Interview de M. Julien Dray, porte-parole du PS, à "Europe 1" le 28 mars 2006, sur son analyse du maintien par le gouvernement du contrat première embauche (CPE), non pour des raisons sociales mais par calcul politique.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Vous souhaitez le succès le plus total, cela veut dire que vous pensez que D. de Villepin va finir par céder à la pression de la rue ?
R- Je vous écoute depuis quelques minutes, vous donnez le sentiment que D. de Villepin, c?est formidable, c?est un homme qui tient bon, il a du courage. Moi, ce n?est pas du tout comme ça que je sens les choses. Je ne comprends plus du tout ce que fait le Premier ministre, c?est une interrogation terrible. Il est en train de paralyser un pays, de s?entêter, c?est un homme qui n?a aucun rapport avec le suffrage universel, qui a été nommé par le président de la République dans des conditions très particulières, après la défaite à un référendum, et qui aujourd?hui est opposé à tout ce qui vit dans le pays. Toutes les organisations syndicales demandent le retrait, toutes les organisations syndicales de jeunesse sont mobilisées, cela fait maintenant deux mois que ça dure et un homme seul pour résister à un pays.
Q- Mais pourquoi exiger le retrait alors que le Premier ministre se dit prêt à discuter des deux sujets les plus sensibles, la durée et la motivation du licenciement. Et je ne sais pas si vous avez entendu tout à l?heure H. Mariton pour l?UMP...
R- Oui le porte-parole du Premier ministre, c?est le seul député de l?UMP qui défend aujourd?hui le Premier ministre...
Q- Et qui a dit que D. de Villepin était prêt à aller très loin dans l?amélioration du CPE. Il y a peut-être du grain à moudre ?
R- Cela fait combien de temps que ça dure ? Cela fait deux mois que le Premier ministre aurait dû commencer la discussion. Il n?a même pas discuté à l?Assemblée nationale, il a imposé le 49-3, il n?a même pas respecté la loi française qui voudrait que normalement chaque texte social soit discuté avant avec les organisations syndicales. N. Sarkozy le rappelait lui-même hier. D?ailleurs on se pose la question de savoir quel jeu joue N. Sarkozy puisqu?il est dans un Gouvernement qui ne respecte la loi qu?il fait voter au Parlement. Donc le Premier ministre nous dit "Il y a du grain à moudre". Mais les deux questions qu?il évoque sont au coeur du texte qu?il a fait voter. Si on revient sur ces deux questions là, ce texte n?a plus aucun sens, alors il faut le retirer. C?est pour cela que les organisations syndicales demandent le retrait. Si on revient sur le délai et sur les motivations, alors le texte de CPE n?a plus aucun sens. Donc pourquoi la maintenir ? Ce n?est donc pas pour des raisons sociales que ce texte existe maintenant si on revient sur ces deux questions. C?est donc simplement que le Premier ministre est en train d?essayer une opération politique au sein de son parti politique, l?UMP, c?est cela qui n?est pas acceptable, prendre un pays en otage pour une ambition présidentielle.
Q- La gauche veut qu?il mette un genou à terre ?
R- Ce n?est pas le problème de mettre un genou à terre, nous n?avons même pas demandé la démission du Premier ministre. Ce n?est pas la question qui est posée. J?écoutais hier le président du syndicat de l?UNEF qui disait des choses très justes, le problème n?est pas de savoir s?il y a un vainqueur ou un vaincu, le problème, c?est un texte qui remet en cause les principes du droit du travail en France, les principes fondamentaux. Et donc, ce texte n?a été discuté avec personne, ce texte est contraire aux principes fondateurs de notre droit social, c?est ça la question qui est posée.
Q- Donc c?est le retrait et rien d?autre ?
R- Oui, à ce stade là, on ne voit pas comment on peut discuter puisque les deux questions qui sont posées sont au coeur de ce texte là. Donc ce n?est pas un problème d?entêtement, ce n?est pas un problème de dire on veut faire plier un homme, ce n?est pas un problème de demander une victoire pour faire plier la droite à la veille des élections présidentielles, c?est simplement de dire "il faut prendre les conditions d?un dialogue social raisonnable et donc il ne faut pas essayer de passer un texte en force qui remet en cause ce droit social".
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 mars 2006