Texte intégral
Sire,
Madame,
Dans le cadre de votre troisième visite d'Etat en France, vous avez choisi de vous rendre à Toulouse. Vous n'auriez pu choisir ville symbolisant davantage les liens fraternels qui unissent la France et l'Espagne. Par sa communauté espagnole Toulouse est la plus espagnole des grandes villes françaises. Mais c'est aussi la plus européenne, siège de ce porte drapeau de l'Europe qu'est Airbus.
Sire, Madame, votre présence à Toulouse aujourd'hui est un grand honneur et revêt une signification historique pour les relations franco-espagnoles.
Toulouse abrite une communauté espagnole forte, et nombre de toulousains ont des parents espagnols. Pour la plupart d'entre eux, les Espagnols de Toulouse n'y sont pas venus de gaieté de coeur : ils faisaient partie de l'immense cortège des réfugiés, soldats de l'armée républicaine, civils menacés et familles entières ou déchirées, sans autre choix que celui de l'exil. Leur arrivée en France dans ce dur hiver de 1939 fut l'épilogue de la terrible guerre civile qu'a connu votre pays.
Les conditions très dures de leur internement, alors qu'ils cherchaient la liberté, ne peuvent être oubliées et font partie de notre mémoire commune. Tous ceux qui ont souffert pendant ces moments, et tous les Français, y compris au sein de l'administration de l'époque, débordée par l'afflux de près de cinq cent mille personnes et qui ont pu contribuer à organiser les secours, méritent qu'il leur soit rendu hommage ici.
Ces exilés se retrouvèrent projetés d'une guerre à l'autre : La seconde guerre mondiale qui a éclaté peu après leur arrivée ne les a pas épargnés. Faisant preuve d'un immense courage, ceux qui l'ont pu se sont naturellement joints à la lutte contre le nazisme, en écrivant quelques-unes unes des plus belles pages au sein des Forces françaises libres. Comment ne pas rappeler que le premier char français à entrer dans Paris était conduit par des Espagnols ? Héroïque, la communauté espagnole a aussi été victime des persécutions, des milliers d'entre eux, livrés à l'occupant allemand par la police de l'Etat de Vichy, furent internés dans des camps de concentration allemands et beaucoup n'en revinrent jamais. Parmi eux figuraient l'ancien Premier ministre Largo Caballero, qui devait décéder peu après sa libération, et tant d'autres, anonymes.
La paix revenue, c'est tout naturellement autour de Toulouse que la communauté espagnole s'est, en majorité, regroupée, organisant peu à peu une nouvelle vie, et pour certains, continuant leur combat politique. Cet apport a été pour notre ville d'une valeur inestimable. Il constitue désormais une partie inséparable de notre histoire et de notre présent, et bien entendu de notre futur. C'est notre fierté aujourd'hui de constater l'intégration pleinement réussie de cette communauté, qui nous a enrichis de sa culture, et qui a bien voulu épouser la nôtre. Elle représente aujourd'hui un lien naturel avec votre pays, Sire, où la démocratie retrouvée - et chacun sait ici aussi la part décisive que vous y avez prise - a permis à tous ceux qui le souhaitaient de renouer des liens avec leur patrie d'origine.
L'histoire de la communauté espagnole de Toulouse, et la vôtre Sire, qui avez connu l'exil, nous a enseigné combien le chemin pour parvenir à la paix, à la démocratie et à la richesse pouvait être difficile à parcourir. Pour tous les Toulousains, l'Espagne est aujourd'hui un exemple, qui a connu depuis votre accession au trône un renouveau spectaculaire et a repris son rang dans le monde. Elle l'a fait sur les bases des valeurs humaines et démocratiques qui nous sont communes, dont la communauté espagnole en particulier ici à Toulouse connaît le prix et dont nos pays se doivent d'être, naturellement, les défenseurs.
L'intégration de l'Espagne au sein de l'Union européenne a encore accru les liens particulièrement riches tissés entre Toulouse et votre pays. Notre ville est aujourd'hui liée par d'importants partenariats avec les villes espagnoles d'Elche, avec laquelle Toulouse est jumelée, mais aussi Barcelone et Saragosse.
Au sein de la coopération transfrontalière franco-espagnole, la ville de Toulouse et la région Midi-Pyrénées tiennent une place centrale avec leur participation à la Communauté de Travail des Pyrénées et l'Eurorégion Pyrénées-Méditerranée. Ces enceintes permettent aux collectivités territoriales des deux côtés des Pyrénées de parler d'une même voix pour faire de cette frontière qui nous unit un atout pour nos pays et pour l'Europe. C'est aussi à Toulouse qu'en 1998 s'était tenue la première réunion de la Commission du Traité de Bayonne, ce traité signé en 1995 qui a donné une base juridique à la coopération transfrontalière franco-espagnole. Prenant toute la mesure de l'importance de cette coopération, les gouvernements français et espagnol ont décidé de relancer cette Commission. La prochaine réunion aura lieu en Espagne et nous aurons avec mon collègue, ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, l'honneur d'ouvrir ses travaux.
Toulouse est aussi un foyer de la culture espagnole en France. L'Institut Cervantès et l'association Casa de España promeuvent activement cette culture, et la Mairie a toujours soutenu ces échanges, avec des manifestations culturelles nombreuses comme le Festival Flamenco ou le Festival Cinespaña. A titre d'exemple, dés demain 30 mars et jusqu'au 8 avril, dans le cadre du Festival MIRA, plus de 20 compagnies et de 150 artistes venus de toute l'Espagne présenteront leurs réalisations dans les principaux lieux culturels de Toulouse.
A l'image de l'Espagne, Toulouse est en plein essor économique. Elle est le siège d'une des plus grandes réussites européennes, AIRBUS, qui est un exemple de coopération industrielle et de champion européen créé de manière concertée et au sein duquel la France et l'Espagne occupent une place centrale. La visite que vous y ferez cet après-midi, Sire, a valeur de symbole à l'heure où ce succès doit inspirer notre coopération.
La France et l'Espagne sont toutes deux engagées dans des politiques d'aide à l'innovation, avec la mise en place des pôles de compétitivité en France et en Espagne. Toulouse accueille deux Pôles de compétitivité : Aéronautique, Espace et Système embarqués et Cancer bio-santé, qui entretiennent déjà une collaboration étroite avec leurs équivalents espagnols, notamment le biocluster de Catalogne, que nous devons approfondir.
Ces coopérations dans le domaine de l'innovation donnent un axe à suivre concernant la coopération entre nos deux pays. La France et l'Espagne doivent développer davantage encore leur partenariat dans le domaine de l'innovation et de la recherche, car c'est là que se trouvent les emplois de demain. Toulouse en est déjà le symbole.
C'est pourquoi lors du Sommet franco-espagnol du 10 novembre dernier, les ministres de la recherche de nos deux pays ont signé une déclaration d'intention sur la coopération dans le domaine des grands équipements scientifiques. Nous souhaitons que puissent se réunir prochainement les responsables de la recherche de nos deux pays pour aboutir à un accord global de coopération en matière de recherche.
Hier à Paris, Miguel Angel et moi-même avons installé le Forum franco-espagnol de la société civile, qui a vocation à être un espace de dialogue et d'échange sur les grands thèmes qui intéressent nos deux sociétés. C'est pourquoi nous avons proposé, en accord avec les deux co-présidents MM. Proglio et Serra, que le thème de la première réunion du Forum qui devrait avoir lieu à la fin de l'été à Toulouse ou Barcelone soit la recherche et l'innovation, pour faire avancer cette priorité de notre coopération et de notre avenir.
Sire, Madame, pour notre pays, et pour Toulouse, pour les Toulousains de toutes origines, votre présence nous procure une grande joie et une grande fierté. Je porte un toast à l'avenir radieux de l'amitié entre la France et l'Espagne, et à la communauté espagnole de Toulouse qui la symbolise.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 mars 2006