Texte intégral
Q - Merci d'être avec nous ce matin, l'actualité est très rude. Vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC et vous avez choisi l'Iran.
R - Oui, j'ai choisi l'Iran car c'est vraiment d'actualité et je voudrais simplement savoir si, d'après eux, pour éviter l'escalade, c'est le moment de négocier, de la diplomatie, ou s'ils estiment que c'est maintenant l'heure des sanctions ?
Je voudrais avoir leur avis car c'est un sujet majeur aujourd'hui au Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Je lisais ce matin dans Le Figaro que le PDG japonais de Toyo qui écrit et qui dit qu'il s'inquiète de l'impact de cette affaire sur l'image de la France. Je me demande si Jean Lassalle n'a pas utilisé cette affaire à des fins personnelles. L'image de la France est-elle ternie ?
R - Je peux d'autant mieux répondre à cette question que j'ai été élu des Hautes-Pyrénées et aujourd'hui l'élu d'une des plus grandes métropoles régionales européennes qui a le "vent en poupe", Toulouse.
On vient de recevoir à Toulouse Galileo, l'Airbus A380, un énorme cancéropôle... et donc tout va bien. Mais j'étais dans les Hautes-Pyrénées ; il faut savoir que la fermeture d'une petite unité de 20 salariés, c'est considéré comme une catastrophe et c'est une catastrophe. Il faut donc arrêter de toujours caricaturer. Les élus sont aussi là pour défendre leur territoire. Bien sûr, attention de ne pas tomber dans les caricatures, mais je crois qu'un monde où le matérialisme pur, où le capitalisme pur, où l'argent seul est là pour réguler le monde n'est pas un bon monde. Il faut donc faire attention, nous ne pourrons pas continuer d'avoir un monde où tous partiront dans les grandes villes car, en effet, il y a derrière tout cela, une perte de lien familial, une perte de liens tout simplement entre les femmes et les hommes, il y a une sorte d'abêtissement global, une difficulté et une dureté de vie alors que dans la vallée pyrénéenne de Jean Lassalle il fait peut-être mieux vivre.
Je comprends ce qu'il veut dire, j'ai envie de lui conseiller de tenter de revenir dans cette vallée et vous verrez, même avec quelques aides, c'est vrai, mais après tout, est-ce si scandaleux qu'un élu demande de l'aide pour que les femmes, les hommes et les enfants puissent rester vivre dans l'une des plus belles vallées du monde ? Est-ce vraiment anormal ? Je ne le pense pas.
Q - Mais l'image de la France n'est-elle pas ternie ?
R - Mais arrêtons le "déclinisme" français ! Durant ces derniers mois, la France vient d'obtenir ITER, la nouvelle énergie nucléaire, ce que tout le monde cherche. Après le nucléaire, après le pétrole, après le gaz, il y a cet énorme espoir, qu'à partir du soleil, nous parvenions à mettre en place une énergie propre. Où préparons-nous cette expérience ? En France. Galileo, cette possibilité d'être guidé au niveau des avions, des voitures au niveau de tout.
Q - C'est la concurrence du GPS.
R - En effet, le GPS américain. Est-il normal aujourd'hui que nos avions, nos bateaux, sur nos portables, nous soyons gérés par le GPS américain ? Je n'ai, bien sûr, rien contre les Américains mais quand même, si nous voulons une Union européenne politique, une Union européenne autonome, il faut bien que nous ayons un système qui nous soit propre.
Les exportations aujourd'hui sont en pleine explosion, la croissance est au rendez-vous à 2, voire 2,2 %, nous sommes en train de diminuer nos déficits publics, nous sommes à 2,8 %, nous étions à 3,5 %.
Ce pays se porte bien. Oui, il y a encore du chômage, oui il faut plus de flexibilité, et oui, le Premier ministre, M. de Villepin, n'a pas eu peur de le dire récemment pour les jeunes. Cela n'a pas marché, nous y reviendrons petit à petit, mais n'importe quel gouvernement qui viendra demain sera obligé d'aller vers plus de flexibilité dans le monde du travail. Cela veut dire plus de "boulot", plus de travail pour les jeunes et pour les seniors.
Arrêtons le "déclinisme". Ce pays n'est pas en déclin, au contraire, il est l'une des plus grandes puissances économiques du monde et croyez-moi, moi qui parcours aujourd'hui plus de 10 000 ou 15 000 kilomètres par semaine en raison de cette mission que le président de la République m'a confiée, je peux vous assurer qu'aujourd'hui la France est très respectée.
Q - Vous revenez d'Algérie, est-ce que la colonisation a réalisé un génocide de l'identité, de l'histoire, de la langue et des traditions algériennes ?
R - Je ne veux pas entrer dans une polémique avec le président Bouteflika qui m'a d'ailleurs chaleureusement reçu le 10 avril.
Q - Mais vous a-t-il vraiment dit cela ? Vous a-t-il réellement parlé de génocide ?
R - Non, il ne m'a absolument pas parlé de cela. Vous savez, je pense que nous avons un intérêt commun qui est de savoir que 70 à 75 % des Algériens aujourd'hui ont moins de 20 ans.
L'Algérie, c'est aujourd'hui l'une des plus grandes puissances économiques du monde parce qu'il y a du pétrole, de l'énergie et que la croissance dans ce pays est entre 5 et 6 %. Il y aura, dans les 4 à 5 prochaines années, 90 milliards de dollars à distribuer de la part des Algériens vers des entreprises internationales.
Q - Oui, mais alors, le gouvernement algérien ajoute que la France n'a pas le même poids que les Etats-Unis !
R - Pour s'apercevoir que la France n'a pas le même poids économique que les Etats-Unis, il suffit de prendre le PIB de la France et celui des Etats-Unis.
Q - Non, mais je parle du même poids en Algérie !
R - Justement, la question aujourd'hui, c'est important que nos auditeurs le comprennent, c'est que les Américains, les Canadiens, les Britanniques, les Espagnols regardent tous l'Algérie car elle est l'une de plus grandes puissances économiques. Nous devons tisser un partenariat d'exception, nous devons examiner ensemble notre histoire commune afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses.
Q - Alors, la colonisation a-t-elle réalisé un génocide de l'identité, de l'histoire, de la langue et des traditions algériennes, oui ou non ?
R - Vous savez comme moi que, dans toutes les affaires de colonisations, il y a eu deux moments : celui de la conquête qui est toujours un moment d'horreur. Quand vous tentez de conquérir une terre, quelle qu'elle soit et par qui que ce soit et où que ce soit, il y a toujours une guerre qui engendre des horreurs. Ensuite, une fois que vous êtes sur la terre, il y a des femmes et des hommes qui travaillent et qui vont instruire des enfants, des instituteurs. Il y a des instituteurs français qui ont fait leur travail, des architectes qui ont fait leur travail, des médecins qui ont soigné.
Q - Alors, le président Bouteflika a-t-il eu tort d'employer le mot "génocide", oui ou non ?
R - Je ne veux pas entrer dans une polémique.
Q - Mais vous ne répondez pas. Lorsque le président algérien parle de génocide, ce n'est pas un mot innocent, Monsieur Douste-Blazy, et la France ne répond pas au président algérien !
R - Je lui ai répondu au président algérien, mais 10 fois, 100 fois, lorsque je réponds que nous devons au contraire, plutôt que de polémiquer, plutôt que d'employer des mots comme ceux-là...
Q - Donc, il polémique alors !
R - Je viens de vous le dire trois fois, plutôt que de polémiquer, ce qui n'est jamais une bonne chose, je pense qu'il est important pour l'Algérie comme pour la France de regarder devant elle, de construire ensemble, parce que, par l'histoire et par la géographie, nous sommes liés à l'Algérie.
Je cherche, en effet, un partenariat d'exception avec l'Algérie et non, je ne veux pas polémiquer, c'est le passé. Je veux être un homme de l'avenir et la politique se construit sur l'avenir, sur la vision et pas sur la rancoeur.
Q - 130 000 visas sont octroyés par la France chaque année à des Algériens, les démarches, disent les Algériens, sont longues et coûteuses, une demande sur deux est satisfaite et, contrairement aux Marocains et aux Tunisiens, les Algériens sont soumis aux droits de consultation des partenaires européens de la France. Pourquoi y a-t-il une différence entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie ?
R - Ce n'est pas un droit de consultation, c'est une obligation.
Q - Alors, pourquoi cette mesure pour les Algériens uniquement ?
R - C'est une chose qui me paraît importante, en effet. Nous allons nous pencher sur cette question, j'en ai parlé à M. Bouteflika qui a, effectivement, soulevé le problème. Pour les Algériens nous sommes obligés de passer par une consultation de nos partenaires européens de l'espace Schengen alors que pour les Marocains et les Tunisiens, nous n'y sommes pas obligés. Je me suis engagé auprès des Algériens à poser la question et à en parler, à sensibiliser mes homologues européens. Il est en effet nécessaire que nous puissions considérer les Algériens de la même façon que les Tunisiens ou les Marocains.
Un mot sur le Maghreb : sur le plan géostratégique, sur le plan politique, c'est majeur d'avoir ces pays à côté de nous. D'abord, cela représente 110 millions de personnes qui parlent le français. Sur le plan géographique, ce sont des voisins et il y a toute une action à mener avec eux. Ils sont demandeurs de partenariat économique majeur, en particulier dans les domaines de la santé, de la biotechnologie, dans le domaine hospitalier mais aussi dans d'autres domaines comme la formation et l'enseignement supérieur. Pourquoi pas, demain par exemple, une université franco-algérienne ? Car si ce ne sont pas les Français qui la réalisent, ce seront les Américains qui le feront.
Q - Le président Bouteflika vous a-t-il parlé de son séjour à l'hôpital en France ? Tout s'est-il bien déroulé au Val de Grâce ? A vous, qui êtes médecin, s'est-il confié ?
R - Non, et je n'ai pas à vous donner le contenu de la discussion entre le président de la République d'Algérie et moi-même, mais ce que je peux vous dire c'est qu'en effet, le président Bouteflika a choisi la France, nous en sommes très heureux et, comme vous le savez, nous avons d'excellents médecins en France.
Q - Les écoles francophones privées seront fermées à la rentrée en Algérie, est-ce acceptable ?
R - C'est totalement faux.
Q - Ah, très bien, vous rétablissez une vérité alors !
R - C'est totalement faux. Ce qui se passe, c'est qu'il existe aujourd'hui en Algérie, comme d'ailleurs dans de nombreux pays et comme nous l'avons connu en France, une discussion entre l'Education nationale et le système privé. Le ministre de l'Education nationale souhaite que, dans l'enseignement privé, il puisse y avoir un certain nombre de règles. Il se trouve que, parmi les 110 ou 120 établissements privés qui demandaient un conventionnement, 42 écoles ne l'ont pas obtenu. Le français aujourd'hui n'est pas du tout ciblé, malgré ce qui a été dit.
Je m'en suis ouvert auprès du gouvernement algérien qui a immédiatement remis cette décision à la rentrée scolaire prochaine. De plus, si les écoles se mettent en conformité avec l'Education nationale, il n'y aura aucun problème. Vous savez, on parlait du président Bouteflika, il a fait beaucoup pour le français depuis son accession au pouvoir.
En Algérie, on parle bien sûr le Français et, surtout, la Francophonie dans le monde est en train de prendre des parts de marché. Cessons de croire que le français est en diminution, le français prend des parts de marché. Je vais d'ailleurs proposer très bientôt la création de plus de 10 lycées français dans le monde car les élites des différents pays du monde - je pars au Caire avec le président de la République - par exemple en Egypte, la plupart des ministres parlent le français. Ils sont à la fois francophiles et francophones. Il faut que cela continue, c'est de notre responsabilité, c'est le rayonnement de la France.
Q - Bien, parlons du Proche-Orient, la transition est toute trouvée.
Q - Concernant le Proche-Orient d'abord, est-ce la bonne solution de supprimer les aides à l'autorité palestinienne ? J'entends les ONG qui disent de faire attention à la population qui souffre, les enfants, les hôpitaux qui ne reçoivent plus d'aides. Je vous pose la question : est-ce la bonne solution ?
R - Il n'est absolument pas question, pour nous, et je l'ai dit à plusieurs reprises aux différents ministres des Affaires étrangères européens, de supprimer l'aide humanitaire dans les Territoires palestiniens. Ce serait une faute politique majeure, ce serait entraîner les Territoires palestiniens dans un chaos social, économique et, à terme, bien sûr, dans un chaos sécuritaire. Il n'est absolument pas question de cela. La question qui est posée et qui est importante est la suivante :
Nous avons des repères, c'est M. Mahmoud Abbas, le président de l'autorité palestinienne. Nous nous sommes tous battus, au sein de la communauté internationale, pour avoir enfin un président de l'autorité palestinienne comme seule possibilité pour demain. Nous voulons avoir un Etat, un Etat palestinien à côté de l'Etat israélien, d'égal à égal, vivant en sécurité et en paix. C'est notre avenir, et notre espoir est Mahmoud Abbas. Nous travaillons avec lui, nous continuons à lui donner de l'argent car nous souhaitons passer par l'autorité palestinienne. Ensuite, il y a eu des élections, des élections transparentes où l'on ne peut rien reprocher au peuple palestinien. Ils ont voté avec une participation importante, il n'y a eu aucune "magouille", aucune corruption et c'est le Hamas qui a gagné.
Alors, simplement, prenons l'exemple de l'attentat d'hier, cet attentat à Tel-Aviv, attentat horrible avec de la haine et d'horreur, un attentat tel qu'on n'en a pas vu depuis 2004 devant les civils ; immédiatement, Mahmoud Abbas a condamné cet acte.
Q - Mais le Hamas ne condamne pas.
R - En effet, non seulement cela mais il ne reconnaît ni l'Etat d'Israël ni les Accords d'Oslo.
Q - Il y a même un ministre du Hamas qui trouve ce type d'agissements logique.
R - Alors, oui, comprenez-nous, nous voulons donner de l'argent aux Territoires palestiniens, oui, nous voulons que les infirmières soient payées, nous voulons que les médecins hospitaliers soient payés, nous voulons que les instituteurs soient payés, nous voulons que les magistrats anti-corruption soient aussi payés.
Q - Oui, mais les 140.000 fonctionnaires de l'autorité palestinienne ne sont pas payés ou mal payés actuellement.
R - C'est ce que la France et l'Union européenne disent ; nous devons, d'un côté, pouvoir apporter l'aide humanitaire et payer les fonctionnaires, mais nous devons faire transiter cet argent par l'autorité palestinienne et Mahmoud Abbas et pas directement par un gouvernement qui a des ministres qui sont issus du Hamas, lui-même inscrit sur la liste des mouvements terroristes de l'Union européenne.
Q - Le Hamas doit-il reconnaître Israël ?
R - Evidemment, c'est ce que je viens de dire, le Hamas doit reconnaître Israël, il doit reconnaître qu'il faut cesser la violence et entrer dans le processus politique. Nous espérons que des hommes comme le président Moubarak pourront expliquer au Hamas l'importance d'entrer dans ce processus politique.
Ils doivent également reconnaître les accords passés entre Israël et l'OLP, ce que l'on appelle les Accords d'Oslo.
Là où il y a un dilemme, c'est que si nous n'aidons pas les Territoires palestiniens, d'autres comme les Iraniens les aideront et, de plus, pour éviter tout radicalisme de la part du gouvernement du Hamas, nous risquons d'entraîner chez le peuple palestinien du radicalisme également. C'est ce que nous ne voulons pas et c'est la raison pour laquelle il faut continuer à les aider.
Q - L'Iran essaie de mettre au point une arme nucléaire en secret. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le numéro trois du Département d'Etat. Confirmez-vous ? Avez-vous des informations qui vont dans ce sens ?
R - Pour nous, il n'y a qu'une seule possibilité, c'est écouter le Directeur général de l'AIEA, M. El Baradeï. Nous croyons au multilatéralisme et nous ne pensons pas que les Américains ou tel ou tel peut faire la loi. Nous pensons qu'il y a la communauté internationale, l'ONU et, à partir de cet organisme, nous pouvons parler.
M. El Baradeï nous indique qu'il y a des éléments nucléaires iraniens qui ne peuvent pas être expliqués aujourd'hui par un seul programme civil. Si ce n'est pas civil, si ce n'est pas pacifique, c'est donc qu'il y a autre chose.
Q - Peut-on imaginer, un jour, un engagement militaire de la France contre l'Iran ?
R - C'est quelque chose qui n'est absolument pas d'actualité aujourd'hui. Nous croyons vraiment et jusqu'au dernier moment à une solution négociée et diplomatique. Nous ferons tout pour cela.
Mais les Iraniens ont arrêté de manière unilatérale, ont tourné le dos de manière unilatérale, début août 2005, à tout ce que nous avions dit et à tout ce qu'ils avaient dit. C'est-à-dire que, de manière unilatérale, ils ont décidé de faire de la conversion d'uranium dans l'usine d'Ispahan et de l'enrichissement depuis un mois et demi.
Nous demandons, instamment, solennellement aux autorités iraniennes d'arrêter toutes activités d'enrichissement de l'uranium, y compris pour des raisons de recherche et de développement. Nous demandons aux Iraniens de revenir à la raison car c'est beaucoup trop dangereux pour la stabilité de la région et du monde.
Q - Avant d'écouter la réponse des auditeurs de RMC puisque c'est la question que vous posiez tout à l'heure, Monsieur le Ministre, si le gouvernement iranien reste sourd, s'il ne vous écoute pas, faut-il aller jusqu'à des sanctions et quelles seraient-elles ?
R - Le Conseil de sécurité des Nations unies, pour la première fois, a écouté le rapport de M. El Baradeï, c'est nous qui avons demandé cela. Nous avons fait une déclaration au Conseil de sécurité des Nations unies pour demander aux Iraniens de suspendre toute activité nucléaire sensible. Ils ont jusqu'au 28 avril, nous attendons cette date. Si, le 28 avril, ils n'ont pas décidé, alors il y aura une réunion du Conseil de sécurité pour regarder si nous allons plus loin ou pas.
Q - Mais, si l'Iran ne répond pas, irez-vous plus loin ?
R - Oui, il y aura alors une discussion avec l'ensemble du Conseil de sécurité des Nations unies pour savoir jusqu'où nous pouvons aller. Vous savez, l'action du Conseil de sécurité doit d'abord renforcer l'autorité de l'AIEA comme nous l'avons tous indiqué récemment. Mais ce n'est pas uniquement les Américains, ni les Français, ce sont aussi les Chinois et les Russes.
Q - Vous savez bien que les Chinois et les Russes ne veulent pas de sanctions contre l'Iran, notamment les Russes qui sont très proches de l'Iran ? M. Douste-Blazy, vous étiez à Moscou n'est-ce pas !
R - Oui, mais je ne crois pas qu'il faille dire cela. Vous mettez le doigt sur le seul sujet du problème iranien aujourd'hui. Soit la communauté internationale est unie, la Chine et la Russie avec nous, auquel cas les Iraniens peuvent avoir, à un moment donné, la question à se poser, "Pouvons-nous être isolés ou non ?" Et ils répondront qu'ils ne peuvent pas l'être. A mon avis, c'est la seule solution au conflit.
Si, à l'inverse, les Chinois et les Russes, la communauté internationale n'était pas unie, cela représenterait une facilité exemplaire pour les Iraniens pour continuer, car ils cherchent la division de la communauté internationale. Nous, la France, et l'Union européenne en particulier, cherchons à être totalement unis. Nous travaillons main dans la main avec les Britanniques...
Q - Quelles sont les sanctions possibles ?
R - Pour l'instant, nous n'en sommes pas là, nous attendons le 28 avril et tout l'art de la négociation et de la diplomatie est d'attendre. Nous avons fixé un jour précis, c'est le 28 avril, nous avons fait cela tous ensemble, les Chinois et les Russes compris. M. Lavrov, le ministre russe dont vous parlez vient de demander hier à l'Iran d'arrêter, de suspendre le plus vite possible, de faire une pause immédiate dans l'enrichissement de l'uranium.
Q - Le président iranien a envie de se rendre à la Coupe de monde de football pour assister au match Iran-Mexique le 11 juin. Doit-on l'accueillir en Allemagne, lui qui nie l'Holocauste ?
R - J'ai été le premier à condamner, comme ministre des Affaires étrangères, dans le monde, le premier à condamner M. Ahmadinejad lorsqu'il a dit qu'il fallait mettre une croix sur l'Etat d'Israël. Je trouve cela choquant, inacceptable et je crains que M. Ahmadinejad ne veuille aller plus loin en essayant de parler à tout le monde musulman.
Q - Mais doit-on l'accueillir en Allemagne ?
R - C'est aux Allemands à donner un visa ou pas. Je pense, pour avoir rencontré le président iranien à New York au mois de septembre dernier, qu'il doit revenir à la raison, qu'il doit arrêter avec ce type de formules et que, surtout, il doit comprendre que, s'il ne veut pas que son pays et surtout son peuple soit isolé, il doit arrêter l'inacceptable comme par exemple de dire qu'il y a un doute sur l'existence de l'Holocauste, je le lui demande.
Q - Concernant M. Kieffer, notre collègue, pourquoi la France ne fait-elle pas pression pour extrader Michel Legré, principal suspect de la disparition de notre confrère ?
R - D'abord, il faut savoir que cette disparition fait l'objet de deux instructions judiciaires, l'une en France et l'autre en Côte d'Ivoire.
Pour ce qui concerne la France, c'est un juge désigné, le juge Ramaël qui mène l'enquête et qui bénéficie du total soutien du ministère des Affaires étrangères. Nous nous sommes totalement mobilisés pour assister le juge à Paris comme à Abidjan. C'est mon ministère qui a transmis les différentes commissions rogatoires émises par le juge à destination des autorités ivoiriennes. C'est notre ambassade qui apporte tout son concours, chaque fois que le juge se rend en Côte d'Ivoire et demande son assistance.
Tous ces propos, je les ai tenus la semaine dernière aux parents de M. Kieffer ainsi qu'à sa fille Canelle.
Q - Vous lui avez même conseillé de prendre un détective privé, enfin, peut-être pas vous mais c'est ce que dit la famille.
R - Vous me voyez en train de demander un détective privé ?
Q - Ce n'est peut-être pas vous mais c'est ce que l'on a dit à la famille au ministère des Affaires étrangères.
R - Je ne sais pas qui a pu dire cela, c'est impossible. Le ministère des Affaires étrangères est un des ministères régaliens de la France, nous avons tous les moyens possibles pour aider cette famille, c'est ce que nous faisons. Je comprends la souffrance de la famille, mais je tiens aussi à dire que nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur cette disparition. Tous les dossiers de disparition de Français vivant à l'étranger font l'objet, de la part des autorités françaises, de la même attention. Je le dis ici, très franchement et très sincèrement, nous faisons tout pour élucider la disparition de M. Kieffer.
Q - Et rien de nouveau sur Ingrid Betancourt ?
R - Pour différentes raisons, vous comprendrez que je ne peux pas tout dire ici, mon seul but étant de faire en sorte qu'Ingrid Betancourt puisse revenir en France, elle et sa collaboratrice qui est en captivité avec elle.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2006
R - Oui, j'ai choisi l'Iran car c'est vraiment d'actualité et je voudrais simplement savoir si, d'après eux, pour éviter l'escalade, c'est le moment de négocier, de la diplomatie, ou s'ils estiment que c'est maintenant l'heure des sanctions ?
Je voudrais avoir leur avis car c'est un sujet majeur aujourd'hui au Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Je lisais ce matin dans Le Figaro que le PDG japonais de Toyo qui écrit et qui dit qu'il s'inquiète de l'impact de cette affaire sur l'image de la France. Je me demande si Jean Lassalle n'a pas utilisé cette affaire à des fins personnelles. L'image de la France est-elle ternie ?
R - Je peux d'autant mieux répondre à cette question que j'ai été élu des Hautes-Pyrénées et aujourd'hui l'élu d'une des plus grandes métropoles régionales européennes qui a le "vent en poupe", Toulouse.
On vient de recevoir à Toulouse Galileo, l'Airbus A380, un énorme cancéropôle... et donc tout va bien. Mais j'étais dans les Hautes-Pyrénées ; il faut savoir que la fermeture d'une petite unité de 20 salariés, c'est considéré comme une catastrophe et c'est une catastrophe. Il faut donc arrêter de toujours caricaturer. Les élus sont aussi là pour défendre leur territoire. Bien sûr, attention de ne pas tomber dans les caricatures, mais je crois qu'un monde où le matérialisme pur, où le capitalisme pur, où l'argent seul est là pour réguler le monde n'est pas un bon monde. Il faut donc faire attention, nous ne pourrons pas continuer d'avoir un monde où tous partiront dans les grandes villes car, en effet, il y a derrière tout cela, une perte de lien familial, une perte de liens tout simplement entre les femmes et les hommes, il y a une sorte d'abêtissement global, une difficulté et une dureté de vie alors que dans la vallée pyrénéenne de Jean Lassalle il fait peut-être mieux vivre.
Je comprends ce qu'il veut dire, j'ai envie de lui conseiller de tenter de revenir dans cette vallée et vous verrez, même avec quelques aides, c'est vrai, mais après tout, est-ce si scandaleux qu'un élu demande de l'aide pour que les femmes, les hommes et les enfants puissent rester vivre dans l'une des plus belles vallées du monde ? Est-ce vraiment anormal ? Je ne le pense pas.
Q - Mais l'image de la France n'est-elle pas ternie ?
R - Mais arrêtons le "déclinisme" français ! Durant ces derniers mois, la France vient d'obtenir ITER, la nouvelle énergie nucléaire, ce que tout le monde cherche. Après le nucléaire, après le pétrole, après le gaz, il y a cet énorme espoir, qu'à partir du soleil, nous parvenions à mettre en place une énergie propre. Où préparons-nous cette expérience ? En France. Galileo, cette possibilité d'être guidé au niveau des avions, des voitures au niveau de tout.
Q - C'est la concurrence du GPS.
R - En effet, le GPS américain. Est-il normal aujourd'hui que nos avions, nos bateaux, sur nos portables, nous soyons gérés par le GPS américain ? Je n'ai, bien sûr, rien contre les Américains mais quand même, si nous voulons une Union européenne politique, une Union européenne autonome, il faut bien que nous ayons un système qui nous soit propre.
Les exportations aujourd'hui sont en pleine explosion, la croissance est au rendez-vous à 2, voire 2,2 %, nous sommes en train de diminuer nos déficits publics, nous sommes à 2,8 %, nous étions à 3,5 %.
Ce pays se porte bien. Oui, il y a encore du chômage, oui il faut plus de flexibilité, et oui, le Premier ministre, M. de Villepin, n'a pas eu peur de le dire récemment pour les jeunes. Cela n'a pas marché, nous y reviendrons petit à petit, mais n'importe quel gouvernement qui viendra demain sera obligé d'aller vers plus de flexibilité dans le monde du travail. Cela veut dire plus de "boulot", plus de travail pour les jeunes et pour les seniors.
Arrêtons le "déclinisme". Ce pays n'est pas en déclin, au contraire, il est l'une des plus grandes puissances économiques du monde et croyez-moi, moi qui parcours aujourd'hui plus de 10 000 ou 15 000 kilomètres par semaine en raison de cette mission que le président de la République m'a confiée, je peux vous assurer qu'aujourd'hui la France est très respectée.
Q - Vous revenez d'Algérie, est-ce que la colonisation a réalisé un génocide de l'identité, de l'histoire, de la langue et des traditions algériennes ?
R - Je ne veux pas entrer dans une polémique avec le président Bouteflika qui m'a d'ailleurs chaleureusement reçu le 10 avril.
Q - Mais vous a-t-il vraiment dit cela ? Vous a-t-il réellement parlé de génocide ?
R - Non, il ne m'a absolument pas parlé de cela. Vous savez, je pense que nous avons un intérêt commun qui est de savoir que 70 à 75 % des Algériens aujourd'hui ont moins de 20 ans.
L'Algérie, c'est aujourd'hui l'une des plus grandes puissances économiques du monde parce qu'il y a du pétrole, de l'énergie et que la croissance dans ce pays est entre 5 et 6 %. Il y aura, dans les 4 à 5 prochaines années, 90 milliards de dollars à distribuer de la part des Algériens vers des entreprises internationales.
Q - Oui, mais alors, le gouvernement algérien ajoute que la France n'a pas le même poids que les Etats-Unis !
R - Pour s'apercevoir que la France n'a pas le même poids économique que les Etats-Unis, il suffit de prendre le PIB de la France et celui des Etats-Unis.
Q - Non, mais je parle du même poids en Algérie !
R - Justement, la question aujourd'hui, c'est important que nos auditeurs le comprennent, c'est que les Américains, les Canadiens, les Britanniques, les Espagnols regardent tous l'Algérie car elle est l'une de plus grandes puissances économiques. Nous devons tisser un partenariat d'exception, nous devons examiner ensemble notre histoire commune afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses.
Q - Alors, la colonisation a-t-elle réalisé un génocide de l'identité, de l'histoire, de la langue et des traditions algériennes, oui ou non ?
R - Vous savez comme moi que, dans toutes les affaires de colonisations, il y a eu deux moments : celui de la conquête qui est toujours un moment d'horreur. Quand vous tentez de conquérir une terre, quelle qu'elle soit et par qui que ce soit et où que ce soit, il y a toujours une guerre qui engendre des horreurs. Ensuite, une fois que vous êtes sur la terre, il y a des femmes et des hommes qui travaillent et qui vont instruire des enfants, des instituteurs. Il y a des instituteurs français qui ont fait leur travail, des architectes qui ont fait leur travail, des médecins qui ont soigné.
Q - Alors, le président Bouteflika a-t-il eu tort d'employer le mot "génocide", oui ou non ?
R - Je ne veux pas entrer dans une polémique.
Q - Mais vous ne répondez pas. Lorsque le président algérien parle de génocide, ce n'est pas un mot innocent, Monsieur Douste-Blazy, et la France ne répond pas au président algérien !
R - Je lui ai répondu au président algérien, mais 10 fois, 100 fois, lorsque je réponds que nous devons au contraire, plutôt que de polémiquer, plutôt que d'employer des mots comme ceux-là...
Q - Donc, il polémique alors !
R - Je viens de vous le dire trois fois, plutôt que de polémiquer, ce qui n'est jamais une bonne chose, je pense qu'il est important pour l'Algérie comme pour la France de regarder devant elle, de construire ensemble, parce que, par l'histoire et par la géographie, nous sommes liés à l'Algérie.
Je cherche, en effet, un partenariat d'exception avec l'Algérie et non, je ne veux pas polémiquer, c'est le passé. Je veux être un homme de l'avenir et la politique se construit sur l'avenir, sur la vision et pas sur la rancoeur.
Q - 130 000 visas sont octroyés par la France chaque année à des Algériens, les démarches, disent les Algériens, sont longues et coûteuses, une demande sur deux est satisfaite et, contrairement aux Marocains et aux Tunisiens, les Algériens sont soumis aux droits de consultation des partenaires européens de la France. Pourquoi y a-t-il une différence entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie ?
R - Ce n'est pas un droit de consultation, c'est une obligation.
Q - Alors, pourquoi cette mesure pour les Algériens uniquement ?
R - C'est une chose qui me paraît importante, en effet. Nous allons nous pencher sur cette question, j'en ai parlé à M. Bouteflika qui a, effectivement, soulevé le problème. Pour les Algériens nous sommes obligés de passer par une consultation de nos partenaires européens de l'espace Schengen alors que pour les Marocains et les Tunisiens, nous n'y sommes pas obligés. Je me suis engagé auprès des Algériens à poser la question et à en parler, à sensibiliser mes homologues européens. Il est en effet nécessaire que nous puissions considérer les Algériens de la même façon que les Tunisiens ou les Marocains.
Un mot sur le Maghreb : sur le plan géostratégique, sur le plan politique, c'est majeur d'avoir ces pays à côté de nous. D'abord, cela représente 110 millions de personnes qui parlent le français. Sur le plan géographique, ce sont des voisins et il y a toute une action à mener avec eux. Ils sont demandeurs de partenariat économique majeur, en particulier dans les domaines de la santé, de la biotechnologie, dans le domaine hospitalier mais aussi dans d'autres domaines comme la formation et l'enseignement supérieur. Pourquoi pas, demain par exemple, une université franco-algérienne ? Car si ce ne sont pas les Français qui la réalisent, ce seront les Américains qui le feront.
Q - Le président Bouteflika vous a-t-il parlé de son séjour à l'hôpital en France ? Tout s'est-il bien déroulé au Val de Grâce ? A vous, qui êtes médecin, s'est-il confié ?
R - Non, et je n'ai pas à vous donner le contenu de la discussion entre le président de la République d'Algérie et moi-même, mais ce que je peux vous dire c'est qu'en effet, le président Bouteflika a choisi la France, nous en sommes très heureux et, comme vous le savez, nous avons d'excellents médecins en France.
Q - Les écoles francophones privées seront fermées à la rentrée en Algérie, est-ce acceptable ?
R - C'est totalement faux.
Q - Ah, très bien, vous rétablissez une vérité alors !
R - C'est totalement faux. Ce qui se passe, c'est qu'il existe aujourd'hui en Algérie, comme d'ailleurs dans de nombreux pays et comme nous l'avons connu en France, une discussion entre l'Education nationale et le système privé. Le ministre de l'Education nationale souhaite que, dans l'enseignement privé, il puisse y avoir un certain nombre de règles. Il se trouve que, parmi les 110 ou 120 établissements privés qui demandaient un conventionnement, 42 écoles ne l'ont pas obtenu. Le français aujourd'hui n'est pas du tout ciblé, malgré ce qui a été dit.
Je m'en suis ouvert auprès du gouvernement algérien qui a immédiatement remis cette décision à la rentrée scolaire prochaine. De plus, si les écoles se mettent en conformité avec l'Education nationale, il n'y aura aucun problème. Vous savez, on parlait du président Bouteflika, il a fait beaucoup pour le français depuis son accession au pouvoir.
En Algérie, on parle bien sûr le Français et, surtout, la Francophonie dans le monde est en train de prendre des parts de marché. Cessons de croire que le français est en diminution, le français prend des parts de marché. Je vais d'ailleurs proposer très bientôt la création de plus de 10 lycées français dans le monde car les élites des différents pays du monde - je pars au Caire avec le président de la République - par exemple en Egypte, la plupart des ministres parlent le français. Ils sont à la fois francophiles et francophones. Il faut que cela continue, c'est de notre responsabilité, c'est le rayonnement de la France.
Q - Bien, parlons du Proche-Orient, la transition est toute trouvée.
Q - Concernant le Proche-Orient d'abord, est-ce la bonne solution de supprimer les aides à l'autorité palestinienne ? J'entends les ONG qui disent de faire attention à la population qui souffre, les enfants, les hôpitaux qui ne reçoivent plus d'aides. Je vous pose la question : est-ce la bonne solution ?
R - Il n'est absolument pas question, pour nous, et je l'ai dit à plusieurs reprises aux différents ministres des Affaires étrangères européens, de supprimer l'aide humanitaire dans les Territoires palestiniens. Ce serait une faute politique majeure, ce serait entraîner les Territoires palestiniens dans un chaos social, économique et, à terme, bien sûr, dans un chaos sécuritaire. Il n'est absolument pas question de cela. La question qui est posée et qui est importante est la suivante :
Nous avons des repères, c'est M. Mahmoud Abbas, le président de l'autorité palestinienne. Nous nous sommes tous battus, au sein de la communauté internationale, pour avoir enfin un président de l'autorité palestinienne comme seule possibilité pour demain. Nous voulons avoir un Etat, un Etat palestinien à côté de l'Etat israélien, d'égal à égal, vivant en sécurité et en paix. C'est notre avenir, et notre espoir est Mahmoud Abbas. Nous travaillons avec lui, nous continuons à lui donner de l'argent car nous souhaitons passer par l'autorité palestinienne. Ensuite, il y a eu des élections, des élections transparentes où l'on ne peut rien reprocher au peuple palestinien. Ils ont voté avec une participation importante, il n'y a eu aucune "magouille", aucune corruption et c'est le Hamas qui a gagné.
Alors, simplement, prenons l'exemple de l'attentat d'hier, cet attentat à Tel-Aviv, attentat horrible avec de la haine et d'horreur, un attentat tel qu'on n'en a pas vu depuis 2004 devant les civils ; immédiatement, Mahmoud Abbas a condamné cet acte.
Q - Mais le Hamas ne condamne pas.
R - En effet, non seulement cela mais il ne reconnaît ni l'Etat d'Israël ni les Accords d'Oslo.
Q - Il y a même un ministre du Hamas qui trouve ce type d'agissements logique.
R - Alors, oui, comprenez-nous, nous voulons donner de l'argent aux Territoires palestiniens, oui, nous voulons que les infirmières soient payées, nous voulons que les médecins hospitaliers soient payés, nous voulons que les instituteurs soient payés, nous voulons que les magistrats anti-corruption soient aussi payés.
Q - Oui, mais les 140.000 fonctionnaires de l'autorité palestinienne ne sont pas payés ou mal payés actuellement.
R - C'est ce que la France et l'Union européenne disent ; nous devons, d'un côté, pouvoir apporter l'aide humanitaire et payer les fonctionnaires, mais nous devons faire transiter cet argent par l'autorité palestinienne et Mahmoud Abbas et pas directement par un gouvernement qui a des ministres qui sont issus du Hamas, lui-même inscrit sur la liste des mouvements terroristes de l'Union européenne.
Q - Le Hamas doit-il reconnaître Israël ?
R - Evidemment, c'est ce que je viens de dire, le Hamas doit reconnaître Israël, il doit reconnaître qu'il faut cesser la violence et entrer dans le processus politique. Nous espérons que des hommes comme le président Moubarak pourront expliquer au Hamas l'importance d'entrer dans ce processus politique.
Ils doivent également reconnaître les accords passés entre Israël et l'OLP, ce que l'on appelle les Accords d'Oslo.
Là où il y a un dilemme, c'est que si nous n'aidons pas les Territoires palestiniens, d'autres comme les Iraniens les aideront et, de plus, pour éviter tout radicalisme de la part du gouvernement du Hamas, nous risquons d'entraîner chez le peuple palestinien du radicalisme également. C'est ce que nous ne voulons pas et c'est la raison pour laquelle il faut continuer à les aider.
Q - L'Iran essaie de mettre au point une arme nucléaire en secret. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le numéro trois du Département d'Etat. Confirmez-vous ? Avez-vous des informations qui vont dans ce sens ?
R - Pour nous, il n'y a qu'une seule possibilité, c'est écouter le Directeur général de l'AIEA, M. El Baradeï. Nous croyons au multilatéralisme et nous ne pensons pas que les Américains ou tel ou tel peut faire la loi. Nous pensons qu'il y a la communauté internationale, l'ONU et, à partir de cet organisme, nous pouvons parler.
M. El Baradeï nous indique qu'il y a des éléments nucléaires iraniens qui ne peuvent pas être expliqués aujourd'hui par un seul programme civil. Si ce n'est pas civil, si ce n'est pas pacifique, c'est donc qu'il y a autre chose.
Q - Peut-on imaginer, un jour, un engagement militaire de la France contre l'Iran ?
R - C'est quelque chose qui n'est absolument pas d'actualité aujourd'hui. Nous croyons vraiment et jusqu'au dernier moment à une solution négociée et diplomatique. Nous ferons tout pour cela.
Mais les Iraniens ont arrêté de manière unilatérale, ont tourné le dos de manière unilatérale, début août 2005, à tout ce que nous avions dit et à tout ce qu'ils avaient dit. C'est-à-dire que, de manière unilatérale, ils ont décidé de faire de la conversion d'uranium dans l'usine d'Ispahan et de l'enrichissement depuis un mois et demi.
Nous demandons, instamment, solennellement aux autorités iraniennes d'arrêter toutes activités d'enrichissement de l'uranium, y compris pour des raisons de recherche et de développement. Nous demandons aux Iraniens de revenir à la raison car c'est beaucoup trop dangereux pour la stabilité de la région et du monde.
Q - Avant d'écouter la réponse des auditeurs de RMC puisque c'est la question que vous posiez tout à l'heure, Monsieur le Ministre, si le gouvernement iranien reste sourd, s'il ne vous écoute pas, faut-il aller jusqu'à des sanctions et quelles seraient-elles ?
R - Le Conseil de sécurité des Nations unies, pour la première fois, a écouté le rapport de M. El Baradeï, c'est nous qui avons demandé cela. Nous avons fait une déclaration au Conseil de sécurité des Nations unies pour demander aux Iraniens de suspendre toute activité nucléaire sensible. Ils ont jusqu'au 28 avril, nous attendons cette date. Si, le 28 avril, ils n'ont pas décidé, alors il y aura une réunion du Conseil de sécurité pour regarder si nous allons plus loin ou pas.
Q - Mais, si l'Iran ne répond pas, irez-vous plus loin ?
R - Oui, il y aura alors une discussion avec l'ensemble du Conseil de sécurité des Nations unies pour savoir jusqu'où nous pouvons aller. Vous savez, l'action du Conseil de sécurité doit d'abord renforcer l'autorité de l'AIEA comme nous l'avons tous indiqué récemment. Mais ce n'est pas uniquement les Américains, ni les Français, ce sont aussi les Chinois et les Russes.
Q - Vous savez bien que les Chinois et les Russes ne veulent pas de sanctions contre l'Iran, notamment les Russes qui sont très proches de l'Iran ? M. Douste-Blazy, vous étiez à Moscou n'est-ce pas !
R - Oui, mais je ne crois pas qu'il faille dire cela. Vous mettez le doigt sur le seul sujet du problème iranien aujourd'hui. Soit la communauté internationale est unie, la Chine et la Russie avec nous, auquel cas les Iraniens peuvent avoir, à un moment donné, la question à se poser, "Pouvons-nous être isolés ou non ?" Et ils répondront qu'ils ne peuvent pas l'être. A mon avis, c'est la seule solution au conflit.
Si, à l'inverse, les Chinois et les Russes, la communauté internationale n'était pas unie, cela représenterait une facilité exemplaire pour les Iraniens pour continuer, car ils cherchent la division de la communauté internationale. Nous, la France, et l'Union européenne en particulier, cherchons à être totalement unis. Nous travaillons main dans la main avec les Britanniques...
Q - Quelles sont les sanctions possibles ?
R - Pour l'instant, nous n'en sommes pas là, nous attendons le 28 avril et tout l'art de la négociation et de la diplomatie est d'attendre. Nous avons fixé un jour précis, c'est le 28 avril, nous avons fait cela tous ensemble, les Chinois et les Russes compris. M. Lavrov, le ministre russe dont vous parlez vient de demander hier à l'Iran d'arrêter, de suspendre le plus vite possible, de faire une pause immédiate dans l'enrichissement de l'uranium.
Q - Le président iranien a envie de se rendre à la Coupe de monde de football pour assister au match Iran-Mexique le 11 juin. Doit-on l'accueillir en Allemagne, lui qui nie l'Holocauste ?
R - J'ai été le premier à condamner, comme ministre des Affaires étrangères, dans le monde, le premier à condamner M. Ahmadinejad lorsqu'il a dit qu'il fallait mettre une croix sur l'Etat d'Israël. Je trouve cela choquant, inacceptable et je crains que M. Ahmadinejad ne veuille aller plus loin en essayant de parler à tout le monde musulman.
Q - Mais doit-on l'accueillir en Allemagne ?
R - C'est aux Allemands à donner un visa ou pas. Je pense, pour avoir rencontré le président iranien à New York au mois de septembre dernier, qu'il doit revenir à la raison, qu'il doit arrêter avec ce type de formules et que, surtout, il doit comprendre que, s'il ne veut pas que son pays et surtout son peuple soit isolé, il doit arrêter l'inacceptable comme par exemple de dire qu'il y a un doute sur l'existence de l'Holocauste, je le lui demande.
Q - Concernant M. Kieffer, notre collègue, pourquoi la France ne fait-elle pas pression pour extrader Michel Legré, principal suspect de la disparition de notre confrère ?
R - D'abord, il faut savoir que cette disparition fait l'objet de deux instructions judiciaires, l'une en France et l'autre en Côte d'Ivoire.
Pour ce qui concerne la France, c'est un juge désigné, le juge Ramaël qui mène l'enquête et qui bénéficie du total soutien du ministère des Affaires étrangères. Nous nous sommes totalement mobilisés pour assister le juge à Paris comme à Abidjan. C'est mon ministère qui a transmis les différentes commissions rogatoires émises par le juge à destination des autorités ivoiriennes. C'est notre ambassade qui apporte tout son concours, chaque fois que le juge se rend en Côte d'Ivoire et demande son assistance.
Tous ces propos, je les ai tenus la semaine dernière aux parents de M. Kieffer ainsi qu'à sa fille Canelle.
Q - Vous lui avez même conseillé de prendre un détective privé, enfin, peut-être pas vous mais c'est ce que dit la famille.
R - Vous me voyez en train de demander un détective privé ?
Q - Ce n'est peut-être pas vous mais c'est ce que l'on a dit à la famille au ministère des Affaires étrangères.
R - Je ne sais pas qui a pu dire cela, c'est impossible. Le ministère des Affaires étrangères est un des ministères régaliens de la France, nous avons tous les moyens possibles pour aider cette famille, c'est ce que nous faisons. Je comprends la souffrance de la famille, mais je tiens aussi à dire que nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur cette disparition. Tous les dossiers de disparition de Français vivant à l'étranger font l'objet, de la part des autorités françaises, de la même attention. Je le dis ici, très franchement et très sincèrement, nous faisons tout pour élucider la disparition de M. Kieffer.
Q - Et rien de nouveau sur Ingrid Betancourt ?
R - Pour différentes raisons, vous comprendrez que je ne peux pas tout dire ici, mon seul but étant de faire en sorte qu'Ingrid Betancourt puisse revenir en France, elle et sa collaboratrice qui est en captivité avec elle.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2006