Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur les relations entre la France et l'Espagne, notamment en matière culturelle et sur la coopération franco-espagnole au service de l'Union européenne, Paris le 28 mars 2006.

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Circonstance : Visite officielle de Leurs Majestés, le Roi Juan Carlos et la Reine Sofia d'Espagne du 27 au 29 mars 2006-déjeuner à l'Hôtel Matignon le 28

Texte intégral

Sire,
Madame,
C'est un grand honneur et une grande joie de vous recevoir aujourd'hui.
Vous savez l'attachement profond et ancien qui est le nôtre pour l'Espagne. Chaque fois que la chance m'est donnée de me rendre dans votre pays, c'est avec la certitude de faire de nouvelles rencontres, de nouvelles découvertes, mais aussi de vivre de précieuses retrouvailles.
1. La proximité entre nos deux peuples ne cesse de se renforcer :
Elle est d'abord le fruit d'une histoire commune, faite de pages glorieuses et, parfois, de déchirements. Longtemps passionnelles mais toujours empreintes de fascination réciproque, les relations entre la France et l'Espagne ont retrouvé aujourd'hui le chemin d'une véritable amitié, au coeur de l'aventure européenne.
Cette proximité, c'est aussi celle qu'ont entretenue de tout temps nos intellectuels et nos artistes :
je pense bien entendu aux échos de GOYA ou de VELAZQUEZ que l'on retrouve chez MANET et qui percent encore dans les tableaux de Pierre SOULAGES et Miquel BARCELO ;
je pense aux liens tissés entre les avant-gardes de Paris et de Barcelone au tournant du siècle, aux résonances entre Juan GRIS, PICASSO et BRAQUE, et à l'univers partagé entre nos deux pays de Michel DEL CASTILLO ;
je pense aux regards croisés de nos grands architectes, Jean NOUVEL et Ricardo BOFILL, Santiago CALATRAVA et Dominique PERRAULT.
Aujourd'hui les Français célèbrent la culture venue d'Espagne, qu'il s'agisse des films de Pedro ALMODOVAR, dans lesquels nous retrouvons avec bonheur Carmen MAURA, des chorégraphies de Blanca LI, ou encore des romans d'Enrique VILA-MATAS et de Javier MARIAS. Même dans le domaine de la gastronomie, les Français ont succombé au talent des grands chefs espagnols. Et je n'oublie pas vos grands artistes, d'Antoni TAPIES à Jaume PLENSA ou Antoni TAULE, qui ont ouvert tant de nouvelles voies à l'art contemporain.
Cette proximité, c'est une véritable chance pour nos deux pays. Nous devons en tirer parti grâce à des projets communs :
Dans le domaine de la compétitivité, nous avons décidé avec José Luis RODRIGUEZ ZAPATERO de jumeler nos « pôles de compétitivité » et d'ouvrir une ligne d'autoroutes de la mer.
Dans le domaine de la sécurité, en particulier la lutte contre le terrorisme, nos deux pays sont engagés côte à côte de façon exemplaire. Nous avons partagé votre douleur lors des attentats qui ont frappé Madrid le 11 mars 2004. Nous partageons votre espoir et votre vigilance face à l'annonce par l'ETA d'un cessez-le-feu permanent.
Nous devons aussi prendre des initiatives communes en faveur de la jeunesse. Depuis plusieurs semaines nous entendons les inquiétudes des jeunes Français. Mon gouvernement veut y répondre, avec l'aide des partenaires sociaux. La coopération entre la France et l'Espagne peut permettre d'offrir plus d'opportunités à nos jeunes concitoyens. Sur les équivalences de diplômes et le renforcement des jumelages entre universités, nous pouvons trouver des solutions nouvelles.
2. La qualité de notre coopération, nous devons la mettre au service de l'Europe.
Sire,
Les Français connaissent et rendent hommage à votre engagement. Vous avez été le garant de l'esprit démocratique : chacun se souvient du rôle essentiel que vous avez joué, il y a tout juste vingt-cinq ans, lors de la tentative de coup d'état du 23 février 1981. Depuis, vous n'avez cessé de défendre les valeurs de la démocratie, qui sont au coeur de l'héritage européen. Un grand Européen, mon ami Jorge SEMPRUN, m'a souvent affirmé qu'en s'ouvrant sur l'Europe, l'Espagne était redevenue elle-même.
Aujourd'hui, alors que votre pays célèbre le vingtième anniversaire de son adhésion aux Communautés européennes, il est au coeur de la modernité de notre continent.
Alors même que l'Europe semble douter, hésiter, le chemin tracé par l'Espagne doit nous encourager à donner un nouveau souffle à l'aventure européenne. Pour cela, comme l'a souhaité le Président Jacques CHIRAC, nous devons apporter aux Européens la preuve concrète et quotidienne que l'Europe est une chance, qu'elle constitue un atout majeur dans un monde globalisé :
Ainsi, dans le domaine de l'immigration, avec le projet de conférence euro-africaine sur les migrations, dont nos deux pays ont pris l'initiative ;
Ou encore, dans le domaine de la politique étrangère, où l'Europe est servie par d'éminents Espagnols, au premier rang desquels M. Javier SOLANA et, hier, mon ami Miguel Angel MORATINOS dans sa mission d'envoyé spécial au Proche-Orient.
3. Ensemble, défendons l'ambition d'un monde plus juste.
Nous partageons une même vision du monde, une vision fondée sur l'exigence de respect, de dialogue et de défense du droit.
Nous partageons aussi un même attachement à la diversité des cultures. Je connais la priorité qu'accorde l'Espagne, comme la France, à ce combat, à travers les Instituts Cervantès, mais aussi à travers les liens si forts que vous entretenez avec l'Amérique latine, chère à Régis DEBRAY. Ils font écho à l'attachement de la France à l'aire francophone. Je me félicite que nos efforts conjoints aient permis une première victoire avec l'adoption de la convention de sur la diversité culturelle.
Sire,
Madame,
La France se réjouit de vous accueillir sur son sol pour votre troisième visite d'Etat. C'est une France qui, comme l'Espagne, a elle aussi profondément changé. C'est une France lucide, qui veut relever les défis de notre monde, dans la fidélité à ses principes d'égalité et de fraternité.
Je vous propose donc de porter un toast à la très belle et vivante Espagne, à l'amitié profonde qui unit nos deux pays et aux nombreux chemins qu'ensemble nos deux pays vont parcourir.
Vive l'Espagne ! Vive la France ! Vive l'amitié franco-espagnole !Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 mars 2006