Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur la mutation de l'aide au développement traditionnelle vers le financement innovant du développement, et notamment sur la participation française à l'IFFIM (facilité financière internationale pilote sur la vaccination), Paris le 28 février 2006.

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Circonstance : Conférence internationale "Solidarité et mondialisation : financements innovants pour le développement et contre les pandémies" à Paris le 28 février 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de pouvoir évoquer avec vous la question très importante des financements innovants du développement. La qualité, la diversité et le nombre de participants à cette Conférence montrent que ces mécanismes sont maintenant perçus comme un complément incontournable à l'aide publique au développement traditionnelle, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Quel chemin parcouru depuis la conférence de Paris consacrée à ce sujet en avril 2004 !
Cet espace de dialogue et de concertation, je souhaite que nous le consacrions à déterminer ensemble comment pallier efficacement les insuffisances de l'aide publique au développement traditionnelle, afin d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement en 2015, comme nous nous y sommes engagés en 2000.
Nous avons d'ores et déjà progressé dans plusieurs directions, que je souhaite partager avec vous.
Chacun s'accorde à reconnaître que l'aide au développement traditionnelle est relativement démunie pour encourager la recherche en matière de vaccins contre les principales pandémies qui frappent les pays en développement.
En 2004, l'idée de mettre à profit des promesses de contributions et des engagements par anticipation pour accélérer la recherche et solvabiliser ce marché était encore balbutiante.
Le sujet des advance market commitments (AMC) est maintenant au coeur des négociations du G8, qui s'est engagé à mettre en oeuvre un projet pilote dès cette année. La France soutient résolument cette initiative, qui constitue il me semble un exemple convaincant où l'action publique peut utilement renforcer l'efficacité des marchés sans s'y substituer.
L'aide au développement traditionnelle est également caractérisée par sa trop grande volatilité pour des actions dans des domaines tels que l'éducation ou la santé, qui requièrent des ressources pérennes et prévisibles, difficilement compatibles avec les procédures budgétaires annuelles des Etats donateurs.
Il y a un an, lors du forum de Davos, s'appuyant sur les conclusions du rapport Landau, le Président de la République proposait de mettre en oeuvre une contribution sur le transport aérien affectée au développement. 79 pays ont manifesté leur intérêt pour approfondir l'analyse de cette proposition dans la déclaration de New York de septembre 2005.
L'été dernier, le Chili a eu l'audace de décider la mise en oeuvre d'une telle contribution, devenant ainsi le premier pays à montrer qu'elle n'est pas seulement une idée généreuse, mais qu'elle est aussi une idée opérationnelle. Je tiens à saluer devant vous sa détermination et son esprit pionnier. Comme vous le savez, nous avons décidé de lui emboîter le pas en mettant en oeuvre au 1er juillet prochain une contribution similaire.
Aujourd'hui, j'apprends par M. Amorim que je remercie vivement, que le Brésil va prochainement introduire lui aussi une contribution sur tous ses vols internationaux, et je sais que de nombreux pays ici représentés, de continents et de niveaux de développement différents, ont déjà décidé ou s'apprêtent à le faire.
C'est un message extrêmement encourageant quant à notre capacité à nous mobiliser collectivement pour accroître le niveau et la qualité de notre aide au développement.
Mesdames et Messieurs, la communauté internationale avance rapidement. Une palette d'outils innovants, complémentaires, opérationnels, est désormais à notre disposition pour lever des obstacles au développement. Il en est maintenant de notre responsabilité collective de les mettre en oeuvre.
La dynamique exceptionnelle de l'année 2005 ne doit pas retomber ; il convient désormais d'exploiter pleinement les potentialités des différents projets pilotes de financements innovants que j'ai évoqués précédemment, afin d'accroître l'efficacité globale de l'aide.
La France y prendra toute sa part. Je poursuivrai activement ma coopération avec mon collègue britannique Gordon Brown pour mettre en oeuvre la facilité financière internationale pilote sur la vaccination, l'IFFim, comme nous en sommes convenus l'an dernier. Cette initiative, qui permettra de sauver la vie de 5 millions d'enfants d'ici 2015, est maintenant lancée. La première émission obligataire doit intervenir dans les prochaines semaines.
Plus globalement, la France continuera à préparer l'avenir en matière de financements innovants, alors que le déficit de financement des biens publics mondiaux et des objectifs du Millénaire est avéré.
Les financements innovants ne peuvent pas tout. Ils ne nous dispensent pas de poursuivre nos efforts en matière d'aide publique au développement, avec en ligne de mire l'objectif des 0,7 %.
Vous savez que les pays de l'Union européenne, dont l'aide cumulée représente plus de 55 % du total mondial, se sont engagés à atteindre collectivement 0,56 % dès 2010 puis 0,7 % en 2015. Pour sa part, la France a déjà augmenté de 80 % son aide depuis 2000 et est déterminée à porter son effort à 0,5 % l'année prochaine puis à 0,7 % dès 2012.
Il est indispensable que les autres pays industrialisés augmentent eux aussi leur aide, de sorte que cette charge soit partagée de manière équitable. Dans l'immédiat, cela passe notamment par un engagement clair de leurs Parlements afin d'apporter des financements additionnels à l'AID et au Fonds africain de développement, de manière à rendre effectives les annulations de dette multilatérales décidées à Gleneagles.
Enfin, dans le prolongement de la déclaration de Paris de mars 2005, nous devons également poursuivre ensemble nos efforts de meilleure coordination et d'harmonisation en matière d'aide au développement. Cela implique à la fois une simplification de l'architecture de l'aide, le développement des cofinancements entre bailleurs et une meilleure prise en compte des priorités des pays aidés.
Mesdames et Messieurs, les chantiers qui nous attendent sont immenses. Bien évidemment, la mise en oeuvre de financements innovants ne constituera pas à elle seule une réponse suffisante pour atteindre les objectifs du Millénaire. Mais ces outils novateurs ne peuvent plus être ignorés. La France compte donc résolument sur votre appui pour progresser dans cette voie.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 27 mars 2006