Texte intégral
Q- La crise du contrat "première embauche", la situation semble bloquée avant les grèves et les manifestations de demain. D. de Villepin est prêt à négocier certains points du contrat, les syndicats veulent le retrait pur et simple. Est-ce la rue qui va décider demain de l'issue du conflit ?
R- Je pense que la seule issue possible, c'est que des négociations s'ouvrent. Lorsqu'on est à ce point de blocage, on voit bien qu'il faut que l'on se mette autour d'une table. On aurait dû le faire depuis le début, depuis le premier jour de ce processus. Je suis moi-même monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour dire que lorsqu'on bloquait la délibération à l'Assemblée nationale ou au Sénat, lorsque le Parlement ne faisait pas son travail, lorsque l'on ne discutait pas avec les partenaires sociaux, il était inéluctable que l'on provoque des réactions et que ces réactions auraient lieu, hélas, dans la rue.
Q- Vous soutenez donc D. de Villepin qui se dit prêt à ouvrir des négociations ?
R- Il y a eu cette dernière semaine des allers-retours, un jour on ouvre, un jour on ferme, et cela ne ressemble pas à une attitude lisible. Ce qui est extraordinaire, et terrible pour la France, c'est qu'il est impossible de se faire entendre dans notre pays, il est impossible de parler sans en arriver à ces extrémités de descendre dans la rue, d'avoir des manifestations, des actions qui changent l'ordre public, pour ne pas dire qui le troublent. C'est invraisemblable que depuis des décennies, ce pays soit à ce point rebelle à la discussion.
Q- A qui la faute ?
R- Vous voyez bien que dans cette affaire-là, c'est évidemment au Gouvernement que revient la faute. Nous avons une loi ? c'est extraordinaire de le rappeler, mais permettez moi de le faire ? nous avons voté une loi, il y a à peine deux ans, en mai 2004, qui oblige les partenaires sociaux à discuter avant toute décision en matière sociale, et notamment de droit du travail. C'est cette majorité et ce Gouvernement, pour ainsi dire, qui ont voté cette loi. Et à la première occasion, on abandonne cette loi, on ne la respecte pas et on se trouve en situation de blocage. Quelle est cette conception du pouvoir dans laquelle nous sommes enfermés depuis si longtemps, Gouvernement de droite après Gouvernement de gauche, et qui empêche de mettre sur la table les choses qu'il est nécessaire de discuter en commun ?
Q- Est-ce que le dialogue social donne des résultats en France ? N. Sarkozy a dit la semaine dans une interview à Paris-match : la fonction des syndicats, c'est de vouloir conserver des acquis. Il dit en substance qu'on ne peut pas avancer avec les syndicats, qu'avec aux, c'est le conservatisme. Partagez vous ce point de vue ?
R- Je suis en désaccord absolu avec cette idée. Je pense que si l'on décrédibilise les syndicats, on se retrouve dans le désordre. On a besoin de partenaires dans une société construite, démocratique. Tous les pays du monde ont réussi à bâtir une légitimité de la société en face de la légitimité du pouvoir. Il faut des partenaires pour discuter et cette attitude qui consiste perpétuellement à décrédibiliser les syndicats, même les plus ouverts - et il y en a - que l'on a en face de soi, cette attitude est, me semble-t-il, destructrice pour l'avenir.
Q- Vous avez un éternel côté un peu donneur de leçons. Est-ce que le contrat "première embauche" est une bonne mesure ou une mauvaise mesure ?
R- C'est une mauvaise mesure.
Q- Pourquoi ?
R- J'ai voté contre depuis le premier jour, pour deux raisons principales : la première, c'est que l'on ne fait pas de discrimination à l'égard des jeunes, en fonction de l'âge, que c'est forcément ressenti comme un injustice, et deuxièmement, parce qu'il n'est pas normal de licencier quelqu'un, quel que soit son âge, sans lui dire pourquoi. Si on vous licenciait - vous qui dites qu'on a des côtés "donneur de leçons" ? sans vous dire pourquoi, vous trouveriez qu'il y a quelque chose de tout à fait anormal dans cette affaire, et vous vous plaindriez, y compris en usant de tous les moyens de droit, en disant qu'il n'est pas normal de ne pas avoir l'explication qui fait que l'on rompe le contrat de travail. Ce que je défends pour monsieur Weill, je le défends pour les jeunes Français.
Q- Mais est-ce que les conditions d'embauche et de licenciement, dans notre pays, doivent être assouplies, en échange de garanties ? Le monde change, il semble que l'emploi stable, protégé par des conditions de licenciement très lourdes soit de plus en plus rare dans le monde. Il y a la mondialisation, on ne peut pas vivre dan une bulle. Que proposez-vous ?
R- La profession la plus protégée en matière de licenciement, c'est celle de journaliste.
Q- Non, on ne parle des journalistes.
R- Vous aimez bien mettre les autres en cause mais vous n'aimez pas que l'on discute de la situation réelle de votre métier.
Q- Je voudrais connaître vos propositions.
R- La première des choses qu'il faut faire, c'est simplifier ce paysage absolument illisible : on a 38 contrats de travail différents. Qui peut s'y retrouver ? Il y a des centaines de pages pour essayer d'en expliquer le fonctionnement ; ceci n'est pas normal, et il n'y a aucun entrepreneur, surtout de petites et moyennes entreprises qui puissent faire le tour de ce labyrinthe et s'y retrouver.
Q- Donc, vous soutenez, par exemple l'idée du contrat de travail unique ?
R- Je soutiens l'idée d'un CDI universel à droits progressifs, un CDI qui s'applique à tout le monde et où il soit clair qu'au fur et à mesure qu'on est dans l'entreprise, on gagne des droits supplémentaires. Deuxièmement, plus important peut-être encore pour les jeunes : il faut un contrat qui leur permette d'avoir le pied à l'étrier en faisant en même temps l'entrée dans l'entreprise et en recevant de l'entreprise la formation que souvent ils n'ont pas reçu dans leur parcours scolaire. Il y a 160.000 jeunes en France qui sortent chaque année sans aucune qualification, sans aucun diplôme du système scolaire. Ces 160.000 jeunes, il faut leur offrir la chance de l'entreprise et c'est pourquoi je propose qu'un contrat emploi formation permette à l'Etat de prendre en charge la partie formation du salaire. Cela existe dans tous les autres pays européens. En Autriche, assez voisin de nous, avec une société du même ordre, l'Etat va jusqu'à prendre en charge la totalité du salaire, la première année où un jeune est embauché, lorsqu'il n'a pas de qualification. Ca, c'est un vrai pied à l'étrier.
Q- Comment sort-on de cette crise ? Vous dites qu'il faut négocier, mais actuellement, il n'y a pas de dialogue.
R- J'espère que cela ne durera pas longtemps. Il est vraiment temps d'en sortir parce qu'on prend des risques d'ordre public. Des incidents, on en a connus d'extrêmement graves, non seulement les images que l'on a vues mais celles que l'on n'a pas vues, avec des établissements occupés, avec la police qui ne vient pas pendant des jours, avec des difficultés extrêmement lourdes - je pense par exemple à l'EHESS.
Q- Vous avez l'impression qu'en alternant fermeté et ouverture, D. de Villepin joue la montre et qu'il veut avoir les opposants au contrat "première embauche" à l'usure ?
R- Je ne sais pas parce que j'ai trouvé l'attitude de la semaine dernière difficilement lisible. Un jour, on nous annonçait qu'on faisait des gestes d'ouverture, un jour on nous annonçait au contraire la fermeture. Donc, c'est très difficilement lisible. Ce que je crois, c'est qu'il ne faut pas que la situation s'éternise et que la journée de demain doit marquer une inflexion nette. On doit se mettre autour de la table et pour cela, il faut que tout soit sur la table.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mars 2006
R- Je pense que la seule issue possible, c'est que des négociations s'ouvrent. Lorsqu'on est à ce point de blocage, on voit bien qu'il faut que l'on se mette autour d'une table. On aurait dû le faire depuis le début, depuis le premier jour de ce processus. Je suis moi-même monté à la tribune de l'Assemblée nationale pour dire que lorsqu'on bloquait la délibération à l'Assemblée nationale ou au Sénat, lorsque le Parlement ne faisait pas son travail, lorsque l'on ne discutait pas avec les partenaires sociaux, il était inéluctable que l'on provoque des réactions et que ces réactions auraient lieu, hélas, dans la rue.
Q- Vous soutenez donc D. de Villepin qui se dit prêt à ouvrir des négociations ?
R- Il y a eu cette dernière semaine des allers-retours, un jour on ouvre, un jour on ferme, et cela ne ressemble pas à une attitude lisible. Ce qui est extraordinaire, et terrible pour la France, c'est qu'il est impossible de se faire entendre dans notre pays, il est impossible de parler sans en arriver à ces extrémités de descendre dans la rue, d'avoir des manifestations, des actions qui changent l'ordre public, pour ne pas dire qui le troublent. C'est invraisemblable que depuis des décennies, ce pays soit à ce point rebelle à la discussion.
Q- A qui la faute ?
R- Vous voyez bien que dans cette affaire-là, c'est évidemment au Gouvernement que revient la faute. Nous avons une loi ? c'est extraordinaire de le rappeler, mais permettez moi de le faire ? nous avons voté une loi, il y a à peine deux ans, en mai 2004, qui oblige les partenaires sociaux à discuter avant toute décision en matière sociale, et notamment de droit du travail. C'est cette majorité et ce Gouvernement, pour ainsi dire, qui ont voté cette loi. Et à la première occasion, on abandonne cette loi, on ne la respecte pas et on se trouve en situation de blocage. Quelle est cette conception du pouvoir dans laquelle nous sommes enfermés depuis si longtemps, Gouvernement de droite après Gouvernement de gauche, et qui empêche de mettre sur la table les choses qu'il est nécessaire de discuter en commun ?
Q- Est-ce que le dialogue social donne des résultats en France ? N. Sarkozy a dit la semaine dans une interview à Paris-match : la fonction des syndicats, c'est de vouloir conserver des acquis. Il dit en substance qu'on ne peut pas avancer avec les syndicats, qu'avec aux, c'est le conservatisme. Partagez vous ce point de vue ?
R- Je suis en désaccord absolu avec cette idée. Je pense que si l'on décrédibilise les syndicats, on se retrouve dans le désordre. On a besoin de partenaires dans une société construite, démocratique. Tous les pays du monde ont réussi à bâtir une légitimité de la société en face de la légitimité du pouvoir. Il faut des partenaires pour discuter et cette attitude qui consiste perpétuellement à décrédibiliser les syndicats, même les plus ouverts - et il y en a - que l'on a en face de soi, cette attitude est, me semble-t-il, destructrice pour l'avenir.
Q- Vous avez un éternel côté un peu donneur de leçons. Est-ce que le contrat "première embauche" est une bonne mesure ou une mauvaise mesure ?
R- C'est une mauvaise mesure.
Q- Pourquoi ?
R- J'ai voté contre depuis le premier jour, pour deux raisons principales : la première, c'est que l'on ne fait pas de discrimination à l'égard des jeunes, en fonction de l'âge, que c'est forcément ressenti comme un injustice, et deuxièmement, parce qu'il n'est pas normal de licencier quelqu'un, quel que soit son âge, sans lui dire pourquoi. Si on vous licenciait - vous qui dites qu'on a des côtés "donneur de leçons" ? sans vous dire pourquoi, vous trouveriez qu'il y a quelque chose de tout à fait anormal dans cette affaire, et vous vous plaindriez, y compris en usant de tous les moyens de droit, en disant qu'il n'est pas normal de ne pas avoir l'explication qui fait que l'on rompe le contrat de travail. Ce que je défends pour monsieur Weill, je le défends pour les jeunes Français.
Q- Mais est-ce que les conditions d'embauche et de licenciement, dans notre pays, doivent être assouplies, en échange de garanties ? Le monde change, il semble que l'emploi stable, protégé par des conditions de licenciement très lourdes soit de plus en plus rare dans le monde. Il y a la mondialisation, on ne peut pas vivre dan une bulle. Que proposez-vous ?
R- La profession la plus protégée en matière de licenciement, c'est celle de journaliste.
Q- Non, on ne parle des journalistes.
R- Vous aimez bien mettre les autres en cause mais vous n'aimez pas que l'on discute de la situation réelle de votre métier.
Q- Je voudrais connaître vos propositions.
R- La première des choses qu'il faut faire, c'est simplifier ce paysage absolument illisible : on a 38 contrats de travail différents. Qui peut s'y retrouver ? Il y a des centaines de pages pour essayer d'en expliquer le fonctionnement ; ceci n'est pas normal, et il n'y a aucun entrepreneur, surtout de petites et moyennes entreprises qui puissent faire le tour de ce labyrinthe et s'y retrouver.
Q- Donc, vous soutenez, par exemple l'idée du contrat de travail unique ?
R- Je soutiens l'idée d'un CDI universel à droits progressifs, un CDI qui s'applique à tout le monde et où il soit clair qu'au fur et à mesure qu'on est dans l'entreprise, on gagne des droits supplémentaires. Deuxièmement, plus important peut-être encore pour les jeunes : il faut un contrat qui leur permette d'avoir le pied à l'étrier en faisant en même temps l'entrée dans l'entreprise et en recevant de l'entreprise la formation que souvent ils n'ont pas reçu dans leur parcours scolaire. Il y a 160.000 jeunes en France qui sortent chaque année sans aucune qualification, sans aucun diplôme du système scolaire. Ces 160.000 jeunes, il faut leur offrir la chance de l'entreprise et c'est pourquoi je propose qu'un contrat emploi formation permette à l'Etat de prendre en charge la partie formation du salaire. Cela existe dans tous les autres pays européens. En Autriche, assez voisin de nous, avec une société du même ordre, l'Etat va jusqu'à prendre en charge la totalité du salaire, la première année où un jeune est embauché, lorsqu'il n'a pas de qualification. Ca, c'est un vrai pied à l'étrier.
Q- Comment sort-on de cette crise ? Vous dites qu'il faut négocier, mais actuellement, il n'y a pas de dialogue.
R- J'espère que cela ne durera pas longtemps. Il est vraiment temps d'en sortir parce qu'on prend des risques d'ordre public. Des incidents, on en a connus d'extrêmement graves, non seulement les images que l'on a vues mais celles que l'on n'a pas vues, avec des établissements occupés, avec la police qui ne vient pas pendant des jours, avec des difficultés extrêmement lourdes - je pense par exemple à l'EHESS.
Q- Vous avez l'impression qu'en alternant fermeté et ouverture, D. de Villepin joue la montre et qu'il veut avoir les opposants au contrat "première embauche" à l'usure ?
R- Je ne sais pas parce que j'ai trouvé l'attitude de la semaine dernière difficilement lisible. Un jour, on nous annonçait qu'on faisait des gestes d'ouverture, un jour on nous annonçait au contraire la fermeture. Donc, c'est très difficilement lisible. Ce que je crois, c'est qu'il ne faut pas que la situation s'éternise et que la journée de demain doit marquer une inflexion nette. On doit se mettre autour de la table et pour cela, il faut que tout soit sur la table.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mars 2006