Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à Europe 1 le 4 avril 2006, sur la mission confiée par le gouvernement à J. de Rohan et à lui-même, de dialoguer avec les syndicats pour établir de nouvelles propositions pour l'emploi des jeunes.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Tous les regards sont tournés vers vous-même et vers J. de Rohan. [...] Quelle responsabilité pour vous ! Ou bien vous créez le contact avec les syndicats aujourd'hui, ou bien le pays s'enfonce dans une crise et dans une révolte dangereuse. Alors, il y aura un certain nombre de questions pour comprendre la méthode Accoyer/Rohan. Votre lettre aux syndicats, pour leur proposer un rendez-vous, est-elle prête ?
R- Elle est prête, tout à fait prête dans ma tête, elle sera écrite en fin de matinée.
Q- Et vous l'envoyez par mail, par fax, par facteur, pour aller plus vite ?
R- Par mail, par fax.
Q- Et ce rendez-vous, quand pourrait-il ou pourra-t-il avoir lieu dans votre esprit ? Quand le proposez-vous à messieurs Chérèque, Thibault, Mailly, qui était là tout à l'heure, etc. ?
R- Dès demain, j'espère. Dès demain, nous serons prêts pour les recevoir, les écouter.
Q- Si je peux être curieux, dans votre lettre, est-ce qu'il est question seulement de ramener la durée d'un éventuel contrat de deux ans à six mois, huit mois, douze mois, et de motiver le licenciement ou vous discuterez de tout ?
R- Il n'y a pas de limite à notre discussion, donc la réponse c'est : non. Notre lettre est une lettre d'ouverture à un dialogue sans préjugé sur toutes les questions que souhaiteront bien aborder nos interlocuteurs.
Q- Tout peut être abordé.
R- Tout peut être abordé, nous le souhaitons.
Q- Votre objectif, vraiment, ce matin, est-ce que c'est d'ouvrir un véritable dialogue sans astuce, sans piège, ou de poursuivre les monologues de sourds que l'on vit depuis des semaines ?
R- Oui, profondément oui. Nous souhaitons que, enfin, nous puissions rentrer dans une page de dialogue, que l'on tourne une page et que l'on se tourne vers l'avenir, au travers d'une discussion, comprendre pourquoi il y a blocage, comment on peut en sortir. Ce que nous avons tous ensemble de commun, je suis persuadé que les responsables syndicaux, ils ont la même priorité qui est de lutter contre le chômage et en particulier celui des jeunes.
Q- Là, vous avez un cahier, je vois deux feuilles blanches. Est-ce que ça veut dire que vous n'avez pas, d'un côté, les obligations du CPE et de l'autre les petites corrections à apporter ou c'est vraiment la page libre, inédite, blanche ?
R- C'est la page blanche.
Q- C'est intéressant à voir, et ça veut dire que c'est la nouvelle loi ne sera pas le clone aménagé du CPE, excusez-moi, on essaie de comprendre.
R- Alors, j'ai horreur que l'on parle du résultat d'une discussion avant qu'elle s'ouvre. Comment peut-on espérer que nos interlocuteurs viennent nous rencontrer si on leur dit : " on va parler avec vous et puis voilà ce que nous dirons à la fin ". Donc, il n'y a rien d'écrit sur le cahier dont vous parlez et il n'y a rien de fixé. Nous sommes, J. de Rohan et moi des hommes libres et nous écouterons tout ce que l'on voudra bien nous dire.
Q- La nouvelle et prochaine loi, B. Accoyer, va-t-elle se substituer à l'ancienne, feu le CPE ?
R- Ne parlons pas du CPE puisque nous parlons de l'avenir et nous ne souhaitons avoir aucune limite dans notre écoute. On verra ensuite quel sera l'aboutissement, dans la discussion avec le Gouvernement, avec le mouvement, avec les parlementaires.
Q- Vous dites : " parlons de l'avenir, ne parlons pas du CPE ", donc vous dites là ce matin que le CPE c'est le passé.
R- Mais là n'est pas le problème. Encore une fois, ne tirons pas les conclusions de ce que nous allons entreprendre, J. de Rohan et moi-même, en écoutant les partenaires sociaux, avant de les avoir entendus.
Q- Alors, justement, qui reçoit les syndicats, demain, si ça marche ? Qui ?
R- Il y aura J. de Rohan et moi.
Q- C'est tout ?
R- En tout cas, nous y serons.
Q- Tous les syndicats, je veux dire, vous recevrez aussi les syndicats d'étudiants, de lycéens ?
R- Nous recevrons tous ceux qui voudront bien répondre à notre invitation.
Q- Vous leur proposez de venir dialoguer, tous ensemble ou un syndicat et un syndicat ? Je veux dire, un à un.
R- Le principe que nous avons retenu, qui est d'aller plus loin, d'écouter, de comprendre ce qui s'est passé, ce qui se passe actuellement et vers quoi chacun veut aller, fait que le meilleur moyen c'est de recevoir chacun, séparément, pour qu'ils aient le temps de s'exprimer, que nous puissions, s'il le faut, poser des questions, demander des précisions, faire un vrai travail de fond.
Q- Et peut-être un jour tous ensemble. Peut-être.
R- Ce n'est pas exclu, oui, mais en tout cas commençons par un travail individuel, un échange individuel.
Q- Puisque vous avez les clés, où les recevrez-vous, les syndicats ? Au siège de l'UMP ?
R- Non.
Q- A l'Assemblée nationale ou au Sénat ?
R- Ce que je souhaite, c'est un lieu neutre, un lieu où il n'y ait aucune pression, quelle qu'elle soit, et que chacun se sente en toute liberté de s'exprimer.
Q- Donc, pas rue de Grenelle non plus, dans un des ministères.
R- Un lieu neutre.
Q- Les ministres compétents, J.-L. Borloo et G. Larcher, est-ce qu'ils vont participer, là, à vos côtés, à vos échanges ?
R- Je pense qu'au départ nous allons, J. de Rohan et moi-même écouter. Nous sommes en contact avec J.-L. Borloo et G. Larcher et ils seront informés de nos échanges. Bien entendu, nous sommes très proches d'eux, en plus ce sont deux ministres remarquables, qui ont une grande écoute, qui ont un très bon contact avec les partenaires sociaux, qui ont une vision sociale réaliste de la situation dans laquelle se trouve notre pays, des avancées dont nous avons absolument besoin pour faire face au défi de la mondialisation, introduire, c'est vrai, de la flexibilité, puisque c'est le coeur du problème et d'une certaine façon sauvegarder les droits et l'avenir du niveau de vie des Français dans ce contexte de mondialisation.
Q- Monsieur Accoyer, le président de l'UMP, N. Sarkozy sera-t-il aussi assis à vos côtés ?
R- Non, mais nous le tiendrons évidemment, lui aussi informé.
Q- Qui vous donne vos consignes, vos ordres ?
R- D'abord, nous appartenons à une majorité, nous soutenons le gouvernement et nous travaillons avec le gouvernement, le Premier ministre, ses ministres, en charge de ses questions. Nous sommes et nous appartenons à l'UMP, nous nous tenons informés, nous parlons également avec le président de l'UMP, N. Sarkozy et, bien entendu, comme nous sommes des parlementaires, nous tiendrons informés, J. de Rohan les sénateurs, et moi-même les députés.
Q- A qui d'abord rendrez-vous compte de ces entretiens ?
R- D'abord au Gouvernement, aux trois que je vous ai indiqués : le Gouvernement, l'UMP, nos parlementaires.
Q- Et pour le moment, le Premier ministre n'a pas la conduite de votre mission. Comme disait Raymond Aron, c'est "un spectateur engagé".
R- Eh bien non, parce que c'est lui qui nous a confié cette mission. Il nous fait confiance, et nous essayerons de nous montrer digne de cette confiance et de trouver la sortie de cette situation qui a trop duré, cette situation de crise. Les Français, un, ils ne comprennent plus ce qui leur arrive, deux, ils sont inquiets de ces manifestations qui posent des problèmes de sécurité des personnes et des biens, trois, les étudiants ne peuvent pas étudier comme ils le veulent, leur année est compromise, et quatre - on le voit bien sur le terrain, les députés me le répètent - maintenant, il y a un véritable retentissement sur l'économie. Sortons de cette situation, tournons la page.
Q- B. Accoyer, il y a aussi la durée de l'élaboration de votre nouvelle loi. Vous avez dit mai ; J.-L. Debré précise dix jours. Est-ce que vous avez un délai ou une date pour remettre votre copie ?
R- Non, encore une fois, pas de contrainte avant d'aborder ces discussions. Là encore, une contrainte de temps serait de nature à restreindre la qualité des échanges, et donc, ce que nous souhaitons, c'est aller le plus vite possible, mais en laissant tout le temps nécessaire à l'échange et à la discussion.
Q- Est-ce que vous diriez : " ça durera ce que ça durera " ?
R- Oui, ça durera ce que ça durera et c'est la meilleure formule pour
aboutir à la meilleure solution, à la meilleure sortie de cette crise.
Q- Oui, mais il y a les vacances parlementaires. Est-ce que vous allez arrêter de travailler, parce qu'elles approchent, est-ce que vous allez plier bagages pendant cette période ?
R- Non, nous allons continuer, bien sûr, à travailler pendant la suspension des travaux parlementaires.
Q- Vous êtes des parlementaires, monsieur de Rohan, monsieur Accoyer, puis les autres, en mission spéciale et inédite. Quand vous voyez encore l'état du pays aujourd'hui, est-ce que vous avez le trac ? Est-ce que vous vous dites : ce que l'on va faire c'est important ?
R- Oui c'est important, parce que je souhaite que l'on tourne une page, une page d'incompréhension, parce que la flexibilité qui définit, d'une certaine façon, le CPE, les Français savent bien qu'elle est nécessaire pour s'adapter au défi du moment, au défi de ce monde qui se globalise, cette concurrence, cette nécessité de garder notre compétitivité. Donc, oui, c'est très important. Il ne faut pas dénaturer la volonté politique du Gouvernement mais il faut aussi respecter les inquiétudes et les aspirations des partenaires sociaux et des Français.
Q- Est-ce que vous êtes sûr que le président de la République, son Premier ministre, la majorité, le président de l'UMP, vous voulez tous la même chose ?
R- Je pense que nous voulons tous la même chose : le bien des Français.
Q- Vous devriez appliquer la devise d'Europe 1 : " Parlons-nous ". Lequel des deux, aujourd'hui, le président de l'UMP ou peut-être le Premier ministre, peut vous conduire à une victoire ou à une défaite en 2007, à votre avis ?
R- Le problème n'est pas un problème politique, aujourd'hui, ce ne sont
pas les échéances électorales, ni les hommes, ni les partis, ni la victoire
de tel ou tel camp. Le problème aujourd'hui c'est que la situation, en
France, redevienne normale, que l'on puisse travailler librement,
avancer, progresser, mais aussi se parler, élaborer des textes
constructifs, pour moderniser la France.
Q- Le CPE, on voit bien, il va, ou évoluer ou disparaître, et peut-être disparaître. Est-ce qu'un jour les amis de monsieur Villepin et monsieur Villepin ne vont pas dire, même si c'est une suspension par personnes interposées, que l'on vous reprochera à vous, à N. Sarkozy, d'avoir supprimé ou fait disparaître le CPE ?
R- Mais le problème n'est pas de reprocher à Un tel telle ou telle chose, le problème est de tourner la page, d'avancer, de renouer un dialogue et ensemble de construire quelque chose sur les bases qui existent, que l'on connaît, qui sont contenues dans la loi égalité des chances, qui sont contenues dans le CPE mais dans le passage étroit qui est celui qui est accepté par tous.
Q- Est-ce que ce matin vous êtes assez confiant, et est-ce que vous sentez que si votre mission s'engage bien, et on voit l'enjeu, aujourd'hui est peut-être le dernier jour de cette mobilisation qui, en deux mois et demi, a provoqué 5 jours de manifestations et de tension et d'arrêt de travail ?
R- J. de Rohan et moi-même sommes conscients de la gravité de la mission qui nous a été confiée, de sa difficulté aussi. Mais vous pouvez être sûr que nous avons lui et moi une volonté commune, c'est d'en sortir et par le dialogue, d'enfin nous retrouver dans une France qui se remette dans l'apaisement, à se parler et à travailler tranquillement.
Q- Pour la prochaine réforme, vous allez mieux vous y prendre, sans doute ?
R- Le Gouvernement a ses responsabilités, le Parlement aussi. Ensemble nous ferons toujours des progrès.
Bonne journée, merci d'être venu et d'avoir donné tant de précisions, ce matin, B. Accoyer.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 avril 2006