Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, en réponse à une question sur le contrat première embauche, à l'Assemblée nationale le 28 mars 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député,
Il y a dans notre pays une anxiété sociale réelle. C'est cette anxiété qui se manifeste aujourd'hui, c'est à cette anxiété qu'il nous faut répondre. Ne nous y trompons pas, aujourd'hui, ce qui est en cause, c'est le sentiment de précarité, c'est la crainte de l'avenir, c'est bien le manque de projet collectif. Ce n'est, et nous le savons tous, que dans l'action que nous parviendrons à convaincre tous les Français que demain peut être mieux qu'aujourd'hui. Et cela est vrai en particulier pour les jeunes. Ce sont les premiers, je dis bien les premiers, à payer le prix des renoncements et de l'immobilisme.
On avait promis des diplômes pour tous et des lendemains faciles, on a eu un chômage qui augmente, des diplômes qui ne garantissent plus la promotion sociale, un avenir incertain. Alors, oui, il est temps de faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active, pas seulement ceux qui ont de bons diplômes, ceux qui trouvent rapidement un CDI, ceux qui trouvent un logement, ceux qui peuvent s'installer rapidement dans la vie mais tous ceux qui n'ont pas de diplôme, pas de qualification, pas d'expérience, et dont le taux de chômage dépasse les 40 %. Pensons d'abord à eux, à ces jeunes à qui personne ne donne de chance. C'est une question de justice, c'est une question d'égalité des chances.
L'enjeu, ce pour quoi je me bats depuis le premier jour, c'est contre la précarité, c'est pour l'insertion professionnelle des jeunes. Et cela se joue dès l'université. Aidons les jeunes à s'orienter. Aidons les jeunes à faire leur choix en connaissance de cause. Développons les filières professionnelles et l'alternance, qui peuvent permettre d'offrir un accès rapide à l'emploi. Cela se joue aussi, nous le savons, sur le marché du travail. Donnons plus de souplesse à l'employeur pour offrir plus d'emplois aux jeunes. Cela marche et le succès du contrat "nouvelles embauches", monsieur Ayrault, en est l'exemple.
En contrepartie, il appartient à l'Etat d'apporter toutes les garanties nécessaires au salarié, des garanties réelles, des garanties nouvelles, comme la prise en charge du complément de rémunération lorsque le contrat du salarié est rompu et lorsque ce salarié entre en formation. C'est l'engagement que nous avons pris. Oui, avançons, ne restons pas immobiles, sans quoi rien ne pourra s'améliorer pour les jeunes dans notre pays. Je suis prêt, comme certains syndicats l'ont demandé, à ouvrir un grand débat sur les liens entre l'université et l'emploi. Les présidents d'université l'ont demandé. Je suis prêt à définir avec les partenaires sociaux un plan d'action concerté pour l'emploi des jeunes, qui traitera de tous les problèmes qu'ils rencontrent aujourd'hui sur le marché du travail. C'est bien dans cet esprit, avec comme seule volonté le développement de l'embauche des jeunes, que nous avons élaboré le contrat "première embauche". Jamais auparavant, personne n'avait avancé ce problème, certainement pas vous.
J'ai souhaité, dans la période actuelle, ouvrir les discussions les plus larges car je vois bien les interrogations qui se portent sur certains points du contrat, en particulier la période de consolidation de l'emploi et les modalités de la rupture. Je l'ai dit, je suis prêt à engager le dialogue et à aménager le contrat sur deux points. La République, ce n'est pas les préalables, ce n'est pas l'ultimatum, la République, ce n'est pas quand certains membres de la représentation nationale contestent la règle républicaine.
Je l'ai écrit aux syndicats, je leur ai proposé d'en discuter demain à Matignon. Ils ont refusé la main tendue. Je leur renouvelle ici devant vous tous cette proposition, s'ils veulent s'engager dans la voie du dialogue, s'ils veulent réduire la période des deux ans, s'ils veulent prévoir un entretien à la rupture du contrat, j'y suis prêt. Il reste du temps utile. Mettons-le à profit pour dialoguer. Mais il y a une chose que je n'accepte pas, Monsieur Ayrault, une chose : c'est bien de rester les bras croisés face au chômage des jeunes dont vous n'avez jamais parlé jusqu'ici. Ce que je n'accepte pas non plus, c'est de choisir la résignation, lorsque les Français réclament des résultats.
Nous avons rendez-vous chaque mois. Je serai présent chaque rendez-vous. Je n'accepte pas non plus de regarder vers le passé quand tous nos compatriotes ont soif d'avenir. Aujourd'hui, le rendez-vous que nous avons tous, c'est de défendre une ambition sociale et, en même temps, d'être fidèle à une exigence républicaine. C'est bien le rendez-vous que tient ce gouvernement et c'est celui-là que vous refusez.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 mars 2006