Texte intégral
Monsieur le Président,
Cher Ivan de la Maisonneuve,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être avec vous à Issy Les Moulineaux, dans cette ville dont le maire est un grand entrepreneur, et un grand humoriste, André Santini. Et je suis heureux de participer à vos travaux, hélas trop brièvement. Je vous prie de m'en excuser : entre les questions d'actualité à l'assemblée nationale qui se sont terminées à 16 h et un discours que je dois prononcer devant la FNSEA à 19h, c'est un peu compliqué.
Mais dans ce laps de temps, je voudrais quand même essayer de répondre aux questions que le président De la Maisonneuve vient de poser.
Je suis d'autant plus heureux d'être avec vous que, là où je suis élu dans mon département de la Charente-Maritime où j'étais encore il y a quelques jours, au lycée Saint-Antoine que j'apprécie particulièrement, où j'ai pu voir, comme dans d'autres établissements de ma région, le dynamisme de l'enseignement agricole privé dans notre pays.
Je voudrais répondre avec franchise à Ivan de la Maisonneuve. Je crois que nous ne pouvons progresser ensemble que si nous le faisons dans un état d'esprit constructif, et aussi parce que votre Conseil National et le ministère de l'agriculture, malgré quelques pauses, partagent une longue et riche histoire de concertation, pour le plus grand profit de notre enseignement agricole.
Je voudrais vous dire, et ce n'est pas une clause de style car je le vis et je l'ai toujours vécu en tant qu'élu local, que je connais, j'apprécie et je soutien la place de l'enseignement agricole privé dans notre système d'enseignement agricole. C'est le pluralisme qui fait sa richesse et j'étais heureux d'entendre par la voix d'Hervé Lejeune, le message du Président de la République qui soulignait les qualités de votre action et l'excellence de vos formations.
Pourquoi votre enseignement est performant et innovant au moment où le pays est agité par un débat sur la formation ?
D'abord parce que ses établissements sont intégrés, sont sur le terrain, et sont en prise avec les territoires ruraux dont sont issus les élèves, et aussi parce qu'ils sont dans un enseignement concret et qui ne s'embarrasse pas de certaines trop grandes subtilités qui parfois peuvent mener à l'échec scolaire, les jeunes gens trouvent sans peine à la sortie d'un enseignement privé un métier parce qu'ils ont été bien formé.
Les priorités affirmées par les lois sur l'école, et Dieu sait si elles ont été nombreuses, par la loi sur la cohésion sociale sont déjà, et depuis longtemps, des réalités dans l'enseignement agricole : les internats, que l'on a trop souvent fait disparaître ailleurs, le suivi personnalisé des élèves, l'apprentissage, l'alternance qui est la grande force de l'enseignement agricole, et puis, au moment où parfois les valeurs s'émoussent, une véritable éducation à la citoyenneté et l'apprentissage de vraies valeurs...
C'est donc un enseignement du vivant, qui forme des jeunes à préparer l'avenir de notre société et pas simplement aux métiers classiques de la ruralité, mais aussi à tous les nouveaux métiers qui apparaissent: la sécurité sanitaire - on le voit bien en ce moment difficile de grippe aviaire dans le monde - le respect de l'environnement, le développement du territoire, la présence rurale, les nouveaux services aux personnes - je pense en particulier aux personnes âgées - et naturellement, et c'est le thème du congrès de Metz où je me rends, les nouveaux usages de la production agricole à un moment où dans notre pays les biocarburants vont prendre une place de plus en plus importante dans le carburant de nos véhicules automobiles, ...
C'est vrai, le président De la Maisonneuve l'a dit sans détour, c'est une année difficile parce que de transition que cette année 2006, avec deux réformes administratives qui ont des conséquences sur le terrain : la déconcentration et la LOLF (nom barbare qui veut dire la loi organique relative aux lois de finances, disons la nouvelle constitution financière de l'Etat que je connais bien puisque j'ai eu à préparer sa mise en oeuvre lorsque j'exerçais des responsabilités à la tête du ministère du budget).
La déconcentration a été décidée en 2005, se met en place progressivement. C'est une réforme à laquelle je crois non par souci de vouloir faire une nouvelle réforme mais parce que je crois toujours que dans notre pays, à chaque fois qu'on rapproche la décision du terrain on agit toujours mieux.
Je souhaite que les Directeurs Régionaux de l'Agriculture soient aux côtés du Recteur un partenaire reconnu des collectivités régionales et que leurs rôles soient donc renforcés.
Alors, c'est une première année. Naturellement, dans une première année, il y a des choses qui peuvent aller et ne pas aller. Elle devra donc nous servir de repère, plutôt que de référence. Nous devrons, cher Président, faire ensemble collectivement avec votre secrétaire général et l'ensemble de vos équipes, un bilan pour voir ce qui a bien fonctionné et ce qui doit être amélioré. Naturellement nous travaillerons avec vous de manière très privilégiée dans ce sens et nous ferons des propositions d'évolution avant l'été.
Ceci étant, la déconcentration ne signifie pas que l'Etat ne doit pas prendre ses responsabilités, c'est tout l'honneur du politique. Et donc, il y aura toujours un pilotage national de la politique en matière d'éducation sur le terrain. Je souhaite que dans ce cadre national, nous précisions également des projets régionaux. Ceux-ci permettront que s'articulent des projets d'établissement dont nous devrons ensemble bâtir la relance.
Il faut aussi naturellement conforter l'initiative locale. Je suis un élu de terrain et je sais que les initiatives locales souvent enrichissent les politiques. On peut monter des coopérations entre les régions, des partenariats entre établissements (ça existe déjà très souvent), on peut monter dans le cadre des pôles de compétitivités ou des pôles d'excellence rurale des cohérences entre l'enseignement et le développement d'un territoire (quel meilleur outils quand on créé à l'échelon local un pôle d'excellence rural que de le faire autours d'un établissement de l'enseignement agricole) : autant de thèmes de travail que je vous propose de développer ensemble.
Il faut aussi que nous regardions, cher Président, les CREA (les Comités Régionaux de l'Enseignement Agricole) pour ensemble améliorer leur rôle et leur fonctionnement et peut-être, avec vous, réfléchir à une modification de leur composition.
Vous souhaitez en réalité, si j'ai bien compris le sens de votre message, et Dieu sait qu'il était clair, un vrai pilotage national et une adaptation en finesse en région. Je pense que nous pouvons nous entendre sur ce projet.
La LOLF, la loi organique : c'est un peu essayer de ce dire à un euro payé par le contribuable voilà à quelle politique cela correspond. C'est quelque chose qui vise à donner plus de cohérence aux engagements financiers de l'Etat. Naturellement, c'est la première année, après 50 ans d'un système budgétaire différent, et dans ces cas là c'est toujours un peu compliqué.
Ce sont de nouvelles procédures de gestion et il faut que nous élaborions ensemble pour vous une formation adaptée. Les fonctionnaires ont parfois du mal à s'y mettre, il faut que ceux qui travaillent avec eux, naturellement, aient la formation ad-hoc, si j'ose dire après avoir parlé de Tintin, pour ce sujet.
Je voudrais dire que les Parlementaires, je salue d'ailleurs le sénateur Jean-Claude Carle que je vois au premier rang. Il est un de ceux, au Sénat, qui s'est battu à l'occasion du débat budgétaire en décembre dernier pour voler un peu de sous à mon collègue de l'Education Nationale et allouer des ressources supplémentaires à l'enseignement agricole. Je le remercie de cette action que Gilles de Robien a naturellement accepté.
C'est vrai que j'entends vos inquiétudes. J'ai été ministre du budget, je sais ce que c'est que gérer les finances d'un pays qui a une dette incommensurable. Mais il faut que chacun, le Ministère de l'Agriculture en tête, participe à l'effort budgétaire de la Nation. Ceci étant, il faut garantir bien sûr, les actions de l'enseignement agricole, même si nous avons dû vous résoudre, vous avez parlé de « votre corps défendant », à réduire un certain nombre d'emplois.
Je voudrais néanmoins souligner que les propositions de répartition entre les différentes régions ont été élaborées avec le concours réel et coopératif de votre fédération. Nous allons étudier ensemble au cas par cas les conséquences des choix que nous avons partagés, et je suis d'accord, naturellement, pour rechercher toutes les souplesses nécessaires.
Il faut aussi que nous reclassions, en liaison avec les rectorats, les agents concernés.
Il faut aussi que nous revalorisions la situation de certains enseignants, souvent sur le terrain, j'ai entendu parlé, avant même d'être ici, de ceux de 3ème catégorie. Nous avons entamé une tranche de requalification dès 2006, pour 200 d'entre eux. Une seconde vague sera promue en 2007. C'est un pas significatif dans un contexte budgétaire difficile et une première réponse aux aspirations légitimes de ces personnels.
Par ailleurs, notre pays a fourni un effort conséquent conformément au protocole d'accord conclu par mon prédécesseur, Hervé Gaymard : en cinq ans, les subventions versées à vos établissements ont progressé néanmoins de près de 16%, et la masse salariale des enseignants de plus de 10%.
C'est vrai que même si beaucoup a été accompli, beaucoup reste à faire. Et je souhaite que les choses ne se fassent pas en accordéon et que l'engagement de l'Etat au profit de l'enseignement agricole et de vos établissements se manifeste avec constance. Et donc je veillerai, en particulier, à la disponibilité effective, cher Président, de tous les crédits votés par le Parlement pour financer l'enseignement.
Comme je connais un peu le ministère du budget, je connais aussi ses techniques. Donc j'essaierais de les utiliser dans le bon sens.
La formation des enseignants, c'est aussi une vraie difficulté, puisque cette régulation budgétaire, ce gel budgétaire, qui consiste à ce que le parlement vote de l'argent mais qu'il est régulé et donc n'est pas donné ensuite aux ministères dans leur totalité, a conduit à diminuer l'enveloppe allouée à votre institut de formation. Je sais l'importance que vous y attachez. Vous avez saisi à ce titre la commission de conciliation, que préside Bernard de Froment. Je pense que cette instance saura nous proposer une médiation pertinente. Je compte de toute manière dans le budget 2007 proposer une remise à niveau de cette dépense, car je pense que pour la formation, la formation des personnels est naturellement une priorité à réaffirmer.
Alors, il y a l'affaire de l'exonération des charges patronales dans les ZRR (Zones de revitalisation rurale). C'est vrai que si on regarde le texte à la lettre, il peut y avoir capacité à délivrer aux donateurs un reçu permettant la réduction de l'impôt sur le revenu et déterminant ou non des exonérations de cotisations sociales.
Il faut que je voie mon collègue du budget pour que je puisse avec lui voir de quelle manière nous pouvons faire une circulaire pour préciser les conditions d'application de cette mesure.
Alors le budget 2007 : il ne sera pas facile lui non plus, il ne faut pas se leurrer, parce que la dette est forte mais la croissance repart dans notre pays donc nous pouvons peut-être préparer des réaffirmations de nos efforts et réaffirmer la priorité de l'enseignement.
Je défendrai, dès la semaine prochaine car les réunions préparatoires commencent, la remise à niveau des moyens tels qu'ils sont issus du vote du Parlement.
Je veillerai à ce que le projet de budget puisse permettre d'honorer les engagements de l'Etat en matière de subventions de fonctionnement à vos établissements. L'effort fait au titre de la loi de finances pour 2006 doit permettre de résorber partiellement l'en-cours qui est dû.
A ce sujet, des instructions sont données aux autorités académiques, pour mettre en paiement le solde de la subvention 2005, un premier acompte de la subvention 2006 et 80% de la subvention 2006 sera mise en paiement d'ici juin. Il en ira de même pour les bourses.
Il y a naturellement le schéma national des formations. Il faut qu'il y ait une vision. Avec Gilles de ROBIEN nous avons demandé à un journaliste qui connaît bien ces problèmes de l'éducation et des territoires ruraux, François GROSRICHARD, de nous faire des propositions. Naturellement, nous travaillerons ensemble, cher Président, sur les conclusions de François GROSRICHARD pour actualiser le 4ème schéma prévisionnel des formations.
Il faut également que nous adaptions notre enseignement à certaines évolutions, l'inscrire dans l'architecture européenne, avec ses trois niveaux « Licence Master Doctorat » et valoriser la Validation des Acquis de l'Expérience.
Je voudrais publier prochainement un texte consacrant le fait que le BTS Agricole correspond à 120 crédits européens. Nous allons mettre en place deux groupes de travail, l'un sur les outils (semestrialisation - crédits), l'autre sur les parcours.
Quant au développement des Licences Professionnelles, la dernière campagne de validation est en cours. Nous allons faire un bilan et ensuite actualiser notre stratégie.
En ce qui concerne également la lisibilité professionnelle de nos diplômes, une réflexion est lancée sur leur simplification. C'est un chantier prioritaire déjà ouvert dans le domaine agroalimentaire.
Quant à la Valorisation des Acquis de l'Expérience, sa mise en oeuvre a fait l'objet d'un bilan et nous devrons naturellement en tenir compte.
Monsieur le Président,
Puisque vous avez été bref, je suis obligé de l'être également. Nous avons beaucoup de sujets à explorer ensemble, j'en suis bien conscient, donc c'est bien naturellement que j'accepte le principe dans les jours à venir d'une réunion de travail avec l'ensemble de nos collaborateurs. Ce sera aussi le moment de nous débriefer en quelque sorte de votre congrès de voir tous les aspects qui ont été évoqués au cours de vos travaux et de voir comment nous pouvons les traiter ensemble de manière approfondie.
Je voudrais vous dire que j'ai pleinement conscience que l'on vous a demandé des efforts, des efforts d'adaptation, des efforts de rigueur. Et je sais que ça n'est jamais facile, surtout que pour l'enseignement on a toujours envie d'en faire plus. Et donc je voudrais vraiment vous remercier pour votre rigueur, votre engagement citoyen et la qualité de notre dialogue. En regard, vous trouverez naturellement un soutien entier de ma part et de mes collaborateurs à votre action.
Je crois que dans ce pays qui se cherche un peu en matière d'enseignement, qui s'interroge sur l'avenir de ses jeunes, l'enseignement agricole est l'exemple de ce qui marche par la performance, par la qualité, par le caractère pratique. Souvent, quand on observait la crise des banlieues, on se disait que si l'on avait dans certaines de ses zones difficiles des établissements qui ont cette qualité, ce rapport au terrain, cette discipline également, il faut bien le dire, les choses seraient peut-être différentes, je le crois profondément. Et je crois que c'est une priorité pour nous, en tant que République, en tant qu'Etat républicain, mais aussi pour nos territoires, chaque établissement c'est un territoire autours, c'est des emplois, c'est de la vie. Je le vis chez moi, et vous le vivez les unes et les autres dans votre région. Je veux donc vous dire mon soutien, ma compréhension de vos difficultés et mon souhait de vous aider à les résoudre collectivement.
Source http://cneap.scolanet.org, le 13 avril 2006