Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur l'égalité des chances pour les femmes dans le monde du travail, Paris le 8 mars 2006.

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Circonstance : Colloque "Du mythe à la réalité : l'égalité des chances au féminin" au Palais d'Iéna à Paris le 8 mars 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame La Présidente de la Délégation aux droits des femmes,
Mesdames, Messieurs,

C'est pour moi un grand plaisir de participer, en cette journée internationale de la femme, à la rencontre que vous avez organisée sur le thème de l'égalité des chances au féminin.
Depuis près de cinquante ans, le Conseil économique et social participe activement, par ses études et ses propositions, à la promotion de la place de la femme dans notre pays.
Je rappellerai, par exemple, l'étude de Michèle Cotta en 2000 sur « les femmes dans les lieux de décision », celle sur les femmes de l'immigration, sur l'école, sur les femmes dans l'armée et, tout dernièrement, le rapport sur le temps partiel de Madame Vilain.
L'égalité des chances est au fondement de notre République. Chacun doit, notamment, pouvoir bénéficier des mêmes possibilités et des mêmes opportunités de formation, d'emploi et de carrière professionnelle.
Des progrès considérables ont été accomplis depuis un demi-siècle sur le chemin de l'égalité.
Mais force est de reconnaître que les femmes rencontrent encore dans notre pays un certain nombre de difficultés et de discriminations.

Quelques exemples suffisent à le montrer :

  • - Les femmes occupent la très grande majorité (80 %) des emplois peu qualifiés, précaires et mal rémunérés du secteur tertiaire, et leur taux de chômage est supérieur à celui des hommes.
  • - Cette sur-précarité résulte notamment de l'enclavement de l'emploi féminin, qui est concentré dans 10 familles professionnelles sur 84, essentiellement du secteur tertiaire, où ce type d'emplois est très présent. Les femmes ne représentent, par exemple, que 16 % des ingénieurs en activité.
  • - Les femmes représentent 46 % de la population active de notre pays mais leur présence demeure réduite dans les postes à responsabilité. Elles n'occupent qu'un quart des fonctions d'encadrement des entreprises du secteur privé et elles représentent moins de 15 % des hauts fonctionnaires, alors qu'elles constituent 57 % des effectifs de la fonction publique.
  • - Enfin, les femmes issues de l'immigration ont davantage de difficultés encore à s'insérer dans l'emploi. Pour les femmes diplômées de l'enseignement supérieur, par exemple, celles qui sont issues de l'immigration sont deux fois plus nombreuses à accéder à un emploi par le temps partiel que les autres femmes.

L'enjeu de l'égalité des chances se pose donc avec une acuité particulière pour les femmes. Face aux difficultés et aux inégalités persistantes auxquelles elles font face, le Gouvernement a décidé d'agir sur l'ensemble des facteurs de blocage et de discrimination, que ce soit au niveau des études, de l'accès à l'emploi ou dans l'emploi.

I. Nous voulons, tout d'abord, que les femmes accèdent en plus grand nombre à des emplois de qualité.
Ma première priorité, c'est de désenclaver le travail féminin.
A l'origine de cette situation d'enclavement, il y a d'abord la formation initiale des jeunes filles, qui reste concentrée sur certaines filières. Nous devons encore lutter contre des schémas sociaux traditionnels qui orientent les filles plutôt vers les lettres que vers les sciences.
Nous avons donc pris des mesures pour élargir les choix d'orientation des jeunes filles.
Dans la loi du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école, nous nous sommes fixés pour objectif d'augmenter de 20 % d'ici à 2010 la proportion de jeunes filles dans les séries scientifiques générales et technologiques.
Ce sera l'une des missions prioritaires du service public de l'orientation, dont le Premier Ministre a annoncé la création le 1er décembre dernier.
Je souhaite que les enseignants soient sensibilisés à la question de l'égalité entre les sexes. C'est pourquoi j'ai proposé à mon collègue Gilles de Robien d'intégrer un module de formation spécifique dans les programmes des Instituts universitaires de formation des maîtres.
Nous allons également renouveler cette année la Convention du 25 février 2000 pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons dans le système éducatif. Ce sera l'occasion de définir avec tous nos partenaires des objectifs chiffrés ambitieux pour les prochaines années. Nous avons réussi la mixité à l'école, nous devons maintenant réussir l'égalité.
Pour désenclaver l'emploi féminin, je veux aussi améliorer l'insertion professionnelle des femmes.
Je mobilise les branches professionnelles dans lesquelles les femmes sont encore peu présentes.

Je veux en effet profiter des difficultés de recrutement dans certains secteurs professionnels pour encourager les branches concernées à favoriser l'insertion des femmes et la mixité dans leurs entreprises.

  • Des partenariats ont été engagés avec des branches professionnelles dynamiques. Nous soutenons, par exemple, le projet de la Fédération Française du Bâtiment, qui prévoit de recruter 20 000 femmes supplémentaires d'ici 2010.
  • J'ai aussi entamé avec les organisations patronales et les syndicats de salariés une série de rencontres afin de mettre au point des démarches innovantes d'insertion des femmes. Pour favoriser l'insertion professionnelle des femmes, nous luttons aussi contre les discriminations dans l'accès à l'emploi.
  • Nous formons 50 000 recruteurs et intermédiaires de l'emploi, tels que le personnel de l'ANPE, à la prévention de ces discriminations. Cette action est plus particulièrement destinée à prévenir les discriminations dans l'accès aux responsabilités. Nous voulons mettre fin au « plafond de verre » ? au « plancher collant » pour reprendre l'expression québécoise ? auquel se heurtent beaucoup de femmes.

Pour ce qui est de la fonction publique, nous poursuivons activement la mise en place des plans pluriannuels pour l'amélioration de l'accès des femmes aux emplois et aux postes d'encadrement supérieur.
- Nous nous sommes aussi dotés d'une arme efficace : la Haute autorité de lutte contre les discriminations et l'égalité, la HALDE, qui fonctionne depuis le 23 avril 2005.
Enfin, nous portons une attention particulière aux femmes issues de l'immigration souvent victimes d'une double discrimination, en tant que femme et en raison de leur origine.
La situation de ces femmes est désormais pleinement prise en compte dans l'action publique :
- elle a fait l'objet d'un accord cadre signé le 4 décembre 2003 entre le Service des droits des femmes et de l'égalité, la Direction de la population et des migrations et le FASILD,
- et les prochains Comités interministériels à la ville et à l'intégration apporteront des réponses nouvelles pour faciliter leur insertion professionnelle.

II. Une fois dans l'emploi, reste la question du déroulement de carrière des femmes.
Là encore, des discriminations et des inégalités importantes subsistent.
La première des discriminations touche le salaire : la rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 20 % à celle des hommes.
Avec la loi sur l'égalité salariale que le Parlement vient d'adopter, nous voulons mettre définitivement fin à cette injustice.
Pour la première fois, nous fixons aux partenaires sociaux un objectif de résultat doublé d'un délai impératif de 5 ans pour l'atteindre.
Si le bilan à mi-parcours n'est pas bon, nous instituerons une contribution financière assise sur la masse salariale pour les entreprises qui n'auront pas ouvert de négociations.
Les différences de salaire proviennent aussi de ce que les femmes sont freinées dans leur carrière par leurs difficultés à articuler vie professionnelle et vie parentale.
Là aussi, nous apportons des réponses concrètes pour y remédier car nous sommes convaincus que les femmes ne doivent pas avoir à arbitrer entre leurs aspirations professionnelles et la satisfaction de leur désir d'enfants.
Je voudrais rappeler la réforme du crédit d'impôt famille ou encore la création du chèque emploi service universel, opérationnel depuis le 1er janvier.
Et j'ajoute que de 2002 à 2008, c'est 72 000 places de crèches supplémentaires qui ont été et vont être créées.
La loi sur l'égalité salariale apporte aussi des mesures innovantes pour éviter que la maternité ne nuise à la carrière des femmes.

Par exemple :

  • elle compense l'effet de la maternité sur les rémunérations ;
  • et elle attribue une aide aux PME pour remplacer leurs salariées parties en congé de maternité.

Pour pousser les entreprises à faire mieux en direction des femmes, nous avons aussi créé en 2004 un « label égalité ».
Il récompense celles qui mettent en oeuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle et qui prennent en compte la parentalité, pour les femmes comme pour les hommes.
Ce label est un excellent outil d'image pour une entreprise et un facteur d'émulation en faveur de l'égalité professionnelle.
Il a déjà été attribué à 17 entreprises qui emploient ensemble pus de 130 000 salariés.

Je m'emploie activement à le promouvoir :

  • Nous venons d'adapter son cahier des charges pour que les entreprises de moins de 50 salariés puissent déposer plus facilement leurs demandes.
  • Et j'ai défendu devant mes collègues de l'Union l'idée d'un label égalité européen.

Pour que les femmes disposent de la même égalité des chances dans leur déroulement de carrière, elles doivent pouvoir accéder à la formation professionnelle à égalité avec les hommes.

Pour renforcer cette égalité d'accès, nous mobilisons les deux grands responsables que sont les partenaires sociaux et les régions :

  • La loi relative à l'égalité salariale, qui vient d'être adoptée par le Parlement, oblige les régions à favoriser un accès équilibré des hommes et des femmes à chacune des filières de formation.
  • Et nous sommes en train d'examiner avec les organisations patronales et les syndicats de salariés les moyens d'améliorer la mixité dans les programmes de formation dont ils ont la responsabilité.

Enfin, je veux remédier à un autre facteur déterminant d'inégalité entre hommes et femmes : le temps partiel subi.
Le rapport élaboré par votre Délégation aux droits des femmes a bien mis en évidence l'ampleur du phénomène et l'urgence à agir : 46 % des femmes ayant un contrat à temps partiel souhaitent aujourd'hui travailler davantage ; et une femme sur trois travaille à temps partiel (contre un homme sur vingt).
Votre rapport apporte une série de propositions intéressantes, telles que le développement de groupements d'employeurs facilitant le cumul de temps partiels.

J'ai déjà engagé deux démarches :

  • la loi égalité salariale fait entrer le temps partiel dans le champ des négociations obligatoires de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle.
  • J'ai lancé, avec mon collègue Gérard LARCHER, une dynamique de négociation avec les fédérations professionnelles sur cette question.

Je souhaiterais, pour finir, évoquer avec vous un dernier aspect important de l'égalité des chances au féminin, c'est celui qui concerne la création d'entreprise par les femmes.
Dans l'industrie et le secteur tertiaire, moins de 30 % des créateurs d'entreprises sont aujourd'hui des femmes. Et ce pourcentage évolue peu alors même que la création d'entreprises a connu une augmentation significative au cours des dernières années.
Je vais donc prochainement présenter un plan d'action visant à favoriser l'entrepreneuriat féminin.
Ce plan aura pour objet de promouvoir les projets d'entreprise portés par les femmes auprès des partenaires économiques. Les capacités d'intervention du Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d'entreprises à l'initiative des femmes seront renforcées.
J'ai déjà abondé ce Fonds d'1,5 M d'euros supplémentaire en 2005.
De 2006 à 2008, nous financerons plus de 1 000 projets supplémentaires, pour un montant de 7,6 M d'euros.
Un effort sera fait aussi sur l'accompagnement des femmes qui s'engagent dans la création d'entreprise.
Enfin, je m'emploierai à développer l'information des femmes sur les possibilités qui leur sont offertes en la matière.
Vous le voyez, le Gouvernement s'efforce d'agir sur tous les facteurs qui améliorent la formation des femmes, leur accès à des emplois de qualité et leur déroulement de carrière.
Notre action ne s'arrête pas d'ailleurs à l'activité économique. Je suis, par exemple, en train de travailler sur de nouvelles mesures favorisant la parité au niveau politique.
Plus la représentation des femmes dans la vie politique sera importante, plus cela servira la cause des femmes en général. J'en suis fermement convaincue.
Le combat pour l'égalité est bien évidemment un enjeu de justice mais c'est aussi un enjeu essentiel d'efficacité sur tous les plans : politique, économique et sociale.
C'est de la participation de tous, et sur un pied d'égalité, à l'activité économique, politique et administrative que nous tirerons notre croissance, nos emplois et notre cohésion sociale.
C'est en garantissant toujours mieux l'égalité des chances pour les femmes que nous donnerons plus de réalité encore à notre idéal républicain et que notre pays restera fidèle à son message fondateur.
Je vous remercie.

Source http://www.femmes-egalite.gouv.fr, le 4 avril 2006