Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la contribution de la France à l'aide multilatérale au développement, à Paris le 23 mars 2006.

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Circonstance : 6ème rencontres françaises de la coopération communautaire et multilatérale,à Paris le 23 mars 2006

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureuse d'avoir cette occasion de m'adresser à vous, pour clôturer les travaux de ces "6èmes Rencontres françaises de la Coopération communautaire et multilatérale". Ces Rencontres, créées en 2001, sont devenues au fil des années un rendez-vous incontournable de l'ensemble des opérateurs publics et privés de la coopération internationale.
L'édition de cette année se distingue non seulement par le nombre des participants - plus de six cents, me dit-on - mais également par l'invitation, pour la première fois, des opérateurs espagnols de la coopération que je salue tout particulièrement.
Tenter de dresser un bilan des échanges de la journée serait une gageure, et je préfère vous donner en quelques mots les réflexions que je tire de mon expérience de ministre de la Coopération depuis bientôt dix mois, sur le sujet qui vous a réunis aujourd'hui : "comment améliorer l'articulation entre les dispositifs bilatéraux de coopération et les dispositifs communautaires et multilatéraux ?"
Nous savons tous que cette problématique ne date pas d'aujourd'hui, mais elle revêt actuellement un caractère d'autant plus aigu que l'aide multilatérale occupe une place importante dans l'aide publique au développement de l'ensemble des pays contributeurs. La France a réalisé un effort particulièrement significatif en la matière
J'en veux pour preuve quelques exemples :
nos contributions volontaires aux Nations Unies sont passées de 50 à 90 millions d'euros de 2004 à 2006, avec un objectif de 110 millions d'euros l'an prochain ;
Notre participation à l'Association internationale de Développement de la Banque mondiale a augmenté de 40 % ;
Notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida doublera en deux ans pour atteindre 300 millions d'euros en 2007 ;
Nous sommes également le premier contributeur au Fonds africain de Développement ;
Enfin, la France est le 1er contributeur au FED - Fonds européen de Développement.
L'évolution de cette répartition entre l'aide multilatérale et l'aide bilatérale est d'ailleurs contestée par certains, qui pensent que notre coopération a perdu en visibilité. J'en suis consciente et j'en reçois fréquemment l'écho lors de mes déplacements à l'étranger ou dans mes contacts avec les parlementaires. Je crois qu'il faut sur ce sujet que nous soyons pragmatiques : en matière d'aide au développement et de coopération la théorie des avantages comparatifs doit également jouer. Pour prendre l'exemple de la lutte contre la grippe aviaire ou contre les épidémies, qui contestera le fait que l'approche multilatérale est de nature à répondre avec plus de pertinence aux défis qui nous sont posés ? A l'inverse, des programmes bilatéraux sont souvent plus adaptés quand il s'agit de domaines où la composante culturelle est importante.
Evitons donc les postures stériles et concentrons nos efforts sur la meilleure utilisation et la meilleure articulation possible des contributions bilatérales et multilatérales à tous les niveaux de l'analyse et de l'action. Nous partageons tous les Objectifs du Millénaire. Nous sommes tous convaincus que les stratégies de réduction de la pauvreté sont essentielles, de même que les programmes transnationaux des différents bailleurs. C'est dans ce cadre et en complémentarité avec l'action des autres intervenants, publics et privés, que nous inscrivons nos propres priorités géographiques et sectorielles pluriannuelles.
Comment aborder le marché des financements internationaux ? La formule peut choquer, mais elle a le mérite de souligner qu'il ne doit pas y avoir de rentes de situation ni de marchés captifs, et que l'excellence et la concurrence doivent avoir, là aussi, toute leur place.
J'entends parfois dire que les opérateurs français ne sont pas assez offensifs sur les appels d'offre ou les appels à projet sur financements de l'Union européenne ou des institutions financières internationales. Le constat peut être largement élargi à l'ensemble de l'Union européenne. Celle-ci représente déjà aujourd'hui 55 % de l'aide mondiale, et cette part va augmenter. La question que nous pouvons légitimement nous poser : en tirons-nous tout le profit en matière d'influence et de présence, à la fois dans les débats d'idées et sur le terrain ? Je crains que ce ne soit pas le cas. C'est pourquoi je trouve positives les récentes propositions faites à Bruxelles ou Luxembourg de mieux nous organiser pour rééquilibrer le centre de gravité de l'action internationale en matière d'aide au développement.
Mais ne noircissons pas non plus exagérément le tableau. Notre capacité d'organisation et d'influence s'est considérablement améliorée ces dernières années, et la tenue de ces rencontres depuis six ans témoigne du changement qui s'est produit dans les mentalités et les pratiques de l'ensemble des opérateurs, publics et privés.
Vous savez combien je me suis attachée à moderniser nos instruments de coopération et tout particulièrement par la mise en oeuvre des DCP
- Documents Cadre de Partenariat - qui contractualisent nos actions de développement en partenariat avec tous les acteurs - gouvernements, institutions internationales, entreprises, ONG et collectivités locales.
C'est par une concertation accrue entre l'ensemble de ces acteurs que nous tirerons le meilleur parti des différents instruments qui doivent faciliter le positionnement de l'expertise française dans les enceintes multilatérales :
- Je mentionnerai bien sûr en premier lieu notre réseau très dense de représentations à l'étranger: les ambassades, les services de Coopération et d'Action culturelle, les missions économiques et les agences de l'AFD qui contribuent, chacun dans son registre, à la coordination des bailleurs de fonds et à l'information des opérateurs français ;
- Viennent ensuite les réseaux d'experts : les experts associés aux Nations unies et à la Banque Mondiale, les jeunes volontaires européens, et les experts nationaux détachés ;
- Enfin, le GIP (Groupement d'intérêt public) France - Coopération internationale qui, depuis 2003, porte l'organisation de ces Rencontres annuelles et que je remercie tout particulièrement ici. Sa mission essentielle est de mobiliser les opérateurs et de développer la présence française dans les organismes multilatéraux - expertise publique française, formations, développement de la présence des assistants techniques et des experts sur les missions de courte, moyenne et longue durée ;
Le tableau serait incomplet si je ne mentionnais pas également les efforts de coopération et de syndication entre européens pour répondre aux appels d'offre ou aux appels à projet. La présence de nos amis espagnols à ces Rencontres en est l'illustration, et je sais qu'un important appel d'offre a ainsi été récemment emporté par FCI (France Coopération internationale) associé à la FIIAP espagnole (Fondation internationale et pour l'Amérique latine d'Administration et de Politiques publiques) pour la coordination générale du programme "Eurosocial" de la Commission européenne.
C'est grâce à ce partenariat que nous développerons nos "parts de marché" et que nous augmenterons le "retour sur investissement" de nos contributions multilatérales au développement. Il s'agit simplement de tirer le meilleur parti de nos instruments de coopération, mais également de rendre notre politique plus claire pour l'opinion publique : grâce à une meilleure lisibilité sur le terrain, grâce à une plus grande cohérence de nos interventions, et à une coordination plus fine avec les pays aidés et avec l'ensemble des intervenants français - experts et consultants, AFD, FCI, collectivités locales et ONG.
Je sais qu'une des sessions de cette journée a été consacrée à l'Afrique subsaharienne avec des interventions de la DG Développement de la Commission, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de Développement. Vous savez à quel point nous sommes attachés à ce continent avec lequel nous avons tant de liens et auquel nous consacrons plus de la moitié de notre coopération. L'enjeu est considérable économiquement et socialement tant pour l'Afrique que pour l'Europe, comme le montrent les réflexions actuelles sur les interactions entre migrations et développement, et vous avez eu raison d'y porter une attention toute particulière.
Au moment de conclure mon propos, je tiens à remercier très chaleureusement tous les participants de ces "6émes Rencontres", l'équipe de FCI, ainsi que les services concernés du ministère des Affaires étrangères - la DGCID au premier chef - pour le travail qu'ils ont accompli pour l'organisation de cette journée. J'espère que vos travaux nous permettront d'accroître encore l'efficacité de notre aide.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2006