Depuis le début, on l'a dit : le Gouvernement a sorti du chapeau le contrat "nouvelles embauches", par décret, durant le mois d'août 2005, peu après son installation, alors que nous l'avions rencontré en juin et qu'il n'était pas question d'une mesure de ce type.
Q - Cela veut-il dire que la loi de cohésion sociale de J.-L. Borloo suscitait moins les foudres syndicales que ça ?
R - Nous n'avons pas eu de protocole d'accord particulier à discuter. Le Premier ministre est maintenant réputé pour décider en solitaire, quoi qu'en pensent les organisations syndicales ou les interlocuteurs. Je me souviens des commentaires des premières mobilisations, considérant que tout cela n'était qu'un mauvais moment à passer..
Q - Et que cela allait être réglé à la faveur des vacances...
R - Mais on s'aperçoit qu'à ne pas entendre ceux qui s'estiment représentatifs - et les syndicats sont de ceux-là - de l'opinion des salariés, on se met dans une impasse.
Q - Les 46 présidents de faculté, réunis hier, disent maintenant qu'il faut ouvrir le dialogue. Ils ne prennent pas position pour ou contre le CPE...
R - Je crois qu'à leur manière, c'est quand même le constat que le Gouvernement a procédé exactement comme il ne fallait pas le faire. Il y a une inquiétude légitime chez les jeunes, comme sur l'ensemble des salariés. On voit ce qui se passe dans la plupart des entreprises, il y a une inquiétude liée à la précarité, car la précarité grandit dans notre pays. Ce n'est pas admis et considéré comme une perspective inéluctable dans un pays aussi développé que la France. Et les présidents d'université, à leur manière, rappellent à plus de bon sens le Gouvernement, le tout étant de savoir jusqu'à quel point et combien de temps le Premier ministre va s'entêter dans cette impasse.
Q - Je vais vous présenter le tableau qui devrait vous énerver, [ce sont les résultats des entreprises du CAC 40], 84 milliards d'euros de profits.
R - Il ne m'énerve pas, il est tout à fait symbolique. Cela fait partie des éléments justement au coeur des polémiques actuelles. C'est-à-dire que des grands groupes internationaux sont capables, aujourd'hui, d'afficher des chiffres de profits record, voire même parfois insolents, et dans le même temps, de nous expliquer et d'expliquer aux salariés qu'il faudrait qu'ils acceptent la précarité.
Q - N'est-ce pas aussi le signe que ces grands groupes, au fond, gagnent de l'argent, parce qu'ils vont à l'étranger et que justement, 30 % de leurs ventes seulement se font en France ? N'est-ce pas justement le signe que nous sommes dans un pays qui est moins attractif : la croissance mondiale est à 4,5 % et en France, elle est à 1 % et quelques...
Q - Mais discutons avec le Gouvernement sur tous les leviers sur lesquels il faut agir, pour favoriser les créations d'emplois dans notre pays. Mais ce n'est pas de cela dont le Gouvernement veut discuter : il prétend, lui, que c'est en déréglementant le droit du travail, en acceptant des licenciements spontanés, que l'on va créer de l'emploi ! C'est ce que nous contestons. Ce n'est pas par la précarité que l'on va assurer une croissance économique et le développement de l'emploi.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006